AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 19/05065 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MPW2
Société POUR LA PROMOTION DES EMPLOIS FAMILIAUX (SPEF)
C/
[Y]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LYON
du 25 Juin 2019
RG : 17/00344
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 17 JUIN 2022
APPELANTE :
Société POUR LA PROMOTION DES EMPLOIS FAMILIAUX (SPEF)
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Florian DA SILVA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de LYON
Ayant pour avocat plaidant Me Julien DEMAEL, avocat au barreau de MULHOUSE substitué par Me Raphaëlle JONERY, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[B] [Y]
né le 26 Juillet 1991 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Sylvain DUBRAY, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Avril 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Patricia GONZALEZ, Présidente
Sophie NOIR, Conseiller
Catherine CHANEZ, Conseiller
Assistées pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 17 Juin 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente, et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
La société pour la Promotion des Emplois Familiaux (SPEF) exerce une activité de services à la personne.
M. [Y] a été embauché par la société SPEF, le 12 décembre 2011 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à hauteur de 108,33 heures par mois, en qualité de technicien dépanneur informatique à domicile.
M. [Y] a été embauché par la société Lyonnaise de Dépannage à Domicile dans le contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à hauteur de 21h67 par mois, en qualité de technicien dépanneur informatique à domicile.
Par courrier du 24 mai 2016, la société SPEF a notifié à M. [Y] un avertissement en raison de son comportement inapproprié lors de la présentation de l’offre MVAD Sécurité consistant à refuser, en présence du client, de vendre cette prestation car le montant de la prime en cas de vente ne lui convenait pas.
Par courrier du 12 décembre 2016, M. [Y] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur dans les termes suivants :
‘Nous avons signés le 12 décembre 2011, deux CDI pour les société SOS dépannage et SPEF (5 et 30 heures par semaine) que je considère rompus pour faute.
En effet, en dépit d’une conjoncture économique défavorable, vous avez recruté deux techniciens sur des secteurs qui jusqu’à présent m’étaient attribués contractuellement, avec mon collègue M. [H]:
1- M. [F] sur le secteur de l’Ain (01), embauché au mois de mars 2016 et dont une partie de l’équipe a fait sa connaissance le 19 mai 2016 lors d’une réunion,
2- M. [K] sur le secteur du Rhône (69), embauché au mois de novembre 2016 et que nous ne connaissons pas toujours pas.
Ces recrutements ont diminué ma durée de travail et ma rémunération, qui ont chuté. Ainsi, au mois de novembre je n’ai travaillé qu’à peine plus de 100 heures pour les deux CDI et ma rémunération nette cumulée pour les deux CDI est égale à 1480,97 euros soit une baisse de 800 euros environ.
Chose encore plus grave; il apparaît que vous favorisez les salariés nouvellement recrutés qui se voient attribuer plus d’intervention que moi, ce qui caractérise votre déloyauté.
Je vous ai écrit le 21 novembre 2016, afin de vous faire part de mon inquiétude et vous demander un rendez-vous afin de clarifier ma situation contractuelle et vous n’avez jamais répondu à ce courrier.
Pour l’ensemble de ces motifs non exhaustifs, je considère que les deux contrats de travail du 12 décembre 2011 sont rompus en raison de la gravité de vos manquements.’
Par requête reçue au greffe le 8 février 2017, M. [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon aux fins de voir reconnaître la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail et obtenir le paiement de diverses sommes à caractère indemnitaire et salarial.
Par jugement rendu le 25 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Lyon en sa formation de départage a :
-dit que c’est à bon droit que la SPEF a fait application à compter du 1er novembre 2014, de la convention collective nationale des entreprises de services à la personne,
En conséquence,
-débouté M. [Y] de sa demande de rappel de prime d’ancienneté au regard des dispositions de la convention nationale de l’électronique, audiovisuel et équipement ménager,
-prononcé la requalification du contrat de travail à temps partiel conclu entre M. [Y] et la société SPEF en contrat de travail à temps plein,
-condamné en conséquence, la société SPEF à verser à M. [Y], avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2017, la somme de 18.700,13 euros à titre de rappel de salaire, outre la somme de 1.870,01 euros au titre des congés payés afférents,
-annulé l’avertissement du 24 mai 2016,
-débouté M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
-rejeté la demande de requalification de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail formulée par M. [Y],
-débouté en conséquence, M. [Y] de toutes ses demandes financières afférentes,
-condamné M. [Y] à verser à la société SPEF la somme de 2.675,40 euros au titre du préavis de deux mois non effectué,
-débouté M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
-fixé le salaire mensuel moyen brut de M. [Y] sur la base d’un temps plein, à la somme de 3.966,17 euros,
-condamné la société SPEF à payer à M. [Y] la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouté la société SPEF de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-ordonné à la société SPEF de transmettre à M. [Y] dans le délai d’un mois suivant la notification de la présente décision un certificat de travail, et une attestation Pôle emploi conformes, ainsi qu’un bulletin de salaire récapitulatif sans que l’astreinte soit nécessaire,
-ordonné l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile,
-débouté les parties du surplus de leurs demandes,
-condamné la société SPEF aux dépens de la présente instance,
-rappelé qu’en application de l’article R 1461-l du code du travail, la présente décision est susceptible d’appel dans un délai d’un mois à compter de sa notification.
Par déclaration en date du 17 juillet 2019, la société SPEF a interjeté appel de ce jugement.
* * *
Aux termes de ses conclusions en date du 6 mars 2020, la société SPEF demande à la cour de :
-déclarer son appel recevable et bien fondé,
-confirmer le jugement du 25 juin 2019 en ce qu’il a :
-appliqué la convention collective nationale des entreprises de services à la personne,
-dit et jugé que la prise d’acte de la rupture doit s’analyser en une démission,
-débouté M. [Y] de toutes ses demandes ayant trait à la rupture de son contrat,
-le condamné à verser 2.675,40 euros correspondant au préavis qu’il n’a pas effectué,
-le débouté de sa demande relative au paiement de la prime d’ancienneté,
-le débouté de sa demande relative de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
-infirmer le jugement du 25 juin 2019 en ce qu’il requalifie le contrat en contrat de travail à temps plein,
-débouter M. [Y] de sa demande relative à la requalification de son contrat de travail à temps partiel en temps plein,
En tout état de cause
-condamner M. [Y] à lui verser une indemnité de 2.000 euros au titre de l’article 700 du CPC,
-le condamner aux entiers dépens.
* * *
Aux termes de ses conclusions en date du 7 février 2022, M. [B] [Y] demande à la cour de :
-confirmer le jugement du 25 juin 2019, en ce qu’il a :
-prononcé la requalification du contrat de travail à temps partiel du 12 décembre 2011 en un contrat de travail à temps complet,
-fixé en conséquence sa rémunération mensuelle brute à la somme de 3.966,17 euros,
-condamné la société SPEF à lui payer la somme de 18.700,13 euros à titre de rappel de salaire sur la période du 1er mars 2014 au 30 novembre 2016, outre la somme de 1.870,01 euros au titre de l’indemnité de congés payés y afférentes,
-annulé l’avertissement du 24 mai 2016,
L’infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau :
-condamner la société SPEF à lui payer les sommes de :
-3.000 euros de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice subi suite à l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur,
-2.258,67 euros bruts à titre de rappel de salaire sur le mois de novembre 2016, outre la somme de 225,86 euros au titre des congés payés y afférents,
-dire et juger que la prise d’acte du contrat de travail aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement abusif à la date du 16 décembre 2016,
-condamner la société SPEF à lui payer les sommes de :
-3.966,17 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
-7.932,34 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 793,23 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférente,
-35.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement abusif,
-23.797,02 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
-condamner la société SPEF à lui remettre l’attestation Pôle emploi, le certificat de travail et ses bulletins de paie rectifiés conformément à la décision à intervenir et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard sur une durée de trois mois, à compter du 15ème jour suivant la notification
de la décision à intervenir,
-dire que le montant des condamnations produira intérêt au taux légal à compter du 8 février 2017,
-condamner la société SPEF à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
-la condamner aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 mars 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
De manière liminaire, il ne résulte pas du dispositif des conclusions de l’intimé que ce dernier remette en cause l’application de la convention collective nationale des entreprises de service à la personne même s’il vise le convention nationale des commerces et services de l’audiovisuel du 26 novembre 1992 en entête de ce dispositif. Il ne sollicite plus de rappel de primes d’ancienneté en application de cette convention de sorte que la cour n’a pas à statuer sur ce point.
Par ailleurs, la cour relève que la société a formulé dans le corps de ses conclusions une demande de jonction avec la procédure concernant l’autre société, mais qui n’est pas reprise dans le dispositif et qui est en tout état de cause tardive.
Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet
La cour souligne en premier lieu que M. [Y] se prévaut dans ses conclusions de la requalification des deux contrats de travail mais en l’absence de la société SLDD à la cause, il ne peut être répondu que sur la requalification du seul contrat liant les parties à la présente cause.
Il résulte de l’article L.3123-14 du code du travail dans sa version applicable au jour de la signature du contrat que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit et qu’il doit mentionner :
‘1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application de l’article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.
L’avenant au contrat de travail prévu à l’article L. 3123-25 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d’heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat.’
Lorsque le salarié a été mis dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler chaque mois et s’est trouvé dans l’obligation de se tenir en permanence à la disposition de l’employeur, le contrat de travail à temps partiel doit être requalifié en contrat de travail à temps complet.
M. [Y] fait valoir que :
-son contrat de travail est contraire à l’article L. 3123-14 du code du travail en ce qu’il prévoit un délai de communication des horaires de travail de sept jours au lieu d’un mois, et qu’il ne prévoit ni la répartition de la durée de travail ni les modalités selon lesquelles les horaires de travail sont communiqués par écrit au salarié pour chaque journée de travail,
-la société n’a pas respecté le délai de prévenance de ses horaires de travail d’un mois, en conséquence il n’a pas pu prévoir son rythme de travail, le contraignant ainsi à se tenir à la disposition permanente de l’employeur,
-il a effectué de nombreuses heures complémentaires pour ses deux employeurs, sans que ses heures ne lui soient rémunérées ni déclarées,
-il a travaillé au delà d’un temps complet pendant plusieurs semaines sur l’année 2016,
-la société entretien une confusion horaire entre les deux contrats, de sorte qu’à la lecture des plannings il est impossible de déterminer pour lequel de ses deux employeurs la durée hebdomadaire de travail a atteint un temps complet.
Il ajoute que les deux société SPEF et SLDD ont eu recours à des doubles contrats de travail à temps partiel de manière frauduleuse dans le but de pouvoir bénéficier d’avantages sociaux et fiscaux.
La société SPEF réplique que :
-elle était contrainte de réaliser exclusivement des prestations de service à la personne afin de permettre à ses clients de bénéficier d’un crédit d’impôt et une seconde société SLDD a été créée afin de répondre aux demandes de prestations de vente ponctuelle de son client principal Orange qui ne pouvaient être effectuées par la concluante en raison de la réglementation qui entoure le service à la personne ; en conséquence elle a été contrainte proposer au salarié deux contrats de travail, l’un avec elle et l’autre avec la société SLDD pour des missions distinctes,
-le salarié n’a pas dépassé la durée légale de travail pour l’un ou pour l’autre de ses contrats,
-M. [Y] a été rémunéré à hauteur des dispositions de son contrat de travail même lorsqu’il travaillé moins,
-dans le secteur de l’aide à domicile il n’est pas obligatoire de mentionner la répartition de la durée de travail dans le contrat de travail, seule la durée mensuelle de travail est obligatoire.
La société SPEF ajoute qu’à compter du 1er novembre 2014, les dispositions de la convention collective des services à la personne s’est substituée à celle de l’électronique, de l’audiovisuel et de l’électroménager.
Le contrat de travail de M. [Y] stipule en son article 4 :
– que la rémunération mensuelle brute du salarié fixée à la somme de 1.045,38 euros est la contrepartie du travail effectué dans le cadre d’un accord minimum mensuel garanti de 108,33 heures, que M. [Y] oeuvrant au sein d’une entreprise d’aide à domicile, ses horaires de travail ne peuvent lui être communiqués avec la même régularité que s’agissant d’un salarié à temps partiel évoluant dans un autre secteur d’activité, qu’il s’agit d’adapter le contrat dans le respect de la législation applicable, à la réalité de l’exercice des métiers de l’aide à domicile et que le salarié se verra communiquer par écrit ses horaires de travail,
– au paragraphe ‘particularité du présent dispositif de travail à temps partiel ‘la spécificité de l’activité de M. [Y] qui induit une autonomie certaine écarte toute possibilité d’asseoir contractuellement un planning hebdomadaire d’activité dès la signature du présent contrat. Il convient de rappeler à cet égard que la comptabilisation du temps de travail de M. [Y] sera effectuée d’une part sur la base des rapports d’activité fournis par M. [Y] à la direction des ressources humaines et d’autre part, sur la base des plannings d’activité et de rendez-vous enregistrés par la direction et communiqués après fixation desdits rendez-vous à M. [Y]’,
– au paragraphe ‘garanties minimales mensuelles’, ‘il est expressément convenu qu’un horaire minimum mensuel de 108,33 heures de travail effectif équivalentes en moyenne à 25 heures hebdomadaires de travail effectif est garanti à M. [Y],
– au paragraphe ‘répartition du temps de travail’ qui prévoit que la répartition de l’horaire de travail est établi librement par le salarié, que le salarié envoie chaque semaine un planning indicatif dont il a connaissance pour la semaine suivante et que l’employeur fournit à M. [Y] le premier jour ouvrable de chaque mois la planification indicative de ses horaires de travail quotidiens pour le mois en question, toute modification nécessitant un délai de prévenance de 7 jours.
La cour ne peut que constater que, comme en première instance, la société ne produit aucun planning ni a fortiori aucun justificatif de l’envoi de plannings au salarié le premier jour ouvrable du mois concernant la société SPEF, comme les dispositions susvisées et applicables à la cause lui en font l’obligation, s’agissant d’une entreprise d’aide à domicile. Elle ne peut se libérer de son obligation envers son salarié en se prévalant des desiderata du donneur d’ordre Orange et en produisant l’accord cadre des prestations d’assistance informatique et internet à domicile.
Il en découle que le contrat de travail est ainsi présumé à temps complet.
Ainsi que justement relevé par le conseil de prud’hommes, l’absence d’envoi de tels plannings ne permettait pas au salarié de prévoir à quel rythme il devait travailler pour cet employeur et M. [Y], compte tenu de cette impossibilité, se trouvait ainsi dans l’obligation de se tenir à disposition de son employeur, les pièces produites par lui révélant des demandes la veille pour le lendemain. Il ne peut être en effet retenu que le salarié connaissait nécessairement ce rythme en ce qu’il travaillait pour une autre société à temps partiel alors que le salarié accomplissait manifestement en même temps des prestations pour l’une ou l’autre des sociétés sans plus de précisions.
De même, il résulte des productions (et notamment du relevé d’heures extrait de l’outil informatique interne de la société selon les mentions en pièce 6) que le salarié a dépassé à plusieurs reprises la durée légale hebdomadaire du travail entre janvier et septembre 2016 et le conseil de prud’hommes en a justement déduit que les heures effectuées par M. [Y] ont eu pour effet de porter la durée hebdomadaire du travail au niveau de la durée légale, étant souligné que les pièces produites ne permettent pas d’identifier la société concernée de sorte que la société SDEF qui entretient la confusion sur ce point ne peut s’en prévaloir, ni de déduire qu’il ne s’agit pas de travail effectif et que des pauses devraient être retranchées. Or, la sanction en est la requalification du contrat en contrat de travail à temps complet.
Enfin, la société SPEF se prévaut d’une situation de co-emploi au regard du caractère complémentaire des deux contrats de travail découlant selon elle de la spécificité du contrat conclu avec la société Orange et elle en tire les conséquences d’un contrat unique quand aux horaires de travail à retenir.
Il est établi que le double contrat de travail répondait à des considérations essentiellement fiscales et de conservation d’agrément pour SPEF. Sans qu’il ne soit nécessaire de se pencher sur la validité de tels contrats au regard des dispositions du droit du travail, la cour relève que la société SPEF se prévaut à la fois du co-emploi, contrat unique, pour faire échec à la demande de requalification quant à l’amplitude des horaires de travail et de l’existence de contrats différents pour bénéficier d’avantages notamment fiscaux mais également et pour en tirer des conséquences sur la connaissance par le salarié de ses rythmes de travail, le tout en étant dans l’incapacité de démontrer ce qui était effectué spécifiquement pour la SPEF. La société SPEF ne peut ainsi se prévaloir d’une situation ambigue qu’elle a volontairement entretenu pour en tirer avantage (et à laquelle a manifestement mis fin par la suite) pour faire échec aux droits du salarié.
Le jugement est ainsi confirmé en ce qu’il a requalifié le contrat liant les parties en contrat de travail à temps complet.
Sur les conséquences de cette requalification, le salarié a droit à un rappel de salaires sur la base d’un temps complet à compter de son embauche en tenant compte d’une moyenne des salaires brute des douze derniers mois de 3.399,44 euros pour 130 heures par mois, soit un taux horaire de 26,15 euros et pour un temps complet 151,67×26,15 soit 3.966,17 euros. Ce calcul n’est pas contesté par la société.
Il en découle un rappel de salaire mensuel de 566,67 euros brut, soit sur la période considérée de 18.700,13 euros.
Le jugement est confirmé en ce qu’il faut droit à cette prétention outre les congés payés afférents.
Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail
La prise d’acte de rupture du contrat de travail entraîne la cessation immédiate de la relation contractuelle qui ne peut plus ensuite être rétractée. La prise d’acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail qu’en cas de manquement de l’employeur à ses obligations revêtant une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
Il appartient dans ce cadre au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.
Ces faits sont ceux dont le salarié a eu connaissance avant de prendre acte de la rupture de son contrat de travail, ils doivent donc être antérieurs ou contemporains à la démission. L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d’examiner tous les manquements de l’employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.
M. [Y] soutient que la société a manqué gravement à ses obligations et fait valoir que :
-l’employeur a exécuté de façon déloyale le contrat de travail, par l’embauche de M. [K], qui exerçait des missions concurrentes dans le domaine informatique entraînant une diminution de sa durée de travail au mois de novembre 2016 ainsi que la part variable de sa rémunération,
-la société n’était plus en mesure de lui fournir du travail pour 30 heures hebdomadaire prévues au contrat à compter du 1er novembre 2016,
-la société n’a pas organisé d’entretiens professionnels.
La société SPEF réplique que :
-l’embauche de nouveaux salariés ne constituent pas un manquement,
-les nouveaux salariés ont été embauchés sur des postes différents à celui de M. [Y],
-M. [Y] ne souhaitait pas participer au développement commercial de la société,
-l’activité de M. [Y] a été diminuée uniquement pour les mois d’octobre et novembre 2016, cependant il a été rémunéré conformément aux dispositions de son contrat de travail,
-M. [Y] ne justifie d’aucun préjudice.
Il convient de se reporter à la lettre de rupture du 12 décembre 2016 dont les termes sont reproduits supra dans l’exposé du litige.
S’agissant de l’exécution déloyale du contrat de travail, M. [Y] invoque le recrutement de deux techniciens intervenant sur son secteur, un avertissement injustifié du 24 mai 2016 et une diminution de sa durée de travail et ainsi, de sa rémunération.
Un avertissement a été donné le 24 mai 2016 au salarié, reproche étant fait à ce dernier d’avoir, lors d’une réunion organisée le 19 mai 2016 à [Localité 5] et ayant pour objet la présentation de l’offre MVAD Sécurité en présence du partenaire de la société, adopté un comportement inadmissible, d’avoir ainsi déclaré que MVAD Sécurité ne constituait pas une offre de la société, et de n’avoir fait aucun effort pour la vente de cette prestation aux clients ou prospects de la société du fait du montant de la prime prévue en cas de vente de cette offre, ce qui allait à l’encontre des obligations contractuelles du salarié.
M. [Y] a contesté cette sanction par courrier du 30 mai 2016.
Le conseil de prud’hommes a relevé l’absence de tout élément permettant de justifier cette sanction (attestations de participants ou compte rendu de réunion). Force est de constater que la société ne rapporte pas plus d’éléments en appel.
En application des articles L 1331-1 et L 1333-2 du code du travail, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a annulé la sanction injustifiée.
Il est ensuite reproché à l’employeur d’avoir procédé au recrutement de deux techniciens en mars et novembre 2016, M. [F] (pour intervenir auprès de ses anciens clients selon l’employeur) et M. [K] (dépanneur multi-services). M. [Y] fait valoir que les interventions concernaient son secteur en produisant en pièces 9.3 et 9.4 les itinéraires de tournée.
Il a existé en 2016 un contexte particulier au moment où certains salariés de l’entreprise (5 salariés dont l’intéressé) se sont inquiétés par courrier du 21 novembre 2016 de la conjoncture défavorable et de la baisse d’activité du principal donneur d’ordres, la société Orange, d’où une baisse de clients et de l’élément variable du salaire, ainsi que du recrutement des deux techniciens susvisés sur les secteurs de l’Ain et du Rhône. Le manque de communication était vivement reproché à la société.
Toutefois, l’embauche de nouveaux salariés relève du pouvoir discrétionnaire de l’employeur comme justement relevé par la société et retenu par le conseil de prud’hommes.
S’agissant du recrutement du premier salarié en mai 2016, il n’est justifié d’aucune baisse d’activité correspondante pour le salarié de sorte que cette embauche n’a eu aucune incidence.
Le contrat de M. [K] est plus tardif et le relevé d’interventions produit par le salarié fait apparaître un nombre supérieur pour M. [K] fin novembre. Cependant, ce contrat ne porte pas sur les mêmes fonctions que celles de M. M. [Y] et il ne peut être reproché à l’employeur d’avoir souhaité varier ses activités tandis que aucune corrélation n’est établie entre l’activité d’octobre novembre 2016 et cette embauche. Ainsi que justement relevé par le conseil de prud’hommes, la rémunération de M. [Y] a par ailleurs augmenté entre 2015 et 2016, ce qui ne caractérise nullement une baisse d’activité depuis cette embauche susvisée.
Ainsi, le jugement a à juste titre retenu que les embauches litigieuses ne caractérisaient pas une exécution déloyale du contrat de travail. Le seul avertissement, certes injustifié, du 24 mai 2016 mais bien antérieur à la prise d’acte est insuffisant à caractériser une exécution déloyale du contrat de travail.
S’agissant du défaut de fourniture de travail (absence de fourniture des heures prévues au contrat à compter du 1er novembre 2016), le contrat conclu avec la société SPEF prévoyait une durée de travail de 108,33 heures.
Le relevé d’heures produit par le salarié révèle une diminution des heures pour les seuls mois d’octobre 2016 (120,42 heures) et le mois de novembre 2016 (100,87 heures). Cependant, le salarié a continué à être rémunéré conformément au contrat de travail, ne réclamant aucun arriéré et il n’est pas démontré que cette baisse relève d’un comportement fautif de l’entreprise.
Concernant l’absence d’entretien professionnel au plus tard le 7 mars 2016, M. [Y] n’a pas présenté de demande d’entretien et ne démontre pas en quoi cette absence d’entretien lui a été préjudiciable.
Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu’il a dit que la prise d’acte du salarié s’analysait en une démission et débouté M. [Y] de ses demandes formées au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur le travail dissimulé
Il résulte de l’article L.8221-1 du code du travail qu’est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d’emploi salarié.
Aux termes des dispositions de l’article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur:
-de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la déclaration préalable à l’embauche;
-de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie
-de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Selon l’article L.8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a recours en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 du code du travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
M. [Y] soutient qu’il a effectué de nombreuses heures de travail complémentaires au delà de la durée légale qui n’ont ni déclarées ni rémunérées, et sans qu’il ne soit possible de déterminer pour quel employeur il a réalisé ses heures de travail.
La société SPEF réplique que le salarié est défaillant dans la démonstration de travail dissimulé, qu’elle a été contrainte de ratifier deux contrats de travail avec M. [Y] afin de respecter la réglementation en matière de service à la personne.
Le fait que des heures aient pu ne pas être mentionnées sur les bulletins de salaire ne caractérise pas la volonté de dissimulation de sorte que le jugement est confirmé de ce chef.
Sur les autres demandes indemnitaires
L’ exécution déloyale du contrat de travail n’étant pas retenue, le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande du salarié à ce titre.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Chacune des parties succombant sur plusieurs chefs de demandes, chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens d’appel.
En conséquence, il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Lyon le 25 juin 2019.
Dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens d’appel.
Dit n’y avoir lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le GreffierLa Présidente
Gaétan PILLIEPatricia GONZALEZ