Tentative de conciliation : 10 février 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01206

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Tentative de conciliation : 10 février 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01206
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C3

N° RG 21/01206

N° Portalis DBVM-V-B7F-KZAS

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP [8]

Me Jean-charles PETIT

la CPAM DE LA SAVOIE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU VENDREDI 10 FEVRIER 2023

Appel d’une décision (N° RG 18/00467)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry

en date du 18 janvier 2021

suivant déclaration d’appel du 11 mars 2021

APPELANTE :

La SARL [7], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Anne Sophie PATTYN de la SCP PRK & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

M. [V] [U]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représenté par Me Jean-Charles PETIT, avocat au barreau de CHAMBERY

La CPAM de la Savoie, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 5]

comparante en la personne de Mme [B] [T], régulièrement munie d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, président,

Mme Isabelle DEFARGE, conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, greffier,

DÉBATS :

A l’audience publique du 06 décembre 2022,

M. Jean-Pierre DELAVENAY chargé du rapport, Mme Isabelle DEFARGE, conseillère et M. Pascal VERGUCHT, conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries,

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 04 juillet 2011, M. [V] [U], conducteur de pompes à béton depuis 2001 au sein de la société [7], a été victime d’un accident du travail survenu dans les circonstances suivantes : « écrasement et section partielle de deux doigts de la main droite en lavant le bac à béton ».

Le certificat médical initial établi le jour des faits mentionne : « intervention chirurgicale – plaie main droite complexe par écrasement DII et DIII dans une pompe à béton ».

Cet accident a été pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de la Savoie par décision du 25 juillet 2011.

L’état de santé de l’assuré a été déclaré consolidé avec séquelles indemnisables au 09 janvier 2012.

Un taux d’incapacité permanente partielle de 28 % a été attribué à M. [U].

Le 27 février 2013, après enquête, l’inspection du travail a transmis au procureur de la République un avis retenant plusieurs infractions.

Par jugement du 02 novembre 2017, le tribunal correctionnel de Chambéry a constaté l’extinction de l’action publique en ce qui concerne la contravention de blessures involontaires par personne morale mais a condamné la société [7] pour le surplus des faits qui lui sont reprochés et, notamment, le délit de mise à disposition au travailleur d’équipement de travail ne permettant pas de préserver sa sécurité.

Le 08 janvier 2018, M. [U] a saisi la caisse primaire d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Un procès-verbal de non-conciliation a été dressé le 29 mai 2018.

Le 22 août 2018, il a saisi aux mêmes fins le tribunal des affaires de sécurité sociale de Chambéry.

Par jugement du 18 janvier 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry a :

– dit que l’accident dont M. [U] a été victime le 4 juillet 2011 est dû à la faute inexcusable de la société [7], son employeur,

– débouté la société [7] de l’intégralité de ses demandes,

– ordonné à la CPAM de la Savoie de majorer au montant maximum la rente versée en application de l’article L.452-2 du code de la sécurité sociale,

– dit que la majoration de la rente servie suivra l’évolution éventuelle du taux d’incapacité attribué,

Avant dire droit sur l’évaluation des préjudices subis par M. [U], ordonné une expertise médicale avec mission d’évaluer les préjudices indemnisables en droit de la sécurité sociale,

– dit que la CPAM de la Savoie fera l’avance des frais d’expertise,

– alloué à M. [U] une provision d’un montant de 10 000 euros,

– dit que la CPAM de la Savoie versera directement à M. [U] les sommes dues au titre de la majoration de la rente, de la provision et de l’indemnisation complémentaire,

– dit que la CPAM de la Savoie pourra recouvrer le montant des indemnisations à venir, provision et majorations accordées à M. [U] à l’encontre de la société [7] et condamné cette dernière à ce titre, ainsi qu’au remboursement du coût de l’expertise,

– condamné la société [7] à verser à M. [U] une somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision,

– ordonné le retrait du rôle dans l’attente de la réalisation de l’expertise ;

– dit que l’instance sera reprise à l’initiative de la partie la plus diligente,

– condamné la société [7] aux dépens.

Le 11 mars 2021, la société [7] a interjeté appel de cette décision notifiée le 17 février 2021.

Les débats ont eu lieu à l’audience du 06 décembre 2022 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 10 février 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La SARL [7], selon ses conclusions d’appel, parvenues au greffe le 03 octobre 2022, reprises à l’audience, demande à la cour de :

A titre liminaire,

– infirmer le jugement du 18 janvier 2021 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry en l’ensemble de ses dispositions et, statuant de nouveau, de :

– juger que M. [U] est prescrit en son action et en ses demandes,

En conséquence,

– débouter M. [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre principal,

– infirmer le jugement du 18 janvier 2021 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry en l’ensemble de ses dispositions et, statuant de nouveau, de :

A- Sur l’absence de faute inexcusable à son encontre,

Vu l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale,

– juger que M. [U] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la faute inexcusable de l’employeur,

– juger qu’elle n’a commis aucune faute inexcusable,

En conséquence,

– débouter M. [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

B- Sur l’opposabilité de la décision de prise en charge de l’accident de M. [U] à son égard,

Vu les articles R.441-10 et suivants et L.411-1 et suivants du Code de la sécurité sociale,

– juger que la CPAM n’a pas établi le caractère professionnel de l’accident dans les rapports caisse/employeur et qu’elle n’a pas rempli ses obligations d’information ni respecté le principe du contradictoire à son égard,

En conséquence,

– lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de l’accident déclaré par M. [U] avec toutes les conséquences de droit qui en découlent,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, le tribunal devait reconnaitre la faute inexcusable de l’employeur :

Vu les articles L.452-2, L. 452-3, L.452-3-1 du code de la sécurité sociale,

– confirmer le jugement du 18 janvier 2021 du pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry en ce qu’il a ordonné une expertise médicale judiciaire pour évaluer les préjudices de M. [U] mais le réformer sur la mission confiée à I’expert judiciaire désigné ; et, statuant de nouveau sur ce point, limiter la mission de I’expert à I’évaluation des préjudices indemnisables de M. [U] tels que listés à l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale uniquement,

– infirmer le jugement du 18 janvier 2021 du pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry en ce qu’il a fait droit à la demande de M. [U] visant à obtenir la somme de 10.000 euros à titre de provision et, statuant à nouveau sur ce point :

– débouter M. [U] de sa demande de provision,

– juger que compte tenu de l’inopposabilité de la décision de prise en charge de l’accident de M. [U], la CPAM de la Savoie conservera définitivement à sa charge l’ensemble des conséquences financières d’une éventuelle reconnaissance de faute inexcusable sans pouvoir exercer aucun recours d’aucune sorte à son encontre,

En tout état de cause,

– débouter l’ensembIe des parties de l’intégralité de leurs demandes dirigées à son encontre.

Sur la prescription de l’action en faute inexcusable, elle soutient que M. [U] est prescrit en son action et ses demandes dès lors qu’il a saisi, le 08 janvier 2018, la caisse primaire aux fins de tentative de conciliation alors qu’il avait jusqu’au 24 juin 2016 pour le faire, rappelant que l’action pénale a interrompu le délai de prescription biennale jusqu’au 24 juin 2014 seulement

(ndr : échéance du délai de prescription d’un an en matière de contravention pour blessures involontaires en prenant pour point de départ l’audition le 13 juin 2013 du dirigeant de la société [7]).

Elle fait valoir que la transmission d’un avis de l’inspection du travail au parquet n’est pas un acte interruptif de prescription.

Sur la faute inexcusable, elle estime que le salarié ne rapporte pas la preuve de la conscience du danger et de I’absence de mesures nécessaires à assurer sa protection et fait valoir que :

– les circonstances de l’accident sont indéterminées (absence de témoin),

– elle ne pouvait pas prévoir que M. [U] allait mettre la main dans le bac lors de son nettoyage alors que le véhicule était en marche : elle prétend que ce dernier a volontairement ouvert la grille qui protégeait la vanne en « S ».

Sur l’opposabilité de la décision de prise en charge de l’accident de M. [U] à son égard, elle indique qu’elle ne trouve pas de trace du respect par la caisse primaire de ses obligations dans ce cadre et la CPAM ne justifie pas l’avoir associée à chaque étape de la procédure d’instruction.

M. [V] [U], au terme de ses conclusions d’intimé, notifiées par RPVA le 21 septembre 2022 et reprises à l’audience, demande à la cour de :

– débouter la société [7] de son appel,

– confirmer le jugement déféré,

Y ajoutant,

– condamner la société [7] aux entiers dépens et au paiement d’une somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que l’accident dont il a été victime résulte des manquements relevés par le tribunal correctionnel de Chambéry par jugement du 2 novembre 2017 qui démontre que les règles de sécurité n’ont pas été mises en ‘uvre par son employeur, lequel a failli à son obligation de sécurité en ne prenant pas les mesures pour le préserver.

Il rappelle que, si la société [7] a été relaxée pour le délit de blessures involontaires en raison de la prescription, en revanche elle a été condamnée pour les autres infractions.

Il affirme avoir mis en garde son employeur sur la dangerosité du camion qu’il n’a conduit que sur l’insistance de M. [Y].

Enfin, il écarte toute faute de sa part.

La caisse primaire d’assurance maladie de la Savoie, par ses conclusions déposées à l’audience, demande à la cour de :

– lui donner acte qu’elle s’en rapporte sur la prescription de l’action de M. [U], l’existence d’une faute inexcusable, la majoration de la rente, le montant de la provision;

– déclarer opposable à la SARL [7] la décision de prise en charge de l’accident du travail du 4 juillet 2011 ;

– au cas où la faute inexcusable serait confirmée,

– ordonner une expertise limitée aux préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;

– condamner la SARL [7] à lui rembourser les sommes dont elle fera l’avance, y compris les frais d’expertise ;

– rejeter la demande visant à voir payer des intérêts légaux à compter de la saisine de la SARL [7] sur les sommes à verser en réparation des préjudices subis ;

– rejeter la demande visant à voir la caisse condamnée à payer les frais d’expertise ;

– condamner la SARL [7] aux dépens.

Pour le surplus de l’exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

L’article L 431-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2022 applicable aux faits de la cause dispose :

‘ Les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à dater :

1°) du jour de l’accident ou de la cessation du paiement de l’indemnité journalière ;

2°) dans les cas prévus respectivement au premier alinéa de l’article L. 443-1 et à l’article L. 443-2, de la date de la première constatation par le médecin traitant de la modification survenue dans l’état de la victime, sous réserve, en cas de contestation, de l’avis émis par l’expert ou de la date de cessation du paiement de l’indemnité journalière allouée en raison de la rechute ;

3°) du jour du décès de la victime en ce qui concerne la demande en révision prévue au troisième alinéa de l’article L. 443-1 ;

4°) de la date de la guérison ou de la consolidation de la blessure pour un détenu exécutant un travail pénal ou un pupille de l’éducation surveillée dans le cas où la victime n’a pas droit aux indemnités journalières.

L’action des praticiens, pharmaciens, auxiliaires médicaux, fournisseurs et établissements pour les prestations mentionnées à l’article L. 431-1 se prescrit par deux ans à compter soit de l’exécution de l’acte, soit de la délivrance de la fourniture, soit de la date à laquelle la victime a quitté l’établissement.

Cette prescription est également applicable, à compter du paiement des prestations entre les mains du bénéficiaire, à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.

Les prescriptions prévues aux trois alinéas précédents sont soumises aux règles de droit commun.

Toutefois, en cas d’accident susceptible d’entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la prescription de deux ans opposable aux demandes d’indemnisation complémentaire visée aux articles L. 452-1 et suivants est interrompue par l’exercice de l’action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l’action en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ‘.

Le dernier alinéa de l’article sus-visé fait uniquement référence à l’exercice de l’action pénale engagée pour les mêmes faits, sans autre référence au régime de la prescription applicable en procédure pénale.

Il faut donc que l’action pénale ait été mise en mouvement par la saisine de la juridiction pénale pour les mêmes faits à l’initiative soit du ministère public, soit d’une partie civile.

Les actes effectués pendant l’enquête préliminaire ou les procès verbaux de l’inspection du travail ne peuvent en conséquence interrompre la prescription biennale de l’article L 431-2 du code de la sécurité sociale.

Au cas présent, l’accident s’est produit le 04 juillet 2011, et des indemnités journalières ont été versées à M. [U] jusqu’au 06 janvier 2012.

Le point de départ du délai de prescription biennale de l’article L 431-2 se situe donc à cette date.

Les deux actes susceptibles d’avoir interrompu la prescription sont :

– la citation le 08 décembre 2016 de la SARL [7] d’avoir à comparaître devant le tribunal correctionnel de Chambéry pour les faits de blessures involontaires contraventionnels et les faits délictuels de mise à la disposition de son salarié d’équipements de travail non conformes permettant d’assurer sa sécurité ;

– la saisine par M. [U] le 08 janvier 2018 de la caisse primaire d’assurance maladie aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de la SARL [7].

Ces deux actes étant postérieurs de plus de deux ans au 6 janvier 2012, la prescription était acquise et le jugement sera entièrement réformé.

La SARL [7] a demandé qu’il soit jugé que l’action de M. [U] était prescrite ; il s’agit d’une fin de non recevoir tendant à faire déclarer celui-ci irrecevable en son recours devant la juridiction de sécurité sociale de première instance (article 122 du code de procédure civile).

En conséquence, la cour pas plus que le tribunal ne l’était n’est valablement saisie de la demande reconventionnelle de la SARL [7] dépendant de la recevabilité de la demande principale aux fins de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge d’emblée par la caisse primaire d’assurance maladie de cet accident du 04 juillet 2011 pour non-respect du contradictoire de la procédure d’instruction.

L’intimé succombant supportera les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement RG n° 18/00467 rendu le 18 janvier 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry.

Statuant à nouveau,

Déclare prescrite l’action de M. [U] en reconnaissance de la faute inexcusable de la SARL [7] à l’origine de l’accident du travail dont il a été victime le 04 juillet 2011.

Déboute M. [U] de l’ensemble de ses demandes.

Déclare irrecevable la demande de la SARL [7] tendant à lui voir déclarer inopposable la décision de prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de l’accident du travail dont M. [U] a été victime le 04 juillet 2011.

Condamne M. [U] aux dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Kristina Yancheva, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président

 


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