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31 JANVIER 2023
Arrêt n°
ChR/NB/NS
Dossier N° RG 21/02414 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FWXW
[E] [L]
/
S.A.S. NERGECO
Arrêt rendu ce TRENTE ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Frédérique DALLE, Conseiller
Mme Sophie NOIR, Conseiller
En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
M. [E] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Christian BELLUT, avocat au barreau de la HAUTE-LOIRE, avocat constitué, substitué par Me Pierre ROBILLARD de la SELARL PARALEX, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, avocat plaidant
APPELANT
ET :
S.A.S. NERGECO
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Elise TRIOLAIRE avocate au barreau de CLERMONT-FERRAND suppléant Me Chloé BARGOIN, avocat au barreau de CUSSET/VICHY, avocat constitué, substitué par Me Stéphanie DUBOS, avocat suppléant Me Emilie LACHAUD, avocat au barreau de LYON
INTIMEE
Après avoir entendu M. RUIN, Président en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 14 Novembre 2022, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS NERGECO produit et distribue des portes souples et automatiques (dites de productivité). Composée de quatre entités, elle a été reprise le 15 octobre 2015 par la société ASSA ABLOY. L’intégration des quatre sociétés s’est ensuite poursuivie par la désignation de la société ASSA ABLOY ENTRANCE SYSTEMS FRANCE en qualité de présidente de la SAS NERGECO lors de l’assemblée générale du 21 novembre 2016.
Elle applique, s’agissant des cadres, la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Monsieur [E] [L], né le 5 janvier 1965, a été embauché le 22 mars 2016 par la société NERGECO, selon contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de directeur administratif et financier (statut cadre, position III B, coefficient 180).
La société NERGECO a convoqué Monsieur [E] [L], par lettre remise en main propre le 17 février 2017, à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 1er mars 2017, en le dispensant d’activité. Lors de l’entretien, Monsieur [E] [L] était assisté par un collègue de travail, Monsieur [N].
Le 2 mars 2017, Monsieur [L] a introduit auprès du tribunal d’instance du Puy-en-Velay une requête en vue de faire reconnaître l’existence d’une unité économique et sociale (UES) au sein de l’entreprise.
Par courrier remis en main propre le 3 mars 2017, la société NERGECO a convoqué le salarié à un nouvel entretien préalable fixé au 15 mars suivant, avec mise à pied conservatoire.
Par courrier recommandé avec avis de réception expédié le 18 mars 2017, l’employeur a notifié à Monsieur [E] [L] son licenciement dans les termes suivants :
‘Monsieur,
Comme suite à notre entretien préalable du mercredi 1er mars 2017 à l’occasion duquel vous avez été assisté par Monsieur [B] [N], salarié de notre structure ainsi qu’à notre second entretien du mercredi 15 mars 2017 organisé suite à la découverte de nouveaux faits fautifs, nous nous voyons malheureusement contraints de vous notifier, par la présente votre licenciement pour faute grave pour les motifs rappelés ci-après.
* Tout d’abord, dans le cadre de la première procédure de licenciement menée à votre encontre pour cause d’insuffisances professionnelles, et ayant donné lieu à une convocation du 17 février 2017 à un entretien préalable fixé au mercredi 1er mars 2017, nous avons découvert que vous aviez commis de graves agissements manifestement incompatibles avec la poursuite de nos relations contractuelles.
– C’est ainsi qu’à l’issue de l’entretien préalable au licenciement du mercredi 1er mars 2017, nous avons été informés que vous aviez enregistré nos échanges à notre insu, au moyen de votre téléphone portable.
Monsieur [B] [N] qui vous assistait lors de cet entretien préalable n’en était lui-même pas informé. Vous n’avez pas davantage pris soin de nous en informer au préalable ou d’obtenir notre accord.
Au-delà du caractère particulièrement déloyal de cette man’uvre, votre comportement est intolérable et a visé à nuire à notre structure et à servir vos intérêts personnels par l’utilisation d’un procédé clandestin.
– Dans le prolongement de cet entretien, vous avez unilatéralement établi un compte rendu d’entretien préalable rédigé uniquement par vos soins, ceci afin de servir vos intérêts personnels et de présenter une version avantageuse des échanges qui se sont déroulés avec Monsieur [K] [G], Contrôleur EMEA de la société ASSA ABLOY ENTRANCE SYSTEMS – division HDPS (High Performance Door Solutions) et moi-même.
* Par ailleurs, vos insuffisances professionnelles persistantes et significatives sont telles qu’elles compromettent aujourd’hui les intérêts essentiels de l’entreprise ainsi que de la division du Groupe concernant la fabrication et la vente de portes de haute performance.
En effet, vous avez été embauché à compter du 22 mars 2016 en qualité de Directeur Administratif et Financier après plusieurs entretiens professionnels et sur la base d’un niveau de formation, de connaissances et d’expériences professionnelles de plus de 20 ans dans des fonctions de contrôle financier ou de direction administrative et financière, ainsi que de gestion des ressources humaines, dans des Groupes d’entreprises de dimension importante.
C’est ainsi que vos principales fonctions. et responsabilités dans cet emploi de Directeur Administratif et Financier de la société NERGECO SAS ainsi que de l’ensemble de ses sociétés filiales situées en France et à l’étranger ont été définies à titre principal comme suit :
– garantir et assurer la fiabilité, la pertinence de l’information financière et de gestion dans les délais et les formats attendus parle Groupe
– être le garant de la production et de la fiabilité des états comptables, financiers et fiscaux
– développer et mettre en oeuvre les procédures pour le contrôle budgétaire, les tableaux de bord, de reporting mensuel et les moyens de contrôle intégrés et harmonisés – avoir un rôle moteur dans l’évolution et l’optimisation des systèmes d’information ainsi que dans la mise en place d’outils pertinents de reporting et de pilotage.
A ce titre, votre responsabilité fonctionnelle s’exerçait à l’égard :
– du Directeur Financier de la société ENTREMATIC – division HDP (High Performance Door), Monsieur [H] [V]
– ainsi que du Contrôleur de gestion pour la zone EMEA (Europe Moyen Orient Afrique) HPDS (Division High Performance Door Solutions), Monsieur [K] [G].
Or, en dépit de l’accompagnement appuyé dont vous avez bénéficié de la part des dirigeants financiers du Groupe pour la division et la zone géographique concernées, ainsi que du temps raisonnable qui vous a été accordé pour vous adapter et vous conformer au attentes et procédures du Groupe, nous déplorons des insuffisances professionnelles significatives et persistantes constatées dans les différents domaines de fonctions et de responsabilités qui sont les vôtres tels que contractuellement convenus initialement :
– non-respect des instructions de travail données par votre responsable fonctionnel, Monsieur [K] [G]: ainsi, vous n’avez pas procédé au reporting du portefeuille de commandes malgré les demandes expresses qu’il vous a adressées en ce sens,
– non-respect des procédures internes au Groupe, notamment figurant dans le manuel des instructions financières du Groupe ASSA ABLOY ou encore celles mises en place sur l’Intranet de l’entreprise pour toute demande d’embauche (HF MANAGER) ou d’investissement,
– non-respect des demandes formulées de reporting conformes aux procédures du Groupe
– prises d’initiatives personnelles en non-conformité avec les instructions données de même qu’avec les procédures du Groupe, ceci, sans information ou approbation préalable de la part de vos responsables.
C’est ainsi notamment que vous n’avez cessé de modifier la méthode de calcul vous permettant de faire remonter les chiffres des différentes sociétés du Groupe NERGECO au niveau du Groupe ASSA ABLOY malgré son caractère définitivement inadapté compte tenu d’erreurs très fréquemment commises. A plusieurs reprises, vos supérieurs hiérarchiques fonctionnels vous ont indiqué que le tableau Excel que vous aviez mis en place n’était pas fiable,
voire source d’erreur.
Sans entraver vos prises d’initiative, ceux-ci vous ont à plusieurs reprises vivement recommandé d’utiliser le fichier d’ores et déjà en vigueur lors de votre embauche en indiquant clairement que votre méthode ne fonctionnait pas, qu’il s’agissait ‘d’une usine à gaz’.
Pourtant, et sans vous remettre en question, vous avez persisté dans l’utilisation de cet outil, en en modifiant régulièrement les modalités ce qui a généré, en plus des erreurs déjà commises, de véritables difficultés de lisibilité de ces données sur plusieurs mois, du fait de modifications incessantes des paramètres de calcul
– achat d’un logiciel fiscal sans respect préalable de la procédure d’autorisation et de demande d’investissement, ainsi qu’en toute inutilité.
Ainsi, alors que Monsieur [K] [G] vous a expressément demandé de ne pas vous charger de la liasse fiscale des sociétés, dont le Cabinet MAZARS est en charge, ceci justement dans le but de vous recentrer dans vos fonctions de reporting dans le respect des process internes, vous avez engagé des frais extrêmement conséquents pour l’achat du logiciel Yourcegid (fiscalité), permettant justement de soumettre les données fiscales à
l’administration.
Au-delà du préjudice financier lié à l’achat de ce matériel parfaitement inutile (7.000 euros), vous avez pris cette initiative de votre propre chef, non seulement en ne respectant pas les procédures d’achat de matériel mises en place au sein du Groupe mais en outre, à l’encontre des directives directes qui vous avaient été données par votre supérieur fonctionnel Monsieur [K] [G]
– fourniture de données comptables et financières incohérentes ou contradictoires dans les reportings mensuels, ceci au point de créer des incertitudes ainsi que des doutes quant à la fiabilité des rapports communiqués.
A titre d’exemple, au sein des tableaux de chiffres que vous êtes chargé de présenter lors des revues mensuelles, vous avez commis des erreurs grossières en omettant de déduire des provisions pour cause de congés payés, d’analyser les marges ou de provisionner les coûts marketing, en ne constatant pas des incohérences évidentes entre des coûts généraux démesurés par rapport aux périodes précédentes, en imputant sur un seul mois un montant total de 40 keuros correspondant aux coûts d’assurance sans procéder à leur étalement mensuel, et commettant une erreur de positionnement de virgule dans l’application d’un taux de change entre le dollar américain et la couronne suédoise etc…
Ces erreurs sont d’autant plus préjudiciables que compte tenu de la part du chiffre d’affaires généré par la Société NERGECO sur l’ensemble de la division des portes de haute performance Europe (un quart du chiffre d’affaires total) toute erreur commise quant aux chiffres de la société NERGECO se répercute inéluctablement et dans des proportions importantes sur l’ensemble des données chiffrées de la Division.
Notre crédibilité dans le Groupe en est ainsi profondément affectée.
Nous n’identifions aujourd’hui plus aucune solution pour vous permettre de progresser et d’enrayer ces difficultés dès lors qu’il s’agit à chaque fois d’erreurs différentes, témoignant à la fois de votre manque de rigueur et d’un niveau technique insuffisant au regard de vos fonctions de Directeur administratif et financier.
– insuffisances et négligences professionnelles également constatées dans gestion des ressources humaines.
Vous avez ensuite présenté ce document à Monsieur [B] [N] afin d’obtenir sa signature immédiate.
Or, conformément à l’article 1363 du code civil, nul ne peut se constituer de preuve a soi-même.
Par ailleurs, une attestation ne peut contenir que la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu’il a personnellement constatés. Elle est nécessairement écrite, datée et signée de la main de son auteur. Ainsi, l’élaboration ainsi que la transmission d’un tel document à Monsieur [B] [N] démontrent votre stratégie particulièrement déloyale ayant consisté d’une part à influencer le salarié qui vous a personnellement assisté et d’autre part, à vous pré constituer un élément fallacieux de preuve de toute pièce.
– Enfin, le vendredi 3 mars 2017, alors que nous avons été tenus de vous demander expressément de vous présenter sur votre lieu de travail afin d’assurer la fin du reporting du mois de Février, et après m’avoir informé de l’introduction d’une action en justice devant le tribunal d’instance du Puy-en-Velay visant à la reconnaissance d’une unité économique et sociale, vous avez tenté de faire pression sur les dirigeants de la société NERGECO et du Groupe Assa Abloy par mon intermédiaire.
En effet, après m’avoir exposé le coût que représenterait la reconnaissance d’un unité économique et sociale (de l’ordre de 500 à 800.000 euros d’après vos calculs) et alors même qu’un tel chiffrage vous avait été commandé dans le cadre de votre mission de Directeur administratif et financier, vous avez sans ambiguïté procédé à un chantage en m’indiquant que vous retireriez cette action si nous ne procédions pas à votre licenciement.
J’ai été personnellement stupéfait par de tels agissements de votre part consistant à vouloir détourner à votre profit personnel des informations, études et données chiffrées auxquelles vous avez été associé en raison de vos fonctions de Directeur administratif et financier et à formuler expressément un chantage afin d’influer sur la décision qui devait être prise vous concernant.
L’ensemble de ces agissements constitue de graves manquements à vos obligations contractuelles et témoigne d’une déloyauté toute particulière de votre part d’autant plus impardonnable que votre statut de Cadre dirigeant vous a associé étroitement au développement et à la stratégie de notre structure mais également d’une volonté délibérée de nuire aux intérêts de la société NERGECO SAS, de ses filiales et de l’ensemble du Groupe Assa Abloy.
– de la même manière, votre comportement apparaît manifestement incompatible avec le niveau de responsabilités qui vous est confié. A titre d’exemple, celui-ci consiste :
‘ à vous décharger de toute responsabilité personnelle quant à la fiabilité des données transmises sur une salariée placée sous votre autorité. C’est ainsi que dans le cadre d’une erreur commise suite à l’imputation d’un chiffre sur une mauvaise ligne, et ce, pour un montant très conséquent 928 K€euros, votre seul argument de défense a consisté à en imputer responsabilité à Madame [J] [O], salariée placée sous votre autorité et au demeurant, par un écrit transmis à nos dirigeants;
‘ à ne pas vous présenter lors du rendez-vous téléphonique particulièrement important fixé le 2 février 2017 destiné à échanger préalablement à la revue mensuelle des comptes prévue le 6 février 2017 afin précisément de vous fournir tout l’appui nécessaire pour vous éviter de communiquer des données inexactes.
Bien qu’ayant bénéficié des appuis et du temps nécessaires pour appréhender vos fonctions en conformité avec les attentes de l’entreprise et du Groupe, vous n’avez tout simplement pas été capable de vous hisser au niveau requis légitimement attendu de la part d’un Directeur administratif et financier doté d’une expérience professionnelle telle que la vôtre, d’où à ce jour un constat d’échec de votre part dans l’ensemble de vos activités, ceci rendant inéluctable une rupture de collaboration, sauf à préjudicier encore plus significativement aux
intérêts essentiels de l’entreprise et de la division du Groupe pour la zone EMEA en matière de fiabilité des données comptables et financières ainsi que des procédures de reporting notamment.
A partir de semblables constats, il ne nous apparaît malheureusement plus possible de poursuivre notre collaboration.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, la rupture de votre contrat de travail prend effet à la date de première présentation de cette lettre sans préavis indemnité.
Nous vous adresserons très prochainement vos certificat de travail, attestation d’employeur l’attention de pôle emploi, reçu pour solde de tout compte, ainsi que le paiement du solde de vos salaires et indemnités compensatrices de congés payés acquis jusqu’à la date de prise d’effet de votre mise à pied à caractère conservatoire.
Compte tenu de votre ancienneté inférieure à un an à la date de notification de la présente, aucune indemnité légale et conventionnelle de licenciement ne vous sera due.
Nous procéderons également aux formalités nécessaires, afin que vous puissiez bénéficier de la portabilité de vos droits concernant le régime de mutuelle-frais de santé ainsi que le régime de prévoyance Complémentaire des Cadres en vigueur dans notre entreprise, dans les conditions visées en annexe. Vous voudrez bien en ce qui vous concerne, remettre à notre entreprise dès réception de la présente et à une date et heure de rendez vous à convenir avec moi même, les différents matériels, documents et données suivants:
– véhicule de fonction en bon état d’aspect, d’entretien et de fonctionnement, clés et papiers du véhicule, carte essence TOTAL et carte pneumatiques Euromaster,
– téléphone et ordinateur portables, avec chargeurs,
– clefs de nos bureaux de [Localité 3],
– et tous documents sur support papier ou électronique que vous avez pu garder.
Enfin, nous vous libérons de votre obligation contractuelle de non concurrence et aucune contrepartie financière ne vous sera alors due à ce titre. Nous vous rappelons qu’il vous appartiendra cependant de respecter une obligation de discrétion et de loyauté professionnelle concernant notre entreprise ainsi que ses partenaires commerciaux, et ce, sans détermination de durée.
Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées.
Monsieur [P] [U]
Business Unit Manager’
Par courrier recommandé avec avis de réception expédié le 26 mars 2017, Monsieur [E] [L] a saisi le conseil de prud’hommes du PUY-EN-VELAY aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur avec les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre obtenir diverses sommes à titre de rappel de salaires et d’indemnités.
L’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation s’est tenue le 19 mai 2017 et, comme suite au constat de l’absence de conciliation (convocation notifiée au défendeur le 30 mars 2017), l’affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
La société NERGECO ayant bénéficié d’une transmission universelle du patrimoine des sociétés PORTES MAINTENANCE SERVICES et NERGECO FRANCE avec effet au 31 mai 2018 et ayant saisi avec la société NERGECO PRODUCTION le tribunal d’instance du PUY-EN-VELAY, par déclaration du 9 août 2018, aux fins de reconnaissance d’une unité économique et sociale, il a été fait droit à cette demande par jugement du 17 septembre 2018, le tribunal constatant l’existence d’une unité économique et sociale entre ces deux entités.
Par jugement rendu contradictoirement le 17 mai 2019 (audience du 8 février 2019), le conseil de prud’hommes du PUY-EN-VELAY a :
– jugé que le licenciement de Monsieur [E] [L] n’est pas justifié par une faute grave mais est intervenu pour cause réelle et sérieuse ;
– en conséquence, condamné SAS NERGECO à payer et porter à Monsieur [E] [L] les sommes suivantes :
* 16.155,00 euros à titre d`indemnité compensatrice de préavis, et 1.615,50 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
* 2.432,00 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire, et 243,20 euros bruts au titre des congés payés pour la période de mise à pied conservatoire ;
– dit que les créances salariales sont productrices d’intérêts au taux légal à compter de la réception par le détendeur de la convocation à comparaître à l’audience de conciliation et d’orientation et les créances indemnitaires à compter du prononcé du présent jugement ;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit sur les sommes dues au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R. 1454-14 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire ;
– dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire est de 5.385,00 euros ;
– condamné la SAS NERGECO à payer et porter à Monsieur [E] [L] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté Monsieur [E] [L] de ses autres demandes ;
– débouté la SAS NERGECO de sa demande reconventionnelle ;
– condamné la SAS NERGECO aux entiers dépens.
Par déclaration du 14 juin 2019, Monsieur [E] [L] a interjeté appel de ce jugement. L’affaire a été enregistrée sous le numéro RG 19/01187. Par déclaration du 19 juin 2019, la SAS NERGECO a également interjeté appel de cette décision. L’affaire a été enregistrée sous le numéro RG 19/01227. Par ordonnance du 16 septembre 2019, le magistrat de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures, lesquelles se sont poursuivies sous le numéro RG 19/01187.
Le 8 novembre 2021, la chambre sociale de la cour d’appel de RIOM a ordonné la radiation de l’instance du rang des affaires en cours. Cette affaire a ensuite été réinscrite le 6 décembre 2021 (sous le numéro RG 21/02414) sur demande de Monsieur [E] [L].
Vu les conclusions notifiées à la cour le 26 août 2022 par Monsieur [E] [L],
Vu les conclusions notifiées à la cour le 14 octobre 2022 par la société NERGECO,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 17 octobre 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures, Monsieur [E] [L] demande à la cour de :
A titre principal :
– infirmer le jugement et juger que son licenciement est nul puisqu’il a été prononcé en rétorsion à son action en justice ;
– Ordonner sa réintégration dans l’entreprise avec le rappel de tous les éléments salariaux depuis le 6 mars 2017 (date de mise à pied conservatoire) ou, à défaut depuis le 18 mars 2017 (date de la notification du licenciement à effet immédiat) ;
– condamner la société NERGECO à lui verser les sommes suivantes :
* 329,50 euros bruts de rappel de salaire du 1er au 5 mars 2017,
* 10.000,00 euros bruts de rappel de salaire variable 2016, outre 1.000,00 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 4.726,02 euros bruts de rappel de salaire variable 2017, outre 472,60 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 8.750,00 euros bruts de participation ;
A titre subsidiaire :
– juger que son licenciement ne repose sur aucune faute ni cause réelle et sérieuse ;
– condamner par conséquent la société NERGECO à lui verser les sommes suivantes :
* 329,50 euros bruts de rappel de salaire du 1er au 5 mars 2017,
* 2.722,00 euros bruts de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire (14 jours), outre les congés payés afférents (272,20 euros bruts),
* 23.336,00 euros bruts, au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 2.333,60 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 1.166,80 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
* 10.000,00 euros bruts à titre de rappel de salaire variable 2016, outre 1.000,00 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 4.726,02 euros bruts à titre de rappel de salaire variable 2017, outre 472,60 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 8.750,00 euros bruts au titre de la participation,
* 35.000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour perte de l’emploi,
A titre subsidiaire :
– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé le licenciement comme étant fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
– l’infirmer pour le surplus ;
En tout état de cause :
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société NERGECO à lui verser l’indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés correspondants, le rappel de salaire sur mise à pied et congés payés, 500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– y ajoutant, condamner la société NERGECO à lui verser en cause d’appel 3500,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– condamner la société NERGECO aux entiers dépens de l’instance et de l’action.
Monsieur [E] [L] soutient que son licenciement a été prononcé en rétorsion à l’action en justice qu’il a introduite afin de voir reconnaître l’existence d’une UES entre les entités du groupe, alors que la liberté d’ester en justice compte parmi les libertés fondamentales reconnues notamment par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Il considère de la sorte que les griefs qui lui sont imputés sont purement artificiels et ont été instrumentalisés en représaille par l’employeur. Il sollicite ainsi à titre principal que soit prononcée la nullité de cette sanction avec sa réintégration subséquente outre l’indemnisation afférente.
A titre subsidiaire, Monsieur [E] [L] conclut à l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement en l’absence de toute matérialité des griefs qui lui sont imputés. Il conteste l’enregistrement à l’insu de l’employeur de la teneur des échanges suivis lors de l’entretien préalable du 1er mars 2017 et l’établissement unilatéral d’un compte-rendu de celui-ci de même que le fait d’avoir demandé à la personne qui l’assistait de rédiger le compte rendu de l’entretien préalable. Il conteste également l’insuffisance professionnelle qui lui est reprochée et soutient qu’il s’agit d’un motif ajouté artificiellement, soulignant que l’employeur s’est placé sur le terrain disciplinaire.
Il réclame l’annulation de la mise à pied à titre conservatoire ainsi que le paiement du salaire afférent et sollicite un rappel de salaire pour la période du 1er au 5 mars 2017, étant relevé une différence de rémunération entre ce qu’il a perçu et aurait dû percevoir de 329,50 euros.
Il s’estime par ailleurs bien fondé en sa demande de rappel de salaire sur partie variable de rémunération telle que prévue par son contrat de travail. Il explique que celle-ci était subordonnée à la réalisation d’objectifs impliquant que ceux-ci soient au préalable définis par l’employeur et qu’en l’absence de toute définition, comme tel est le cas en l’espèce, la part variable doit être intégralement versée au salarié.
Il sollicite ensuite un rappel de salaire sur participation considérant qu’il existe un droit à participation aux résultats en cas de reconnaissance d’une UES.
Dans ses dernières écritures, la société NERGECO, concluant à l’infirmation du jugement en ce qu’il a jugé le licenciement non justifié par une faute grave mais à la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [L] de ses autres prétentions, demande à la cour de :
A titre principal :
– dire et juger que le licenciement pour faute grave était parfaitement justifié ,
– dire et juger qu’il n’y a pas lieu à nullité du licenciement pour faute grave de Monsieur [E] [L] ;
– débouter Monsieur [E] [L] de l’intégralité de ses demandes ;
– condamner Monsieur [E] [L] au paiement de la somme de 2.500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
A titre subsidiaire ;
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé que le licenciement de Monsieur [E] [L] est intervenu pour cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a réduit les demandes formulées par Monsieur [E] [L] à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre l’indemnité compensatrice de congés pavés afférente aux sommes brutes de 16.155,00 euros et 1.615,50 euros ;
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Monsieur [E] [L] de l’ensemble de ses autres demandes ;
A titre infiniment subsidiaire :
– réduire la demande formulée par Monsieur [E] [L] à titre de dommages et intérêts pour perte d’emploi à de plus justes et raisonnables proportions.
S’agissement du licenciement, la société NERGECO conteste la demande en nullité du licenciement, indiquant qu’il n’est nullement reproché au salarié d’avoir engagé une action en reconnaissance d’une unité économique et sociale entre les différentes entités du groupe NERGECO mais qu’il lui est en revanche fait grief d’avoir tenté d’exercer un chantage sur la personne de Monsieur [P] [U], Business Unit Manager de l’entreprise, en lui faisant part de ce qu’il se désisterait de son action si celle-ci renonçait à son licenciement. Elle fait par ailleurs grief au salarié de ne pas avoir réalisé d’audit sur la pertinence de l’éventualité d’une mise en place d’une UES entre les entités du groupe et, en tout état de cause, il n’a jamais ni questionné, ni alerté la société NERGECO quant à une prétendue nécessité de recourir à une telle structure.
Concernant les griefs même de licenciement, elle explique avoir convoqué le salarié à un entretien préalable à licenciement par lettre remise en main propre contre décharge le 17 février 2017 afin d’aborder les négligences et insuffisances professionnelles qui lui étaient imputées. Elle ajoute que postérieurement à cet entretien, différents comportements fautifs de Monsieur [L] ont été portés à sa connaissance (enregistrement clandestin sur son téléphone portable des échanges intervenus lors de l’entretien préalable/ demande d’attestation de complaisance à Monsieur [N]/ chantage exercé à l’encontre de Monsieur [U] précité), en sorte que, faute d’avoir pu être évoqués lors du premier entretien préalable, elle a de nouveau convoqué le salarié à un entretien préalable à licenciement. Elle considère que les fautes reprochées au salarié caractérisent un comportement déloyal de sa part et ont rendu impossible la poursuite du contrat de travail. Elle sollicite en conséquence que Monsieur [L] soit débouté de sa demande tendant à voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Elle réfute de même le bien fondé de la demande de rappel de salaires sur rémunération variable présentée par l’appelant. Elle vise pour ce faire l’article 5 du contrat de travail du salarié lequel prévoit le versement d’une partie variable d’appointements sous forme de prime d’objectifs individuels d’un montant maximum de 10.000,00 euros bruts par an et dont le montant est modulable en fonction du degré d’atteinte des différents objectifs qui sont notifiés au salarié annuellement par la direction, mais prévoit que son versement ‘interviendra sur la paie du mois de mars après clôture des comptes annuels de chaque société appartenant au groupe de la société NERGECO SA. Ce versement sera subordonné à la condition de compter dans les effectifs de l’entreprise au jour du paiement et il ne sera donc versé aucun prorata en cas de départ antérieur de l’entreprise, quel qu’en soit le motif’. Il s’ensuit qu’en ayant été licencié le 18 mars 2017, Monsieur [L] ne faisait plus partie des effectifs à la date à laquelle sa présence était requise aux fins de perception de la prime litigieuse.
Elle conteste encore le bien fondé de la demande de rappel de salaires sur participation au motif que la seule demande de reconnaissance d’une UES n’ouvre pas droit à la participation financière aux résultats. Elle ajoute qu’il n’existe aucun accord de participation en interne et rappelle que, s’agissant d’une entreprise comptant moins de 50 salariés, aucune obligation ne pèse sur elle de mettre en place un tel système de participation.
Elle conteste de même le bien fondé du rappel de salaires pour la période du 1er au 5 mars 2017 et excipe de ce que celui-ci prend pour base de calcul un montant de rémunération surévalué.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
– Sur la demande initiale en résiliation judiciaire du contrat de travail –
Alors que M. [L] avait initialement saisi le conseil de prud’hommes d’une demande tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail et que cette demande a été rejetée par la juridiction prud’homale, il y a lieu de relever que le salarié ne critique pas le jugement sur ce point et qu’il ne reprend pas cette demande en cause d’appel.
– Sur la demande en nullité du licenciement –
A l’appui de cette demande, M. [L] fait valoir que son licenciement serait intervenu en rétorsion à son action introduite devant le tribunal d’instance aux fins de reconnaissance d’une unité économique et sociale (UES).
Il explique que la question d’une UES entre les quatre entités constituant le groupe se posait alors qu’antérieurement, la Direction avait fait délibérément en sorte que chaque entité ne dépasse pas les seuils permettant la mise en place de droits sociaux. Selon lui, les relations contractuelles entre les parties se sont dégradées à partir du jour où il a interrogé l’employeur sur l’existence d’une telle UES. Il soutient que l’employeur a engagé la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle en réaction à son interrogation à ce sujet et qu’il a abandonné cette procédure pour en engager une autre pour faute grave après qu’il ait annoncé son intention d’ester en justice pour faire reconnaître cette UES.
En droit, il est reconnu au salarié le droit d’ester en justice contre son employeur. L’exercice de ce droit ne peut être une cause de licenciement. Le droit d’agir en justice étant reconnu comme étant une liberté fondamentale protégée par l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif au droit à un procès équitable, la seule présence dans la lettre de licenciement d’une référence à une procédure contentieuse mise en oeuvre par le salarié objet du licenciement est constitutive d’une atteinte à la liberté fondamentale d’ester en justice qui entraîne à elle seule la nullité de la rupture.
En l’espèce, il est de fait que la lettre de licenciement fait mention de ce que l’employeur a été informé, le 3 mars 2017, de l’introduction par le salarié d’une procédure en reconnaissance d’une UES. Il convient cependant de relever qu’aux termes de la lettre de licenciement, il n’est pas fait grief au salarié d’avoir engagé cette procédure mais seulement d’avoir utilisé cette procédure pour faire pression sur l’employeur et le dissuader de procéder au licenciement, ce grief venant s’ajouter à plusieurs autres griefs portant sur des comportements considérés comme fautifs et sur une insuffisance professionnelle.
Il apparaît, en outre, que cette information et la procédure envisagée sont intervenues alors que l’employeur envisageait déjà de licencier M. [L] puisque celui-ci avait fait l’objet d’une convocation à un entretien préalable tenu le 1er mars 2017 en raison d’une insuffisance professionnelle alléguée.
Il est vrai que, selon les explications de l’employeur lui-même, la question de la mise en place d’une UES était en discussion au sein de la société depuis plusieurs mois et qu’il avait été décidé, dans la perspective d’un rapprochement des 4 sociétés du groupe NERGECO, d’installer un groupe de travail en vue de l’analyse de différentes hypothèses pouvant être mises en oeuvre, notamment la mise en place d’une UES entre les 4 sociétés. L’employeur ne conteste pas que M. [L] a réalisé un audit sur l’éventuelle mise en place d’une UES mais il soutient n’avoir, à aucun moment, été alerté ou questionné par lui sur une éventuelle nécessité de procéder à la reconnaissance d’une UES. Il se réfère à l’attestation de Mme [Z], expert-comptable, qui dit avoir travaillé, pendant le second semestre 2017, sur la restructuration juridique du groupe et avoir constaté, en mettant à jour les calculs effectués par M. [L], que l’analyse de ce dernier, s’agissant de l’hypothèse de la mise en place de l’UES, étaient erronés.
Il ne ressort d’aucun des éléments versés aux débats, qu’un différent aurait existé entre M. [L] et l’employeur au sujet de la mise en place d’une UES avant le 1er mars 2017, ni que l’employeur aurait été avisé, à cette date, de l’intention du salarié de saisir le tribunal d’instance. Il n’est, par conséquent, pas établi que cette procédure envisagée serait le véritable motif de la première convocation à entretien préalable.
Il n’est d’ailleurs même pas démontré que la question de la reconnaissance d’une UES aurait pu constituer une source de conflit puisque l’employeur a saisi lui-même le tribunal d’instance le 9 août 2018 à cette fin (même si M. [L] affirme que cette demande a été faite après ‘avoir fait le ménage’ pour que l’UES coûte ‘le moins cher possible’).
Comme la seconde convocation porte sur une insuffisance professionnelle qui était déjà alléguée avant l’initiative procédurale prise par le salarié et qu’il est fait état de griefs nouveaux portant sur l’attitude de celui-ci lors du premier entretien préalable et postérieurement, griefs qui sont, certes, contestés mais qui ne présentent pas un caractère manifestement fantaisiste, la seule mention dans la lettre de licenciement de la procédure contentieuse mise en oeuvre par M. [L] ne peut permettre de révéler que le licenciement serait une mesure de rétorsion.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande en nullité du licenciement.
– Sur le licenciement –
La lettre de licenciement explique qu’une première procédure de licenciement avait été engagée ‘pour cause d’insuffisances professionnelles’ ayant donné lieu à l’entretien préalable du 1er mars 2017 et qu’après cette date, il a été ‘découvert’ que le salarié avait ‘commis de graves agissements manifestement incompatibles avec la poursuite’ du contrat de travail et justifiant un ‘licenciement pour faute grave’, ce qui a donné lieu au second entretien préalable le 15 mars 2017. Dans la lettre de licenciement sont visés expressément, pour justifier le licenciement, à la fois les faits ayant justifié la première convocation à entretien préalable et qui révélaient, selon l’employeur, une insuffisance professionnelle et les faits constatés postérieurement à celui-ci.
En droit, l’employeur peut légitimement se prévaloir de deux motifs de licenciement distincts, dès lors qu’ils sont inhérents à la personne du salarié, à condition, toutefois, de respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement.
La faute grave se définit comme étant celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d’appréciation ou l’insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire.
Il incombe à l’employeur d’apporter la preuve de la faute grave qu’il invoque, l’absence de preuve d’une faute ayant pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.
En revanche, l’insuffisance professionnelle se caractérise par l’incapacité, l’incompétence du salarié à exécuter correctement le travail pour lequel il a été embauché. Elle se caractérise par des erreurs, des maladresses indépendantes de sa volonté et ne procédant pas de son comportement volontaire, contrairement à la faute disciplinaire. Comme elle ne constitue pas une faute, lorsqu’elle est avérée, il ne peut s’agir que d’une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif personnel de nature non disciplinaire.
La lettre de licenciement mentionne expressément des griefs constitutifs d’une faute graves en invoquant ‘de graves agissements’ découverts après l’entretien préalable et l’employeur fait lui-même la distinction, dans ses écritures, entre les faits relevant de la faute grave et ceux relevant d’une insuffisance professionnelle.
Au titre d’une faute grave, sont cités :
– le fait pour M. [L] d’avoir enregistré, au moyen de son téléphone portable, les échanges ayant eu lieu lors de l’entretien préalable, le 1er mars 2017, et ce, à l’insu de l’employeur.
– le fait d’avoir, postérieurement à cet entretien, établi un compte rendu afin de servir ses intérêts personnels et de présenter une version avantageuse des échanges.
Au titre de faits survenus après le 1er mars 2017, l’employeur fait également état :
– de l’élaboration et de la transmission du document établi par le salarié à Monsieur [B] [N] qui l’avait assisté lors de l’entretien préalable, pour l’influencer et se pré constituer un ‘élément fallacieux de preuve de toute pièce’ ;
– de la tentative de faire pression sur les dirigeants de la société en les informant de l’introduction d’une action en justice devant le tribunal d’instance du Puy-en-Velay visant à la reconnaissance d’une unité économique et sociale.
S’agissant de l’enregistrement de l’entretien, l’employeur ne se fonde, pour appuyer ce grief, que sur les attestations de M. [N] et de M. [R], responsable marketing, selon lesquels M. [L] se serait vanté, à la sortie de l’entretien préalable du 1er mars 2017, d’avoir enregistré les échanges tenus sur son téléphone portable.
Il convient de relever que, non seulement, il n’est pas fait état de ce que M. [L] aurait fait usage d’un enregistrement clandestin mais qu’il n’existe aucune preuve de la réalisation d’un tel enregistrement alors qu’il le conteste. Le grief ne se fonde que sur des propos qui auraient été tenus par le salarié et rapportés par les deux auteurs des attestations sans que la réalité d’un tel enregistrement n’ait été constatée.
En l’absence de tout autre élément, le grief invoqué n’est pas démontré et ne saurait être retenu.
En reprochant au salarié d’avoir établi unilatéralement un compte rendu de l’entretien du 1er mars 2017, l’employeur explique qu’il aurait ainsi cherché à servir ses intérêts personnels et à présenter une version avantageuse des échanges mais le fait pour le salarié d’établir un compte rendu de l’entretien préalable ne peut présenter, en lui-même, aucun caractère fautif, même s’il vise à se constituer un élément de preuve dans son intérêt personnel. Il est vrai qu’il est également reproché à M. [L] d’avoir tenté d’influencer M. [N] en présentant ce document à sa signature. M. [N] atteste que M. [L] lui a demandé de signer le document qu’il avait lui-même établi et qu’il a refusé de le faire au motif que ce document ne reflétait pas les échanges ayant eu lieu. Il précise que, contrairement à ce qu’a écrit M. [L], M. [G] n’a pas donné son accord pour qu’il soit dispensé de présence jusqu’à la fin de son préavis, M. [G] n’ayant donné aucun réponse.
Il doit être retenu, au vu des éléments ainsi versés aux débats, que M. [L] a sollicité M. [N] pour lui faire signer un document censé retracer les échanges intervenus lors de l’entretien préalable et que celui-ci a refusé de le faire considérant que le compte rendu ne correspondait pas à la réalité. Cependant, aucun comportement fautif ne peut être reproché à M. [L] pour avoir sollicité cette signature, même s’il apparaît qu’une divergence d’appréciation a incité M. [N] à ne pas signer l’attestation sollicitée, dès lors qu’il n’est ni démontré ni soutenu que M. [L] se serait livré à des manoeuvres déloyales ou frauduleuses pour obtenir sa signature.
Quant aux pressions que l’employeur, en la personne de M. [U], reproche à M. [L] d’avoir exercée sur lui pour le dissuader de le licencier en se prévalant de la procédure qu’il a lancée devant le tribunal d’instance, elles ne résultent que de ses seules affirmations.
M. [R] explique qu’après l’entretien du 1er mars 2017, M. [U] est venu le voir dans son bureau pour lui dire que M. [L] aurait exercé sur lui un chantage en le menaçant d’une procédure qui entraînerait des rappels de salaire s’il ne renonçait pas à la procédure de licenciement. Mais M. [R] ne fait là que reproduire les propos que lui a tenu M. [U] sans que rien ne permette de vérifier que ces propos auraient été effectivement tenus. De même, selon M. [N], M. [L] lui aurait affirmé avoir lancé contre la société un ‘tsunami’ sans préciser de quoi il s’agissait mais qui, selon l’employeur, faisait référence à la procédure engagée par M. [L]. Là encore, ce témoignage indirect n’est pas de nature à apporter la preuve du comportement critiqué. Il n’est, par ailleurs, pas allégué qu’un témoin aurait assisté à l’entretien au cours duquel auraient été tenus les propos critiqués.
Les seules affirmations de l’employeur, même répétées par d’autres, ne pouvant tenir lieu de preuves, le grief tenant à des pressions qu’aurait exercées M. [L] ne peut être retenu.
Il s’ensuit qu’aucun des griefs invoqués expressément comme constitutifs d’une faute grave n’est établi.
Il est vrai qu’aux termes de la lettre de licenciement, l’employeur vise non seulement cette série de motifs tirés de l’existence d’une faute grave découverte postérieurement au 1er mars 2017, mais aussi une autre série de motifs, tirés d’une insuffisance professionnelle reprochée dès le 1er mars 2017. La lettre de licenciement distingue expressément ces deux séries de motifs.
L’employeur invoque ainsi, au titre d’une insuffisance professionnelle :
– le non-respect par le salarié des instructions de travail données par son responsable fonctionnel en se référant à l’absence de sa part d’un ‘reporting’ du portefeuille de commandes malgré les demandes expresses qu’il lui avait adressées,
– le non-respect des procédures internes au groupe, notamment figurant dans le manuel des instructions financières du groupe ASSA ABLOY ou encore celles mises en place sur l’Intranet de l’entreprise pour toute demande d’embauche ou d’investissement,
– le non-respect des demandes formulées de ‘reporting’ conformes aux procédures du Groupe,
– des prises d’initiatives personnelles en non-conformité avec les instructions données de même qu’avec les procédures du groupe, notamment en ce qui concerne des méthodes calcul considérées comme ‘inadaptées’,
– l’achat d’un logiciel fiscal sans respect préalable de la procédure d’autorisation et de demande d’investissement, sans utilité,
– la fourniture de données comptables et financières incohérentes ou contradictoires dans les reportings mensuels,
– des insuffisances et négligences professionnelles également constatées dans la gestion des ressources humaines.
Sont également à inclure parmi les faits constitutifs pour l’employeur d’une insuffisance professionnelle, puisqu’il s’agit de faits connus de lui à la date du 1er mars 2017, les comportements mentionnés à la fin de la lettre de licenciement, à savoir :
– le reproche consistant à se décharger de ses responsabilités quant à la fiabilité des données transmises sur une salariée placée sous son autorité, faisant référence à un courriel du 6 février 2017 lui faisant grief d’avoir imputé la responsabilité d’une erreur sur un membre de son équipe,
– le reproche consistant à ne pas s’être présenté à un rendez-vous téléphonique important fixé au 2 février 2017.
Il convient de relever que l’employeur a expressément indiqué à M. [L], aux termes de la lettre de licenciement, qu’il se voyait contraint de lui notifier son ‘licenciement pour faute grave’. Le licenciement étant donc intervenu pour faute grave et non pour insuffisance professionnelle, l’employeur s’est placé sur le terrain disciplinaire, même s’il a retenu des motifs constitutifs, selon ses propres explications, d’une insuffisance professionnelle. Les motifs retenus au titre d’une insuffisance professionnelle, laquelle n’est en principe pas fautive, ne peuvent donc justifier le licenciement que s’ils revêtent un caractère disciplinaire, l’employeur pouvant, en effet, se placer sur le terrain disciplinaire si la mauvaise qualité du travail résulte d’une abstention volontaire ou d’une mauvaise volonté délibérée du salarié.
Or, en l’espèce, il convient de relever que, dans ses écritures, l’employeur confirme que l’ensemble de ces griefs constituent des ‘erreurs et négligences’ sans soutenir que celles-ci résulteraient d’une attitude délibérée constitutive d’une faute grave.
Au demeurant, les éléments versés par l’employeur ne permettent pas de vérifier l’existence d’une insuffisance professionnelle, qu’elle soit susceptible ou non de caractériser un comportement fautif.
M. [G] atteste avoir, à partir de juillet 2016, constaté des ‘incohérences’ et des ‘manquements graves et inacceptables’ sans préciser la nature de ces manquements. Il dit avoir donné des instructions pour revenir à une situation ‘normale’ mais, selon lui, M. [L] n’a pas suivi ses et recommandations et a ‘continué à maintenir son cap’. Il dit l’avoir prévenu ‘à maintes reprises’ mais M. [L] lui aurait fait part de ce qu’il ‘ne voulait pas suivre (ses) recommandations’. En l’absence de toute précision, un tel témoignage, qui ne fait que refléter l’opinion de son auteur, supérieur hiérarchique de l’intéressé, postérieurement au licenciement, ne peut, en lui-même, caractériser une insuffisance professionnelle.
Il est versé aux débats des courriels intervenus pendant la période d’essai qui ne sont pas de nature à révéler des manquements susceptibles de remettre en cause la relation salariale ainsi que d’autres courriels échangés entre les parties au cours des mois précédant le licenciement et dans lesquels il est fait état de divergences ou d’interrogations au sujet de l’utilisation d’un logiciel, de l’enregistrement de primes de commerciaux ou de taux de change. Mme [Z], expert-comptable, atteste avoir ‘constaté des insuffisances ou négligences’ qu’elle impute à M. [L] sur plusieurs points qu’elle détaille (absence de réclamation fiscale à faire avant le 31 décembre 2016, calcul de l’impact financier de la mise en place d’une UES inférieur à celui annoncé par M. [L], tableaux Excel réalisés par ses soins qui n’ont pu être utilisés).
Ces éléments démontrent, certes, l’existence de divergences d’appréciation ou de méthodes, de désaccords, voire de mésententes sur des problèmes ponctuels mais ne permettent pas de vérifier l’existence d’une incapacité du salarié à exécuter son travail correctement ni d’une insuffisance de sa part.
Il en va de même en ce qui concerne les deux exemples ajoutés en fin de lettre de licenciement, l’employeur se bornant, en effet, à faire grief au salarié de ne pas s’être présenté à un rendez-vous (grief qui n’est étayé par aucun élément) et à s’être déchargé de sa responsabilité sur une collaboratrice. S’agissant de ce dernier point, il ressort de l’échange de courriels, intervenu au sujet d’une remarque faite concernant les inscriptions au bilan de passifs d’impôts, que M. [L] a répondu avoir ‘expliqué le problème à [J]’ en précisant que ‘le mois prochain, elle saura exactement où le saisir’. A s’en tenir aux termes employés, M. [L] indique ainsi avoir transmis la consigne à sa collaboratrice sans que cette formulation mette en évidence, sans ambiguïté, un comportement fautif ou une insuffisance.
Il convient de relever que, dans l’un des derniers courriels intervenus avant le licenciement, M. [G] assure à M. [L] que son ‘engagement et (son) sérieux travail n’ont jamais été remis en question’ et le salarié souligne, sans être contesté sur ce point, que, le 3 mars 2017, il est intervenu, à la demande de l’employeur, pour résoudre en urgence des problèmes de clôture de compte alors qu’à l’issue de l’entretien du 1er mars 2017, il avait été dispensé d’activité.
Compte tenu que M. [L] n’a jamais fait l’objet d’aucun avertissement et que la qualité de son travail n’a jamais été remise en cause avant le licenciement, l’ensemble de ces éléments d’appréciation ne permet pas de caractériser l’existence d’une insuffisance professionnelle et encore moins d’un travail de mauvaise qualité imputable à une mauvaise volonté susceptible de constituer une faute grave.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il n’a pas retenu la faute grave mais infirmé en ce qu’il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse. Réformant, la cour juge le licenciement de M. [L] sans cause réelle et sérieuse.
– Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse –
– Sur les conséquences indemnitaires –
M. [L] revendique une indemnité compensatrice de préavis égale à 4 mois de salaire en se référant à l’article 27 de la convention collective nationale des Ingénieurs et Cadres de la Métallurgie qui prévoit un préavis de 4 mois pour les ingénieurs et cadres bénéficiant de la position 3 et âgés de plus de 50 ans. Toutefois, cette durée de préavis n’est applicable qu’aux salariés ayant 1 an de présence dans l’entreprise. Or, M. [L] ne justifiant, au jour du licenciement, que d’une présence inférieure à une année, il ne peut prétendre qu’à un préavis de 3 mois.
Compte tenu du salaire mensuel de M. [L] (5.385,00 euros brut), le jugement sera confirmé en ce qu’il lui a alloué à ce titre la somme de 16.155,00 euros outre l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante.
De même, il ressort de l’article 29 de la convention collective que l’indemnité de licenciement n’est due qu’au salarié justifiant d’au moins un an de présence dans l’entreprise. Le jugement mérite donc confirmation en ce qu’il a débouté M. [L] sur ce point.
M. [L], né en 1965, a été licencié à l’âge de 52 ans après 11 mois d’ancienneté au service d’une entreprise qui employait au moins 11 salariés à la date du licenciement. Il fait valoir qu’il a trois enfants à charge et qu’il est toujours à la recherche d’un emploi. Il justifie, par son livret de famille qu’il a trois enfants, nés en 1996, 1998 et 2001 et 2004 sans fournir davantage de précisions sur le point de savoir si ces enfants, dont 3 étaient mineurs à la date du licenciement, sont ou non à sa charge. Il justifie également, par un courrier de Pôle Emploi en date du 6 novembre 2017 qu’il a été alors pris en charge en qualité de demandeur d’emploi mais il n’apporte aucun élément concernant sa situation postérieure à cette date.
Compte tenu de ses éléments et du salaire mensuel brut que percevait M. [L] (5.385,00 euros), s’agissant d’un licenciement notifié avant le 24 septembre 2017, il lui sera alloué, en application de l’article L 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, la somme de 20.000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande à ce titre.
– Sur la demande de rappel de salaire pour la période du 1er au 5 mars 2017 –
M. [L] réclame le paiement de la somme de 329,50 euros au titre du solde du salaire pour la période du 1er au 5 mars en se plaignant de n’avoir perçu que la somme de 538,50 euros. Contrairement à ce que soutient l’employeur, pour calculer sa créance, le salarié ne s’est pas fondé sur une rémunération annuelle comprenant la prime de 13ème mois mais sur son seul salaire brut. Il est, en conséquence, en droit de prétendre au paiement de la somme de (5.385,00/31) x 5 = 868,00 euros, soit un rappel de 329,50 euros.
Sa demande sera donc accueillie et le jugement sera infirmé en ce qu’il l’a débouté sur ce point.
– Sur la demande au titre de la part variable de la rémunération –
M. [L] se réfère au contrat de travail prévoyant une part variable de la rémunération, et prétend au paiement de la prime dans son intégralité pour 2016 et au prorata de son temps de présence pour 2017 en reprochant à l’employeur de ne pas avoir précisé les objectifs à réaliser ni fixé des conditions de calcul vérifiables.
Il convient toutefois de relever qu’aux termes du contrat de travail, la prime variable devait être versée avec la paie du mois de mars 2017 et que ce versement était subordonné à la condition que le salarié soit compté dans les effectifs de l’entreprise au jour du paiement. Il est précisé qu’il ne serait versé aucun prorata en cas de départ antérieur de l’entreprise, quel qu’en soit le motif.
Comme M. [L] a quitté l’entreprise avant la fin du mois de mars 2017 et la date d’exigibilité du salaire correspondant, il ne peut prétendre au paiement de la part variable de la rémunération.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a débouté de cette demande.
– Sur la demande au titre de la participation –
En application de l’article L. 3322-2 du code du travail, sont soumises à l’obligation de mettre en place un système garantissant le droit de leurs salariés à participer aux résultats de l’entreprise, les entreprises employant habituellement au moins 50 salariés pendant 12 mois, consécutifs ou non, au cours des 3 derniers exercices et les entreprises constituant une UES d’au moins 50 salariés.
Si la société NERGECO ne comportait pas l’effectif de 50 salariés la mettant dans l’obligation de mettre en place un tel système de garantie, M. [L] se fonde sur les dispositions de l’arrêt de la cour d’appel de Riom du 21 mai 2018 ayant constaté l’existence d’une UES entre les sociétés du groupe pour la période du 2 mars 2017 au 31 mars 2018.
Cependant, cette décision obligeait seulement la société à mettre en place un dispositif de participation par voie d’accord entre l’entreprise et les salariés ou leurs représentants, l’accord devant, notamment, prévoir la date de conclusion et de prise d’effet de l’accord, l’ancienneté requise pour les salariés, la formule servant de base de calcul à la réserve de participation ainsi que les conditions de délais dans lesquels les bénéficiaires pouvaient choisir l’affectation des sommes leur revenant et la durée d’indisponibilité de leurs droits. L’employeur pouvait, en cas d’échec des négociations décider d’appliquer unilatéralement un régime de participation.
Dans la mesure où le système de participation n’était obligatoire au sein de la société qu’à compter du 2 mars 2017, la société ne pouvait être tenue à mettre en place la procédure applicable pour rechercher un accord d’entreprise qu’après l’arrêt du 21 mai 2018 et elle ne pouvait être tenue, à l’issue de cette procédure, qu’au versement d’une prime de participation au titre l’exercice 2017 qu’au cours de l’année 2018 et ce, au prorata de la présence du salarié au sein de l’entreprise en 2017.
Compte tenu de ces éléments, M. [L], qui a quitté la société le 18 mars 2017, ne peut prétendre à aucun droit à ce titre.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
– Sur la demande au titre de la période de mise à pied –
Aux termes de la lettre de convocation à entretien préalable du 3 mars 2017, l’employeur a notifié à M. [L] une mise à pied à caractère conservatoire prenant effet à compter du lundi 6 mars 2017 et devant se prolonger pendant toute la procédure de licenciement. M. [L] a été licencié par lettre du 18 mars 2017 qui précise que la rupture du contrat de travail prend effet à la date de la première présentation de cette lettre.
Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, la mise à pied conservatoire se trouve injustifiée et M. [L] est en droit de solliciter le paiement du salaire correspondant à cette période.
Toutefois, sa demande portant sur le salaire de 14 jours (du 6 au 20 mars 2017) ne peut être admise. Ainsi que le fait valoir à juste titre l’employeur, le contrat de travail a pris fin à la date à laquelle l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin, c’est-à-dire au jour de l’envoi de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant la rupture, soit le 18 mars 2017.
L’employeur est, en conséquence, bien fondé à soutenir que le salaire dû à M. [L] s’établit à 2.258,23 euros (soit 12 jours), outre l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a alloué au salarié une somme supérieure.
– Sur les intérêts –
En application des dispositions des articles 1231-6 du code civil et R 1452-5 du code du travail, les sommes allouées dont le principe et le montant résultent de la loi, d’un accord collectif ou du contrat (rappels de salaire, indemnité de préavis, indemnités compensatrices de congés payés), porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l’employeur à l’audience de tentative de conciliation valant mise en demeure, soit le 30 mars 2017.
La somme allouée à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse produira intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt.
– Sur les dépens et frais irrépétibles –
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.
La société NERGECO, qui succombe en son recours, au principal, sera condamnée aux entiers dépens d’appel.
Il serait de laisser M. [L] supporter l’intégralité des frais qu’il a dû exposer pour faire assurer la défense de ses intérêts. Ainsi outre la somme de 500 euros déjà allouée par les premiers juges, laquelle mérite confirmation, une indemnité supplémentaire de 2.000 euros lui sera accordée en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
– Confirme le jugement sauf :
– en ce qu’il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,
– en ce qu’il a débouté Monsieur [E] [L] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– en ce qu’il a débouté Monsieur [E] [L] de sa demande en paiement d’un rappel de salaire pour la période du 1er au 5 mars 2017,
– en sa disposition relative au salaire pendant la mise à pied et l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante ;
– Infirmant sur ces points et statuant à nouveau :
– Dit le licenciement de Monsieur [E] [L] sans cause réelle et sérieuse,
– Condamne la société NERGECO à payer à Monsieur [E] [L] les sommes de :
* 20.000 euros brut à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 329,50 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du 1er au 5 mars 2017,
* 2.258,23 euros brut à titre de salaire pendant la période de mise à pied, outre 225,82 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante ;
– Dit que les sommes allouées à titre de rappels de salaire, d’indemnité de préavis et d’indemnités compensatrices de congés payés porteront intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2017et que la somme allouée à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
– Y ajoutant, condamne la société NERGECO à payer à Monsieur [E] [L] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
– Condamne la société NERGECO aux dépens d’appel ;
– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le Greffier, Le Président,
N. BELAROUI C. RUIN