Convention collective de la production audiovisuelle : 24 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02183
Convention collective de la production audiovisuelle : 24 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02183

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 24 NOVEMBRE 2022

(n° , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02183 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBTID

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Février 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° 17/04528

APPELANT

Monsieur [P] [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0322

INTIMEE

RADIO FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Marie-hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente

Madame Guillemette MEUNIER, Présidente

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Guillemette MEUNIER, Présidente, et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière stagiaire en préaffectation sur poste, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

M. [P] [X] a travaillé pour la société nationale de radio diffusion Radio France (ci-après désignée Radio-France) en qualité de producteur délégué radio et de chroniqueur.

Des contrats de travail à durée déterminée d’usage ont ainsi été conclus par les parties pour la période du 12 février 1996 au 10 juillet 2017.

Par courrier du 10 mai 2017, la société Radio France a adressé un courrier à M. [X] au terme duquel elle lui indiquait supprimer son émission tout en lui proposant d’assurer une nouvelle chronique par semaine ‘Les enfants des Livres’ à compter du 28 août 2017.

Par courrier du 18 mai 2017, M. M. [X] a refusé cette proposition.

Les parties s’accordent sur le fait que leur relation contractuelle a pris fin le 10 juillet 2017, au terme du dernier contrat de travail à durée déterminée.

M. [X] a notamment saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 14 juin 2017 d’une demande de requalification de ses contrats à durée déterminée d’usage en un contrat à durée indéterminée à temps plein.

Par jugement de départage du 6 février 2020, le conseil de prud’hommes de Paris a :

Rejeté l’exception de prescription,

Requalifié les contrats de travail à durée déterminée d’usage en un contrat de travail à durée indéterminée,

Débouté M. [X] de sa demande de requalification du contrat à temps partiel en un contrat à temps plein et de toutes les demandes qui en découlent,

Dit que la rupture des relations contractuelles s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamné la société Radio France à payer à M. [X] les sommes de :

– 35.655,79 euros à titre de rappel de salaires,

– 3.565,57 euros de congés payés afférents,

– 6.775 euros au titre de l’indemnité de requalification,

– 101.625 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 81.300 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3.000 euros de dommages-intérêts pour privation du droit individuel à la formation et au compte épargne temps,

Renvoyé l’affaire devant la commission arbitrale pour fixer le montant de l’indemnité de licenciement pour les 6,75 années d’ancienneté supplémentaires,

Débouté la société Radio France de sa demande de remboursement de l’indemnité de précarité,

Débouté M. [X] de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de surveillance médicale,

Ordonné la remise des documents de fin de contrat et d’une fiche de paye récapitulative conforme à la décision,

Dit n’y avoir lieu à prononcer une astreinte,

Ordonné l’exécution provisoire,

Condamné la société Radio France à payer à M. [X] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société Radio France aux entiers dépens.

Le 6 mars 2020, M. [X] a interjeté appel du jugement.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 16 décembre 2020, il demande à la cour de:

Confirmer le jugement sauf en ce qu’il :

L’a débouté de sa demande de requalification du contrat à temps partiel en un contrat à temps plein,

L’a débouté de sa demande de condamnation au paiement de l’indemnité de licenciement prévue par l’accord d’entreprise de la société Radio France,

Rejeter l’ensemble des prétentions, moyens, fins et conclusions contenus à l’appel incident formé par la société Radio France,

Et, statuant à nouveau,

Condamner la société Radio France à lui verser la somme de 111.052,06 euros à titre de rappel de salaires sur la période juin 2014-novembre 2017 par l’effet de la requalification à temps plein outre 11.105,21 euros de congés payés afférents,

Porter l’indemnité de requalification à 9.207 euros,

Porter l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à 110.484 euros,

Condamner la société Radio France à lui verser la somme de 64.449 euros à titre d’indemnité de licenciement prévue par l’accord d’entreprise en cumul de l’indemnité légale de journaliste fixée par la commission arbitrale des journalistes et, subsidiairement, de condamner la société Radio France à lui verser la somme de 47.425 euros à ce titre,

Y ajoutant,

Condamner la société Radio France à lui verser la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 4 mai 2021, la société Radio France demande à la cour de:

Déclarer l’appel de M. [X] recevable mais mal fondé,

Déclarer son appel incident recevable et bien fondé,

Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclarer prescrites les demandes de requalification portant sur la période antérieure au 14 juin 2015,

Dire et juger que M. [X] était lié par des contrats de travail à durée déterminée d’usage,

En conséquence, débouter M. [X] de l’intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire, si la cour confirmait la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, condamner M. [X] à lui payer la somme de 107.769,08 euros bruts versée par elle à titre d’indemnité de fin de collaboration,

En tout état de cause,

Condamner M. [X] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [X] en tous les dépens.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 14 septembre 2022.

MOTIFS

Sur la requalification des contrats à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée :

* Sur la prescription :

La société Radio France soutient qu’en application des dispositions de l’article L. 1471-1 du code du travail, la demande de requalification en contrat à durée indéterminée portant sur les contrats antérieurs au 14 juin 2015 est prescrite puisque M. [X] n’a saisi le conseil de prud’hommes de cette demande que le 14 juin 2017.

Le salarié considère au contraire que sa demande n’est pas prescrite.

Selon l’article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable à la cause, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. En application de l’article L. 1245-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance susvisée, par l’effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier.

Il en résulte que le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d’une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier.

En l’espèce, il ressort des écritures de M. [X] que sa demande de requalification est fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée et porte sur une succession de contrats à durée déterminée. Par suite, le point de départ du délai biennal de prescription de l’article L. 1471-1 du code du travail est le terme du dernier contrat, soit le 10 juillet 2017.

Par suite, l’action en requalification de M. [X] exercée le 14 juin 2017 devant le conseil de prud’hommes n’est pas prescrite.

* Sur le bien-fondé :

M. [X] fait valoir qu’il a été en charge de chroniques au sein de Radio France pendant 21 années et que son activité s’inscrivait ainsi dans le cadre d’une mission d’information générale et était par conséquent liée à l’activité normale et permanente d’information et d’animation de la chaîne de radio.

En défense, la société Radio France soutient au contraire que l’emploi de M. [X] dépendait du maintien de son émission et que les dispositions légales et conventionnelles applicables à la profession de journaliste permettent la conclusion de contrats de travail à durée déterminée d’usage.

Selon l’article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Si l’article L.1242-2 du code du travail permet de recourir à des contrats à durée déterminée dits d’usage dans certains secteurs d’activité définis par décret, pour des emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois et notamment dans les secteurs du spectacle, de l’audiovisuel ou de la production cinématographique, le recours à l’utilisation de ces contrats doit être justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné.

En l’occurrence, la société Radio France, qui a employé M. [X], exerce son activité dans le secteur de l’audiovisuel, lequel est mentionné par l’article D. 1242-1 du code du travail comme secteur dans lequel des contrats à durée déterminée d’usage peuvent être conclus. Pour autant, s’agissant des raisons objectives, la société Radio France ne produit aucun élément susceptible de démontrer le caractère temporaire des fonctions occupées par le salarié et il apparaît au contraire que celui-ci a travaillé pour la société régulièrement et quasiment tous les mois entre 1996 et 2017 en tant que producteur et chroniqueur. En outre, l’activité même de la société Radio France consiste à diffuser sur ses stations des programmes tout au long de l’année, qu’ils soient maintenus ou renouvelés au fil des saisons. Ainsi, les emplois occupés par le salarié relevaient manifestement de l’activité permanente et durable de l’entreprise.

Il découle de ces observations que la relation contractuelle doit être requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 février 1996.

Le jugement sera confirmé en ce sens

Il est précisé que, comme il a été dit précédemment, l’ancienneté de M. [X] dans l’entreprise doit être déterminée à compter du 12 février 1996 et jusqu’à la date de rupture de la relation contractuelle, soit le le 10 juillet 2017. Par suite, le salarié bénéficiait d’une ancienneté de 21 ans, 4 mois et 28 jours.

Sur la requalification à temps plein :

M. [X] expose qu’en application des dispositions de l’article L. 3123-14 du code du travail les contrats de travail à temps partiel successifs conclus avec la société Radio France pour la période de juin 2014 à novembre 2017 doivent être requalifiés en contrat à temps plein puisqu’ils ne prévoient ni la durée de travail ni la répartition horaire hebdomadaire. Il indique qu’il a pu cumuler plusieurs contrats en même temps et qu’il devait se tenir à la disposition de la société Radio France pour intervenir à l’antenne, y compris la nuit, sur des sujets d’actualité concernant l’éducation, étant considéré comme un spécialiste de cette thématique et qu’il avait ainsi participé en sus de ses chroniques à des émissions d’actualité comme celle couvrant les attentats du Bataclan.

En défense, la société Radio France conclut au débouté. Elle soutient que, s’agissant de ses chroniques, M. [X] était informé en mai de chaque année des jours d’intervention de ses chroniques et ce pour la période de septembre au 14 juillet, que les contrats de travail sucessifs précisaient le nombre de jours, le nombre de services, la tranche d’antenne et les jours travaillés dans la semaine ainsi que les chroniques pour lesquelles il devait intervenir et dont il connaissait les heures de diffusion. La société déduit de ces éléments que le salarié n’était pas dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler, qu’il n’était pas à la disposition permanente de l’entreprise, que si des demandes d’intervention ponctuelles en dehors des chroniques pouvaient lui être faites, il était libre de les refuser, qu’il s’était spontanément proposé pour intervenir dans l’émission sur le Bataclan et que le fait d’avoir conclu plusieurs contrats à durée déterminée d’usage au cours d’une même période n’établissait pas qu’il était à la disposition permanente de l’entreprise.

***

Selon l’article L. 3123-14 dans sa rédaction applicable au litige, le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Il en résulte que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet et qu’il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

Toutefois, sauf la faculté pour l’intéressé de solliciter la requalification de la relation de travail en collaboration permanente dès lors qu’il est tenu de consacrer une partie déterminée de son temps à l’entreprise de presse à laquelle il collabore, les dispositions de l’article L. 3123-14 du code du travail susmentionné, ne trouvent pas à s’appliquer au contrat de travail du journaliste rémunéré à la pige.

***

En l’espèce, il ressort des éléments versés aux débats que M. [X] a fait l’objet entre juin 2014 et juillet 2017 de plusieurs contrats de travail successifs couvrant la totalité de cette période.

Certes, comme l’indique l’appelant, d’une part, la durée de travail n’est pas stipulée dans ces contrats mais est seulement mentionnée dans les bulletins de paye produits qui indiquent pour la totalité de la période concernée, un temps de travail mensuel inférieur à un temps plein. D’autre part, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois n’est pas stipulée dans les contrats produits.

Toutefois, en premier lieu, il ressort des contrats produits que M. [X] était rémunéré à la pige pour effectuer sur la période concernée des chroniques nommément désignées et dont les jours de diffusion étaient précisés. De même, l’employeur affirme sans être contredit que le salarié était informé en mai de chaque année des jours d’intervention de ses chroniques et ce pour la période de septembre au 14 juillet.

En second lieu, il ne résulte d’aucun des contrats produits que l’employeur a imposé au salarié de consacrer une partie déterminée de son temps à Radio France. De même, s’il ressort des éléments versés aux débats et notamment des courriels et SMS échangés entre le salarié et l’employeur que ce dernier a pu solliciter M. [X] pour participer à des interventions audiovisuelles non prévues au contrat, il n’en demeure pas moins que ces pièces attestent que, comme l’affirme la société, ces interventions n’étaient pas imposées au salarié mais soumises à son approbation préalable, pouvant aboutir à la signature d’un nouveau contrat à durée déterminée sur une période déjà concernée par un contrat précédemment conclu. Enfin, il ressort des pièces produites par la société Radio France qu’au cours de la période concernée, M. [X] a pu occuper d’autres fonctions comme celles de rédacteur en chef en charge du développement éditorial de la chaîne Campus ou de directeur de la rédaction de l’Etudiant.

Il résulte de ce qui précède, d’une part, que les contrats successifs conclus par M. [X] au cours de la période concernée sont des contrats de travail de journaliste rémunérés à la pige et, d’autre part, que le salarié n’établit pas l’existence d’une collaboration permanente entre lui et la société Radio France.

Il s’en déduit que M. [X] ne peut utilement invoquer les dispositions de l’article L. 3123-14 du code du travail pour solliciter une requalification à temps plein de la relation contractuelle dans la mesure où ces dispositions ne trouvent pas à s’appliquer à celle-ci.

Par suite, il sera débouté de sa demande de requalification à temps plein.

Le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur le rappel de salaire lié aux demandes de requalification :

Compte tenu de ses demandes de requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à temps plein, M. [X] sollicite la somme de 111.052,06 euros à titre de rappel de salaires pour la période de juin 2014 à novembre 2017, outre 11.105,21 euros de congés payés afférents.

M. [X] entend justifier sa demande en produisant un tableau indiquant mensuellement au cours de la période concernée le salaire qu’il a perçu et le salaire qu’il aurait dû percevoir au titre d’un contrat à temps plein. Il déduit le rappel de salaire sollicité de la différence entre ces deux montants.

En défense, la société Radio France conclut au débouté.

En l’espèce et en premier lieu, en cas de requalification de contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le salarié a droit à un rappel de salaire pendant les périodes interstitielles s’il prouve qu’il a dû se tenir à la disposition de l’employeur et qu’il s’est effectivement tenu à sa disposition.

Si la cour a fait droit à la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il résulte toutefois des développements précédents que M. [X] a fait l’objet entre juin 2014 et juillet 2017 de plusieurs contrats de travail successifs couvrant la totalité de cette période.

Par suite, faute de période interstitielle entre chaque contrat, le salarié ne peut solliciter un rappel de salaire au titre de celle-ci.

En second lieu, il ressort des développements précédents que la cour a débouté M. [X] de sa demande de requalification à temps plein.

Par suite, il ne peut fonder sa demande de rappel de salaire sur la différence entre le salaire versé et le salaire qu’il aurait dû percevoir au titre d’un contrat à temps plein.

Il se déduit de ce qui précède que la demande salariale de M. [X] doit être rejetée et le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur l’inégalité de traitement :

Il est de principe que pour un même travail ou un travail de valeur égale, l’employeur doit assurer une égalité de traitement entre tous les salariés placés dans une situation identique ou comparable au regard de la rémunération comme de tout avantage, sauf à ce que la différence de traitement repose sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.

M. [X] expose que les salariés de la société Radio France en contrat à durée indéterminée bénéficient d’une prime ‘nouvel instrument salarial’ (NIS), d’une prime de modernisation et d’une mesure générale-complément salarial qui, à compter de janvier 2016, doivent être inclus dans le salaire de base et la prime d’ancienneté.

N’ayant pas bénéficié de ces primes et compte tenu de sa demande de requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, l’appelant considère avoir subi une inégalité de traitement par rapport aux autres salariés de la société Radio France bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée qui, quant à eux, ont perçu ces primes entre juin 2014 et novembre 2017. Il sollicite ainsi un rappel de salaire à ce titre et pour cette période d’un montant de 35.655,79 euros, outre 3.565,57 euros de congés payés afférents.

En défense, la société conclut au débouté et soutient que le versement des primes sollicitées à M. [X] aura pour effet de créer une inégalité de traitement entre lui et les salariés de Radio France déjà sous contrat à durée indéterminée dans la mesure où l’appelant bénéficiera alors d’un taux horaire de 51,34 euros alors qu’un grand reporter en contrat à durée indéterminée ne perçoit qu’une rémunération assise sur un taux horaire de 32 euros.

En l’espèce, comme le relève le conseil de prud’hommes, il n’est pas contesté par les parties que M. [X] n’a pas bénéficié des trois primes susmentionnées et qu’elles sont dues aux salariés de la société Radio France en contrat à durée indéterminée en application des stipulations de l’annexe 3 de l’accord collectif du 5 juin 2015 versé aux débats et pour la période concernée.

Dans la mesure où la cour a requalifié la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 février 1996, ces trois primes sont dues au salarié pour la période concernée, nonobstant le fait que leur versement aboutirait, selon les seules allégations de l’employeur, à faire bénéficier à M. [X] d’une rémunération assise sur un taux horaire supérieur à celui d’un grand reporter.

Conformément au détail du calcul mentionné dans les conclusions de l’appelant que l’employeur ne conteste pas dans ses écritures, il sera fait droit aux demandes pécuniaires de M. [X].

Le jugement sera donc confirmé sur ce point, précision faite que les sommes sont exprimées en brut.

Sur l’indemnité de requalification :

Le conseil de prud’hommes a alloué à M. [X] la somme de 6.775 euros à titre d’indemnité de requalification.

Le salarié demande la somme de 9.207 euros à ce titre en se fondant sur un salaire mensuel moyen brut de ce montant compte tenu de la requalification de relation contractuelle à temps plein sollicitée.

L’employeur conclut au débouté de cette demande.

Selon l’article L. 1452-2 du code du travail, lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine. Lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

En premier lieu, il ressort de la moyenne des salaires des douze derniers mois mentionnés dans les bulletins de paye et des sommes allouées par la cour au titre de l’inégalité de traitement, que le salaire mensuel moyen brut de M. [X] doit être fixé à la somme de 6.775 euros.

En second lieu, il ressort des développements précédents que la relation contractuelle a été requalifiée par la cour en contrat de travail à durée indéterminée. Par suite, l’employeur est redevable à l’égard du salarié d’une indemnité de requalification.

Compte tenu de ces éléments, il sera accordé à M. [X] la somme de 6.775 euros à titre d’indemnité de requalification.

Le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur les indemnités de rupture :

Au préalable, la requalification en contrat à durée indéterminée a pour effet de soumettre la rupture du contrat aux règles gouvernant le licenciement et l’arrivée du terme du contrat à durée déterminée ne peut suffire à justifier la rupture du contrat de travail.

En l’espèce, les parties s’accordent sur le fait que les relations contractuelles ont cessé le 10 juillet 2017, au terme du dernier contrat de travail à durée déterminée.

Or, comme il a été dit précédemment, la seule arrivée du terme du dernier contrat à durée déterminée est insuffisante à caractériser une cause réelle et sérieuse de rupture, laquelle s’analyse donc en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par conséquent, M. [X] est bien fondé à réclamer le paiement des indemnités de rupture et d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

* Sur le complément d’indemnité de licenciement :

Le conseil de prud’homme a accordé à M. [X] la somme de 101.625 euros au titre de l’indemnité de licenciement et a renvoyé l’affaire devant la commission arbitrale pour fixer le complément de cette indemnité dû au titre de l’ancienneté supérieure à 15 ans.

M. [X] souhaite que ce complément d’indemnité soit fixé :

– à titre principal et en cas de requalification à temps plein de la relation contractuelle à la somme de 64.449 euros

– à titre subsidiaire et en cas de débouté de la demande de requalification, à la somme de 47.425 euros.

L’employeur s’oppose à cette demande en soulignant notamment que l’article XIII.2.3 de l’accord collectif du 5 juin 2015 précité impose que ce complément soit déterminé par une commission arbitrale.

Aux termes de l’article L. 7112-3 du code du travail, si l’employeur est à l’initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d’année de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze.

Aux termes de l’article L. 7112-4 du code du travail lorsque l’ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l’indemnité due.

L’article XIII 2.3 de l’accord collectif du 5 juin 2015 stipule :’Outre l’indemnité calculée conformément à l’article L. 7112-3 du code du travail (…), le journaliste licencié perçoit une somme complémentaire ainsi calculée : (…) pour plus de quinze ans d’ancienneté : sept douzièmes de sa rémunération annuelle. Conformément à l’article L. 7112-4 du code du travail, lorsque l’ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l’indemnité due’.

Il s’ensuit que le salarié, qui bénéficie d’une ancienneté de plus de 15 ans, a droit d’ores et déjà à l’indemnité de licenciement sur 15 mois c’est-à-dire selon le calcul exact du conseil de prud’hommes et du salarié à la somme de 101.625 euros (15x 6.775 euros).

Pour le surplus restant dû de l’indemnité de licenciement, les parties seront renvoyées devant la commission précitée.

Le jugement sera donc confirmé en conséquence.

* Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Selon l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable au litige, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9.

Compte tenu de l’ancienneté du salarié, de sa rémunération, de son âge au moment de la rupture (48 ans) et de l’absence d’éléments sur sa situation postérieure à celle-ci, il lui sera accordé la somme de 81.300 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé en conséquence.

***

Selon l’article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Il y a lieu d’office d’ordonner à l’employeur le remboursement aux organismes intéressés des indemnités de chômage versé au salarié du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.

Sur l’obligation d’information sur le droit individuel à la formation :

M. [X] indique qu’il n’a reçu aucune information sur le droit individuel à la formation (DIF) par l’employeur ce qui l’a empêché d’étoffer certaines de ses compétences, notamment sur la communication et le numérique. Il sollicite ainsi la confirmation du jugement qui lui a alloué la somme de 3.000 euros de dommages-intérêts à ce titre.

L’employeur conclut au débouté en soutenant que le salarié ne fait état d’aucun préjudice.

En l’espèce, M. [X] n’établit aucun préjudice particulier.

Il ne sera donc pas fait droit à sa demande. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle relative à l’indemnité de fin de collaboration :

Les parties s’accordent sur le fait que, comme cela est mentionné dans le bulletin de paye de novembre 2017, une indemnité de fin de collaboration d’un montant de 107.769,08 euros bruts a été versée à M. [X].

L’employeur indique que cette indemnité ne peut se cumuler avec l’indemnité de licenciement versée au salarié en raison de la rupture de la relation de travail et sollicite ainsi le remboursement de l’indemnité de fin de collaboration versée en application d’un accord d’entreprise.

Le salarié considère, comme le conseil de prud’hommes, que l’indemnité de fin de collaboration s’analyse en une indemnité de précarité et que celle-ci lui reste donc acquise nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée, comme le prévoit la jurisprudence constante de la Cour de Cassation en ce domaine.

En l’espèce, il est constant que l’indemnité de précarité est une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de la situation de la personne en contrat à durée déterminée.

Or, il n’est ni allégué ni justifié par les parties que l’indemnité de fin de collaboration a pour objet de compenser la précarité de la situation du salarié.

Par suite, le raisonnement par analogie de M. [X] est en l’espèce inopérant.

Au contraire, il ressort des termes de l’accord collectif que l’indemnité de fin de collaboration s’analyse, comme l’indemnité de licenciement, en une indemnité de rupture dont le montant est déterminé, comme l’indemnité de licenciement, en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.

Par suite et faute de dispositions le prévoyant, ces deux indemnités ne peuvent se cumuler.

Dès lors, dans la mesure où la cour a accordé à M. [X] une indemnité de licenciement, il sera fait droit à la demande de restitution de l’employeur de l’indemnité de fin de collaboration versée.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur les demandes accessoires :

La société Radio France qui succombe partiellement doit supporter les dépens de première instance et d’appel. Elle sera condamnée à verser à M. [X] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

DIT que l’action en requalification portant sur la période antérieure au 14 juin 2015 n’est pas prescrite,

INFIRME le jugement en ce qu’il a :

– débouté la société nationale de radio diffusion Radio France de sa demande reconventionnelle de remboursement de l’indemnité de fin de collaboration,

– condamné la société nationale de radio diffusion Radio France à verser à M. [P] [X] la somme de 3.000 euros de dommages-intérêts pour privation du droit individuel à la formation et au compte épargne temps,

CONFIRME le jugement pour le surplus, précision faite que les sommes allouées au titre du rappel de salaire pour inégalité de traitement et des congés payés afférents sont exprimées en brut,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

CONDAMNE M. [P] [X] à verser à la société nationale de radio diffusion Radio France la somme de 107.769,08 euros en remboursement de l’indemnité de fin de collaboration versée,

CONDAMNE la société nationale de radio diffusion Radio France à verser à M. [P] [X] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d’indemnités,

DEBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes,

CONDAMNE la société nationale de radio diffusion Radio France aux dépens d’appel.

La Greffière, La Présidente.

 


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