Tentative de conciliation : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/00203

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Tentative de conciliation : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/00203
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 05 JANVIER 2023

N° RG 20/00203

N° Portalis DBV3-V-B7E-TWPV

AFFAIRE :

[C] [S]

C/

S.A.R.L. ACM FERMETURES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 décembre 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : E

N° RG : F19/00261

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Clotilde WAGNER

Me Yann DEBRAY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [C] [S]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Clotilde WAGNER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 440

APPELANT

****************

S.A.R.L. ACM FERMETURES

N° SIRET : 482 334 158

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Yann DEBRAY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0888 substitué par Me Nathalie PELARDIS du barreau de PARIS, vestiaire : E298

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 04 novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier placé lors des débats : Clémence VICTORIA

Greffier en pré-affectation lors du prononcé : Domitille GOSSELIN

La société ACM Fermetures, dont le siège social se situe [Adresse 2], est spécialisée dans les travaux de menuiseries bois et PVC. Elle emploie moins de onze salariés.

La convention collective applicable est celle des cadres du bâtiment du 1er juin 2004.

M. [C] [S], né le 5 avril 1963, a été engagé par la société ACM Fermetures par contrat de travail à durée indéterminée en date du 16 novembre 2009 en qualité de responsable technique, statut cadre.

La société ACM Fermetures n’était pas dotée d’une équipe de poseurs intégrés et faisait appel à des sous-traitants.

M. [S] avait notamment pour missions d’assurer la gestion du service technique en prenant en charge notamment la responsabilité du personnel technique (métreur, poseur’) présent et à venir au sein de l’entreprise, d’assumer, écouter, valoriser, contrôler, évaluer les poseurs, de contrôler la bonne réalisation des poses, de gérer la formation des équipes de pose sous-traitantes ou intégrées et d’assurer de manière occasionnelle des opérations de pose.

En octobre 2014, la société ACM Fermetures s’est dotée d’une équipe interne de poseurs.

A cette occasion, la société ACM Fermetures a appris, de la part de deux artisans sous-traitants qu’elle entendait embaucher, l’existence de commissions versées en liquide par les artisans à M. [S].

Le 9 octobre 2014, la société ACM Fermetures a mis à pied à titre conservatoire M. [S].

Par courrier du 14 octobre 2014, la société ACM Fermetures a convoqué M. [S] à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, fixé au 23 octobre 2014.

Par courrier du 28 octobre 2014, la société ACM Fermetures a notifié à M. [S] son licenciement disciplinaire pour faute grave dans les termes suivants :

« Les raisons qui me contraignent à prendre cette mesure sont les suivantes :

Vous avez été engagé à compter du 16 novembre 2009 en qualité de Responsable technique, statut cadre par contrat de travail à durée indéterminée signé le 16 novembre 2009. En cette qualité, vous êtes en charge notamment :

– des métrages

– des commandes

– des rendez-vous clients

– de la gestion des sous-traitants (dans le cas présent, la partie qui nous intéresse).

Courant septembre 2014, mon associé et moi-même vous avons informé des nouvelles obligations légales qui pourraient remettre en question la pérennité d’ACM Fermetures si nous ne savions pas y répondre. En l’occurrence et comme je l’ai rappelé lors de votre entretien préalable, nous avons l’obligation d’être certifié RGE (« Reconnu Garant de l’Environnement ») au plus tard le 31 décembre 2014 pour permettre à nos clients de bénéficier du nouvel avantage fiscal à compter du 1er janvier 2015. Si nous n’étions pas certifiés RGE, ACM Fermetures devrait être fermée car nous réalisons la quasi-totalité de notre chiffre d’affaires auprès des particuliers qui bénéficient directement de ce nouvel avantage fiscal.

Or, pour obtenir la qualification RGE, nous avons l’obligation d’obtenir la certification QUALIBAT, qui nous oblige à employer en propre du personnel de poses et non plus à avoir recours à des sous-traitants comme nous le faisions jusque-là.

Après mûres réflexions avec mon associé [G] [Z], nous avons pris la décision début octobre 2014 de nous lancer dans cette nouvelle aventure, sachant que nous aurions pu prendre la décision de fermer ACM Fermetures.

Nous avons donc décidé de nous rapprocher des sous-traitants qui nous donnaient toutes satisfactions pour constituer notre équipe de pose. Nous vous avons ensuite informé que nous avions contacté M. [M] [P] et son collègue et qu’ils étaient d’accord pour nous rejoindre.

Votre comportement a alors soudainement été modifié et vous avez dénigré cette équipe de pose.

M. [M] [P] m’a appelé à plusieurs reprises et m’a adressé des SMS pour me dire qu’il avait des pressions fortes de votre part et que vous le mettiez en garde contre l’équipe dirigeante (donc mon associé et moi-même) et ACM Fermetures. J’ai en effet remarqué que depuis peu, vous vous rendiez de manière inhabituelle sur les chantiers.

Afin de parer à toutes éventualités, nous avons pris contact avec une autre équipe de pose dès le vendredi 3 octobre 2014.

Le 7 octobre 2014 à 14h00, nous vous avons rencontré afin d’essayer de comprendre la situation et afin de tenter de vous expliquer à nouveau la problématique. Nous avons compris que vous ne souhaitiez pas que M. [M] [P] travaille au sein de notre entreprise.

Afin d’éviter toutes polémiques dans un contexte déjà difficile, nous avons pris la décision de décliner notre offre à l’égard de M. [M] [P] et je me suis rendu personnellement sur le chantier de M. [M] [P] pour le lui annoncer de vive voix.

Puis, le 9 octobre 2014, alors que, compte tenu du planning en ma possession, je pensais que M. [M] [P] ne travaillait pas pour nous ce jour-là, il est venu à l’entrepôt car vous aviez programmé des poses sans m’en avertir. Vous avez alors eu un différend avec M. [M] [P]. Quand je suis arrivé sur place, j’ai pris connaissance de la situation et j’ai rencontré M. [M] [P]. Ce dernier m’a alors appris que vous lui demandiez d’être payé pour obtenir des chantiers.

Je me suis alors isolé et j’ai téléphoné au responsable de la seconde équipe de pose, M. [U] [Y]. Non sans mal et de crainte que je ne le sanctionne, il m’a avoué devoir vous verser des sommes d’argent pour obtenir des chantiers.

Ce que j’ai entendu de la part des équipes dépasse l’entendement. Je suis abasourdi et scandalisé. Cette situation est extrêmement grave et absolument intolérable compte tenu des valeurs humaines et morales et des exigences d’éthique et d’équité de ACM Fermetures et de votre qualité de Cadre, responsable entre autres de la coordination entre les équipes de pose sous-traitantes et la Direction. Ainsi vous avez signé, avec votre contrat de travail, une annexe Ethiques des affaires de l’entreprise et une annexe Philosophie de l’entreprise qui en font partie intégrante. Ces faits constituent une violation grave de vos obligations contractuelles.

Lors de votre entretien préalable, vous vous êtes contenté de nier les faits, sans plus d’explications, en me disant que je n’avais pas de preuves. Je n’ai pas l’habitude de sanctionner ainsi un employé de mon entreprise et le principe d’éthique que je vous demande de respecter, je l’applique à moi-même. Je n’ai pas envisagé cette procédure à la légère. Aujourd’hui, ma décision est prise au regard des éléments suivants :

– les explications orales concordantes de ces deux équipes de pose,

– leur attestation écrite confirmant leurs explications,

– les termes de la main courante déposée par M. [M] [P],

– votre attitude depuis que je vous ai informé avoir contacté M. [M] [P] et qu’il était d’accord pour nous rejoindre,

– votre attitude lors de votre entretien préalable, consistant en une simple dénégation de principe, sans la moindre explication des dires de M. [M] [P] et de M. [U] [Y], ni de votre attitude (sic) à l’égard de M. [M] [P] après que je vous ai informé sur l’offre de recrutement en interne.

Lors de votre entretien préalable, votre conseil m’a demandé si j’avais envisagé depuis longtemps de me séparer de vous. J’ai dû lui faire répéter à plusieurs reprises sa question tant j’étais surpris de son approche et n’étais pas sûr d’en comprendre le sens. Je lui ai expliqué que nous séparer de vous dans le contexte actuel de certification RGE était extrêmement délicat pour ACM Fermetures car vous étiez un rouage important et indispensable à l’entreprise mais que je ne pouvais pas être complice de ce que je venais de découvrir.

Vos explications ne permettent pas de modifier l’appréciation qu’a ACM Fermetures sur les griefs qui vous sont reprochés.

Je suis donc contraint de prononcer par la présente votre licenciement disciplinaire pour faute grave sans préavis ni indemnité, la gravité de vos manquements rendant impossible l’exécution de votre contrat même pendant votre préavis. »

Par requête reçue au greffe le 23 juillet 2015, M. [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles aux fins de contester la rupture de son contrat de travail et de solliciter l’allocation de diverses sommes salariales et indemnitaires.

La société ACM Fermetures avait quant à elle conclu au débouté de M. [S] et sollicitait, à titre ‘reconventionnel’, sa condamnation à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Après échec de la tentative de conciliation lors de l’audience du 16 décembre 2015, l’affaire a été radiée le 24 avril 2017 et rétablie au rôle le 25 avril 2019.

Le conseil de prud’hommes a rejeté la demande de sursis à statuer formée à l’audience du 23 septembre 2019 par M. [S], dans l’attente du résultat de la plainte pénale déposée par l’employeur, et a retenu l’affaire.

Par jugement rendu le 9 décembre 2019, la section encadrement du conseil de prud’hommes de Versailles a :

– dit et jugé que le licenciement pour faute grave de M. [S] est correctement motivé,

En conséquence,

– débouté M. [S] de l’ensemble de ses demandes,

– condamné M. [S] à payer à la société ACM Fermetures la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– laissé les dépens aux parties les ayant engagés.

M. [S] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 20 janvier 2020.

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 20 avril 2020, M. [S] demande à la cour de :

A titre liminaire,

– surseoir à statuer dans l’attente du classement sans suite ou du jugement pénal définitif de la plainte pénale déposée par la SARL ACM Fermetures concernant le grief du licenciement permettant à la cour de céans de prendre connaissance du dossier pénal,

Sur le fond,

– infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

En conséquence,

– constater l’absence de faute grave,

– constater que le licenciement pour faute grave dont a fait l’objet M. [S] n’était pas justifié,

– constater que le licenciement dont a fait l’objet M. [S] est sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

– condamner la SARL ACM Fermetures à verser à M. [S] la somme de 3 907,27 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– condamner la SARL ACM Fermetures à verser à M. [S] la somme de 11 721,81 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– condamner la SARL ACM Fermetures à verser à M. [S] la somme de 1 172,18 euros à titre de congés payés sur préavis,

– condamner la SARL ACM Fermetures à verser à M. [S] la somme de 2 520,81 euros à titre de salaire à valoir sur la période de mise à pied du 9 octobre 2014 au 28 octobre 2014,

– condamner la SARL ACM Fermetures à verser à M. [S] la somme de 252,08 euros à titre de congés payés sur période de mise à pied,

– condamner la SARL ACM Fermetures à verser à M. [S] la somme de 47 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la SARL ACM Fermetures à verser à M. [S] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile tant pour les frais irrépétibles engagés par le salarié en première instance qu’en cause d’appel,

– condamner la SARL ACM Fermetures aux entiers dépens tant de première instance qu’en cause d’appel.

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 20 juillet 2020, la société ACM Fermetures demande à la cour de :

In limine litis,

– déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer formulée par M. [S],

A titre principal,

– dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [S] est fondé,

En conséquence,

– confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

– débouter M. [S] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions relatives à son licenciement,

A titre subsidiaire,

– dire et juger que le licenciement de M. [S] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

– statuer ce que de droit sur les demandes relatives à l’indemnité de licenciement et à l’indemnité de préavis et congés payés y afférents,

– débouter M. [S] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la Cour de céans considérait que le licenciement de M. [S] serait sans cause réelle et sérieuse,

– constater que la société ACM Fermetures emploie moins de onze salariés,

– constater que M. [S] ne démontre aucun préjudice causé par son licenciement,

En conséquence,

– statuer ce que de droit sur les demandes relatives à l’indemnité de licenciement et à l’indemnité de préavis et congés payés y afférents,

– débouter M. [S] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

– condamner M. [S] à verser à la société ACM Fermetures la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par ordonnance rendue le 2 novembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 4 novembre 2022.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample explosé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE L’ARRET

Il est indiqué à titre liminaire que la cour ne statuera pas sur les demandes tendant à ‘constater’ qui ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.

Sur la demande de sursis à statuer

M. [S] demande à titre liminaire un sursis à statuer dans l’attente du résultat de la plainte pénale déposée par son employeur après que lui-même a saisi le conseil de prud’hommes, ce qui permettra de démontrer que le grief existait au moment du licenciement ou s’il s’agit d’un stratagème monté de toutes pièces par l’employeur.

La société ACM Fermetures réplique que la demande de sursis à statuer est irrecevable, d’une part car elle relève de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état et d’autre part parce qu’elle n’a pas été soulevée avant toute défense au fond.

L’article 907 du code de procédure civile dispose que ‘à moins qu’il ne soit fait application de l’article 905, l’affaire est instruite sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les articles 780 à 807 et sous réserve des dispositions qui suivent.’

L’article 789 du code de procédure civile prévoit que le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent notamment pour ‘1° statuer sur les exceptions de procédures, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance.’

L’article 73 du code de procédure civile énonce que ‘constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.’

Le sursis à statuer, prévu par l’article 378 du code de procédure civile, qui suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’il détermine, constitue une exception de procédure.

L’article 74 du code de procédure civile prévoit que les exceptions doivent être, à peine d’irrecevabilité, soulevées avant toute défense au fond.

En l’espèce, la demande de sursis à statuer est présentée à titre liminaire dans le dispositif des conclusions de l’appelant, avant les prétentions au fond et elle est de même exposée avant les moyens se rapportant au fond dans le corps des conclusions.

Néanmoins, il appartenait à M. [S] de former sa demande de sursis à statuer auprès du conseiller de la mise en état et la demande qu’il présente en ce sens à la cour doit être déclarée irrecevable.

Sur le licenciement pour faute grave

M. [S] soutient que pour se séparer de lui car il était devenu trop coûteux et inutile, au lieu de lui proposer une rupture conventionnelle, la société ACM Fermetures a mis en place une procédure de licenciement disciplinaire fallacieuse, en montant les protagonistes les uns contre les autres.

Il expose que dans le cadre d’un précédent litige avec un salarié, la société ACM Fermetures a tenté d’extorquer des faux témoignages à des salariés ou sous-traitants.

Il fait valoir qu’il est parfaitement intègre et qu’il ne s’est jamais livré aux faits graves dont son employeur l’accuse. Il souligne que son employeur n’a pas déposé plainte contre lui au moment où les faits ont été découverts ou au moment du licenciement mais qu’il l’a fait tardivement, postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes. Il demande que le doute lui profite sur la réalité du grief.

Il soutient que l’embauche de M. [Y] et de son équipe de poseurs en ses lieu et place rend sujet à caution le témoignage de ce dernier, de même que le témoignage de M. [P], qui a été embauché par ACM Fermetures le 1er septembre 2015.

Il fait valoir que le tableau censé montrer une évolution anormale des prix de marché de la sous-traitance a été établi par la société ACM Fermetures, n’est justifié par aucune pièce comptable ou facture et ne reflète que la variation des marges de la société, dont lui-même n’est pas responsable.

La société ACM Fermetures réplique que M. [S] obligeait les entreprises sous-traitantes à le rémunérer pour obtenir des chantiers, ce qui constitue une faute grave et en tous cas une cause de licenciement réelle et sérieuse.

Elle expose que les poseurs ont répercuté le montant des sommes versées à M. [S] sur leurs prix, augmentant le coût de la pose des fenêtres supporté par le client.

Elle fait valoir que les attestations de Mrs [Y] et [P] ont été établies au moment des faits, M. [P] reprenant les termes de la main-courante qu’il avait déposée, et qu’elle ne dispose pas de moyens de pression sur eux car ils ne font plus partie de la société.

Il résulte de l’article L. 1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause du licenciement, qui s’apprécie au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l’employeur, doit se rapporter à des faits objectifs, existants et exacts, imputables au salarié, en relation avec sa vie professionnelle et d’une certaine gravité qui rend impossible la continuation du travail et nécessaire le licenciement.

L’article L. 1235-1 du code du travail prévoit que le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son départ immédiat. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Il appartient donc à la société ACM Fermetures de rapporter la preuve de l’existence du grief énoncé dans la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement.

En l’espèce, la lettre de licenciement reproche à M. [S] d’avoir perçu des commissions pour attribuer des chantiers à deux entreprises sous-traitantes.

M. [S] devait, au titre de ses fonctions au sein de la société ACM Fermetures, assurer le suivi des sous-traitants effectuant la pose de menuiseries, dès lors que la société ne disposait pas d’une équipe interne de poseurs.

Parmi les sous-traitants avec lesquels M. [S] était en lien, figuraient la société AMS Déco, dont M. [U] [Y] était le gérant, et la société AS Menuiserie puis Idéal Habitat dont le gérant était M. [M] [P].

Il est constant que pour obtenir la qualification RGE à compter du 1er janvier 2015, la société ACM Fermetures devait intégrer dans ses effectifs une équipe de poseurs.

M. [W] [T], co-gérant de la société ACM Fermetures, témoigne dans la lettre de licenciement du fait que lorsqu’il a indiqué à M. [S] que M. [P] et son collègue étaient d’accord pour rejoindre l’entreprise, M. [S] a modifié son comportement et a dénigré cette équipe de pose. Il indique avoir reçu des sms de M. [P] lui faisant part des pressions fortes reçues de M. [S], qui le mettait en garde contre la société ACM Fermetures et l’équipe dirigeante.

M. [T] relate qu’après un différend survenu entre M. [P] et M. [S] le 9 octobre 2014, M. [P] lui a appris que M. [S] lui demandait de l’argent pour obtenir des chantiers. M. [Y] lui a relaté les mêmes faits.

Le 9 octobre 2014 (pièce 7 de l’intimée), M. [M] [P] a déposé une main-courante en indiquant que ‘M. [S] m’avait imposé de prendre une commission sur la facture éditée chaque mois en échange de mes services (sinon je n’avais plus de chantier). N’ayant pas le choix j’avais accepté. En apprenant ma proposition d’embauche chez ACM depuis une semaine, M. [S] a changé son comportement envers moi avec des réflexions incessantes. M. [T] ayant connaissance de ce différent avait annulé cette proposition d’embauche me concernant. Ce matin j’ai eu un différent verbal avec M. [S] et dans la situation je reconnais l’avoir légèrement poussé. (…) Suite à ce différent j’ai rencontré M. [T] à son bureau et je lui ai tout raconté sur les commissions que prenait M. [S] et la pression qu’il faisait sur moi. Il s’est avéré qu’il agissait de la sorte également avec une autre équipe de poseurs.’

M. [S] a lui-même déposé une main-courante le 9 octobre 2014 indiquant qu’il a été insulté et pris par le col par M. [P] et qu’il ne veut pas que cette équipe de poseurs travaille avec la société ACM car elle n’est pas compétente dans tous les domaines de la pose (pièce 9 de l’appelant).

Or M. [P] et son équipe se voyaient régulièrement confier des chantiers en qualité de sous-traitants de la société ACM Fermetures en 2014, ainsi qu’en témoigne la pièce 3 de la société.

Dans une attestation rédigée le 21 octobre 2014 (pièce 5 de l’intimée), M. [P] relate que ‘le métreur Monsieur [S] nous a (moi et mon collègue) imposé une commission sur la facture éditée de chaque mois. Il nous a dit (à moi et mon collègue) que si l’on acceptait pas la commission on aurait tout simplement pas de boulot. On a été obligés donc d’accepter cette commission qui représentait 10 % du montant de la facture de chaque mois. C’était la condition du métreur M. [S].’

Dans une attestation rédigée le 20 octobre 2014 (pièce 6 de l’intimée), M. [U] [Y] écrit : ‘je déclare que j’ai donné à Monsieur [S] par mois 500 euros pendant deux ans, pour avoir du travail et pour la protection.’ Il indique avoir arrêté de payer comme il n’avait pas beaucoup de travail et que M. [S] lui a dit qu’il fallait qu’il dégage. Il relate avoir remis à M. [S] 500 euros en ‘cadeau de mariage’ et avoir reçu une pression pour obtenir de l’argent.

Les témoignages de Mrs [P] et [Y] concordent entre eux et sont cohérents avec ce qu’a écrit M. [T].

Le fait qu’ils aient été, ainsi que des membres de leur équipe, embauchés par la société ACM Fermetures, M. [Y] en qualité de technicien métreur le 1er décembre 2014 et Mrs [X] et [J] [D] en qualité d’ouvriers le 20 octobre 2014 d’une part et M. [P] en qualité de technicien métreur le 1er septembre 2015 et M. [I] [V] en qualité de VRP le 5 janvier 2015 d’autre part, ne suffit pas à discréditer leurs témoignages (pièce 13 de la société ACM Fermetures).

Les attestations d’anciens sous-traitants ou salariés de la société ACM Fermetures produites par M. [S], rapportant qu’ils n’ont jamais versé d’argent ou de cadeau à ce dernier et ne l’ont pas entendu en réclamer ou vu en recevoir de quiconque ne permettent pas de contredire utilement les affirmations de Mrs [P] et [Y].

La preuve étant suffisamment rapportée par l’employeur que M. [S] a perçu de la part de Mrs [P] et [Y] des commissions pour obtenir des chantiers de la part de la société ACM Fermetures, la faute grave est établie et le licenciement justifié.

La décision de première instance sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a débouté M. [S] de toutes ses demandes.

Sur les demandes accessoires

La décision de première instance sera infirmée en ce qu’elle a laissé les dépens à la charge des parties qui les ont engagés et confirmée en ce qu’elle a condamné M. [S] à payer à la société ACM Fermetures une somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [S] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel et devra verser une somme de 800 euros à la société ACM Fermetures au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

Il sera débouté de sa demande formée du même chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Déclare irrecevable la demande de sursis à statuer présentée par M. [C] [S],

Confirme le jugement rendu le 9 décembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Versailles, section encadrement, sauf en ce qu’il a laissé les dépens à la charge des parties qui les ont engagés,

Statuant de nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Condamne M. [C] [S] aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne M. [C] [S] à payer à la société ACM Fermetures la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

Déboute M. [C] [S] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine BOLTEAU-SERRE, président, et par Mme Domitille GOSSELIN, greffier en pré-affectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier en pré-affectation, Le Président,

 


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