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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51Z
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 3 JANVIER 2023
N° RG 21/06750 – N° Portalis DBV3-V-B7F-U2TO
AFFAIRE :
[E] [Y] [S]
C/
SA HLM INTERPROFESSION-NELLE DE LA REGION PARISIENNE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Octobre 2021 par le Tribunal de proximité de BOULOGNE-
BILLANCOURT
N° RG : 11-20/00713
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 3/01/23
à :
Me Christelle RIGAL MEYER
Me Monique TARDY
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [E] [Y] [S]
(Présent à l’audience)
né le 06 Septembre 1956 à [Localité 4] – CAMEROUN
de nationalité Camerounaise
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentant : Maître Christelle RIGAL MEYER, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 349 – N° du dossier [Y]
APPELANT
****************
SA HLM INTERPROFESSIONNELLE DE LA REGION PARISIENNE
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Monique TARDY de l’ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 620 – N° du dossier 005132 –
Représentant : Maître Philippe MORRON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0007
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 Octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe JAVELAS, Président, chargé du rapport, et Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Laurence TARDIVEL, Vice présidente placée,
Greffier, lors des débats : Madame Anne-Sophie COURSEAUX,
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant contrat de location du 14 novembre 2005, la société Interprofessionnelle de la région parisienne a donné à bail à M. [E] [Y] [S] un appartement [Adresse 5]), moyennant un loyer mensuel, charges comprises de 478, 88 euros.
Par acte de commissaire de justice délivré le 30 novembre 2020, M. [Y] [S] a assigné la société Interprofessionnelle de la région parisienne devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt aux fins de :
– constater les différents manquements de la société Interprofessionnelle de la région parisienne,
– condamner la société Interprofessionnelle de la région parisienne à lui payer, sous astreinte journalière de 50 euros les montants suivants :
*1 081, 05 euros au titre des nuitées d’hôtel non prises en charge par l’assurance,
* 1 500 euros au titre du préjudice de jouissance,
* la somme équivalente à un mois de loyer, représentant la période durant laquelle il n’a pu utiliser son logement de façon paisible,
* 1 500 euros au titre des man’uvres dolosives qui l’ont contraint à agir une nouvelle fois en justice et subir un stress permanent,
– condamner la société Interprofessionnelle de la région parisienne à lui payer la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Interprofessionnelle de la région parisienne aux entiers dépens en ce compris notamment les frais de mise en demeure,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision, nonobstant toutes voies de recours et sans constitution de garantie.
Par jugement contradictoire rendu le 15 octobre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt a :
– constaté que les demandes formées par M. [Y] [S] à l’encontre de la société Interprofessionnelle de la région parisienne n’avaient pas été précédées d’une tentative de conciliation,
– déclaré les demandes formées par M. [Y] [S] à l’encontre de la société Interprofessionnelle de la région parisienne irrecevables,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [Y] [S] aux entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 12 novembre 2021, M. [Y] [S] a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 24 mars 2022, M. [Y] [S], appelant, demande à la cour de :
– le recevoir en ses demandes, fins et conclusions et l’y déclarer bien fondé,
Y faisant droit, réformer le jugement comme suit,
– déclarer recevables ses demandes,
– constater les différents manquements de la société Interprofessionnelle de la région parisienne à ses obligations contractuelles et légales,
En conséquence,
– condamner la société Interprofessionnelle de la région parisienne à lui payer, sous astreinte journalière de 50 euros, les sommes suivantes :
* 1 081, 05 euros au titre des nuitées d’hôtel non prises en charge par l’assurance,
*1 500 euros au titre du préjudice de jouissance,
* la somme équivalente à 1 mois de loyer, représentant la période durant laquelle il n’a pu utiliser son logement de façon paisible,
* 1 500 euros au titre de ses man’uvres dolosives qui l’ont contraint à agir une nouvelle fois en justice et subir un état de stress permanent,
– condamner la société Interprofessionnelle de la région parisienne à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris notamment les frais de mise en demeure,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant toutes voies de recours et sans constitution de garantie.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 7 février 2022, la société Interprofessionnelle de la région parisienne, intimée, demande à la cour de :
– déclarer recevable mais mal fondé l’appel de M. [Y] [S],
– dire et juger qu’il résulte des pièces communiquées que les lettres recommandées de l’appelant ne contiennent pas de proposition explicite de solution amiable,
– dire et juger qu’elle ne s’est jamais opposée à une solution amiable mais sollicitait pour ce faire un certain nombre de justificatifs de frais dont le remboursement était demandé par l’appelant,
– dire et juger que ces deux éléments justifient qu’une solution amiable était totalement envisageable et que de ce fait, il appartenait à l’appelant, avant toute procédure au fond, de procéder à une tentative préalable de conciliation,
Au visa des dispositions de l’article 750-1 du code de procédure civile,
– confirmer la décision rendue par le tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt en date du 15 octobre 2021 déclarant sa saisine irrecevable, faute de tentative préalable de conciliation,
– condamner, vu qu’il s’agit d’un bailleur social bénéficiant de financements publics et qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la collectivité les frais non-compris dans les dépens qu’elle a exposés en raison de la procédure, M. [Y] [S] à la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700,
Subsidiairement,
– déclarer satisfactoire son offre de procéder au remboursement des nuitées d’hôtel non prises en charge par son assureur à savoir la somme de 1 081, 05 euros,
– débouter M. [Y] [S] de l’ensemble des autres demandes qu’il formule,
– condamner M. [Y] [S] à la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 22 septembre 2022.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur la recevabilité des demandes de M. [Y] [S]
M. [Y] [S] reproche au premier juge d’avoir déclaré ses demandes irrecevables sur le fondement de l’article 750-1 du code de procédure civile et motif pris de ce qu’il ne justifiait pas de démarches en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.
Il expose, en cause d’appel, que ses demandes sont recevables du fait de l’existence de pourparlers antérieurs et vains qui ont rendu impossible toute tentative de règlement amiable du litige et qui constituent, de ce fait, un motif légitime.
La bailleresse intimée réplique que c’est à bon droit que le premier juge, à sa demande, a déclaré irrecevables les demandes de M. [Y] [S], parce que les lettres de ce derniers ne contenaient aucune offre en vue de parvenir à une solution amiable du litige et qu’elle-même n’a jamais refusé d’indemniser M. [Y] [S], sous la seule réserve qu’il justifie des frais dont il sollicite le remboursement, en produisant l’attestation d’assurance mentionnant le montant pris en charge par l’assurance, qui doit venir en déduction des sommes à lui verser.
Réponse de la cour
Le Conseil d’État, par décision du 22 septembre 2022 (CE, 6e et 5e ch. réun., 22 sept. 2022, n° 436939 et 437002), a annulé l’article 750-1 du Code de procédure civile qui prévoyait l’obligation d’un recours préalable à un mode amiable de résolution du litige avant toute action judiciaire pour les litiges portant sur une somme inférieure à 5 000 euros.
Le Conseil d’Etat précise, au point 69 de son arrêt, qu’il entend déroger au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses eu égard aux conséquences manifestement excessives sur le fonctionnement du service public de la justice qui résulteraient de l’annulation rétroactive de l’article 750-1.
Toutefois, il précise que cette dérogation intervient «sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision», c’est-à-dire sous réserve des instances en cours, pour lesquelles il n’est donc pas dérogé au principe de rétroactivité.
La présente instance en appel, engagée par l’assignation du 12 novembre 2021, était en cours à la date de l’arrêt du Conseil d’Etat. Elle est donc atteinte par l’effet rétroactif de l’annulation de l’article 750-1 du code de procédure civile, que la société Interprofessionnelle de la région parisienne ne peut donc plus invoquer.
Par suite, les demandes de M. [Y] [S] doivent être jugées recevables.
II) Sur les demandes indemnitaires de M. [Y] [S]
M. [Y] [S] expose avoir subi plusieurs débordements d’eaux vannes dans son appartement les 11 juillet 2019, 15 juillet 2019, 3 mars 2020 et 10 mars 2020. Il précise que ces dégâts des eaux ont rendu son logement inhabitable, à telle enseigne qu’il dû aller habiter à l’hôtel durant la période du 15 mars au 2 avril 2020.
Il sollicite, en indemnisation de ses préjudices :
– une somme de 1 081, 05 euros représentant le montant des nuitées d’hôtel non prises en charge par l’assurance de sa bailleresse,
– une somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
– une somme équivalente à un mois de loyer, en invoquant l’exception d’inexécution,
– une somme de 1500 euros en réparation des manoeuvres dolosives de la bailleresse qui l’auraient contraint à agir en justice et ont été, pour lui, la source d’un stress permanent.
La bailleresse intimée s’oppose à la plupart de ces demandes en faisant valoir que :
– elle est intervenue immédiatement pour remplacer la colonne d’eau d’évacuation des eaux vannes desservant le logement de son locataire,
– elle n’a pas indemnisé M. [Y] [S] de ses frais d’hôtel, car il n’avait point justifié de ces frais en communiquant l’attestation de l’assurance mentionnant les nuitées prises en charge par l’assurance, mais elle ne s’oppose plus, au vu de l’attestation communiquée en cause d’appel, au paiement de la somme de 1 081,05 euros,
– elle s’oppose, en revanche, aux autres demandes indemnitaires motifs pris de ce que le débordement des eaux usées du mois de mars 2020 est intervenu pendant la période du confinement, de sorte qu’elle n’a pu intervenir aussi rapidement qu’elle l’aurait souhaité, qu’elle est toutefois intervenue dans des délais raisonnables, que la demande en paiement d’un mois de loyer fait double emploi avec celle visant à obtenir le paiement des frais d’hôtel, qu’elle n’a enfin commis aucun dol contrairement à ce que soutient l’appelant.
Réponse de la cour
Aux termes des dispositions des articles 1719 du code civil et 6 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version applicable au présent litige, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, d’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l’article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle, d’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués
L’obligation du bailleur d’assurer au preneur la jouissance paisible du logement est une obligation de résultat qui engage sa responsabilité, sauf à démontrer que le trouble empêchant une jouissance paisible trouve son origine dans un cas de force majeure ou une faute du preneur.
En l’espèce, il résulte des termes de l’arrêté préfectoral du 27 mars 2020 que la colonne des eaux vannes desservant le logement de M. [Y] [S] était dysfonctionnelle et ne permettait pas écoulement constant des eaux vannes, que les photographies prises sur les lieux ont permis de constater un grave dégât des eaux vannes confirmé par le représentant du bailleur, que l’inspectrice de salubrité du service communal d’hygiène et de salubrité n’a pu se rendre sur les lieux en raison des risques pour sa santé, qu’en l’espace de trois jours, M. [Y] [S] a subi trois dégâts des eaux vannes avec un refoulement d’une eau chargée d’excrétas septiques qui l’ont obligé à quitter son domicile, alors qu’un état d’urgence sanitaire était déclaré et obligeait les personnes à ne pas quitter leur domicile, que cette situation présentait un danger pour la santé de l’occupant et du voisinage et a nécessité qu’il soit procédé à une désinfection du logement de l’appelant.
Cette situation caractérise un manquement grave de la bailleresse à son obligation de délivrer à son locataire un logement décent ne présentant pas de risque pour sa santé et a causé à M. [Y] [S], outre un préjudice matériel dès lors qu’une partie des nuitées d’hôtel dont il a dû assumer la charge, n’ont pas été prise en charge par l’assurance, un préjudice de jouissance.
Par suite, l’intimée sera condamnée à payer à son locataire la somme de 1 081, 05 euros représentant le coût des nuitées non prises en charge par l’assurance.
En outre, M. [Y] [S], dont le logement était totalement inhabitable, est bien fondé à invoquer l’exception d’inexécution pour la période allant du 15 mars au 2 avril 2020, de sorte que sa bailleresse sera condamnée à lui verser la somme de 208, 87 euros [ (348, 1330) x 18 jours] réprésentant le montant du loyer hors charges sur la période considérée.
Le préjudice de jouissance de M. [Y] [S] ayant été indemnisé par la suppression totale du loyer dû pendant la période durant laquelle il a été privé de la jouissance de son logement, sa demande redondante de dommages et intérêts en indemnisation de ce même préjudice sera rejetée, dans la mesure où il n’est versé aux débats aucune pièce justifiant des dégâts des eaux qui seraient survenus au cours de l’année 2019, ces prétendus sinistres ne pouvant, dès lors, donner lieu à indemnisation par la cour au titre du préjudice de jouissance.
Il en ira de même de sa demande indemnitaire au titre de prétendues manoeuvres dolosives de la bailleresse, qui ne sont nullement démontrées en l’espèce.
Il n’y a pas lieu, enfin, d’assortir la condamnation prononcée à l’encontre de la bailleresse d’une astreinte journalière de 50 euros.
III) Sur les demandes accessoires
L’intimée, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
Il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du présent arrêt, rendu en dernier ressort, ainsi que le sollicite l’appelant.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau
Déclare recevables les demandes de M. [E] [Y] [S] ;
Condamne la société Interprofessionnelle de la région parisienne à payer à M. [E] [Y] [S] les sommes suivantes :
– 1 081, 05 euros représentant le coût des nuitées non prises en charge par l’assurance,
– 208, 87 euros au titre du loyer acquitté durant la période pendant laquelle M. [E] [Y] [S] a été privé, en 2020, de la jouissance de son logement ;
Déboute M. [E] [Y] [S] du surplus de ses demandes en indemnisation, ainsi que de sa demande d’astreinte ;
Déboute la société Interprofessionnelle de la région parisienne de ses demandes ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Interprofessionnelle de la région parisienne à payer à M. [E] [Y] [S] unr indemnité de 3 000 euros ;
Condamne la société Interprofessionnelle de la région parisienne aux dépens de première instance et d’appel.
– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Mme DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,