Tentative de conciliation : 4 janvier 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/05463

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Tentative de conciliation : 4 janvier 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/05463
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N° RG 20/05463

N° Portalis DBVX-V-B7E-NFSQ

Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

Au fond

du 14 mai 2020

RG : 17/06478

[J]

[Y]

C/

[E]

Compagnie d’assurance MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 04 JANVIER 2023

APPELANTS :

Mme [K] [J] épouse [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

M. [B] [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentés par Me Gérard BENOIT de la SELARL BENOIT – LALLIARD – ROUANET, avocat au barreau de LYON, toque : 505

INTIMÉES :

Mme [T] [E]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Compagnie d’assurance MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS ès qualités d’assureur de Madame [E] [T]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentées par Me Frédérique BARRE de la SELARL BARRE – LE GLEUT, avocat au barreau de LYON, toque : 42

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 04 Octobre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 16 Novembre 2022

Date de mise à disposition : 04 Janvier 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Bénédicte BOISSELET, président

– Karen STELLA, conseiller

– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier.

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

En vue d’un projet d’acquisition et de réhabilitation d’un bien immobilier situé à [Adresse 5], [K] et [B] [Y] (ci-après les époux [Y]) ont, par contrat d’architecte pour travaux sur existants en date du 16 février 2016, confié à [T] [E], architecte assurée auprès de la Mutuelle des Architectes Français (ci-après la MAF), une mission complète de maîtrise d”uvre.

Les époux [Y] ont réglé à [T] [E] la somme de 8 790,10 € au titre de ses honoraires.

Reprochant à [T] [E] d’être responsable du refus du permis de construire et de ne pas avoir respecté l’enveloppe financière prévisionnelle des travaux, les époux [Y] l’ont, par courrier recommandé du 24 mai 2016, mise en demeure de leur restituer les honoraires versés.

Une tentative de conciliation devant le conseil régionale de l’ordre des architectes n’a pas abouti.

En date des 29 mai et 6 juillet 2017, les époux [Y] ont alors assigné [T] [E] et son assureur la MAF devant le Tribunal Judiciaire de Lyon aux fins de voir prononcer la résolution judiciaire du contrat d’architecte aux torts de [T] [E] et obtenir la restitution des honoraires versés.

Par Jugement en date du 14 mai 2020, le Tribunal judiciaire de Lyon a :

Débouté les époux [Y] de leur demande de résolution de contrat d’architecte conclu avec [T] [E] le 16 février 2016,

Condamné les époux [Y] à payer à [T] [E] la somme de 3 845,38 € au titre de l’indemnité pour résiliation sans faute prévue au contrat d’architecte du 16 février 2016,

Condamné les époux [Y] aux dépens et à payer à [T] [E] et son assureur la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Ordonné l’exécution provisoire du jugement et rejeté les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

Le Tribunal retient notamment en substance :

qu’en application de l’article 1184 ancien du Code civil, il peut être demandé la résolution du contrat en cas d’inexécution contractuelle mais qu’en cas d’inexécution partielle, il doit être recherché si l’inexécution revêt une gravité suffisante ;

qu’en l’espèce, aucune faute grave de l’architecte, tenu à une obligation de moyen, n’est caractérisée au titre du dépassement du budget dans la mesure où si l’enveloppe financière prévisionnelle a effectivement été dépassée de 55 %, cette augmentation résulte du choix des maîtres d’ouvrage de porter la surface à rénover de 232 mètres carrés à 342 mètres carrés, ce qui avait nécessairement une conséquence financière sur le budget prévu initialement, et ce que les époux [Y] ne pouvaient ignorer ;

qu’une faute grave de l’architecte n’est pas plus caractérisée s’agissant du refus du permis de construire dans la mesure où l’obligation de moyens qui pèse sur l’architecte n’impose pas que l’objectif fixé soit obligatoirement atteint, alors que le refus de permis de construire n’était pas définitif puisque le projet pouvait être modifié pour être rendu conforme au PLU ;

qu’en outre, avant même le rejet du permis de construire, les époux [Y] ont exprimé leur souhait de mettre fin aux relations avec l’architecte, et ne l’ont pas, par la suite mis en mesure de travailler le projet pour le présenter de nouveau à la mairie et obtenir ledit permis ;

qu’aucune faute n’étant imputable à l’architecte, la résiliation du contrat, intervenue à l’initiative des époux [Y] ouvre droit pour l’architecte au versement d’une indemnité de résiliation en application de l’article G.9.2.2 du cahier des clauses générales du contrat d’architecte ;

que cette indemnité doit être calculée sur la base des honoraires dus au termes du contrat d’architecte du 16 février 2016.

Par acte régularisé par RPVA le 8 octobre 2020, les époux [Y] ont interjeté appel de l’intégralité des chefs de décision figurant au dispositif du jugement du 14 mai 2020, dont ils ont repris les termes dans leur déclaration d’appel.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées par voie électronique le 5 mai 2021, les époux [Y] demandent à la Cour de :

Infirmer la décision déférée dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

Juger que les époux [Y] n’ont pas souhaité voir augmentée la surface de leur projet de construction,

Juger que [T] [E] a manqué à ses obligations contractuelles,

Prononcer la résolution judiciaire du contrat d’architecte du 16 février 2016 aux torts exclusifs de [T] [E],

En conséquence,

Condamner solidairement [T] [E] et son assureur la MAF à leur payer la somme de 8 790,10 € au titre du remboursement des honoraires versés,

Condamner solidairement [T] [E] et son assureur la MAF à leur payer la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour sa résistance abusive et injustifiée,

Condamner solidairement [T] [E] et son assureur la MAF à leur payer la somme de 3 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL Benoit-Lalliard-Rouanet, Avocats,

Débouter [T] [E] de l’intégralité de ses prétentions, fins et moyens plus amples et/ou contraires.

Les appelants exposent :

que le contrat du 16 février 2016 indiquait qu’ils disposaient d’une enveloppe financière prévisionnelle de 280 000 € TTC, mais que le 31 mars 2016, [T] [E] leur a indiqué par mail que le chiffrage des travaux s’élevait à la somme de 434 774,76 €, soit une augmentation de près de 75 % par rapport au budget contractuellement entériné ;

qu’ils lui ont répondu que cette proposition était hors proportion avec le chiffrage prévu initialement et sur la base duquel les prêts bancaires avaient été demandés ;

que par la suite, la mairie de [Localité 4] leur a notifié un refus de permis de construire aux motifs que le projet déposé ne respectait pas le PLU ;

que c’est dans ce contexte qu’ils ont demandé à l’architecte le remboursement des honoraires qu’ils lui avaient versés.

Ils soutiennent en premier lieu que [T] [E] a engagé sa responsabilité contractuelle, au sens de l’article 1147 ancien du Code civil en commettant une première faute, celle de n’avoir pas respecté le budget initial prévu pour les travaux.

Ils font valoir à ce titre :

que le premier juge a considéré sans fondement qu’ils étaient à l’origine de l’augmentation de surface, ce qu’ils contestent, observant que [T] [E] n’a versé aux débats aucun élément de preuve objectif permettant d’établir leur volonté d’augmenter la surface de travaux prévue initialement ;

qu’il ressort du courriel du 7 avril 2016 qu’ils ont adressé à l’architecte qu’ils ont contesté dès réception le chiffrage et donc la surface de travaux proposée par l’architecte postérieurement à la signature du contrat et que l’importante disproportion entre le budget prévu et celui finalement proposé par l’architecte suffit en elle même à engager sa responsabilité ;

qu’en tout état de cause, l’architecte ne les a jamais alerté, alors qu’ils sont profanes, sur un quelconque risque de surcoût de l’opération, et a donc manqué à son devoir de conseil.

Les appelants relèvent en second lieu un manquement grave de l’architecte au titre du refus du permis de construire, faisant valoir :

que la notification de refus de permis de construire qui leur a été adressée le 11 mai 2016 révèle d’importants manquements au Plan Local d’Urbanisme, ce qui démontre que l’architecte a manqué à ses obligations contractuelles en présentant un dossier de demande de permis de construire insuffisant et incohérent.

En dernier lieu, les époux [Y] soutiennent que [T] [E] doit être déboutée de sa demande au titre de l’indemnité de résiliation, compte tenu des fautes commises et alors que la résolution du contrat doit être prononcée à ses torts exclusifs.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées par voie électronique le 8 février 2021, [T] [E] et son assureur la MAF demandent à la Cour de :

Confirmer le jugement du 14 mai 2020 en ce qu’il a :

Débouté les époux [Y] de leur demande de résolution de contrat d’architecte,

Condamné les époux [Y] à payer les dépens, et à payer à [T] [E] et la MAF la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Ordonné l’exécution provisoire et rejeté les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties,

L’infirmer en ce qu’il a condamné les époux [Y] à payer à [T] [E] la somme de 3 845,38 € au titre de l’indemnité pour résiliation sans faute du contrat d’architecte en date du 16 février 2016.

Ce faisant :

Débouter les époux [Y] de leur demande de condamnation solidaire de [T] [E] et la MAF à leur payer la somme de 8 790,10 € au titre du remboursement des honoraires versés,

Débouter les époux [Y] de leur demande de condamnation solidaire de [T] [E] et la MAF à leur payer la somme de 2 000 € pour résistance abusive et injustifiée,

Juger en outre que la MAF ne doit pas sa garantie et par conséquent, juger qu’elle sera mise hors de cause,

En revanche :

Condamner les époux [Y] à payer à [T] [E] la somme de 6 900 € au titre de l’indemnité pour résiliation sans faute du contrat d’architecte en date du 16 février 2016,

A défaut, les condamner à payer à [T] [E] la somme de 3 845,38 € au titre de cette indemnité,

En toute hypothèse,

Débouter les époux [Y] de leur demande de condamnation solidaire de [T] [E] et la MAF à leur payer la somme de 3 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens,

Condamner les époux [Y] à verser la somme de 3 000 € à [T] [E] et à la MAF en application de l’article 700 du Code de procédure civile au titre de la présente procédure et les condamner aux dépens de la présente procédure.

Ils exposent :

que lorsque [T] [E] a été contactée par les époux [Y], ils envisageaient d’acquérir le bien mais n’en étaient pas propriétaires et que c’est dans ce contexte qu’un contrat leur a été adressé le 16 février 2016, faisant mention d’une surface à rénover de 232 mètres carrés et de 24 mètres carrés à construire, contrat qui procédait à une évaluation sommaire du coût de l’opération, sur la base de 1 000 € le mètre carré et qu’ils n’ont jamais retourné signé avant la naissance du litige ;

que les époux [Y] ont régularisé un compromis de vente sur ce bien qui imposait le dépôt de la demande de permis de construire au plus tard le 30 mars 2016, ce qui a laissé peu de temps à l’architecte pour réaliser ses missions ;

que du 16 février au 30 mars 2016, plusieurs réunions ont eu lieu avec les époux [Y] afin qu’ils définissent le projet envisagé et qu’à l’issue de ces réunions, les époux [Y] ont porté à 342 mètres carrés la surface à rénover, le permis de construire déposé correspondant à ces évolutions ;

que pour autant, les époux [Y] ont signifié qu’ils souhaitaient interrompre les relations contractuelles, ce qui est intervenu bien avant que le refus de permis de construire soit signifié par la mairie de [Localité 4].

[T] [E] et la MAF soutiennent en premier lieu qu’aucune faute ne peut être reprochée à l’architecte, tenu à une obligation de moyen, rappelant qu’au sens de l’article 1184 ancien du Code civil, seule une faute suffisamment grave peut justifier la résolution du contrat.

S’agissant de l’estimation du coût des travaux, ils font valoir :

que les époux [Y] ne démontrent pas que le montant contesté était hors de proportion avec leurs capacités financières ;

que l’augmentation de surface des travaux est intervenue à leur demande et que l’accroissement du coût en résultant leur était parfaitement connu, aucune faute de l’architecte ne pouvant être retenue dès lors que l’augmentation du coût des travaux ne résultait que des modifications initiées par le maître d’ouvrage ;

que l’évaluation initiale a été faite sans qu’aucune consultation des entreprises n’ait eu lieu, qu’elle devait être affinée et ne pouvait engager l’architecte, d’autant qu’au 31 mars 2016 le contrat n’avait pas été signé ;

qu’il ne peut pas plus être invoqué un manquement au devoir de conseil de l’architecte à propos d’un risque de surcoût lié à une augmentation du volume des travaux, dès lors qu’il est des conséquences financières que les maîtres d’ouvrage sont en mesure d’appréhender, sans considération de leurs compétences en matière de construction.

S’agissant du refus de permis de construire, ils soutiennent :

que le refus du permis de construire n’a pas été à l’origine de la volonté des maîtres d’ouvrage de clôturer l’intervention de l’architecte, intervenue bien avant que le permis de construire soit refusé par la mairie ;

qu’en outre, le refus du permis de construire était insuffisant pour justifier la résolution du contrat, puisqu’il suffisait de procéder à un nouveau dépôt d’un dossier complété, ce qui est courant, les époux [Y] n’ayant pas mis l’architecte en mesure d’y procéder.

Les intimés ajoutent que les époux [Y] ne peuvent prétendre au remboursement des honoraires versés dès lors que l’architecte a exécuté les prestations convenues, que le refus de permis de construire n’est pas à l’origine de leur volonté de résiliation et qu’en outre les époux [Y] n’ont pas mis en demeure l’architecte préalablement d’exécuter ses obligations avant de solliciter la résolution du contrat, ce qui contrevient aux dispositions de l’article G.2.1 des conditions générales du contrat.

Ils indiquent également que le remboursement d’honoraires ne rentre pas dans le champ de la garantie de la MAF, laquelle doit être mise hors de cause.

A titre reconventionnel, ils sollicitent la somme de 6 900 € TTC à titre d’indemnité de résiliation, en application de l’article G.9.2.2 du contrat, selon lequel, en cas de résiliation sans faute à l’initiative du maître d’ouvrage, l’architecte a droit au paiement d’une indemnité de résiliation égale à 20% des honoraires qui lui auraient été versés si sa mission n’avait pas été prématurément interrompue.

Ils soutiennent à ce titre que cette indemnité doit être calculée sur la base du montant final des travaux, soit 393 549,60 € HT, les honoraires de l’architecte s’élevant selon le contrat à 10 % de cette somme.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, les demandes de l’une ou l’autre des parties tendant à voir la Cour “juger” ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

I : Sur les demandes des époux [Y]

Les époux [Y], qui visent les dispositions de l’article 1184 du Code civil dans le dispositif de leurs écritures, demandent à la Cour de prononcer la résolution judiciaire du contrat d’architecte conclu le 16 février 2016 aux torts exclusifs de l’architecte en raison de manquements contractuels graves tenant au non respect du budget initial et au dépôt d’un permis de construire comportant d’importants manquements au Plan Local d’Urbanisme (ci-après PLU).

Ils exposent également qu’en raison des fautes contractuelles commises, l’architecte a engagé sa responsabilité contractuelle au sens de l’article 1147 ancien du Code civil, ce qui justifie sa condamnation à leur rembourser la somme de 8 790,10 € qu’ils lui ont versée au titre de ses honoraires.

La Cour en déduit que les époux [Y] présentent en réalité deux demandes : une demande de résolution judiciaire du contrat, qui doit s’analyser au regard des dispositions de l’article 1184 ancien du Code civil et une demande de dommages et intérêts pour responsabilité contractuelle, qui doit s’analyser au regard des dispositions de l’article 1147 ancien du même code.

II : Sur la résolution du contrat d’architecte

L’article 1184 ancien du Code civil dispose :

‘ la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n’est pas résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice et il peut être accordé un délai selon les circonstances’.

La Cour observe en premier lieu que si [T] [E] fait état d’une résolution unilatérale du contrat opérée par les époux [Y], laquelle ne serait pas valide en l’absence de mise en demeure, cela ne correspond aucunement à la demande des époux [Y], lesquels sollicitent dans le dispositif de leurs écritures, ce qu’ils faisaient déjà dans le cadre de la première instance, que soit prononcée la résolution judiciaire du contrat et non que le juge la constate acquise au regard d’une résolution unilatérale qu’ils auraient opérée préalablement à leurs risques et périls.

Il en résulte que le préalable d’une mise en demeure n’est pas requis, contrairement à ce que soutient l’intimée et que doivent être pris en compte l’ensemble des manquements dénoncés par les époux [Y], y compris le manquement contractuel concernant la non conformité du permis de construire au PLU.

Pour autant, au sens de l’article 1184 ancien du Code civil précité, seule une inexécution suffisamment grave peut justifier la résolution judiciaire du contrat, ce qu’a retenu à raison le premier juge.

En l’espèce, les époux [Y] dénoncent deux manquements par l’architecte à ses obligations contractuelles dont ils considèrent qu’ils présentent une gravité suffisante pour que soit prononcée la résolution judiciaire du contrat.

Ils font état en premier lieu d’un dépassement du budget prévisionnel des travaux.

La Cour observe que le contrat d’architecte du 16 février 2016 faisait état, au stade de l’évaluation sommaire :

d’une surface à rénover de 232 mètres carrés,

de ce que les maîtres d’ouvrage disposait d’une enveloppe prévisionnelle de 280 000 € TTC,

de travaux prévisionnels évalués à 249 700 € TTC et d’honoraires d’architectes évalués à la somme de 28 017 € TTC, soit un montant total de 277 717 € TTC.

La Cour observe également que l’enveloppe prévisionnelle des travaux en phase avant-projet-définitif communiquée par courriel du 31 mars 2016 par l’architecte aux époux [Y] faisait quant à elle état d’un coût TTC de 412 332,36 € TTC, pour une surface à rénover de 342,70 mètres carrés, outre 22 442,40 € correspondant à des travaux neufs d’extensions garage.

Il ne peut qu’être constaté, dans un contexte où le contrat d’architecte mentionnait expressément que les maîtres d’ouvrage disposaient d’une enveloppe financière de 280 000 €, que l’évaluation initiale de 249 700 €, outre les honoraires d’architecte, rentrait dans le cadre du budget dont disposait les maître d’ouvrage alors que la seconde évaluation prévisionnelle était supérieure de plus de 60 % à celle initialement convenue.

La Cour rappelle qu’au sens de l’article 1147 ancien du Code civil, l’architecte a une obligation de renseignement et de conseil à l’égard du maître d’ouvrage profane, ce qui est le cas des époux [Y], et qu’en vertu de cette obligation, il se doit de lui proposer un projet adapté à son enveloppe financière et au-delà, de l’avertir des conséquences financières de ses choix.

En l’espèce, l’augmentation querellée s’explique essentiellement par l’augmentation de la surface à rénover de près de 110 mètres carrés puis, qu’il a été intégré l’aménagement du rez de jardin et du grenier, outre l’augmentation du nombre de salles de bain et du nombre et dimensions des ouvertures.

Les époux [Y] ne peuvent sérieusement soutenir qu’ils n’ont jamais sollicité ces modifications, et que l’architecte, de son seul chef et sans que cela lui ait été demandé, a pris notamment l’initiative d’aménager le rez de jardin et le grenier et de rajouter en outre une salle de bains supplémentaire. Ils n’en n’ont d’ailleurs jamais fait état tant dans le courrier qu’ils ont adressé à l’architecte le 7 avril 2016 que dans leur courrier de mise en demeure du 24 mai 2016, dans lesquels ils se sont limités à contester le coût des travaux.

Pour autant, l’architecte ne peut, de son côté, sérieusement soutenir que les époux [Y], profanes dans le domaine de la construction, étaient en capacité d’évaluer les conséquences financières des modifications du projet initial qu’ils avaient envisagées dès lors qu’une telle évaluation relevait d’éléments techniques à chiffrer qu’ils ne maîtrisaient aucunement, contrairement à l’architecte.

En outre, s’il peut être admis que les maîtres d’ouvrage ne pouvaient ignorer que les modifications du projet étaient de nature à entraîner un surcoût, en revanche, il ne peut être admis qu’ils étaient en mesure d’apprécier que le budget initial, du fait de ces modifications, allait subir une augmentation de plus de 60 %.

Enfin, il importe peu que le maître d’ouvrage dispose ou non des capacités financières pour assurer le surcoût, dès lors qu’aux termes du contrat, il a expressément indiqué le budget qu’il envisageait de consacrer à l’opération de construction et que l’architecte est contractuellement tenu à ce qui a été convenu.

Il appartenait ainsi à [T] [E], au titre de son devoir de conseil, d’informer les maîtres d’ouvrage de façon claire et précise que les modifications sollicitées étaient de nature à entraîner une augmentation relativement considérable – dès lors qu’elle s’élève à plus de 60% – de l’enveloppe financière initialement prévue afin qu’ils puissent apprécier de façon éclairée les conséquences financières de leur choix.

Or, l’architecte ne justifie aucunement avoir dispensé aux époux [Y] une telle information, si ce n’est par d’insuffisantes allégations.

Bien plus, il ressort des termes du courriel qu’elle leur a adressé le 31 mars 2016 que ce n’est qu’à cette date que les époux [Y] ont été informé de l’augmentation de budget, ce alors que le permis de construire correspondant au projet avait été déposé la veille à la mairie de [Localité 4], soit le 30 mars 2016, sans qu’ils aient pu au préalable être en mesure d’en apprécier les conséquences financières.

La Cour retient en conséquence que l’architecte a manqué à son devoir de conseil à l’égard des maîtres d’ouvrage en omettant de les éclairer sur les conséquences financières conséquentes des modifications qu’ils avaient sollicitées et en déposant de surcroît le permis de construire sans qu’ils aient été informés des conséquences sus-visées et qu’au regard de l’importance du surcoût, ce manquement caractérise un manquement contractuel suffisamment grave pour justifier la résolution judiciaire du contrat.

Les époux [Y] font état en second lieu d’un permis de construire, comportant d’importants manquements au PLU, manquements à l’origine du refus de la mairie d’autoriser le permis de construire.

La Cour observe, à l’examen de la décision de refus de permis de construire prise par la mairie de [Localité 4] le 11 mai 2016, que le permis de construire a été refusé pour non conformité au PLU, en raison :

d’une emprise au sol de 205,60 mètres carrés dépassant l’emprise maximale autorisée par le PLU au regard de la surface du terrain, soit 142,65 mètres carrés, la terrasse au dessus du garage devant être comptabilisée dans l’emprise au sol, de même que les escaliers ;

de clôtures en bordure de voie, constituées d’un mur plein de 2 mètres de haut, ne s’harmonisant pas avec les clôtures avoisinantes, constituées quant à elles de haies ou de murets surmontés d’un grillage ;

de l’appauvrissement de l’ambiance végétale du secteur, en raison de la suppression en totalité de la haie en bordure de voie.

Or, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, l’architecte a pour obligation dans la phase de conception, d’établir un projet réalisable et de respecter en conséquence les règles de l’urbanisme.

Il ne peut dès lors se considérer comme exonéré de cette obligation aux motifs qu’il n’est tenu qu’à une obligation de moyen dès lors qu’en sa qualité de professionnel, il doit maîtriser les règles du PLU et établir son projet de permis de construire au regard de ces règles.

Il en résulte que [T] [E] a manqué à ses obligations en déposant un permis de construire qui ne respectait pas les règles du PLU.

S’il peut être retenu que l’absence d’harmonie des clôtures en bordure de voie et la suppression de la haie végétale relevaient d’une appréciation propre de la mairie, et ne constituaient pas un manquement grave de l’architecte, en revanche, l’architecte se devait, en sa qualité d’homme de l’art, de s’assurer que l’emprise au sol était en accord avec celle autorisée par le PLU.

La Cour retient qu’en l’espèce, en déposant un projet comportant une emprise au sol bien plus importante que celle autorisée par le PLU, puisqu’étant de 205,60 mètres carrés pour 142,65 mètres carrés autorisés, l’architecte a commis un manquement grave justifiant la résolution judiciaire du contrat, peu important qu’une seconde demande de permis de construire puisse par la suite être déposée dès lors qu’il n’a pas respecté initialement les obligations qui lui incombaient.

S’agissant d’un contrat partiellement exécuté, la résolution ne peut opérer que pour l’avenir, l’anéantissement du contrat devant être considéré comme effectif au 31 mars 2016, date du dernier manquement constaté.

Enfin, en application de l’article 1184 ancien du Code civil, en cas de résolution judiciaire du contrat, des dommages et intérêts peuvent être accordés à la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté.

En l’espèce, les manquements contractuels retenus sont à l’origine d’un préjudice pour les époux [Y] dès lors qu’ils se sont investis dans un projet pour lequel ils ont déjà versé à l’architecte des honoraires à hauteur de 8 790,10 € et qui en définitive ne peut plus prospérer.

La Cour en déduit que la résolution judiciaire du contrat aux torts de l’architecte justifie qu’il soit fait droit à la demande de dommages et intérêts des époux [Y] à hauteur de la somme de 8 790,10 €, correspondant au montant des honoraires qu’ils ont versés inutilement.

La Cour en conséquence infirme la décision déférée qui a rejeté la demande de résolution judiciaire du contrat d’architecte présentée par les époux [Y] et statuant à nouveau :

Prononce au 31 mars 2016 la résolution judiciaire du contrat d’architecte intervenu le 16 février 2016 entre les époux [Y] et [T] [E] aux torts de l’architecte ;

Condamne [T] [E] à verser aux époux [Y] la somme de 8 790,10 € à titre de dommages et intérêts.

III : Sur la demande reconventionnelle de Valérie [E]

[T] [E] sollicite, à titre reconventionnel, une somme de 6 900 € TTC à titre d’indemnité de résiliation, en application de l’article G.9.2.2 du contrat d’architecte, étant observé que le premier juge a fait droit à sa demande à ce titre, mais à hauteur de la somme de 3 845,38 €.

Les dispositions précitées ne s’appliquant que s’il est mis fin au contrat par le maître d’ouvrage avant son terme normal sans faute de l’architecte, il en résulte qu’elles ne peuvent trouver application dès lors qu’il a été fait droit à la demande de résolution judiciaire du contrat présentée par les époux [Y], ce aux torts de l’architecte en raison des manquements graves commis.

La Cour en conséquence infirme la décision déférée en ce qu’elle a condamné les époux [Y] à payer à [T] [E] la somme de 3 845,38 € au titre de l’indemnité pour résiliation sans faute du contrat d’architecte et statuant à nouveau :

Rejette la demande d’indemnité de résiliation présentée par [T] [E].

IV : Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive présentée par les époux [Y]

Les époux [Y] considèrent justifié qu’il leur soit allouée la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que leur a causé la résistance abusive de l’architecte, en ce que, préalablement à la procédure engagée, elle n’a pas fait droit à leur demande de restitution d’honoraires.

Or, le fait que [T] [E] n’ait pas satisfait à cette demande car la considérant non fondée est bien insuffisant pour caractériser une résistance abusive dès lors qu’il ne résultait aucunement de l’évidence que cette somme soit restituée à la seule demande des époux [Y].

En conséquence, la Cour, retenant que n’est établie aucune faute de l’architecte de nature à caractériser une résistance abusive, rejette la demande de dommages et intérêts présentée par les époux [Y] à ce titre et confirme la décision déférée qui a rejeté cette demande.

V : Sur la condamnation solidaire de la MAF, assureur de [T] [E]

La MAF verse aux débats la police d’assurance souscrite auprès d’elle par [T] [E].

La Cour constate à l’examen des conditions particulières et générales de cette police que la garantie de l’assureur se limite à couvrir les responsabilités encourues par l’architecte en raison de désordres de construction.

Il en résulte que la MAF ne peut être condamnée ‘solidairement’ avec [T] [E] à régler la somme de 8 790,10 € à laquelle celle-ci a été condamnée à titre de dommages et intérêts consécutivement à la résolution judiciaire du contrat et qu’elle ne peut pas plus être ‘solidairement’ condamnée aux dépens et à payer les frais irrépétibles.

La garantie de la MAF n’étant pas mobilisable, la Cour prononce en conséquence la mise hors de cause de l’assureur.

VI : Sur les demandes accessoires

[T] [E] succombant en appel, la Cour infirme la décision déférée qui a condamné les époux [Y] aux dépens de la procédure de première instance et statuant à nouveau :

Condamne [T] [E] aux dépens de la procédure de première instance avec droit de recouvrement direct au profit de la Selarl Benoit-Lalliard-Rouanet, Avocats.

[T] [E] succombant en appel, mais la MAF étant mise hors de cause, la Cour infirme la décision déférée qui a condamné les époux [Y] à payer à [T] [E] et la MAF la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et statuant à nouveau :

Déboute [T] [E] de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile en première instance ;

Condamne les époux [Y] à payer à la MAF la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, justifié en équité.

La Cour condamne [T] [E], partie perdante, aux dépens à hauteur d’appel avec droit de recouvrement direct au profit de la Selarl Benoit-Lalliard-Rouanet, Avocats.

La Cour condamne [T] [E] à payer aux époux [Y] la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile à hauteur d’appel.

La MAF étant mise hors de cause, la Cour condamne les époux [Y] à payer à la MAF la somme de 500 € à hauteur d’appel, au titre des frais irrépétibles, justifiée en équité.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

Infirme la décision déférée qui a rejeté la demande de résolution judiciaire du contrat d’architecte présentée par [K] et [B] [Y] et,

Statuant à nouveau :

Prononce au 31 mars 2016 la résolution judiciaire du contrat d’architecte intervenu le 16 février 2016 entre [K] et [B] [Y] et [T] [E] aux torts de l’architecte ;

Condamne [T] [E] à verser à [K] et [B] [Y] la somme de 8 790,10 € à titre de dommages et intérêts ;

Infirme la décision déférée en ce qu’elle a condamné [K] et [B] [Y] à payer à [T] [E] la somme de 3 845,38 € au titre de l’indemnité pour résiliation sans faute du contrat d’architecte et,

Statuant à nouveau :

Rejette la demande d’indemnité de résiliation présentée par [T] [E] ;

Rejette la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive présentée par [K] et [B] [Y] et confirme en conséquence la décision déférée qui a rejeté cette demande ;

Prononce la mise hors de cause de la Mutuelle des Architectes Français, assureur de [T] [E] ;

Infirme la décision déférée qui a condamné [K] et [B] [Y] aux dépens de la procédure de première instance et,

Statuant à nouveau :

Condamne [T] [E] aux dépens de la procédure de première instance avec droit de recouvrement direct au profit de la Selarl Benoit-Lalliard-Rouanet, Avocats ;

Infirme la décision déférée qui a condamné [K] et [B] [Y] à payer à [T] [E] et la MAF la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et,

Statuant à nouveau :

Déboute [T] [E] de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile en première instance ;

Condamne [K] et [B] [Y] à payer à la Mutuelle des Architectes Français la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Condamne [T] [E] aux dépens à hauteur d’appel avec droit de recouvrement direct au profit de la Selarl Benoit-Lalliard-Rouanet, Avocats ;

Condamne [T] [E] à payer à [K] et [B] [Y] la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile à hauteur d’appel ;

Condamne [K] et [B] [Y] à payer à la Mutuelle des Architectes Français la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, à hauteur d’appel ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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