Tentative de conciliation : 18 janvier 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/04913

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Tentative de conciliation : 18 janvier 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/04913
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N° RG 21/04913 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NVQC

Décision du

Juge aux affaires familiales de Lyon

2ème Chambre Cabinet 9

du 12 avril 2021

RG : 18/11304

[B] [G]

C/

[Z] [K]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

2ème chambre A

ARRET du 18 JANVIER 2023

APPELANTE

Mme [K] [T] [F] [Z]

née le 13 mars 1971 à [Localité 6] (Essonne)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie-Christine PINEL de la SELARL LINK ASSOCIÉS, avocate au barreau de LYON, substituée par Me Élisa SOMAT de la SELARL LINK ASSOCIÉS, avocate au barreau de LYON

INTIMÉ

M. [G] [C] [S] [B]

né le 30 mai 1965 à [Localité 3] (Rhône)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Pascale GUICHARD de la SELARL GUICHARD & KHENAFFOU, avocate au barreau de LYON, substituée par Me Anne MYNARD, avocate au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 6 octobre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 novembre 2022

Date de mise à disposition : 18 janvier 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Isabelle BORDENAVE, présidente

– Georges PEGEON, conseiller

– Géraldine AUVOLAT, conseillère

assistés pendant les débats de Tiffany JOUBARD, directrice de greffe.

A l’audience, un membre de la Cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Isabelle BORDENAVE, présidente, et par Sophie PENEAUD, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrate signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [G] [B] et Mme [K] [Z] se sont mariés le 6 décembre 1997, devant l’officier d’état civil de la mairie de [Localité 5], sans contrat de mariage préalable, et ont deux enfants, nées en 1999 et 2001.

Par ordonnance sur tentative de conciliation du 23 mars 2009, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lyon a notamment attribué à l’époux, à titre non gratuit, la jouissance du domicile conjugal, à charge de régler le crédit à titre d’avance sur la communauté, dit que M. [B] assumera la charge de divers crédits, et attribué à ce dernier la jouissance d’un véhicule.

Le divorce des époux a été prononcé par jugement du 28 mars 2013, lequel a ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux.

Le 22 juillet 2015, un procès-verbal de dire des parties a été dressé par le notaire, maître [Y], avec la participation de maître [V].

Par acte d’huissier du 6 novembre 2018, M. [B] a assigné Mme [Z] devant le juge aux affaires familiales de Lyon, en partage judiciaire.

Par jugement du 12 avril 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Lyon a notamment constaté que le partage amiable a échoué, fixé la date de jouissance divise au 22 juillet 2015, ordonné les opérations de compte, liquidation et partage du régime matrimonial ayant existé entre les parties, fixé l’actif de communauté à la somme de 415 706 euros, puis le passif de communauté à la somme de 384 288,61 euros, soit un actif net de 31 418 euros, a défini les droits de chacune des parties, soit 209 273 euros pour M. [B], et 15 709 euros pour Mme [Z], et fixé le montant de la soulte due par M. [B] à Mme [Z] à la somme de 15 709 euros.

Les parties ont été renvoyées devant le notaire, pour l’établissement de l’état liquidatif, les demandes plus amples et contraires ont été rejetées, l’exécution provisoire a été ordonnée.

Il a été dit que les dépens seraient partagés par moitié entre les parties et employés en frais privilégiés de partage.

Par déclaration enregistrée le 4 juin 2021, Mme [Z] a relevé appel partiel de cette décision, détaillant les chefs du jugement critiqués, à savoir la date de jouissance divise, la détermination de l’actif et du passif de communauté, les droits de chacune des parties, et les

attributions, le montant de la soulte, le renvoi devant les notaires et le rejet du surplus des demandes.

Par ordonnance du 21 décembre 2021, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation, dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et dit que les dépens suivraient le sort de l’instance au fond.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées le 28 février 2022,  Mme [Z] demande à la cour de :

– déclarer recevable son appel à l’encontre du jugement rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Lyon en date du 12 avril 2021,

– réformer la décision du 12 avril 2021 en ce qu’elle a :

* fixé la date de jouissance divise au 22 juillet 2015,

* ordonné les opérations de compte, liquidation et partage du régime matrimonial ayant existé entre M. [B] et Mme [Z] selon les modalités suivantes :

Actif de communauté

– Actif immobilier : 340 000 euros

– Meubles : 2 000 euros

– Indemnités d’occupation : 73 706 euros

Total : 415 706 euros

Passif de communauté

– Récompenses dues à M. : 149 202 euros

– Créances dues à M. : 118 068 euros

– Prêt familial consenti : 18 659,71 euros

– Solde du prêt immobilier : 98 358,90 euros

Total : 384 288,61 euros

Actif net de communauté : 31 418 euros

Droits des parties

– Droits de M. [B] :

Moitié de l’actif net : 15 709 euros

À ajouter : récompenses dues par la communauté : 149 202 euros

À ajouter : créances dues par la communauté : 118 068 euros

À déduire : créances dues à la communauté : 73 706 euros

Droits : 209 273 euros

Attribution de la maison : 340 000 euros

Attribution des meubles : 2 000 euros

Prend à sa charge le passif de communauté : 117 018 euros

Soulte à verser à Mme [Z] : 15 709 euros

– Droits de Mme [Z]

Moitié de l’actif net : 15 709 euros

* fixé le montant de la soulte due par M. [B] à Mme [Z] à la somme de 15 709 euros,

* renvoyé les parties devant les notaires pour l’établissement de l’état liquidatif en application du jugement, et désigné, en cas de besoin, maître [Y] en qualité de notaire liquidateur,

* rejeté les demandes des parties plus amples ou contraires.

Elle demande que la cour, statuant à nouveau :

– ordonne la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux,

– désigne tel notaire qu’il plaira au juge pour procéder aux opérations de partage du régime matrimonial de communauté des époux, à l’exception de maître [Y],

– commette un juge pour surveiller ces opérations.

Préalablement et pour y parvenir,

– fixe la date des effets du divorce à celle de l’ordonnance sur tentative de conciliation, le 23 mars 2009,

– dise et juge que la date de jouissance divise sera la date la plus proche du partage,

– dise et juge que conformément aux dispositions de l’article 1368 du code de procédure civile, le notaire commis devra dresser un état liquidatif établissant les comptes entre les copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir, dans le délai d’un an suivant sa désignation,

– dise et juge que dans le cadre de ces opérations, le notaire commis devra intégrer à l’actif de communauté le montant des indemnités transactionnelles reçues par M. [B], à hauteur de 11 195,07 euros pour la société Courreges, et à hauteur de 16 769,39 euros pour la société Institut Esthederm,

– dise et juge que dans le cadre de ces opérations, le notaire commis devra tenir compte de la valeur du bien immobilier à la date de jouissance divise, cette dernière ne pouvant être inférieure à la somme de 620 000 euros,

– dise et juge que dans le cadre de ces opérations, le notaire commis devra tenir compte de la valeur des comptes et placements des époux à la date des effets du divorce,

– dise et juge que dans le cadre de ces opérations, le notaire commis devra mettre à la charge de M. [B] une indemnité d’occupation due jusqu’au jour du partage et déterminer son montant,

– dise et juge que dans le cadre de ces opérations, le notaire commis devra chiffrer le montant de la créance de M. [B] à l’égard de l’indivision post-communautaire jusqu’au jour du partage,

– dise et juge que dans le cadre de ces opérations, le notaire commis devra mettre à la charge de M. [B] une indemnité pour la jouissance du véhicule Renault d’un montant de 3 000 euros,

– déboute M. [B] de ses demandes contraires,

– condamne M. [B] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

– condamne M. [B] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

– dise et juge que les dépens de la présente procédure distraits au profit de maître Marie-Christine Pinel, avocat (SELARL Link Associés), seront tirés en frais privilégiés de partage.

Par conclusions notifiées le 2 mai 2022, M. [B] sollicite que l’appel de Mme [Z] soit déclaré recevable mais non fondé, et demande confirmation du jugement en ce qu’il a :

– constaté que le partage amiable a échoué,

– fixé la date de jouissance divise au 22 juillet 2015,

– dit que l’actif de communauté est composé d’un actif immobilier de 340 000 euros et d’un actif mobilier de 2 000 euros,

– dit que le passif de communauté est composé :

* de la récompense qui lui est due au titre de l’apport de fonds propres avec déclaration de remploi correspondant à 36 % de la valeur du bien immobilier soit 122 400 euros ;

* de la récompense qui lui est due au titre des dons manuels reçus de ses parents pour 26 802 euros

Soit un total de récompense de 149 202 euros

* de la créance qui lui est due au titre du règlement des crédits mis à sa charge à titre d’avance sur la communauté par le magistrat conciliateur et du règlement de la taxe foncière et de l’assurance habitation afférent à ce bien pour la période courant du 23 mars 2009, date des effets du divorce, au 22 juillet 2015, date de la jouissance divise, soit la somme de 118 068 euros,

* de la somme de 18 659,71 euros au titre du prêt consenti par ses parents pour la réalisation des travaux,

* du solde du prêt immobilier pour 98 358,90 euros,

– renvoyé les parties devant le notaire pour l’établissement de l’état liquidatif, désigné en cas de besoin Me [Y] en qualité de notaire liquidateur et ordonné l’exécution provisoire.

Il sollicite réformation du jugement pour le surplus et en conséquence demande que :

– il soit constaté que le partage amiable a échoué,

– la date de jouissance divise soit fixée au 22 juillet 2015,

– il soit dit que les opérations de compte liquidation partage s’effectueront selon les modalités suivantes :

Actif de communauté

* actif immobilier pour 340 000 euros

* actif mobilier pour 2 000 euros

* indemnité d’occupation due sur le domicile conjugal pour 71 706 euros

Soit un actif total de 413 706 euros

Passif de communauté

* récompense qui lui est due au titre de l’apport de fonds propres avec déclaration de remploi correspondant à 36 % de la valeur du bien soit 122 400 euros,

* récompense qui lui est due au titre des dons manuels reçus de ses parents pour 26 802 euros,

* récompense qui lui est due au titre des indemnités perçues de la société Courreges pour un montant de 11 195,07 euros, et qui n’ont pas été contestées par Mme [Z] dans le procès-verbal de dires du 22 juillet 2015,

* récompense qui lui est due au titre de l’indemnité perçue de la société Esthederm pour une somme de 16 769,39 euros ou subsidiairement de 8 384,70 euros conformément à la demande exprimée par Mme [Z] dans le procès-verbal de dires du 22 juillet 2015,

* créances qui lui sont dues au titre du règlement des crédits mis à sa charge à titre d’avance sur la communauté par le magistrat conciliateur, et du règlement de la taxe foncière et de l’assurance habitation afférents à ce bien pour la période courant du 23 mars 2009, date des effets du divorce, au 22 juillet 2015, date de la jouissance divise, soit la somme de 118 068 euros,

* somme de 18 659,71 euros au titre du prêt consenti par ses parents pour la réalisation des travaux,

* solde du prêt immobilier pour 98 358,90 euros,

Soit un total de passif de 412 253,07 euros, ou subsidiairement de 403 868,38 euros,

Et un actif net de 1 452,93 euros ou subsidiairement de 9 837,62 euros.

Il sollicite qu’il soit dit que les attributions des parties s’établiront comme suit :

– Droits de M. [B]

* moitié du boni de communauté : 726,47 euros ou subsidiairement 4 918,81 euros ;

* récompense due par la communauté : 149 202 euros (122 400 euros + 26 802 euros) ;

* récompense due par la communauté au titre des indemnités Courreges : 11 195,07 euros ;

* récompense due à lui au titre de l’indemnité perçue de la société Esthederm : somme de 16 769,39 euros ou subsidiairement de 8 384,70 euros ;

* créances dues : 118 068 euros ;

* indemnités d’occupation : – 71 706 euros ;

Total de ses droits : 224 254,92 euros ou subsidiairement 220 062,58 euros.

Il demande à se voir attribuer le bien immobilier et le mobilier, à charge pour lui de régler le prêt dû à ses parents, le solde du prêt immobilier et de verser à Mme [Z] une soulte de 726,47 euros ou subsidiairement 4 918,81 euros.

Il sollicite que les droits de cette dernière soient fixés à la moitié du boni de communauté sur les sommes ci-avant retenues, et que cette dernière se voit attribuer la soulte versée par lui, demandant que les parties soient renvoyées devant le notaire pour l’établissement de l’état liquidatif, avec désignation en cas de besoin de maître [Y] en qualité de liquidateur.

À titre subsidiaire, pour le cas où la cour d’appel fixerait la date de jouissance divise à la date la plus proche du partage, il demande qu’il soit dit que les créances dues à lui au titre des sommes réglées pour le compte de l’indivision post-communautaire seront arrêtées à la date du partage.

En tout état de cause, il sollicite le débouté de Mme [Z] de toutes demandes plus amples au contraire, de sa demande au titre de l’article 700 pour la procédure de première instance comme pour la procédure d’appel, et sollicite condamnation de celle-ci à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions récapitulatives visées ci-dessus pour un exposé plus précis des faits, prétentions, moyens et arguments des parties.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 octobre 2022, l’affaire a été plaidée le 23 novembre 2022 et mise en délibéré ce jour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’étendue de la saisine de la cour

L’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que la cour n’est tenue de statuer que sur les demandes figurant dans le dispositif des conclusions des parties.

Ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir ‘constater’ ou ‘donner acte’.

Par l’effet dévolutif de l’appel, la cour connaît des faits survenus au cours de l’instance d’appel, postérieurement à la décision déférée, et statue au vu de tous les éléments justifiés même s’ils n’ont été portés à la connaissance de l’adversaire qu’au cours de l’instance d’appel.

Le jugement de divorce du 28 mars 2013 a déjà prononcé la dissolution du régime matrimonial ayant existé entre les époux et ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer de nouveau sur ce point.

Les parties sont d’accord sur le constat de l’échec du partage amiable, sur la fixation de la date des effets du divorce au 23 mars 2009, date de l’ordonnance de non-conciliation, et sur le sort et la qualification du prêt de 18 659,71 euros, consenti par les parents de M. [B] afin de réaliser des travaux dans le domicile conjugal.

L’objet du litige porte en conséquence sur  :

– la fixation de la date de jouissance divise,

– l’opportunité d’une procédure de partage simple ou complexe après l’échec du partage amiable,

– la récompense pour l’apport en propre lors de l’acquisition du domicile conjugal,

– la récompense pour l’usage du reliquat de la donation parentale,

– la récompense au titre des indemnités de licenciement,

– la composition de l’actif de la communauté :

* valeur du bien immobilier 

* valeur du mobilier 

* solde des comptes bancaires et placements à la date des effets du divorce

– la composition du passif,

– les comptes d’indivision post communautaire :

– l’indemnité d’occupation du bien (dernier avis de valeur le 24 septembre 2021 après visite du bien),

– l’indemnité d’occupation du véhicule,

– l’article 700 et les dépens.

Sur la fixation de la date de jouissance divise

Il convient de rappeler que M. [B] et Mme [Z] se sont mariés le 6 décembre 1997 sans contrat de mariage préalable, de sorte qu’ils sont soumis au régime de la communauté légale ; ils sont d’accord pour que la date des effets du divorce soit fixée au 23 mars 2009.

Ils ont acquis le bien immobilier, objet du litige, par acte du 27 septembre 2004 pour la somme de 238 450 euros.

Cet acte d’acquisition, versé aux débats, ne précise pas leurs quotes-parts respectives mais mentionne en revanche une déclaration de remploi partiel à concurrence de 36 % du prix d’achat (86 010 euros) ouvrant droit à une récompense au profit de M. [B] lors de la dissolution de la communauté.

L’article 829 du code civil dispose que ‘en vue de leur répartition, les biens sont estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise telle qu’elle est fixée par l’acte de partage, en tenant compte, s’il y a lieu, des charges les grevant. Cette date est la plus proche possible du partage. Cependant, le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l’égalité.»

Mme [Z] conteste la date de jouissance divise fixée au 22 juillet 2015 par le premier juge. Elle rappelle que le principe posé par l’article 829 du code civil est que cette date est la plus proche possible du partage, tout en soulignant que la jurisprudence est particulièrement restrictive quant aux exceptions envisagées par le même article. Elle conclut que le premier juge n’a pas expliqué en quoi le choix de la date du 22 juillet 2015 serait plus favorable à la réalisation de l’égalité.

Elle fait valoir que la rupture d’égalité est manifeste, M. [B] ayant continué de jouir privativement d’un bien immobilier dont la valeur a par ailleurs considérablement augmenté depuis l’évaluation de 2014, et qu’il serait ainsi particulièrement inéquitable de confirmer le jugement. Elle produit ainsi un avis de valeur réalisé le 10 mai 2021 par l’agence Michelin Immobilier, estimant la valeur du bien immobilier à 620 000 euros. M. [B] conteste la pertinence de cet avis de valeur établi sur la base des seules déclarations de l’appelante.

Mme [Z] indique que les deux décisions jurisprudentielles citées par l’intimé sont anciennes et sans lien avec le présent litige.

Selon elle, le procès-verbal de dires établi en 2015 ne lie pas le débat judiciaire, d’autant plus qu’il s’inscrit dans le cadre d’un partage amiable, en présence d’un notaire qui n’a pas été désigné par un juge, alors même que cette désignation judiciaire fait partie des critères retenus par la jurisprudence pour fixer une date de jouissance antérieure.

Il est précisé dans le procès-verbal que l’état liquidatif n’est qu’une situation provisoire et que les parties sont en désaccord sur les termes de leur liquidation.

Pour sa part, M. [B] demande la confirmation du jugement quant à la date de jouissance divise retenue, en indiquant que l’article 829 du code civil prévoit que le juge peut la fixer à une date plus ancienne, si cela est plus favorable à la réalisation de l’égalité, la jurisprudence déterminant cette date eu égard aux intérêts respectifs des co-partageants.

Il soutient qu’il est normal pour la cour, dont l’office est de trancher les points de désaccord, de prendre en compte la date du procès-verbal notarié, puisque les parties y ont exprimé leurs dires et points de désaccord.

M. [B] précise que la valeur de l’ancien domicile conjugal, arrêtée à la somme de 340 000 euros par l’expertise de juin 2014, reste tout à fait conforme au marché immobilier actuel. Il verse ainsi aux débats une estimation immobilière réalisée le 24 septembre 2021, après visite, par l’agence immobilière Orpi, laquelle évalue le bien à 395 000 euros.

Il ajoute qu’il est indifférent qu’il ait pu continuer à jouir privativement du bien immobilier après la date de jouissance divise retenue par le jugement, puisqu’il a en contrepartie continué à assumer seul l’ensemble des dépenses incombant à l’indivision post-communautaire, dont il ne demande pas qu’il soit tenu compte postérieurement au 22 juillet 2015.

M. [B] fait valoir que la somme de 10 000 euros correspondant à la moitié du capital remboursé à la banque par la communauté est la seule qui peut être attribuée à Mme [Z] au titre de sa contribution à la constitution de ce patrimoine, et que cette somme s’approche sensiblement du montant de la soulte qui lui a été accordée aux termes du jugement de première instance. Il soutient ainsi que c’est en considération de ce contexte particulier, dans lequel il a financé la quasi-intégralité du bien, que le premier juge a fixé la

date de jouissance divise au 22 juillet 2015, conformément à l’égalité du partage eu égard aux intérêts respectifs des parties.

Il résulte cependant de l’article 829 du code civil, ci-avant rappelé, que la date de jouissance divise doit être la plus proche possible du partage, et que ce n’est qu’à titre exceptionnel qu’elle peut être fixée à une date antérieure.

Les deux évaluations immobilières versées aux débats sont concordantes en ce qu’elles démontrent une augmentation objective de la valeur du bien depuis le procès-verbal de dires dressé le 22 juillet 2015, étant rappelé que la valeur avait été fixée suite à une expertise amiable réalisée en juin 2014, soit il y a plus de 8 années à la date du présent arrêt.

Par ailleurs, ce procès-verbal, qui ne fait que consacrer un projet de liquidation du régime matrimonial, est par essence provisoire et ne lie pas la cour.

Fixer la date de jouissance divise à la date retenue par le notaire n’apparaît pas plus favorable à la réalisation de l’égalité, alors que, depuis cette date, M. [B] continue à occuper le bien de manière privative, même s’il supporte en contrepartie les frais inhérents à celui-ci, lesquels ne sauraient équivaloir le montant de l’indemnité due, et que cette situation se ferait ainsi au détriment de Mme [Z].

Il convient dès lors d’infirmer le jugement, et de fixer la jouissance divise à la date la plus proche du partage, alors que M. [B] ne démontre pas que la fixation à une date antérieure serait plus favorable à la réalisation de l’égalité.

Sur l’opportunité d’une procédure de partage simple ou complexe après l’échec du partage amiable

L’article 1364 du code de procédure civile prévoit que ‘si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations.  Le notaire est choisi par les copartageants et, à défaut d’accord, par le tribunal’.

Mme [Z] fait valoir que l’échec du partage amiable et la complexité des opérations justifient d’ordonner une procédure de partage complète, en réformant la décision du premier juge, qui a ordonné la procédure de partage simple prévue à l’article 1361 du code de procédure civile.

Elle demande à la cour de désigner tout notaire à l’exception de maître [Y], qui est intervenu en qualité de notaire conseil de l’intimé.

M. [B] soutient qu’il n’y a pas lieu d’appliquer les dispositions des articles 1364 et suivants du code de procédure civile, relatives aux opérations complexes, dès lors que les points litigieux restant à trancher ont d’ores et déjà été strictement identifiés par les notaires aux termes du procès-verbal de dires du 22 juillet 2015, après que les parties ont amiablement consenti à désigner M. [W], expert près la cour d’appel de Lyon, aux fins de procéder à l’évaluation du bien immobilier.

Il demande à la cour de confirmer la désignation de maître [Y] pour dresser l’acte de partage, en application de l’article 1361 du code de procédure civile, eu égard notamment à sa connaissance approfondie du dossier, et à la rigueur de ce professionnel, qui a été président de la chambre des notaires du Rhône.

En l’espèce, la complexité des opérations de partage est constituée par les nombreuses demandes formulées de part et d’autre, ainsi que par les contestations relatives à la date de jouissance divise retenue par le tribunal et ses répercussions sur les valeurs préalablement établies au titre de l’actif de communauté.

Le procès-verbal de dires communiqué, dressé le 22 juillet 2015 par maître [Y], n’est pas de nature à remettre en cause la complexité des opérations de partage, les autres éléments transmis par les parties ne permettant d’ailleurs pas l’actualisation des valeurs alors retenues, actualisation nécessaire du fait de la remise en cause de la date de jouissance divise.

La complexité des opérations justifie dès lors, aux termes de l’article 1364 du code de procédure civile, de désigner un notaire pour procéder aux opérations de partage et de commettre un juge pour les surveiller.

Le choix du notaire relevant de la cour, à défaut d’accord entre les copartageants, il convient de désigner le président de la chambre des notaires, avec faculté de délégation, sauf à l’égard de maître [Y], sans que cette exception ne vienne remettre en cause les compétences de ce dernier.

Sur la composition de l’actif de la communauté

En ce qui concerne l’actif de communauté, Mme [Z] expose que celui ci comprend :

– l’ancien domicile conjugal, qui a été attribué à M. [B], sans que celui-ci ne le remette en cause dans son assignation, dont la valeur de 340 000 euros expertisée en 2014 est désormais obsolète, au regard de l’avis de valeur actualisé versé aux débats,

– le mobilier présent dans le bien, dont un constat d’huissier a été réalisé en 2009 et pour lequel maître [Y] avait proposé de retenir une valeur globale de 2 000 euros, finalement retenue par le premier juge ; Mme [Z] fait cependant valoir que cette valeur est en-dessous de la réalité, et elle sollicite un partage en nature en listant les biens dont elle souhaite l’attribution,

– le solde des comptes bancaires à la date des effets du divorce, dont il appartiendra aux époux de justifier dans la mesure où ils ont chacun repris les comptes à leur noms.

Elle soutient ainsi que c’est à tort que le juge aux affaires familiales a inscrit dans son dispositif un actif de communauté ne comprenant pas de liquidités.

Pour sa part, M. [B] s’oppose aux demandes de Mme [Z] tendant à réformer le jugement qui a retenu les sommes de 340 000 euros au titre de l’actif immobilier, et de 2 000 euros pour l’actif mobilier. Il fait valoir que les parties ont amiablement consenti à désigner M. [W], expert auprès de la cour d’appel de Lyon, pour procéder à l’évaluation du bien immobilier. La valeur de 340 000 euros a ainsi été retenue aux termes du procès-verbal de dires du 22 juillet 2015, non contestée par les parties.

Il indique que la fixation de la date de jouissance divise au 22 juillet 2015 empêche Mme [Z] de remettre en cause l’évaluation à laquelle elle avait elle-même consentie, quand bien même la valeur du bien serait aujourd’hui différente. Il verse aux débats une estimation de valeur réalisée le 24 septembre 2021 fixant la valeur vénale du bien à 395 000 euros. Il rappelle à ce titre que l’avis de valeur produit par Mme [Z] a été réalisé sur la base des seules déclarations de cette dernière, le bien n’ayant pas été visité.

M. [B] ajoute que Mme [Z] ne peut aujourd’hui remettre en question la valeur des biens meubles indivis, les ex-époux ayant dès l’origine consenti à retenir la somme de 2 000 euros au titre du mobilier à partager, comme le révèle le procès-verbal de dires du 22 juillet 2015. Il précise également que Mme [Z] a emporté de nombreuses affaires lors de son départ, en ce compris les meubles qu’elle revendique au terme de ses écritures, et que les rares biens communs restants sont sans valeur ou particulièrement vétustes.

Mme [Z] soutient que le procès-verbal de dires du 22 juillet 2015 établi dans un cadre amiable n’est pas contraignant, les parties étant libres de remettre en cause l’intégralité des éléments relatifs à la liquidation, indépendamment de leur mention dans l’acte notarié, puisque les dispositions des articles 1359 et suivants ne s’appliquent qu’au partage judiciaire.

La composition de l’actif de la communauté est déterminée à la date des effets du divorce. Cet actif comporte notamment le bien immobilier, le mobilier et les comptes bancaires des parties.

L’article 829 du code civil dispose cependant que ces biens sont évalués à la date de la jouissance divise.

La cour, qui a infirmé ci-avant la décision sur la date de jouissance divise, n’est ainsi pas en mesure d’évaluer ces biens, en l’absence d’éléments suffisament probants versés par les parties à cet effet. Si les deux estimations immobilières de 2021 déjà évoquées concordent en ce qu’elles rendent objective l’augmentation de la valeur du bien, elles divergent néanmoins en ce qu’elles retiennent des montants particulièrement éloignés, de 395 000 euros et de 620 000 euros.

Le procès-verbal de dires établi le 22 juillet 2015 au terme d’une démarche amiable mentionne expressément que les parties ne sont pas d’accord sur les termes de leur liquidation, ce qui confirme son caractère provisoire.

Il convient ainsi de renvoyer M. [B] et Mme [Z] devant le notaire désigné afin qu’ils puissent actualiser et justifier devant lui le quantum de leurs prétentions.

Sur la récompense pour l’apport en propre lors de l’acquisition du domicile conjugal

L’article 1434 du code civil prévoit que ‘l’emploi ou le remploi est censé fait à l’égard d’un époux toutes les fois que, lors d’une acquisition, il a déclaré qu’elle était faite de deniers propres ou provenus de l’aliénation d’un propre, et pour lui tenir lieu d’emploi ou de remploi. À défaut de cette déclaration dans l’acte, l’emploi ou le remploi n’a lieu que par l’accord des époux, et il ne produit ses effets que dans leurs rapports réciproques’.

M. [B] précise que son apport de fonds propres, lors de l’acquisition du bien, correspond à 36 % du prix d’acquisition, et qu’il convient de retenir comme base de calcul de sa récompense la valeur du bien à la date de jouissance divise du 22 juillet 2015, soit 122 400 euros, comme l’établissait déjà le procès-verbal de dires du notaire.

Mme [Z] reconnaît que la communauté doit à M. [B] une récompense correspondant à 36 % de la valeur de la maison mais au jour le plus proche du partage, au titre du don provenant de ses parents, visé par la clause de remploi de l’acte d’acquisition du 27 septembre 2004.

La proportion de 36 % de la valeur du bien à date de la jouissance divise n’étant pas contestée par les parties, il convient de renvoyer ces dernières devant le notaire désigné afin qu’elles justifient de la valeur du bien immobilier à la date la plus proche du partage, à charge pour le notaire de fixer le montant de la récompense due au titre de la clause de remploi.

Sur la récompense pour l’usage du reliquat de la donation parentale

Mme [Z] demande l’infirmation du jugement, en ce qu’il a retenu une récompense au profit de M. [B] au titre du reliquat de la donation de ses parents, et sollicite, à titre subsidiaire que la récompense soit limitée au montant porté sur le décompte du notaire, soit 8 778 euros.

M. [B] sollicite une récompense au titre de la totalité de la donation, d’un montant total de 112 812 euros, dont seulement 86 010 euros ont été employés en tant qu’apport propre en paiement du prix de vente ( 36%).

Mme [Z] fait valoir que M. [B] ne rapporte pas la preuve de l’emploi du reliquat de la donation à hauteur de 26 802 euros, pour le paiement des frais, et qu’il conviendra donc de réformer le jugement en ce qu’il a inscrit cette somme au passif de communauté, le

décompte du notaire indiquant que ce reliquat a été restitué à l’intimé, et n’a pas profité à la communauté.

M. [B] soutient que le reliquat de 26 802 euros, issu de la donation de ses parents, a été utilisé pour payer les frais d’agence à hauteur de 12 550 euros, ainsi que les frais d’acte, et que le jugement doit être confirmé, faute pour Mme [Z] de verser aux débats un élément de nature à remettre en cause la décision de première instance.

L’article 1433 du code civil dispose que ‘la communauté doit récompense à l’époux propriétaire toutes les fois qu’elle a tiré profit de biens propres. Il en est ainsi, notamment, quand elle a encaissé des deniers propres ou provenant de la vente d’un propre, sans qu’il en ait été fait emploi ou remploi. Si une contestation est élevée, la preuve que la communauté a tiré profit de biens propres peut être administrée par tous les moyens, même par témoignages et présomptions’.

L’acte d’acquisition du bien immobilier du 27 septembre 2004 vise expressément le règlement du ‘montant des frais d’acquisition au moyen de fonds dépendant de la communauté’, dans sa partie relative à la déclaration de remploi partiel.

Néanmoins, M. [B] verse un relevé, établi à son nom personnel, issu de la comptabilité du notaire ayant enregistré la vente. Ce document retrace d’une part la donation de 112 812 euros au profit de M. [B], le prêt de 152 400 euros et un débit total de 265 305,01 euros pour l’acquisition du bien immobilier.

Le compte du notaire fait ressortir qu’ont été versées les sommes de 152 400 euros (prêt) et 112 812 euros (donation des parents de M. [B]), lesquelles ont apuré le prix d ‘achat et l’ensemble des frais.

Il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu’il a fait droit à la demande de récompense formée par M. [B] au titre du reliquat de la donation consentie par ses parents en le fixant à la somme de 26 802 euros.

Sur la récompense au titre des indemnités de licenciement

L’article 1401 du code civil prévoit que ‘la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres’.

L’article 1404 du code civil dispose également, dans son alinéa 1er, que : ‘forment des propres par leur nature, quand même ils auraient été acquis pendant le mariage, les vêtements et linges à l’usage personnel de l’un des époux, les actions en réparation d’un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne’.

Mme [Z] s’oppose à ce que les indemnités de licenciement que M. [B] a reçu de ses employeurs Courreges Parfums pour 11 195,07 euros le 30 août 1999 et Institut Esthederm pour 16 769,39 euros le 7 juin 2001 soient qualifiés de biens propres, les substituts de gains et salaires relevant de jurisprudence constante de la communauté en application des dispositions de l’article 1401 du code civil.

M. [B] s’oppose à la demande de Mme [Z] tendant à qualifier les indemnités de licenciement dont il a bénéficié en biens de communauté, ne lui ouvrant pas de droit à récompense. Il précise que ces deux indemnités n’avaient pas vocation à réparer un préjudice financier, mais plutôt un préjudice affectant sa seule personne, et qu’il convient donc de faire figurer les sommes de 16 769,39 euros et de 11 195,07 euros au passif de communauté.

Mme [Z] fait valoir que si l’indemnité de licenciement visant exclusivement à réparer le préjudice moral peut être qualifiée de bien propre, tel n’est pas le cas en l’espèce puisque les deux indemnités considérées réparent de manière forfaitaire tout le préjudice de M. [B], et non pas sa seule dimension morale.

Mme [Z] verse aux débats les deux accords transactionnels conclus entre ces deux sociétés et M. [B].

Le protocole afférent à la société Courreges établi le 30 août 1999 précise être ‘établi à titre transactionnel et forfaitaire’ et mentionne expressément que ‘le versement de ces dommages-intérêts répare intégralement tout préjudice invoqué par lui et en particulier le préjudice moral qu’il estime avoir subi’.

L’accord transactionnel relatif à l’Institut Esthederm établi le 7 juin 2001 stipule expressément que cette société accepte de verser à M. [B] ‘à titre de dommages-intérêts, une indemnité transactionnelle, forfaitaire et définitive de 110 000 francs en réparation de l’intégralité du préjudice moral et professionnel qu’il estime avoir subi’.

Ces deux protocoles réparant à chaque fois l’intégralité du préjudice de M. [B], de manière absolue, les indemnités qui en découlent ne peuvent pas être qualifiées de biens propres.

À titre subsidiaire, M. [B] indique qu’il convient de tenir compte de la ventilation acceptée devant le notaire par Mme [Z] pour la première indemnité, afin de distinguer la part du préjudice financier de celle du préjudice moral, et d’inscrire alors la moitié de cette indemnité au passif de la communauté, soit la somme de 8 384,70 euros.

Mme [Z] soutient qu’il n’est pas possible d’opérer un fractionnement des indemnités pour distinguer la part du préjudice moral de celle du préjudice professionnel, ces indemnités dépendant de la communauté, faute pour M. [B] de rapporter la preuve de leur caractère propre.

L’article 1402 alinéa 1er du code civil pose que ‘tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi’.

Il est de principe que l’indemnité allouée par une société, tendant à l’indemnisation d’un préjudice non seulement moral, mais de carrière, qui n’a donc pas pour seul objet la réparation d’un dommage affectant uniquement la personne de l’époux(se), constitue un bien commun si cette indemnité, réparant l’ensemble de ses préjudices liés à la perte de l’emploi, est globale et forfaitaire, la cour ne pouvant en l’espèce, à la lecture des accords, distinguer la partie qui n’indemniserait qu’un préjudice moral.

Ces indemnités de licenciement versées par les sociétés Esthederm et Courreges relèvent ainsi intégralement de la communauté, et n’ouvrent pas droit à récompense au profit de M. [B] étant noté que ces sommes versées avant la date des effets du divorce, ont été consommées par la communauté, et ne sauraient dès lors être prises en considération comme le sollicite Mme [Z].

Sur la composition du passif

M. [B] et Mme [Z] reconnaissent tous deux l’existence du prêt de 18 659,71 euros consenti par les parents de celui-ci en vue de réaliser des travaux au sein de l’ancien domicile conjugal. M. [B] a produit divers éléments, notamment des reconnaissances de dettes, démontrant le principe et le quantum de cette somme.

Mme [Z] fait valoir que c’est à tort que le premier juge a arrêté les comptes d’indivision post-communautaire au 22 juillet 2015, et qu’il y aura ainsi lieu d’établir un compte d’administration post-communautaire en prenant en considération les règlements opérés par M. [B], le magistrat conciliateur lui ayant demandé d’assurer seul le règlement des dettes pour le prêt Caisse d’épargne, et pour les crédits Cofidis Libravou,Teoz et Menafi Darty.

En ce qui concerne les comptes d’administration post-communautaire, M. [B] soutient quant à lui qu’il bénéficie d’une créance à l’encontre de l’indivision dès lors que le magistrat conciliateur lui a attribué la jouissance du domicile conjugal à charge pour lui de régler le crédit afférent à titre d’avance sur la communauté, tout en disant qu’il devrait assurer seul le règlement provisoire du prêt Caisse d’épargne et de différents crédits.

Il précise avoir notamment soldé le crédit immobilier de manière anticipée en remboursant la somme de 58 326,85 euros au Crédit foncier le 26 janvier 2022, ce dont il justifie par une attestation de l’établissement bancaire en date du 14 février 2022.

M. [B] sollicite également la prise en compte du règlement de la taxe foncière et de l’assurance habitation afférentes au bien immobilier dont il demande l’indemnisation jusqu’à la date du partage. Il produit en ce sens le rôle des taxes foncières et les avis d’échéance de l’assurance habitation pour justifier des sommes qu’il a réglées de 2009 à 2015.

M. [B] signale qu’en cas de report de la date de jouissance divise, le compte d’administration susvisé devra être révisé en conséquence jusqu’à la date du partage définitif.

Les parties ont versé de nombreuses pièces afin de justifier des montants des sommes qu’elles évoquent, mais ces pièces ont été produites en considération de la date de jouissance divise arrêtée au 22 juillet 2015.

Du fait de la fixation de la jouissance divise à la date la plus proche du partage, il convient de renvoyer les parties devant le notaire désigné afin qu’elles actualisent et justifient devant lui le quantum de leurs demandes respectives.

Sur l’indemnité d’occupation du bien

L’article 815-9 du code civil prévoit que ‘chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision. À défaut d’accord entre les intéressés, l’exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal. L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité’.

Mme [Z] soutient que M. [B] est débiteur d’une indemnité d’occupation au titre de la jouissance de l’ancien domicile conjugal qui lui a été attribuée à titre non-gratuit par ordonnance du 23 mars 2009.

Elle fait valoir que la jurisprudence, à défaut de communication d’un loyer de référence, détermine le montant de l’indemnité d’occupation par référence à la valeur locative du logement, soit 5 % de la valeur vénale du bien immobilier, qui selon elle ne peut être inférieure à 620 000 euros en l’espèce compte tenu de l’avis de valeur du 10 mai 2021 qu’elle verse aux débats.

Il a été évoqué ci-avant que M. [B] conteste la teneur de ce document qui a été réalisé sur la base des seules déclarations de Mme [Z].

Après application de l’abattement usuel de 15 %, le montant de l’indemnité d’occupation calculée par Mme [Z] serait ainsi de 2 066 euros par mois jusqu’au jour du partage.

M. [B] s’oppose aux demandes formées par Mme [Z] tendant à mettre à sa charge une indemnité d’occupation jusqu’au jour du partage et à déterminer son montant, qu’elle estime à 2 066 euros par mois.

Il soutient que l’indemnité d’occupation afférente à l’ancien domicile conjugal dont il est redevable court de l’ordonnance de non-conciliation jusqu’à la date de jouissance divise fixée au 22 juillet 2015, et que son montant doit être déterminé en se référant à l’expertise réalisée en 2014 par M. [W], soit une somme totale de 71 706 euros pour la période considérée.

Il indique s’être contenté d’appliquer une décôte de 15 % à la valeur locative du bien conformément à l’avis de valeur établi par M. [W] pour déterminer ce montant, alors même qu’il aurait été en droit de faire valoir une décote de 20 % conformément aux usages en la matière pour tenir compte de la précarité de son occupation.

Compte tenu de la remise en cause de la date de jouissance divise retenue par le jugement, et de sa fixation à la date la plus proche du partage, il convient de renvoyer les parties devant

le notaire désigné, afin qu’elles actualisent et justifient devant lui de la valeur de l’immeuble, cette dernière étant nécessaire au calcul de l’indemnité d’occupation due par M. [B].

Sur l’indemnité d’occupation du véhicule

Le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Lyon a fixé à la somme de 2 000 euros l’indemnité due par M. [B] au titre de la jouissance du véhicule Renault, bien commun.

En cause d’appel, Mme [Z] sollicite la condamnation de M. [B] au paiement d’une indemnité d’un montant de 3 000 euros au titre de la jouissance du véhicule. M. [B] s’oppose à cette demande et sollicite la réformation du jugement en ce qu’il l’a condamné au titre de l’indemnité d’occupation du véhicule.

Il soutient que cette demande est prescrite, puisqu’elle a été formulée pour la première fois au terme des conclusions du 29 mars 2019, alors que l’indemnité prévue par l’article 815-9 du code civil se prescrit par 5 ans à compter du commencement de la jouissance privative.

Mme [Z] fait valoir que sa demande n’est pas prescrite, son dire devant Me [Y] ayant interrompu le délai de prescription.

Il est de principe que le procès-verbal de difficultés établi par le notaire liquidateur, qui fait état d’une demande de fixation d’une indemnité pour l’occupation d’un bien immobilier dépendant de l’indivision post-communautaire, interrompt le délai de prescription quinquennale de l’article 815-10 du code civil. 

La demande de Mme [Z] n’est pas prescrite, le procès-verbal de dires du 22 juillet 2015 versé aux débats mentionnant expressément en page 8 qu’elle ‘revendique une indemnité au titre de la jouissance de la voiture à compter de l’ordonnance de non-conciliation’.

M. [B] soutient que la décision lui attribuant la jouissance du véhicule à charge pour lui d’en régler le prêt à titre d’avance sur la liquidation de la communauté n’a pas précisé si cette attribution était faite à titre gratuit ou à titre onéreux.

L’ordonnance sur tentative de conciliation du 23 mars 2009 a effectivement attribué ‘sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial, à Monsieur, la jouissance du véhicule automobile Renault immatriculé 441 BDW 69 à charge pour lui d’en régler le prêt à titre d’avance sur la liquidation de la communauté’ sans mentionner le caractère gratuit ou onéreux de cette attribution.

Dans le silence de l’ordonnance de non-conciliation, la jouissance privative d’un bien indivis par l’un des époux au cours de la procédure de divorce doit être considérée comme onéreuse, conformément aux termes de l’article 815-9 du code civil.

M. [B] fait valoir qu’une telle indemnité de jouissance ne fait pas sens pour un véhicule privé qui n’a pas vocation à être loué et ne prive pas le co-indivisaire d’un éventuel revenu.

Mme [Z] soutient que c’est à tort que M. [B] nie la valeur locative d’un véhicule automobile, avant de préciser que l’indemnité d’occupation vise à indemniser un co-indivisaire pour la privation de l’usage d’un bien commun.

M. [B] indique qu’en tout état de cause, il n’y a pas lieu de mettre à sa charge une indemnité au titre de la jouissance du véhicule, dont il n’a joui que pendant quatre années, le véhicule ayant été cédé le 19 août 2013 à titre gracieux au garage Sirvante, en contrepartie de l’abandon du recouvrement de la créance due au garage pour les réparations, dont le montant total était plus important que la valeur résiduelle du véhicule.

C’est par de justes motifs que le tribunal a considéré d’une part que l’octroi d’une indemnité d’occupation n’est pas conditionné au fait que le bien soit productif de revenus, cette somme indemnisant la privation de l’usage d’un bien commun, et d’autre part que la valeur résiduelle du véhicule, cédé à titre gracieux en août 2013, justifie d’allouer une somme forfaitaire de 2 000 euros pour la période de mars 2009 à août 2013.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement sur ce point.

Sur les autres demandes

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et il sera dit que les dépens seront partagés entre les parties et employés en frais privilégiés de partage.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, après débats en chambre du conseil et après en avoir délibéré,

Déclare recevable l’appel interjeté par Mme [Z] à l’encontre du jugement rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Lyon en date du 12 avril 2021,

Constate l’accord des parties sur :

– l’échec du partage amiable,

– la fixation de la date des effets du divorce au 23 mars 2009, date de l’ordonnance de non-conciliation,

– la récompense due à M. [B] du fait de sa participation à l’acquisition du bien immobilier à hauteur de 36 % de sa valeur par des deniers propres,

– la qualification et le sort du prêt de 18 659,71 euros consenti par les parents de M. [B] afin de réaliser des travaux dans le bien immobilier,

Confirme le jugement du 12 avril 2021, en ce qu’il a :

– constaté que le partage amiable a échoué,

– rejeté le surplus de demande incluant la demande de récompense formée par M. [B] au titre des indemnités de licenciement,

– fait droit à la demande de récompense formée par M. [B] au titre du reliquat de la donation pour un montant de 26 802 euros,

– dit que M. [B] est créancier de la somme de 18 659,71 euros au titre du prêt consenti par ses parents pour la réalisation de travaux dans le bien immobilier commun,

– fixé l’indemnité d’occupation due par M. [B] pour la jouissance du véhicule à la somme de 2 000 euros pour la période de mars 2009 à août 2013,

– rejeté les demandes formées sur l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties et employés en frais privilégiés de partage.

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Constate que le jugement du 28 mars 2013 a prononcé la dissolution du régime matrimonial ayant existé entre les époux et la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des parties,

Fixe la date de jouissance divise à la date la plus proche du partage,

Renvoie les parties devant notaire pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage, notaire à qui il appartiendra d’actualiser les valeurs sur la base des éléments produits devant lui, notamment en ce qui concerne l’immeuble, les biens meubles et le solde des comptes et placements,

Désigne à cet effet le président de la chambre des notaires du Rhône, avec faculté de délégation, sauf à l’égard de Me [Y],

Commet le juge aux affaires familiales du cabinet 9 du tribunal judiciaire de Lyon pour surveiller ces opérations de compte,

Dit qu’il appartiendra aux parties de saisir le juge si des désaccords subsistent,

Dit que M. [B] a droit à récompense à hauteur de 36 % de la valeur de bien immobilier constituant l’ancien domicile conjugal,

Dit que les indemnités de licenciement, percues par la communauté avant la date des effets du divorce, n’ont pas à être prises en compte,

Dit que M. [B] bénéficie de créances contre l’indivision au titre des prêts et crédits mis à sa charge par le juge conciliateur, et au titre du règlement des taxes foncières et de l’assurance habitation afférentes au bien immobilier jusqu’au jour du partage,

Dit que M. [B] est redevable d’une indemnité d’occupation au titre de la jouissance du domicile conjugal pour la période courant du 23 mars 2009 à la date du partage effectif,

Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens, lesquels seront employés en frais privilégiés de partage.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Isabelle Bordenave, présidente de chambre, et par Sophie Peneaud, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La greffière La présidente

 


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