Tentative de conciliation : 11 janvier 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00249

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Tentative de conciliation : 11 janvier 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00249
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ARRÊT DU

11 Janvier 2023

DB/CR

———————

N° RG 22/00249

N° Portalis

DBVO-V-B7G-C7ND

———————

S.E.L.A.R.L.

CABINET [Z]

C/

[K] [U]

——————

GROSSES le

à

ARRÊT n°

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,

ENTRE :

S.E.L.A.R.L. CABINET [Z]

représentée par Mme [M] [Z]

RCS de Toulouse n°490 867 975

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Christine BERENGUER-GRELET, avocate postulante inscrite au barreau du GERS et par Me Francoise TROUCHE, avocate plaidante inscrite au barreau d’ALBI

APPELANTE d’une Décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de CAHORS en date du 20 Janvier 2022, RG

D’une part,

ET :

Maître [K] [U]

née le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 7] (16)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représenté par Me François DELMOULY, avocat au barreau d’AGEN

INTIMÉE

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 10 Octobre 2022 devant la cour composée de :

Présidente : Claude GATÉ, Présidente de Chambre

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience

Cyril VIDALIE, Conseiller

Greffières : lors des débats : Nathalie CAILHETON

Lors de la mise à disposition : Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

‘ ‘

FAITS :

Le 12 février 2019, la Selarl Cabinet [Z], avocat au barreau de Toulouse, a conclu avec Me [L], avocat au barreau d’Albi, un contrat de collaboration libérale à effet du 6 mars 2019 pour une durée indéterminée.

Ce contrat prévoyait une collaboration de Me [U] aux activités de Me [Z], avec possibilité de réception et développement d’une clientèle personnelle.

Des rétrocessions d’honoraires sous forme de versements mensuels de 2 200 Euros HT ont été convenus au profit de Me [U].

Par lettre du 27 février 2020, Me [Z] a notifié à Me [U] qu’elle mettait un terme au contrat de collaboration avec préavis de trois mois, soit une fin de collaboration fixée au 27 mai 2020.

Il a ensuite été convenu que le contrat prendrait fin le 30 avril 2020.

Le 21 juin 2021, Me [L], devenue avocat au barreau du Lot, a saisi le bâtonnier du barreau d’Albi en exposant que Me [Z] refusait de lui régler le solde de sa rétrocession d’honoraires pour les mois de mars et avril 2020, d’un montant total de 2 200 Euros, sur lesquels elle n’avait perçu que 1 300 Euros, et qu’elle avait également refusé de lui régler la rétrocession d’avril, qui ne lui avait été finalement payée que suite à une première contestation.

Me [Z] a opposé une exception d’incompétence au profit du bâtonnier du Lot, l’absence de tentative de conciliation et, au fond, a reproché à son ancienne collaboratrice d’avoir refusé de travailler à compter du 19 mars 2020.

Par décision du 15 septembre 2021, le bâtonnier du barreau d’Albi, au visa des articles 142 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et 14.6 du Règlement Intérieur National, s’est déclaré incompétent et a renvoyé la connaissance de la requête au bâtonnier du barreau du Lot.

Par décision rendue le 20 janvier 2022, le bâtonnier du barreau du Lot a :

– dit que la rétrocession prévue au contrat est due jusqu’au 30 avril 2020,

– débouté le cabinet [Z] de sa demande de remboursement de la somme de 2 200 Euros,

– condamné le cabinet [Z] représenté par Me [M] [Z] à payer à Me [K] [U] la somme de 900 Euros au titre de solde de rétrocession,

– débouté Me [K] [U] de sa demande formulée au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné le cabinet [Z] représenté par Me [M] [Z] aux entiers dépens de l’instance,

– rappelé que la décision est exécutoire par provision.

Le bâtonnier a rappelé que les règles déontologiques imposaient de tout mettre en oeuvre pour faciliter le télétravail des collaborateurs qui, ayant toute latitude d’organisation, pouvaient travailler à domicile ; a retenu que Me [U] a pu, sans encourir de critique, effectuer la période de confinement sanitaire à [Localité 2], où elle réside, plutôt qu’à [Localité 5] ; qu’il n’existait aucune impossibilité technique pour Me [Z] de permettre le télétravail de sa collaboratrice, ce qu’elle n’avait pas fait ; qu’enfin, celle-ci ne pouvait empiéter sur l’organisation des conditions de travail décidée par Me [U].

Par acte du 25 mars 2022, la Selarl Cabinet [Z] a déclaré former appel de cette décision en indiquant que l’appel porte sur la totalité du dispositif de la décision.

L’affaire a été fixée à l’audience du 10 octobre 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Par conclusions d’appelante notifiées le 22 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, reprises à l’audience, la Selarl Cabinet [Z] présente l’argumentation suivante :

– Elle n’a jamais reproché à Me [U] de se confiner à [Localité 2], lieu de son domicile.

– Me [U] a cessé toute activité à compter du 19 mars 2020, sans mettre en oeuvre aucune diligence pour travailler depuis [Localité 2], comme en atteste un message qu’elle a envoyé le 15 mars 2020, refusant de venir à une réunion au cabinet, avant prise d’effet du confinement, alléguant une simple prise d’Ibuprofène, et déclarant ne pouvoir se déplacer pendant 10 jours, mais sans préciser ne plus être à [Localité 5].

– Elle avait pourtant proposé à sa collaboratrice de passer prendre les dossiers pour les mettre sur clé USB, pensant qu’elle était encore sur [Localité 5].

– Me [U] aurait pu venir au cabinet prendre les dossiers, et un ordinateur paramétré pour le télétravail.

– Les dossiers ne pouvaient pas être transférés par internet.

– C’est Me [U] qui a, le 20 mars 2020, refusé de revenir et exigé un paramétrage d’un ordinateur personnel, ce qui n’était pas possible et non conforme aux règles de sécurité, comme en atteste le technicien [C].

– A défaut de travail effectif, la rétrocession d’honoraires n’est pas due et c’est une somme totale de 3 100 Euros qui doit lui être restituée.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

– réformer la décision,

– débouter Me [U] de ses demandes,

– la condamner à lui restituer la somme de 3 100 Euros et à supporter les dépens avec distraction.

*

* *

Par conclusions d’intimée notifiées le 6 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, et reprises à l’audience, Me [K] [U] présente l’argumentation suivante :

– Le 15 mars 2020, elle a averti Me [Z] que suite à des prises du médicament Ibuprofène prescrit par son médecin traitant, elle devait rester confinée une dizaine de jours.

– Le lendemain, elle a discuté avec cette dernière pour déterminer les modalités de fonctionnement du cabinet à la suite de son départ pour [Localité 2], et lui a indiqué qu’elle ne disposait, sur clé USB, que des dossiers en cours, sans qu’il ne lui soit précisé qu’elle devait emporter l’ordinateur fixe, alors même que Me [Z] était informée que sa collaboratrice devait rester confinée.

– Il a été convenu que Me [Z] se rendrait au cabinet pour reprendre la clé RPVA et qu’elles feraient le point ensemble, les dossiers à traiter pouvant être adressés à la collaboratrice par le système Wetransfer ou même par courriels.

– Me [Z] lui a ensuite demandé de revenir à [Localité 5] à compter du 23 mars 2020, alors que le confinement du pays s’y opposait dès lors que le télétravail pouvait être mis en oeuvre.

– Elle a demandé à Me [Z] de la mettre en relation avec l’informaticien ou qu’elle lui communique les codes d’accès au serveur depuis un ordinateur personnel, mais cette dernière a refusé et ne lui a pas transmis les dossiers dont elle avait besoin.

– Elle a toujours été disponible pour travailler et c’est du fait de Me [Z] que le télétravail n’a pas pu être mis en oeuvre, contrairement aux règles posées par le Conseil National, et alors que l’article 14.1 du Règlement Intérieur National pose le principe selon lequel les salariés et collaborateurs disposent d’une totale liberté dans l’organisation de leurs conditions de travail.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

– confirmer la décision du bâtonnier,

– rejeter les demandes présentées en appel à son encontre,

– condamner Me [Z] à lui payer la somme de 1 500 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

——————-

MOTIFS :

L’examen des échanges entre les parties permet de constater les éléments suivants :

Le dimanche 15 mars 2020, alors que l’épidémie de Covid 19 se propageait dans le pays, Me [U] a adressé à Me [Z] le message SMS suivant :

‘(…) Au regard de la situation sanitaire et après en avoir discuté avec mon médecin traitant, je ne pourrai être présente à compter de demain dans les locaux du cabinet.

En effet, suite à une prise quotidienne d’Ibuprofène la semaine dernière, il convient que je sois très prudente pendant 10 jours et donc que je limite mes contacts. Mon médecin m’a enjoint de rester confinée. Je ne serai donc pas en mesure de me rendre à l’audience devant le JCP. (…)’.

Le même jour, Me [Z] lui a répondu ‘(…). Je prends l’audience de demain matin. Je te prépare une liste de dossiers à traiter. Il faudra que tu passes les chercher ou que tu les mettes sur une clé USB’.

Me [U] a quitté [Localité 5] le jour même et est allée s’installer à [Localité 2], déclarant dans un courriel du mardi 17 mars 2020 ‘Je suis partie un peu précipitamment dimanche’.

Lorsqu’elle est partie pour [Localité 2], Me [U] ne disposait que de quelques dossiers courants pour travailler sur clé USB et n’avait pas emporté l’unité centrale fixe située au cabinet qui lui permet de se connecter au serveur contenant tous les dossiers du cabinet, aux boites courriels et aux différents agendas.

Son ordinateur personnel ne lui permettait que de travailler sur les quelques dossiers en cours emporté sur la clé USB et non de se connecter au serveur du cabinet.

Le vendredi 20 mars 2020, Me [Z] lui a indiqué :

‘Je t’informe que [J] n’est plus au cabinet puisqu’elle a déménagé tous ses dossiers et travaille de chez elle. Il n’y a donc plus personne au cabinet.

Je suis passée hier et j’ai désinfecté les poignées, les bureaux et les ordinateurs.

En conséquence, comme tu n’as aucun dossier avec toi et que tu ne peux donc pas travailler à distance, je te remercie de prendre tes dispositions pour reprendre ton travail au cabinet à partir de ce lundi 23.’

Le même jour, Me [U] lui a répondu :

‘Je vous réitère mon entière disposition pour travailler depuis mon domicile sur les dossiers pour lesquels vous m’adresserez les pièces et éléments nécessaires à leur traitement. (…)’

Le même jour, Me [Z] lui a répondu :

‘J’ai bien pris note de ta réponse. La difficulté est que tu es partie à [Localité 2] sans concertation avec moi et sans prendre le moindre dossier papier ou informatique. Si tu m’en avais informé, je t’aurais dit de prendre ton ordinateur pour pouvoir travailler.

Nous sommes certes aujourd’hui dans une situation de confinement, mais tu habites à [Localité 5] à 100 mètres du cabinet et il aurait été plus simple et tout à fait sécurisé de te rendre au cabinet pour travailler.

Dans la mesure où tu ne souhaites pas néanmoins t’y rendre, il convient de revenir au cabinet pour prendre l’ordinateur du cabinet chez toi afin de pouvoir travailler.

L’ordinateur du cabinet est en effet paramétré pour que tu puisses consulter la messagerie du cabinet et te connecter à distance au serveur.

Mon objectif n’est évidemment pas de te faire prendre le moindre risque sanitaire, il est uniquement de te permettre de travailler, puisque à l’heure actuelle tu n’es pas en mesure de travailler les dossiers du cabinet.

Je te remercie de me confirmer ton accord.’

Me [U] a répondu :

‘Comme bon nombre de français, le fait de ne pas se rendre au cabinet n’est pas un souhait de ma part mais une contrainte que je subis au regard du contexte sanitaire et de la réglementation en vigueur en découlant.

Comme bon nombre de français, je préférerais pouvoir me rendre normalement à mon travail plutôt que de rester confinée pendant des semaines entières.

Dans ce contexte, je vous réitère mon entière disposition pour traiter vos dossiers :

– soit de la façon convenue par téléphone lundi 16 mars, c’est à dire sur la base des pièces et éléments que j’ai pu mettre sur ma clé USB et sur ceux que vous deviez me communiquer par mail ou Wetransfer,

– soit comme vous le souhaitez désormais, via une connexion à distance au serveur.

Sur ce point, je vous rappelle que l’accès à distance au serveur ne dépend pas de l’ordinateur. Il peut se faire depuis n’importe quelle machine, ce qui évite de déménager des ordinateurs non portables.

Dès lors, je vous remercie de me communiquer les codes et le protocole de connexion pour que je puisse y accéder depuis mon ordinateur personnel. Le cas échéant, [V] devrait être en mesure de configurer à distance mon ordinateur personnel à cet effet, comme il l’a fait hier pour [N].

De même, il conviendra que vous me communiquiez les codes d’accès à la messagerie du cabinet.’

Me [U] n’avait aucune obligation de reprendre le travail au cabinet, comme le lui demandait pourtant le courriel du 20 mars 2020, compte tenu de la possibilité de télétravailler et du principe de liberté d’organisation institué à l’article 14.1 du Règlement Intérieur National.

Toutefois, elle n’était plus en mesure de poursuivre le travail au-delà des quelques dossiers sur clés USB qu’elle avait pu emporter le dimanche 17 mars 2020, faute d’accès au serveur du cabinet.

Me [Z] est étrangère à cette situation.

Il appartenait donc à Me [U] :

– soit de prendre la précaution de partir d'[Localité 5] avec son unité centrale professionnelle, ce qui était possible le dimanche 17 mars 2020, le cabinet étant par définition vide, et en tout état de cause il était simple d’éviter tout contact avec une personne éventuellement présente,

– soit après l’entrée en vigueur du confinement, de se déplacer, depuis [Localité 2], jusqu’à [Localité 5], au cabinet, comme le permettait l’article 1er du décret n° 2020-260 du 16 mars 2020, autorisant ‘les trajets entre le domicile et le ou les lieux de l’exercice de l’activité professionnelle’ sous la seule réserve de signer une simple attestation en ce sens.

Elle ne justifie d’aucun élément objectif s’y opposant :

– elle ne produit aucun justificatif médical dont il résulterait qu’elle ne pouvait pas quitter son domicile compte tenu de son état de santé,

– le cabinet était vide de tout personnel dès le 20 mars 2020 et avait fait l’objet d’une désinfection.

En outre, Me [Z] pouvait légitimement refuser de lui envoyer le technicien [V] [C] qui, comme il l’indique dans une attestation produite aux débats, devait impérativement se déplacer à [Localité 2], pour paramétrer et sécuriser son ordinateur personnel.

Me [U] n’était pas en mesure d’exiger de pouvoir utiliser son ordinateur personnel en dehors de ce paramétrage spécifique destiné à sécuriser les connexions.

Finalement, la Cour constate que c’est du fait de sa propre carence et non de celle de Me [Z], que Me [U] n’a pas été en mesure de fournir le travail prévu au contrat de collaboration.

Dès lors, la rémunération correspondante ne lui est pas due.

La décision du bâtonnier sera infirmée et Me [U] déclarée tenue à restitution de la somme de 3 100 Euros.

Enfin, il n’y a pas lieu d’accorder la distraction des dépens sollicitée par l’appelante compte tenu que, selon l’alinéa 1er de l’article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la procédure est sans représentation obligatoire.

PAR CES MOTIFS :

– la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

– INFIRME la décision du bâtonnier SAUF en ce qu’elle a débouté Me [K] [U] de sa demande formulée au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– STATUANT A NOUVEAU,

– DIT que la rétrocession d’honoraires n’est due à Me [K] [U] que jusqu’au 18 mars 2020 ;

– En conséquence, DIT que Me [K] [U] doit restituer à la Selarl Cabinet [Z] la somme de 3 100 Euros perçues pour une période au-delà de cette date ;

– CONDAMNE Me [K] [U] aux dépens de 1ère instance et d’appel.

Vu l’article 456 du code de procédure civile, le présent arrêt a été signé par Dominique Benon, conseiller ayant participé au délibéré en l’absence de Madame la présidente de chambre empêchée, et par Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

 


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