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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 20 JANVIER 2023
N° 2023/ 023
Rôle N° RG 19/06833 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEFNV
[V] [Y]
C/
SARL SALICA ANCONETTI
Copie exécutoire délivrée
le :20/01/2023
à :
Me Catherine MEYER-ROYERE de l’AARPI ROYERE, avocat au barreau de TOULON
Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 06 Mars 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00380.
APPELANT
Monsieur [V] [Y], demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Catherine MEYER-ROYERE de l’AARPI ROYERE, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Isabelle CORIATT, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
SARL SALICA ANCONETTI, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et par Me Denis DEUR, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Estelle DE REVEL, Conseillère, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SILVAN, Président de chambre
Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre
Madame Estelle DE REVEL, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2023
Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
M. [V] [Y] a été embauché par la société Espace Sanitaire Anconetti, reprise par la société Salica, en qualité de manutentionnaire chauffeur poids lourds, selon contrat à durée déterminée à temps complet du 1er février 1990, devenu contrat à durée indéterminée.
Il a évolué dans la société et est devenu chef d’agence, niveau V, échelon 3, coefficient 350.
Le 9 janvier 2017, le salarié a été convoqué à un entretien pour l’informer de son affectation à compter du 13 février 2017 dans l’agence de [Adresse 4] en application de la clause de mobilité de son contrat de travail.
Il a refusé cette affectation.
Le 13 février 2017, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement assorti d’une mise à pied à titre conservatoire fixé au 23 février suivant.
Le 28 février 2017, il a été licencié pour faute grave.
Il a saisi le conseil de prud’hommes de Toulon.
Par jugement en date du 6 mars 2019, la conseil de prud’hommes a dit le licenciement de M. [Y] fondé sur une faute grave et a débouté celui-ci de l’ensemble de ses demandes ainsi que la société Anconetti de sa demande reconventionnelle.
Le 23 avril 2019, M. [Y] a relevé appel de la décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 mars 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, M. [Y] demande à la cour de :
‘REFORMER ie jugement en toutes ses dispositions
DIRE ET JUGER que ie licenciement de Mr [Y] pour faute grave est sans cause réelle et sérieuse
EN CONSEQUENCE,
CONDAMNER la SA ANCONETTI a payer a Monsieur [Y] la somme de 75 216 €
au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
CONDAMNER la SA ANCONETTI à payer à Monsieur [Y] la somme de 29 654 € au titre de l’indemnité de licenciement
CONDAMNER la SA ANCONETTI à payer à Monsieur [Y] la somme de 6938 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés sur préavis de 693,80€
A TITRE SUBSIDIAIRE :
DIRE ET JUGER que le refus de mutation ne peut constituer une faute grave
EN conséquence
CONDAMNER la SA ANCONETTI à payer à Monsieur [Y] :
– L’indemnité de licenciement : 29 654 6
– L’indemnité compensatrice de préavis : 6938 6
– L’indemnité de congés payés sur préavis : 693,8 e
En tout état de cause,
DIRE ET JUGER que ces sommes sont assorties des intérêts légaux à compter de la demande en justice avec capitalisation
CONDAMNER la SA ANCONETTI au paiement de la somme de 3.000,00€ au titre de l’article 700 CPC’
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 mai 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, la société Salica Anconettti demande à la cour de :
‘CONFIRMER la décision attaquée en ce qu’elle a débouté Monsieur [V] [Y] de
toutes ses prétentions,
Y ajoutant,
CONDAMNER Monsieur [V] [Y] à la somme de 1.000 € sur le fondement de l’Article 700 du Code de Procédure Civile,
Subsidiairement,
REQUALIFIER la mesure de licenciement pour faute grave en licenciement pour cause
réelle et sérieuse et toutes les conséquences de droit y afférentes,
LIMITER toutefois le montant de l’indemnité de licenciement à la somme de 27.005,88 €, Infiniment subsidiairement et dans l’hypothèse extraordinaire d’une reconnaissance d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
FAIRE une stricte application de l’article L1235-3 du Code du Travail applicable à l’époque,
Vu le salaire brut moyen de 3.295 €,
LIMITER la très éventuelle indemnisation de Monsieur [Y] à la somme de 19.770 €’.
MOTIFS DE LA DECISION
I. Sur le licenciement
Moyens des parties :
M. [Y] conteste son licenciement soutenant qu’il avait des motifs légitimes de refuser la mise en oeuvre de la clause de mobilité et que son employeur a utilisé cette clause de mauvaise foi avec l’intention maligne de se débarrasser de lui.
Il expose que depuis que M. [S] avait accédé aux fonctions de directeur courant 2014, celui-ci l’avait régulièrement sanctionné et avait cherché à l’écarter de la société, de sorte que la mutation s’inscrivait dans ce processus et était ainsi détournée de son fondement.
Il expliquait par ailleurs qu’un salarié avait été embauché en septembre 2016 en tant que chef d’agence comme lui, et que celui-ci pouvait tout à fait être affecté à l’agence de [Adresse 4] à sa place.
Le salarié soutient enfin d’une part que la mutation projetée entraînait un coût financier puisqu’il perdrait ses primes liées au chiffre d’affaire de l’agence de [Localité 7] et d’autre part, qu’elle avait des conséquences sur sa vie privée dès lors qu’il venait d’acheter un bien immobilier à [Localité 7] et qu’il s’occupait de sa mère âgée de 87 ans.
En réplique, la société fait valoir qu’il n’a jamais été demandé au salarié de déménager à [Localité 3] et qu’il disposait d’un véhicule de service lui permettant d’effectuer les trajets sans coût financier.
L’employeur expose par ailleurs que les sanctions infligées au salarié étaient toutes justifiées et proportionnées sans qu’il ne puisse en tirer une quelconque volonté de l’écarter.
Il indique ensuite que la mutation projetée était parfaitement en lien avec l’intérêt de l’entreprise suite à la démission du chef de l’agence de [Adresse 4] et à la nécessité de le remplacer par un salarié expérimenté, ce qui ne peut s’apparenter à une ‘mise au placard’.
Il ajoute enfin que la clause de mobilité était claire et précise géographiquement, que son application était justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché et qu’il conservait ses avantages et salaires, sans que le changement engendre de frais supplémentaires.
Sur ce :
Aux termes de l’article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations issues du contrat de travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
La mise en oeuvre d’une clause de mobilité incluse dans le contrat de travail correspond à un simple changement de ses conditions de travail et non à une modification du contrat de travail qui nécessiterait l’accord du salarié. Le refus du salarié d’accepter un changement de ses conditions de travail constitue une faute contractuelle, mais il ne constitue pas ‘nécessairement’ une faute grave laquelle doit s’apprécier au vu des circonstances de fait ayant entouré le refus du salarié de rejoindre sa nouvelle affectation malgré la clause de mobilité.
La seule circonstance que l’employeur n’ait pas commis d’abus dans la mise en oeuvre de la clause de mobilité ne suffit pas pour qualifier de faute grave le refus opposé par le salarié.
La clause de mobilité doit être mise en oeuvre de bonne foi, c’est à dire conformément à l’intérêt de l’entreprise. La bonne foi contractuelle étant présumée, il n’y a pas lieu de rechercher si la décision de l’employeur de faire jouer une clause de mobilité, stipulée dans le contrat de travail, est conforme à l’intérêt de l’entreprise. Il incombe donc au salarié de démontrer que cette décision a, en réalité, été prise pour des raisons étrangères à cet intérêt, ou bien, qu’elle a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.
Toutefois, si le salarié invoque des atteintes au droit à une vie personnelle et familiale, le juge doit vérifier si la mise en oeuvre de la clause, quand bien même elle serait licite et mise en oeuvre dans l’intérêt de l’entreprise, ne porte pas une telle atteinte, et le cas échéant, si cette atteinte est justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.
En l’espèce, la lettre de licenciement du 28 février 2017 qui fixe les limites du litige est rédigée comme suit :
‘Le 09 juillet 2017, nous vous avons confirmé par courrier les termes de l’entretien que vous aviez eu avec Monsieur [R] et notre décision, compte tenu de la nouvelle organisation du secteur, de vous affecter sur l’agence de [Adresse 4] en conformité avec la clause de mobilité prévue dans votre contrat.
En effet, nous avions besoin d’un chef d’agence expérimenté, qui connaissait déjà nos procédures, nos produits et notre outil informatique, sur cette agence suite au départ de Mr [C].
Par conséquent, à compter du lundi 13/02/2017, nous vous demandions d’occuper la fonction de chef d’agence sur notre agence de [Adresse 4].
Votre salaire de base, qualification, coefficient et échelon restaient inchangés et nous vous allouions une prime de démarrage d’un montant mensuel de 250 € pour une durée de 3 mois.
Un barème de primes du même ordre que celui que vous aviez sur [Localité 7] et un avenant a votre contrat de travail vous étant remis ulterieurement.
Afin de vous rendre sur votre nouveau lieu de travail, vous conserviez évidemment le véhicule de société, la carte essence et le badge autoroute, ceci vous évitant tout frais supplémentaire.
Contre toute attente, malgré nos multiples explications et le temps de réflexion que nous vous avions accordé, sans nous avoir informés préalablement de vos intentions, le lundi 13 février 2017 au matin vous vous êtes présenté sur I’agence de [Localité 7].
Compte tenu de votre présence sur [Localité 7] et sans avoir d’autres explications de votre part que les propos que vous avez tenus sur l’agence indiquant seulement que vous n’iriez pas à [Localité 3], nous vous avons remis un courrier dans lequel magnanimes, nous vous dispensions de travailler sur cette journée du 13 février 2017 et nous vous laissions une nouvelle chance de réfléchir posément en vous laissant un délai de réflexion supplémentaire.
Ainsi, nous souhaitions que vous mettiez à profit cette journée pour reconsidérer raisonnablement votre position, en vous demandant de vous présenter le lendemain sur l’agence de [Adresse 4].
Mais, concomitamment à notre démarche, ce même jour vers 10 heures, nous avons reçu à l’agence de [Localité 2] un courrier recommandé dans lequel vous refusiez cette mutation sur [Localité 3].
Dans celui-ci vous invoquiez des arguments fantaisistes tels que le licenciement de votre “ex-compagne une sanction disciplinaire déguisée ou encore le fait que nous vous en voulions car vous souteniez trop votre équipe.
Compte tenu de ce courrier qui precisait enfin clairement vos intentions et votre refus, nous avons donc été contraints de vous mettre à pied à titre conservatoire et nous vous avons convoqué à un entretien préalable à licenciement.
Lors de notre entretien du 23 fevrier 2017, comptant sur une prise de conscience, davantage de recul et un sursaut de réalisme de votre part sur le caractère inapproprié de votre refus de mutation, nous vous avons à nouveau demandé d’accepter cette mutation sur [Localité 3].
Votre interprétation de la situation étant totalement erronée et, face à votre incompréhensible posture, tentant de mêler vie personnelle et relations professionnelles, nous vous avons donc à nouveau expliqué notre besoin sur [Localité 3], en vous indiquant qu’il était encore temps que vous reveniez à des considérations plus raisonnables.
Le développement d’Anconetti sur [Localité 3] étant l’un de nos objectifs principaux, votre mutation dans cette agence qui a un gros potentiel sur [Localité 3], répondait à notre besoin de développer le CA de ce site en nous appuyant sur un chef d’agence expérimenté, qui connaissait déjà nos procédures, nos produits et notre outil informatique.
Ce n’est pas le cas de Mr [N] qui est effectivement expérimenté dans notre secteur d’activité (expérience chez nos confrères) mais pas dans notre société et qui a été embauché sur [Localité 7] pour nous aider à relancer le commerce à [Localité 8] Ouest.
II en a d’ailleurs été de même sur l’agence de [Adresse 5] sur laquelle
nous avons mis en place un chef d’agence expérimenté.
En outre, cette décision de nouvelle affectation a été prise dans l’intérêt de l’entreprise, en vue également d’une dynamisation commerciale du secteur Toulonnais Ouest afin également de remédier aux constats récurrents effectués sur [Localité 7] sur le CA, l’inertie de la salle exposition, sur la gestion et l’application des procédures et vous soustraire aux mauvaises habitudes prises sur cette agence (nous avions également évoqué les conflits d’intêrèt entre votre activité parallèle et votre mission de chef d’agence).
Comme vous l’évoquez d’ailleurs justement, vous avez passé 27 ans dans l’agglomération Toulonnaise et vous vous sclérosiez sur cette agence. Exercer dans un nouvel environnement, sur un nouveau secteur; avec un nouveau directeur; Monsieur [H] (Vous ne respectiez plus l’autorité du directeur Toulonnais Monsieur [S]) vous aurait permis de vous relancer
Conscient de cette situation sur [Localité 8], vous nous aviez même sollicité pour faire une rupture conventionnelle.
Persistant dans votre attitude, vous avez confirmé votre refus de prendre le poste à [Localité 3]
Lors de notre entretien, vous nous avez encore répété que votre refus de mutation était lié au fait que vous considériez qu’il s’agissait d’une sanction déguisée .. ..
Votre refus injustifié de rejoindre votre nouvelle affectation, constitue un manquement à vos obligations contractuelles. En effet, vous n’avez invoqué aucun motif impérieux pouvant justifier votre refus.
Ce refus constitue donc un acte d’insubordination.
Les explications que vous nous avez fournies lors de cet entretien ne sont pas de nature à modifier l’appréciation de la situation.
Un tel acte d’insubordination caractérisé est non seulement inadmissible mais il révèle aussi malheureusement votre état d’esprit et la situation conflictuelle que vous avez cherché à créer’.
Le licenciement de M. [Y] est fondé sur un seul grief: le refus de mutation.
Selon l’article 2 de l’avenant au contrat de travail du 26 septembre 1992, l’affectation visée à l’article 1(chef d’agence sur l’agence de [Localité 7]) ne constitue en aucune façon un élément essentiel du contrat. En cas de besoins justifiés notamment par l’évolution de ses activités ou de son organisation et plus généralement par la bonne marche de l’entreprise, la société SALICA se réserve le droit d’affecter M. [Y] dans l’un quelconque de ses établissements de la société, implantés sur la région Provence Alpes Côtes d’Azur ou sur les régions limitrophes (Midi Pyrénées, Rhône Alpes, Auvergne). En cas de mise en oeuvre de la présente clause, M. [Y] sera informé un mois avant son affectation effective dans son nouveau lieu de travail.
Dans le cas où il ne s’agit que d’un simple changement des conditions de travail ne nécessitant pas l’application de la clause de mobilité (tel qu’une mutation sur un même secteur géographique ne constituant pas une modification de son contrat de travail, mais une simple modalité de son exécution), M. [Y] sera informé dans un délai raisonnable de son affectation effective dans son nouveau lieu de travail’.
M. [Y] ne discute pas la licéité de la clause mais sa mise en oeuvre considérant qu’il s’agit d’une volonté de mise à l’écart par M. [S].
Il produit :
– l’attestation de M. [L], commercial de la société, qui indique que ‘M. [S] m’a régulièrement demandé de faire des rapports sur les façons de travailler de M. [Y], afin de pouvoir le réprimander et le sanctionner. Je lui ai à chaque fois répondu que je n’étais pas là pour faire de la délation de quoi que ce soit et que c’était son rôle en tant que directeur de voir si des choses ne fonctionnaient pas sur l’agence de [Localité 7]’;
– un courrier recommandé du 17 juillet 2014 de M. [S] faisant état de faits et ‘exemples récents illustrant un manque de professionnalisme et de sens des responsabilités qui pénalisent notre commerce’
– mise au point 14 octobre 2014
– lettre de rappel à l’ordre 17 juillet 2014
– sa mise à pied disciplinaire du 19 février 2015,
– un avertissement le 1er juillet 2016
Il ne ressort pas de ces éléments une volonté de sanctionner le salarié au delà de chaque fait et situation clairement définies et pointées dans chaque courrier et sanction.
La mise en oeuvre de la clause de mobilité ne peut constituer en elle-même la volonté de l’employeur de mettre le salarié à l’écart de la société puisqu’il demeure salarié de l’entreprise à un poste équivalent de chef d’agence et qu’il conserve sa rémunération et ses avantages.
Il n’est en conséquence pas démontré que la clause a été mise en oeuvre pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise.
Selon l’avenant du 29 septembre 1992, M. [Y] dispose d’un véhicule de fonction qu’il utilise pour les besoins de son service. Il est en outre remboursé des frais de déplacement qu’il expose dans l’intérêt de l’établissement.
Il ressort de ces éléments que son affectation à l’agence de [Localité 3] n’a pas pour effet d’engendrer des frais de trajet.
Concernant sa rémunération, l’article 4 de son contrat de travail stipule que sa rémunération est constituée d’un fixe mensuel auquel s’ajoute une rémunération variable et qu’il pourra percevoir une prime mensuelle de réalisation d’objectifs annuellement définis par la direction en concertation avec lui.
Dans le cadre de l’affectation du salarié à [Localité 3], il lui a été en outre proposé la somme mensuelle brute de 250 euros pendant trois mois, représentant la moyenne des primes perçues en 2016.
Au vu de ces éléments et de la détermination des objectifs à atteindre, le salarié ne démontre pas en quoi le fait d’être affecté à l’agence de [Adresse 4] aura des conséquences négatives sur sa rémunération.
Il est par ailleurs établi que M. [Y] a été informé de son affectation à [Localité 3] le 9 janvier 2017 à compter du 13 février suivant, soit plus d’un mois à l’avance, de sorte que le délai de prévenance a été respecté. La lettre de licenciement mentionne en outre l’existence de délais de réflexion supplémentaires.
M. [Y] réside à [Adresse 6], il est par conséquent à 43 km de [Localité 3] et le trajet en voiture dure 54 minutes. Il indique s’occuper de sa mère âgée laquelle atteste qu’elle a besoin de lui pour l’amener chez le médecin, à la clinique, faire des examens médicaux et les courses.
La cour relève au vu de ces éléments que l’affectation à [Localité 3] ne constitue pas une atteinte à sa vie personnelle, ni familiale.
Il ressort de ces éléments qu’ayant accepté d’être soumis à une certaine mobilité et en l’espèce, ayant bénéficié de plus d’un mois pour s’organiser, sachant que ses frais de déplacement étaient pris en charge par l’employeur, son refus de rejoindre son affectation à [Localité 3] qui procède d’une décision qui a été mûrie et qui lui a permis de mesurer les conséquences de son choix, sans être à même de se prévaloir de motifs impérieux qui pourraient le justifier, constitue une violation de ses obligations contractuelles justifiant son licenciement.
En revanche, il n’est pas démontré par l’employeur que la faute est d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
Il convient par conséquent de requalifier le licenciement pour cause réelle et sérieuse.
M. [Y] a droit à une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire, calculés sur la base d’un salaire brut moyen mensuel non contesté de 3 295,63 euros, soit 6 591,26 euros, outre 659,12 euros au titre des congés payés afférents.
Il a également droit à une indemnité de licenciement en application de l’article L.1234-9 du code du travail, dans sa version applicable au litige.
Il avait 27 ans et 1 mois d’ancienneté lors du licenciement.
Selon l’article R.1234-2 du code du travail, l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à 10 ans et à 1/3 de mois de salaire pour les années à partir de 10 ans, soit :
(3 295,63 euros X 1/4 X10) + (3 295,63 X1/3X17)+3 295,63X1/3X1/12e ) 27 005,88 euros.
En revanche, les autres demandes indemnitaires doivent être rejetées dès lors qu’elles sont fondées sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les autres demandes
Les sommes allouées à titre de salaires portent intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l’employeur (présentation de la lettre recommandée) à l’audience de tentative de conciliation valant mise en demeure, soit le 13 février 2017.
La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.
La société Salica Anconetti doit être condamnée à verser à M. [Y] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre d’un préjudice moral,
Dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Salica Anconetti à payer à M. [V] [Y] les sommes suivantes:
– 6 591,26 euros, à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 659,12 euros au titre des congés payés afférents,
– 27 005,88 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
Dit que les sommes allouées à titre de salaires portent intérêts au taux légal à compter du 13 février 2017,
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,
Condamne la société Salica Anconetti à verser à M. [Y] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Salica Anconetti aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT