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27/01/2023
ARRÊT N°50/2023
N° RG 21/00510 – N° Portalis DBVI-V-B7F-N6OY
MPB/KS
Décision déférée du 18 Décembre 2020
Pole social du TJ de TOULOUSE
18/10840
[Y] [E]
[G] [N] [P]
C/
Société [7]
CPAM DE LA HAUTE-GARONNE
CONFIRMATION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 3 – Chambre sociale
***
ARRÊT DU VINGT SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Monsieur [G] [N] [P]
[Adresse 6]
[Localité 5]
représenté par Me Stéphane ROSSI-LEFEVRE, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉES
Société [7]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Nissa JAZOTTES de la SELARL JAZOTTES & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
CPAM DE LA HAUTE-GARONNE
SERVICE CONTENTIEUX
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Mme [S] [U] (Membre de l’organisme) en vertu d’un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 945.1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Novembre 2022, en audience publique, devant Mmes N. ASSELAIN et MP BAGNERIS chargées d’instruire l’affaire, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente
MP. BAGNERIS, conseillère
M. SEVILLA, conseillère
Greffier, lors des débats : A. ASDRUBAL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile
– signé par N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente , et par K. BELGACEM, greffière de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [G] [P] a été engagé par la société [7] en qualité de maçon, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 27 août 2007.
Le 6 juin 2016 son employeur a établi une déclaration d’accident du travail survenu le 3 juin 2016 à 11 heures 30, sur le lieu de travail occasionnel, immédiatement porté à la connaissance de l’employeur par la victime, et relaté ainsi :
‘Le salarié marchait sur le chantier et a trébuché. Il s’est bloqué le dos’.
Le certificat médical initial du 4 juin 2016 mentionne une ‘lombalgie avec sciatique à bascule d’apparition brutale suite à une chute dans un trou (terrain accidenté)’.
Le 15 juin 2016, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne a reconnu le caractère professionnel de l’accident de M. [G] [P].
La caisse a fixé au 7 octobre 2016 la date de consolidation des lésions et n’a pas retenu de séquelles indemnisables.
Par la suite, M. [G] [P] a adressé à la CPAM un certificat médical de rechute du 28 octobre 2016.
La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne lui a notifié le 16 novembre 2016 sa décision de prendre en charge la rechute déclarée au titre de l’accident du travail du 3 juin 2016.
Par décision du 27 juin 2017, la CPAM de la Haute-Garonne a fixé la date de consolidation des lésions consécutives à cette rechute au 13 février 2017, avec un taux d’incapacité de 10%, dont 2% au titre de l’incidence professionnelle avec versement d’une rente annuelle.
M. [G] [P] a été licencié pour inaptitude le 18 mars 2017.
Par lettre du 23 août 2017, après échec de la tentative de conciliation, M. [G] [P] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Garonne pour voir reconnaître la faute inexcusable de l’employeur.
Par jugement du 18 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a rejeté les demandes de M. [G] [P], et l’a condamné à payer à la société [7] une indemnité de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.
M. [G] [P] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 2 février 2021.
M. [G] [P], par conclusions visées au greffe le 11 juillet 2022, soutenues à l’audience, conclut à l’infirmation du jugement, à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur à l’origine de l’accident et de la rechute, à l’organisation d’une expertise avant-dire droit sur la réparation de son préjudice, au doublement de la rente servie au titre des conséquences de son accident du travail, et au paiement d’une provision de 5 000 euros, outre 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.
M. [G] [P] fonde son appel sur les articles L 411-1 et L 452-1 du code de la sécurité sociale et L 4121-1 du code du travail.
Concernant l’accident du 3 juin 2016, il indique que le seul fait qu’un trou se trouvait sur le chantier sans aucun signalement et que la cadence excessive imposée aux salariés ait eu pour conséquence l’accident du travail atteste du fait que l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour préserver ses salariés du danger.
M. [G] [P] soutient que sa rechute du 28 octobre 2016 est due au fait que son employeur l’a contraint, avec d’autres salariés, à effectuer des travaux comportant le port de lourdes charges manuellement alors que ces travaux nécessitaient l’utilisation de machines prévues à cet effet.
Il produit des attestations de salariés de la société [7] se plaignant d’être habituellement contraints au port manuel de charges lourdes, sans outils appropriés.
Il conclut dès lors au manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et soutient que l’accident de travail initial ayant été suivi d’une rechute le 28 octobre 2016, les conséquences de cette dernière doivent également être prises en compte dans l’indemnisation complémentaire.
La société [7], par conclusions visées au greffe le 1er février 2022 et soutenues à l’audience, conclut à la confirmation du jugement, au rejet des demandes et au paiement de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Faisant valoir que tous ses salariés ont suivi le 6 novembre 2015 une formation à la sécurité, elle souligne l’absence de témoin direct de l’accident du 3 juin 2016 qu’elle impute à la seule maladresse de M. [G] [P].
Elle relève que M. [G] [P] a été examiné le 12 septembre 2016 par le médecin du travail qui l’avait alors déclaré apte à reprendre ses fonctions, sans restriction, avant l’accident du 28 octobre 2016.
Elle se prévaut du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse le 6 février 2020, confirmé par arrêt de la cour d’appel du 14 janvier 2022, ne retenant pas de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité à l’origine de son inaptitude professionnelle.
Elle indique qu’elle met à disposition de ses salariés des machines pour le port de lourdes charges en produisant plusieurs témoignages.
La CPAM de la Haute-Garonne, par conclusions visées au greffe le 15 juillet 2022 maintenues à l’audience, s’en remet à la décision de la juridiction. Dans l’hypothèse où une faute inexcusable serait retenue, elle rappelle les modalités de calcul de la majoration de rente fixées par l’article L 452-2 du code de la sécurité sociale, ainsi que les seuls préjudices qui peuvent être indemnisés, et demande à la cour d’accueillir son action récursoire à l’encontre de l’employeur.
L’affaire a été débattue à l’audience du 24 novembre 2022 et la décision a été mise en délibéré au 27 janvier 2023.
MOTIFS
Sur la faute inexcusable
Dans le cadre de l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur destinée, notamment, à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, les dispositions des articles L.4121-1 et suivants du code du travail lui font obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
L’employeur a, en particulier, l’obligation d’éviter les risques et d’évaluer ceux qui ne peuvent pas l’être, de planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants. Les articles R.4121-1 et R.4121-2 du code du travail lui font obligation de transcrire et de mettre à jour au moins chaque année, dans un document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.
Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Il suffit que la faute inexcusable de l’employeur soit une cause nécessaire de l’accident du travail pour engager sa responsabilité.
C’est au salarié qu’incombe la charge de la preuve de la faute inexcusable, et par voie de conséquence d’établir que son accident présente un lien avec une faute commise par son employeur, dans le cadre de son obligation de sécurité.
Selon l’article L. 443-1 du code de la sécurité sociale, la rechute, quant à elle, s’entend de toute modification de l’état de la victime dont la première constatation médicale est postérieure à la date de guérison apparente ou de consolidation de la blessure.
Elle suppose un fait pathologique nouveau, c’est à dire, soit l’aggravation de la lésion initiale après sa consolidation, soit l’apparition d’une nouvelle lésion après guérison.
Pour qu’il y ait rechute, l’aggravation ou l’apparition de la lésion doit avoir un lien de causalité direct et exclusif avec l’accident du travail, sans l’intervention d’une cause extérieure.
Il peut être, au surplus, rappelé que l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, ni aucun autre texte, ne prévoit une indemnisation complémentaire en cas de faute inexcusable à l’origine d’une rechute, et non de l’accident de travail initial
1: Cass. 2e civ. 9 décembre 2010, n° 09-72.667 ; 7 mai 2009, n° 08-15.303.
.
En l’espèce, M. [G] [P] affirme que son accident du travail initial du 3 juin 2016 serait survenu alors qu’il aurait mis accidentellement son pied dans un trou sur un chantier, entraînant le blocage de son dos.
En l’absence de tout élément propre à démontrer les circonstances de cet accident et à caractériser un danger auquel il aurait été exposé indépendamment de sa seule maladresse, c’est par des motifs pertinents que le tribunal a écarté l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur.
Quant à la rechute du 28 octobre 2016, comme exactement retenu par le tribunal par des motifs auxquels la cour renvoie, les circonstances de sa survenance invoquées par M. [G] [P] ne sont pas davantage établies, aucune précision de fait n’étant contenue dans les trois attestations qu’il produit, que rien ne corrobore (pièces 8, 9, 10).
En tout état de cause, la faute inexcusable de l’employeur n’ouvre droit à indemnisation complémentaire que si elle est à l’origine de l’accident initial et non de la rechute.
Dans ce contexte où aucune faute inexcusable de l’employeur n’est démontrée, en particulier lors de la survenance de l’accident de travail initial auquel M. [G] [P] relie sa rechute, la décision du tribunal sera confirmée en ce qu’il a débouté M. [G] [P] de l’ensemble de ses demandes.
Sur les demandes accessoires
Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens, en ce compris les frais d’expertise, l’action récursoire de la CPAM et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dont il a fait une équitable application.
Les dépens d’appel seront à la charge de M. [G] [P], qui succombe.
Les considérations d’équité conduiront à ne pas prononcer de condamnation en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 18 décembre 2020 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Dit que M. [G] [P] doit supporter les dépens d’appel ;
Rejette le surplus des demandes.
Le présent arrêt a été signé par N.ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente et par K. BELGACEM, greffier de chambre.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,
K. BELGACEM N. ASSELAIN
.