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MHD/PR
ARRET N° 18
N° RG 22/01329
N° Portalis DBV5-V-B7G-GRTF
[H]
C/
S.A.S. MANPOWER
S.A.S.U. AUTOLIV-ISODELTA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre sociale
ARRÊT DU 12 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 mai 2022 rendu par le Conseil de Prud’hommes de POITIERS
APPELANT :
Monsieur [Z] [H]
né le 1er mai 1982 à [Localité 6] (94)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Ayant pour avocat constitué Me Sylvie RODIER de l’ASSOCIATION RODIER MBDT ASSOCIÉS, avocat au barreau de POITIERS
Ayant pour avocat plaidant Me Guy DIBANGUE de l’ASSOCIATION RODIER MBDT ASSOCIÉS, avocat au barreau de POITIERS
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2022/000039 du 07/11/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de POITIERS)
INTIMÉES :
S.A.S. MANPOWER FRANCE
N° SIRET : 429 955 297
[Adresse 2]
[Localité 5]
Ayant pour avocat Me Florence FARABET-ROUVIER de la SELARL AUMONT FARABET-ROUVIER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
S.A.S.U. AUTOLIV-ISODELTA
N° SIRET : 326 780 541
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Ayant pour avocat constitué Me Blandine DAVID de la SELARL KÆM’S AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
Ayant pour avocat plaidant Me Marie-Laure TREDAN substituée par Me Laurent KASPEREIT – CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocats au barreau des HAUTS-DE-SEINE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 19 octobre 2022, en audience publique, devant :
– Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente qui a présenté son rapport
– Madame Valérie COLLET, Conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseiller
Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par contrat de travail du 9 décembre 2020, Monsieur [Z] [H] a été embauché par la société Manpower pour être mis à disposition de l’entreprise Autoliv Isodelta, en qualité de manutentionnaire.
Par requête en date du 12 mai 2021, il a saisi le conseil de prud’hommes de Poitiers aux fins d’obtenir des dommages intérêts au titre de la requalification de sa prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour travail dissimulé.
Le bureau de conciliation et d’orientation a notamment :
– le 11 juin 2021 :
* constaté, en présence de Monsieur [H], assisté de son conseil et des sociétés Autoliv Isoldeta et Manpower représentées par leur conseil – la non – conciliation des parties,
* fixé un calendrier de procédure prévoyant que Monsieur [H] devait déposer ses conclusions avant le 31 juillet 2021 et que les deux sociétés Manpower et Autoliv Isodelta devaient répliquer respectivement les 30 septembre et 31 octobre 2021,
– le 4 mars 2022 :
* déclaré caduques la demande et la citation de Monsieur [H] faute pour lui d’avoir conclu ou d’avoir justifié en temps utile d’un motif légitime.
Par requête en date du 10 mars 2022, Monsieur [H] a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de rétractation de la décision de caducité et a sollicité la réinscription de l’affaire au rôle et sa fixation à une audience après le relevé de caducité.
Par jugement du 20 mai 2022, le conseil de prud’hommes a confirmé la décision du 4 mars 2022 constatant la caducité de la citation et des demandes de Monsieur [H].
Par déclaration d’appel en date du 24 mai 2022, Monsieur [H] a interjeté appel de cette décision.
***
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 5 octobre 2022 et l’affaire a été plaidée à l’audience du 19 octobre 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions du 5 octobre 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample des faits, prétentions et moyens, Monsieur [H] demande à la cour de :
– infirmer le jugement attaqué ;
– déclarer recevable l’appel interjeté ;
– déclarer recevable et bien fondée sa demande de relevé de caducité ;
– déclarer qu’il n’y a pas lieu pour le conseil de prud’hommes de Poitiers d’user de la faculté de prononcer la caducité prévue par l’article 468 du code de procédure civile ;
– le relever de la caducité confirmée par le jugement ;
– ordonner la rétractation de la décision du Bureau de conciliation de Poitiers du 4 mars 2022 constatant la caducité de la citation et des demandes du salarié ;
– prononcer la réinscription au rôle après relevé de caducité ;
– renvoyer la cause et les parties devant le conseil de prud’hommes de Poitiers ;
– débouter la société Manpower et Autoliv Isodelta de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;
– les condamner aux entiers dépens ;
– les condamner à verser chacune 700 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 4 octobre 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample des faits, prétentions et moyens, la SASU Autoliv Isodelta demande à la Cour de :
– constater qu’elle n’est pas saisie d’un appel contre la décision constatant la caducité du 4 mars 2022 ;
– déclarer irrecevable la demande de Monsieur [H] tendant à voir infirmer la décision du Bureau de conciliation ;
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
– déclarer caduque la citation de Monsieur [H] faute d’avoir accompli les actes de procédure dans les délais requis par le bureau de conciliation ;
– condamner Monsieur [H] à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Monsieur [H] aux entiers dépens.
Par conclusions du 30 septembre 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample des faits, prétentions et moyens, la SAS Manpower demande à la Cour de :
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Poitiers le 20 mai 2022 ;
– condamner Monsieur [H] au paiement de la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
SUR QUOI
I – SUR LA FIN DE NON RECEVOIR :
En l’espèce, par décision du 4 mars 2022, le bureau de conciliation et d’orientation a déclaré caduques la citation et les demandes de Monsieur [H] au motif qu’il n’avait ni comparu à l’audience de mise en état et ni conclu.
Au lieu de saisir d’une demande de relevé de caducité le bureau de conciliation et d’orientation, comme le spécifiait justement le courrier de notification qui était joint à la décision de caducité, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Poitiers lequel a, par jugement du 20 mai 2022, confirmé la décision du 4 mars 2022 constatant la caducité de sa citation et de ses demandes.
Monsieur [H] a interjeté appel de cette décision.
Il sollicite dans ses conclusions non seulement l’infirmation du jugement du 20 mai 2022 mais également :
– le ‘relevé de la caducité confirmée par le jugement,
– la rétractation de la décision du bureau de conciliation de Poitiers du 4 mars 2022 constatant la caducité de la citation et de ses demandes’.
La société Autoliv soulève une fin de non – recevoir tirée du caractère nouveau de ces deux demandes et sollicite le prononcé de leur irrecevabilité en exposant qu’elles sont nouvelles puisque la déclaration d’appel vise uniquement le jugement du 20 mai 2022, à l’exception de la décision du 4 mars 2022 qui n’a pas été déférée à la cour.
En réponse, Monsieur [H] réplique :
– que sur le fondement du principe selon lequel ‘à peine d’irrecevabilité, les parties doivent présenter, dès les conclusions, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond’, il a sollicité dès ses premières conclusions, un relevé de caducité,
– que son appel vise principalement ce relevé de caducité,
– que c’est à titre superfétatoire qu’il a ajouté dans ses conclusions n°3 la demande d’infirmation de la décision du bureau de conciliation de Poitiers,
– que cela n’entache pas la portée de l’appel.
***
Cela étant, il convient de relever :
– qu’en ‘confirmant la décision du 4 mai 2022 qui a déclaré caduques la citation et les demandes de Monsieur [H]’, le conseil de prud’hommes a implicitement mais nécessairement rejeté le relevé de forclusion et la rétractation de la décision du 4 mars 2022 dont il avait été saisi expressément par le demandeur au terme de sa requête,
– que l’appelant – en mentionnant dans sa déclaration que l’objet de l’appel porte sur le chef du dispositif qui ‘confirme la décision du 4 mars 2022 constatant la caducité de la citation et des demandes de Monsieur [H]’ et ‘met à la charge de Monsieur [H] les dépens’ – a interjeté appel implicitement mais nécessairement du rejet du relevé de caducité et de celui de la rétractation de la décision qui était contenue implicitement mais nécessairement dans le dispositif du jugement attaqué,
-qu’en outre, en application des articles 565 et 566 du code de procédure civile ‘ qui prévoient que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles qui étaient soumises au premier juge et que les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ‘ les demandes expresses de relevé de forclusion et de rétraction de l’ordonnance du 4 mai 2022 sont tout à la fois les accessoires, les conséquences et les compléments nécessaires de ses demandes initiales présentées devant le conseil de prud’hommes et que celui-ci a écartées en jugeant qu’il confirmait la décision de caducité du 4 mai 2022,
– qu’en tout état de cause, comme la cour d’appel de Poitiers est juridiction d’appel des décisions du bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes de Poitiers et du conseil de prud’hommes de Poitiers, elle est compétente pour statuer sur la demande de relevé de caducité qui aurait dû être formée devant le bureau de conciliation et d’orientation comme l’indiquait au demandeur la notification de la décision du 4 mai 2022.
En conséquence, il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société Autoliv, tirée du caractère nouveau des demandes présentées par Monsieur [H].
Les demandes formées par Monsieur [H] sont donc recevables.
II – SUR LE FOND :
En application des articles :
* R 1454-12 alinéa 1 du code du travail ‘ Lorsque au jour fixé pour la tentative de conciliation le demandeur ne comparaît pas sans avoir justifié en temps utile d’un motif légitime, il est fait application de l’article L. 1454-1-3, sauf la faculté du bureau de conciliation et d’orientation de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure du bureau de jugement. Le bureau de conciliation et d’orientation peut aussi déclarer la requête et la citation caduques si le défendeur ne sollicite pas un jugement sur le fond…’
* L1454-1-3 du code du travail : ‘Si, sauf motif légitime, une partie ne comparaît pas, personnellement ou représentée selon des modalités prévues par décret en Conseil d’Etat, le bureau de conciliation et d’orientation peut juger l’affaire, en l’état des pièces et moyens que la partie comparante a contradictoirement communiqués.
Dans ce cas, le bureau de conciliation et d’orientation statue en tant que bureau de jugement dans sa composition restreinte mentionnée à l’article L.1423-13.’
Il en résulte donc que le prononcé de caducité est limité au défaut de comparution du demandeur à l’audience de tentative de conciliation et n’est pas prévu pour le défaut de comparution de celui-ci ou le défaut de conclusions à l’audience de mise en état du bureau de conciliation et d’orientation puisque dans cette dernière hypothèse, sauf au demandeur à justifier d’un motif légitime, les seules possibilités ouvertes au bureau de conciliation et d’orientation sont soit la radiation de l’affaire soit le renvoi immédiat de l’affaire en audience de jugement si le défendeur le demande.
***
En l’espèce :
1) – Monsieur [H] soutient :
– qu’il avait comparu devant le bureau de conciliation et d’orientation le 11 juin 2021 pour la tentative de conciliation,
– que le conseil s’est trompé dans son interprétation des dispositions légales.
2 ) – En réponse, après avoir rappelé que ‘lorsqu’au jour fixé pour la tentative de conciliation le demandeur ne comparait pas sans avoir justifié en temps utile d’un motif légitime, le bureau de conciliation et d’orientation peut déclarer la requête et la citation caduques si le défendeur ne sollicite pas un jugement sur le fond’, la société Autoliv Isodelta et la société Manpower soutiennent en substance dans des conclusions séparées :
– qu’après l’audience de conciliation, le conseil de prud’hommes de Poitiers a fixé un calendrier de procédure pour le dépôt des conclusions,
– que Monsieur [H] n’a pas déposé de conclusions dans le délai imparti malgré l’injonction de conclure,
– que le fait que le conseil du demandeur ait été positif à la Covid en décembre 2021 ne suffit pas à expliquer son silence,
– qu’en tout état de cause, le salarié ne disposait d’aucune dispense de comparution à l’audience de mise en état du 4 mars 2022,
– qu’il s’est désintéressé de la procédure, qu’il n’a pas respecté les diligences prescrites par le conseil de prud’hommes et qu’il n’a pas justifié d’un motif légitime.
***
Cela étant, sans qu’il soit nécessaire de rappeler le déroulement et le contenu des audiences de mise en état et examiner si Monsieur [H] justifiait ou pas d’un motif légitime pour ne pas comparaître ou conclure, il y a lieu de considérer – au vu des dispositions sus rappelées – que le jugement du 20 mars 2022 prononcé par le conseil de prud’hommes doit être infirmé dans toutes ses dispositions au motif que le bureau de conciliation et d’orientation ne pouvait pas prononcer la caducité de la citation et des demandes de Monsieur [H] puisque cette sanction est limitée à l’audience de tentative de conciliation et n’est pas prévue pour un défaut de comparution ou un défaut de conclusions du demandeur à l’audience de mise en état du bureau de conciliation et d’orientation.
Il convient en conséquence – statuant à nouveau – de relever de caducité Monsieur [H].
III – SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :
Les dépens doivent être supportés in solidum par la société Autoliv Isodelta et la société Manpower.
Il y a lieu de condamner chacune de ces sociétés à verser une somme de 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile à Monsieur [H] tout en les déboutant de leur demande respective présentée sur le fondement du même texte.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Rejette la fin de non – recevoir soulevée par la SASU Autoliv Isoldeta tirée du caractère nouveau des demandes formées par Monsieur [Z] [H] tendant au relevé de la caducité confirmée par le jugement du 20 mai 2022 et à la rétractation de la décision du bureau de conciliation de Poitiers du 4 mars 2022 constatant la caducité de la citation et de ses demandes,
En conséquence,
Déclare recevables les demandes de Monsieur [Z] [H] tendant au relevé de la caducité confirmée par le jugement et à la rétractation de la décision du bureau de conciliation de Poitiers du 4 mars 2022 constatant la caducité de la citation et de ses demandes,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Fait droit à la demande de relevé de la caducité formée par Monsieur [Z] [H],
Ordonne la rétractation de la décision de caducité prononcée le 4 mars 2022 par le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes de Poitiers,
Condamne la SASU Autoliv Isoldeta à verser à Monsieur [Z] [H] la somme de 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA Manpower à verser à Monsieur [Z] [H] la somme de 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SASU Autoliv Isoldeta et la SA Manpower de leur demande respective au titre de l’article 700 du code de procédure civile ,
Condamne in solidum la SASU Autoliv Isoldeta et la SA Manpower aux dépens.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,