Tentative de conciliation : 20 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/14125

·

·

Tentative de conciliation : 20 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/14125
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 20 JANVIER 2023

N°2023/ 8

RG 18/14125

N° Portalis DBVB-V-B7C-BC7Q6

[A] [H] [J]

C/

[I] [D]

Copie exécutoire délivrée le 20 Janvier 2023 à :

-Me Steve DOUDET, avocat au barreau de MARSEILLE

– Me Danielle DEOUS, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE – section AD – en date du 19 Avril 2016, enregistré au répertoire général sous le n° F 15/00798.

APPELANTE

Madame [A] [H] [J], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Steve DOUDET, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [I] [D], venant aux droits de feu M. [O] [D], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Danielle DEOUS, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 15 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 1er février 2014, Mme [A] [H] [J] a été embauchée par M. [O] [D], en qualité d’assistante de vie 2 classification niveau 3 de la convention collective du particulier employeur, à rasion de 168 heures par mois, pour un salaire net de 1 349,04 euros, soit 1 760,50 euros bruts.

La relation contractuelle a pris fin par le décès de M. [D] le 3 octobre 2014.

Le 23 mars 2015, Mme [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille de diverses demandes à caractère salarial et indemnitaire.

Selon jugement du 19 avril 2016, le conseil de prud’hommes a débouté Mme [J] de ses demandes, Mme [D] de sa demande reconventionnelle et partagé les dépens par moitié.

Le conseil de la salariée a interjeté appel par déclaration du 27 avril 2016.

L’affaire a été radiée par arrêt du 2 février 2018 et remise au rôle selon conclusions de l’appelante du 14 mai 2019 ; les parties ont été convoquées pour l’audience du 15 novembre 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions reprises oralement, Mme [J] demande à la cour de :

«INFIRMER le jugement entrepris,

PUIS, STATUANT A NOUVEAU,

CONDAMNER Madame [I] [D], es qualité d’ayant droit de Monsieur [O] [D] au paiement des sommes suivantes :

– Indemnité pour travail dissimulé pour la période courant du 1er janvier 2011 au 31 janvier 2014: 10 563€

– Rappel d’heures supplémentaires pour la période courant du 1er février 2014 au 3 octobre 2014 : 46602,16€

– Congés payés incidents : 4 660, 21 €

– Indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile : 2 500 €

– Entiers dépens

– Intérêt au taux légal.»

Dans ses dernières écritures développées à l’audience, Mme [I] [D] en qualité d’ayant droit de M. [O] [D], demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu dans ses dispositions critiquées par l’appelante.

Débouter Mme [J] de toutes ses demandes fins et conclusions.

L’infirmer sur l’appel incident formé par l’intimée.

Condamner Mme [J] à payer à Mme [D] la somme de 4 440 euros correspondant à la somme réglée à titre d’avance sur salaires.

Condamner Mme [J] à payer à Mme [D] la somme de 2 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour l’exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties visées par le greffier à l’audience.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur la relation contractuelle

Au soutien d’une demande indemnitaire pour travail dissimulé, l’appelante fait valoir qu’elle a été embauchée bien avant la signature du contrat de travail, soit du 1er janvier 2011 au 31 janvier 2014, expliquant avoir été payée par chèque ou en espèces.

Elle indique qu’elle a été successivement l’auxiliaire de vie de Mme [P] jusqu’à son décès, puis de Mme [G] en 2008 et que c’est au décès de cette dernière que s’est conclu un contrat de travail avec M. [D].

Elle critique la décision entreprise alors que sa présence au domicile de M. [D] depuis l’année 2010 n’était pas contestée par Mme [I] [D].

Elle précise que cet emploi était compatible avec ses fonctions de concierge de l’immeuble Le Guyenne, cette fonction ne l’occupant que jusqu’à 14 heures.

Elle produit notamment à l’appui de sa demande :

– l’attestation de Mme [W] [D], avocate et nièce de l’employeur, rédigée en ces termes : « J’atteste avoir constaté au cours de mes nombreuses visites à [Localité 2] – du fait en particulier de mon développement professionnel à [Localité 2] – chez mon oncle, Monsieur [O] [D] surtout après le décès de ma tante, son épouse, la présence régulière de Madame [H] [J] qui intervenait chez mon oncle. Celle-ci arrivait à 14 heures après le départ de [B], la femme de ménage qui elle intervenait de 8 heures du matin jusqu’à 14 heures et repartait le lendemain à 8 heures du matin, plus le dimanche et ce depuis janvier 2011 jusqu’en octobre 2014. (‘)» .

– la déclaration du docteur [K], – médecin traitant de M. [D] depuis 1992 – lequel indique que Mme [J] « s’occupait de lui progressivement depuis 2011 et était de plus en plus présente ; lorsque son état de santé s’est aggravé, j’ai fait de fréquentes visites à son domicile surtout dès 2013. C’est [H] qui m’a toujours appelée sur mon portable pour me demander de passer dès qu’il n’a plus été en mesure de le faire, qui m’a tenue au courant de l’évolution, m’a rendu compte de ses chutes nocturnes(…)».

– ses relevés bancaires sur la période de décembre 2011 à juillet 2014,

– 11enveloppes à en-tête de la mairie de [Localité 4] – où la fille de M. [D] travaillait comme architecte – comportant un montant et une mention «semaine du (…) au (…)» (pièces 20 à 23),

– les contrats de travail signés avec Mme [P] en 2007 puis en 2008, avec Mme [R]

– son contrat de travail du 1er janvier 2007 avec le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Guyenne,

– une attestation de la fille de copropriétaires concernant ses horaires, exclusivement en matinée,

– une note d’information sur les horaires de la conciergerie, précisant : heures libres de 14 à 19h et à partir de 19h, une astreinte de nuit pour les urgences.

L’intimée fait valoir que Mme [J] a beaucoup varié dans ses écrits en ce qui concerne sa date de début d’activité et que si elle a été vue au domicile de M. [D] entre 2011 et 2014, cela peut être à titre amical et souligne l’imprécision des attestations versées aux débats quant aux dates et à l’exacte situation de l’appelante.

L’article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.

Aux termes de l’article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Il résulte des attestations sus-visées que Mme [J] a commencé à travailler au domicile des époux [D] au moins à compter de l’année 2011, aucune explication n’étant donnée par l’intimée sur la remise d’un chèque d’un montant de 6 416,29 euros en 2011 ou celle d’enveloppes contenant de façon récurrente la somme de 1 110 euros.

En outre, l’appelante démontre que sa présence n’était pas incompatible avec son autre emploi, puisqu’elle avait déjà opéré de même avec d’autres personnes âgées.

Dès lors, la cour estime que Mme [J] démontre une relation de travail antérieurement au contrat de 2014, laquelle n’a pas été déclarée et les règlements en espèces notamment permettent de caractériser l’intention frauduleuse d’échapper aux obligations en matière fiscale et sociale.

En conséquence, il convient de faire droit à la demande indemnitaire du fait d’un travail dissimulé.

Sur la demande de rappel de salaire

L’appelante indique qu’elle était contrainte de travailler du lundi au dimanche, sans jours de repos et selon les horaires suivants : de 14h à 8h le lendemain, avec une présence obligatoire chaque nuit au sein du logement de M. [D].

Elle précise que le régime dérogatoire du travail de nuit prévu par la convention collective doit être exclu car les conditions prescrites par le texte ne sont pas réunies, et que dès lors, seul le régime des heures supplémentaires peut être retenu.

Elle comptabilise 18 heures de travail par jour soit 126 h par semaine sur 7 jours, au lieu des 39h prévues par le contrat de travail.

Elle produit aux débats des attestations de la nièce de M. [D], du médecin traitant, du cardiologue et du kinésithérapeute de M. [D], de la pharmacienne, de gérants de magasin, pour établir la réalité de ses horaires de travail.

Mme [I] [D] fait valoir que l’état de santé de son père ne justifiait pas une assistance de jour comme de nuit, aucun mobilier médical spécifique n’étant installé dans sa chambre.

Elle relève que Mme [J] ne verse aux débats aucun décompte de ses horaires de travail et que les attestations ne précisant aucune date ni aucun horaire, cela ne permet pas de reconstituer un emploi du temps démontrant que son temps de travail était supérieur à celui rémunéré.

Elle rappelle que la salariée étant employée comme concierge pour 142 heures, les deux emplois totalisent 310 heures mensuelles, ce qui est interdit et que si l’on ajoute le rappel de salaires revendiqué, on aboutit à plus de 686 heures par mois.

Elle précise que l’appelante ne tient aucun compte de ses absences ni des périodes d’hospitalisation à raison de 57 jours sur la période contractuelle et que le dimanche était son jour de repos.

Elle produit aux débats des attestations de voisins et amis démontrant que M. [D] était souvent seul en soirée, était indépendant dans les actes de la vie quotidienne, un historique des hospitalisations et un calendrier des absences de la salariée, outre un document mappy concernant un trajet de 20 minutes en voiture de l’immeuble où Mme [J] était concierge au domicile de M. [D].

Si les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail ne sont pas applicables aux employés de maison qui travaillent au domicile privé de leur employeur et sont soumis à la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999, il n’en va pas de même de celles de l’article L. 3171-4 du code du travail relatives à la preuve de l’existence ou du nombre des heures effectuées.

Aux termes de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Il résulte des éléments produits que Mme [J] n’était pas employée à temps complet, celui-ci étant de 174 heures par mois et ne pouvait être présente à partir de 14h chez M. [D] puisqu’elle ne pouvait quitter son emploi de concierge avant cet horaire, le trajet étant au minimum de 20 minutes en voiture.

Le contrat de travail – au contraire de ceux passés avec ses précédents employeurs – ne prévoyait pas une présence la nuit, et en l’état des seules attestations produites, la présence régulière de la salariée chaque nuit sur 7 jours et sur la totalité de la période concernée, n’est pas crédible et en tous cas incompatible avec ses astreintes de nuit comme concierge, de sorte que la cour considère que ce n’est que de façon occasionnelle que la salariée était amenée à être présente certaines nuits auprès de M. [D].

Après avoir confronté les éléments produits, la cour a la conviction que Mme [J] a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées, du 1er février au 3 octobre 2014 mais pas dans la proportion affichée par la salariée, résultant d’un simple calcul arithmétique linéaire ne correspondant pas à la réalité, puisque pendant ses absences et les hospitalisations de son employeur -selon le calendrier produit par l’intimée non contredit par Mme [J] – elle n’assurait aucune heure complémentaire ou supplémentaire.

En conséquence, la cour fixe le volume d’heures supplémentaires sur la période considérée à 208 heures soit une créance salariale de 2 722,20 euros outre l’incidence des congés payés.

Sur la demande reconventionnelle

Ainsi que l’a dit le conseil de prud’hommes, Mme [D] n’établit pas que la somme de 4 440 euros versée par un chèque tiré sur son compte personnel – et non celui de M. [D] – qui n’a fait l’objet d’aucun document, bulletin de salaire ou reconnaissance de dette, a un caractère salarial comme résultant d’une avance de salaire.

Dès lors, elle doit être déboutée de sa demande de remboursement.

Sur les autres demandes

Les sommes allouées à titre de salaires porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l’employeur (présentation de la lettre recommandée) à l’audience de tentative de conciliation valant mise en demeure.

Les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision.

L’intimée qui succombe au principal doit s’acquitter des dépens de la procédure, être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à ce titre, payer à Mme [J] la somme de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, en matière prud’homale,

Infirme le jugement déféré SAUF en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle de Mme [I] [D],

Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,

Condamne Mme [I] [D] en sa qualité d’ayant droit et héritière de M. [O] [D], à payer à Mme [A] [H] [J], les sommes suivantes :

– 10 563 € à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

– 2 722,20 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires de février à octobre 2014,

– 272,22 euros au titre des congés payés afférents,

– 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les sommes allouées à titre de salaires porteront intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2015 et celles à titre indemnitaire à compter de la date de la présente décision.

Condamne Mme [D] aux dépens de 1ère instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x