Tentative de conciliation : 17 février 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/04106

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Tentative de conciliation : 17 février 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/04106
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17/02/2023

ARRÊT N°92/2023

N° RG 21/04106 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OM2Z

CB/LB

Décision déférée du 24 Août 2021 – Pole social du TJ de MONTAUBAN (20/00226)

[V] V.

S.A.S.U. [6]

C/

S.A.S. [7]

[Y] [R]

CPAM TARN ET GARONNE

CONFIRMATION

grosse notifiée le 17/02/2023

à

Me Stéphane LEPLAIDEUR

Me Thomas HUMBERT

Mme [C] [D]

CCC/LRAR à

[6]

S.A.S. [7]

M [Y] [R]

CPAM TARN ET GARONNE

CCC/LS Dr Ph.GONZALES

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2 – Chambre sociale

***

ARRÊT DU DIX SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

[6] prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 1]

représentée par Me Stéphane LEPLAIDEUR de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST substituée par Me Kenny LASSUS, avocats au barreau de TOULOUSE

INTIMES

S.A.S. [7] prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 8]

représentée par Me Thomas HUMBERT de la SELAS BRL AVOCATS, avocat au barreau de Paris substitué par Me Solenne MOULINET avocate du barreau de Paris

Monsieur [Y] [R]

[Adresse 3]

représenté par Mme [C] [D], juriste de la FNATH, munie d’un pouvoir

CPAM TARN ET GARONNE

(service contentieux) [Adresse 4]

partie non comparante, dispensée en application des dispositions de l’article 946 alinéa 2 du code de procédure civile, d’être représentée à l’audience

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945.1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Janvier 2023, en audience publique, devant Catherine Brisset, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, les parties ne s’y étant pas opposées. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

C. Brisset, présidente

A. Pierre-Blanchard, conseillère

F. Croisille-Cabrol, conseillère

Greffier, lors des débats : A. Ravéane

ARRÊT :

– Contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

– signé par C. Brisset, présidente, et par A. Ravéane, greffière de chambre.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [Y] [R], salarié intérimaire de la société [7], mis à disposition de la SAS [6] en tant qu’ouvrier BTP, a été victime d’un accident du travail le 2 octobre 2018.

La déclaration d’accident du travail, établie le 3 octobre 2018, indiquait ‘aide au poste de béton projeté. Il aurait reçu du béton projeté dans l”il’.

Par courrier du 21 novembre 2018, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Tarn-et-Garonne a notifié à M. [R] la prise en charge de son accident au titre de la législation professionnelle.

Par courrier du 5 mars 2020, la CPAM a déclaré l’état de santé de M.[R] consolidé au 31 mars 2020 avec un taux d’incapacité permanente partielle de 6%.

M. [R] a saisi la CPAM d’une tentative de conciliation aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Le 19 novembre 2019, la CPAM a constaté l’absence de conciliation possible entre les parties.

Par requête en date du 20 octobre 2020, M. [R] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Montauban aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement du 24 août 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Montauban a :

– rappelé que le présent jugement est commun à la CPAM et à la société [6],

– dit que l’accident de travail dont a été victime M. [R] le 2 octobre 2018 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société [6], substituée dans la direction à la société [7],

– fixé au maximum la majoration d’indemnité servie à M. [R],

– ordonné une expertise médicale de M. [R],

– désigné pour y procéder le Docteur [H] [U], [Adresse 5], avec pour mission, après avoir consulté l’ensemble des éléments médicaux, entendu et examiné l’assuré :

1) de déterminer :

– déficit fonctionnel temporaire, c’est-à-dire l’aspect non économique de l’incapacité temporaire,

– incidence professionnelle sous son aspect de perte de chance de promotion professionnelle, qui n’est pas réparé par la prise en charge du reclassement professionnel et la rente,

– souffrances physiques et morales endurées,

– préjudice esthétique temporaire et permanent,

– préjudice d’agrément,

– préjudice d’établissement,

– frais divers,

– frais d’aménagement du véhicule et/ou d’un logement,

– assistance d’une tierce personne avant la fixation de la date de consolidation,

– préjudice sexuel,

– préjudices permanents exceptionnels,

2) faire toutes observations utiles à la solution du litige,

– dit que l’expert déposera son rapport, établi en quatre exemplaires, au tribunal judiciaire de Montauban, situé [Adresse 2], dans le délai de trois mois à compter de la date sa saisine,

– alloué à M. [R] une provision de 3 000 euros à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices,

– dit que les sommes dues au titre de la majoration de la rente, de l’indemnisation des préjudices personnels, des frais d’expertise et de la provision seront directement versées à M. [R] par la CPAM, qui en récupérera le montant auprès de la société [7],

– condamné la société [6] à relever et garantir la société [7] de l’ensemble des conséquences financières de la faute inexcusable, y compris sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société [6] à payer à M. [R] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– réservé les dépens,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

– dit que dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision, chacune des parties pourra interjeter appel du présent jugement.

Le 27 septembre 2021, la société [6] a interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués du jugement et intimant M. [R], la société [7] et la CPAM Tarn et Garonne.

Par conclusions visées au greffe le 27 décembre 2022, développées à l’audience, la société [6] demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu le 24 août 2021 par le pôle social du tribunal judicaire en ce qu’il a :

– rappelé que le jugement est commun à la CPAM et à la société [6],

– dit que l’accident du travail dont a été victime M. [R] le 2 octobre 2018 est dû à la faute inexcusable de la société [6], substituée dans la direction à la société [7],

– fixé au maximum la majoration d’indemnité servie à M. [R],

– ordonné une expertise médicale et désigné pour y procéder le Dr [H] [U],

– alloué à M. [R] une provision de 3 000 euros à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices,

– dit que les sommes dues au titre de la majoration de la rente, de l’indemnisation des préjudices personnels, des frais d’expertise et de la provision seront directement versées à M. [R] par la CPAM, qui en récupèrera le montant auprès de la société [7],

– condamné la société [6] à relever et garantir la société [7] de l’ensemble des conséquences financières de la faute inexcusable, y compris sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société [6] à payer à M. [R] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre principal :

– juger que la présomption de faute inexcusable n’a pas vocation à s’appliquer,

– juger qu’il ne peut être retenu de faute inexcusable à l’encontre de la société [6],

– débouter en conséquence M. [R] de l’ensemble de ses demandes formulées à ce titre.

A titre subsidiaire,

Dans l’hypothèse de la reconnaissance d’une faute inexcusable :

– juger qu’il existe un partage de responsabilité entre la société [7] et la société [6] à hauteur de 50%,

– en conséquence, limiter l’action en garantie de paiement de la société [7] à l’encontre de la société [6] à hauteur de 50%,

– débouter M. [R] de sa demande d’indemnisation d’un préjudice d’agrément et d’un préjudice tiré de la perte ou la diminution des chances de promotion professionnelle,

– débouter M. [R] de sa demande d’expertise portant sur les préjudices non couverts par le livre 4,

– débouter la société [7] de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la société [6].

En tout état de cause :

– condamner la partie succombante à verser à la société [6] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Elle fait valoir qu’elle était entreprise utilisatrice et ne pourrait être tenue qu’à garantie de l’employeur. Elle ajoute que le poste auquel était affecté M. [R] était celui visé au contrat de mise à disposition et ne constituait pas un poste à risque particulier. Elle précise qu’il avait reçu une formation à la sécurité. Elle conteste que la présomption de faute inexcusable puisse s’appliquer. Elle invoque des mesures de sécurité suffisantes et la remise des équipements de protection individuelle. Subsidiairement, elle estime que sa garantie envers l’employeur ne pourrait être que de 50%. Elle s’explique enfin sur le périmètre de l’expertise et les préjudices.

Par conclusions visées au greffe le 1er décembre 2022, développées à l’audience, la société [7] demande à la cour de :

A titre principal,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

– dit que l’accident du travail dont a été victime M. [Y] [R] le 2 octobre 2018 est dû à la faute inexcusable de la société [6] substituée dans la direction à la société [7],

– fixé au maximum la majoration d’indemnité servie à M. [R],

– ordonné une expertise médicale et désigné pour y procéder le Dr [H] [U],

– alloué à M. [R] une provision de 3 000 euros à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices,

– dit que les sommes dues au titre de la majoration de la rente, de l’indemnisation des préjudices personnels, des frais d’expertise et de la provision seront directement versées à M. [R] par la CPAM, qui en récupèrera le montant auprès de la société [7].

Et, statuant à nouveau :

– juger que M. [R] ne bénéficie pas de la présomption de faute inexcusable à l’égard de la société [7],

– juger que M. [R] ne démontre pas l’existence de la faute inexcusable qu’il invoque,

– juger que la société [7], en sa qualité d’employeur, n’a commis aucune faute inexcusable ;

En conséquence :

– débouter M. [R] de son recours en reconnaissance de faute inexcusable à l’encontre de la société [7] et de l’ensemble de ses demandes formulées à ce titre.

A titre subsidiaire :

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

– dit que l’accident du travail dont a été victime M. [R] le 2 octobre 2018 est dû à la faute inexcusable de la seule société [6],

– condamné la société [6] à relever et garantir la société [7] de l’ensemble des conséquences financières de la faute inexcusable, y compris sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

– fixé au maximum la majoration d’indemnité servie à M. [R],

– ordonné une expertise médicale et désigné pour y procéder le Dr [H] [U],

– alloué à M. [R] une provision de 3.000 euros à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices.

Et, statuant à nouveau :

– surseoir à statuer sur la liquidation des préjudices subis par M. [R],

– ordonner une expertise médicale afin d’évaluer les préjudices indemnisables de M. [R] sur une échelle de 0 à 7 tels que listés à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale,

– ramener la somme réclamée au titre de la provision à de plus justes proportions,

– dire qu’il appartiendra à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Tarn-et-Garonne de procéder à l’avance des sommes allouées à M. [R] en réparation de l’intégralité de ses préjudices.

Elle fait valoir que l’entreprise utilisatrice est responsable des conditions d’exécution du travail. Elle ajoute qu’elle n’était pas informée que le salarié serait soumis à un risque de projection de béton de sorte qu’elle ne pouvait lui dispenser une formation en la matière. Elle soutient que le poste n’était pas à risque particulier et qu’à tout le moins elle n’en était pas informée par l’entreprise utilisatrice alors qu’il a reçu une formation. Elle conteste la conscience du danger en sa qualité d’entreprise de travail temporaire et estime que les circonstances de l’accident excluent sa responsabilité dans sa survenance. Subsidiairement, elle demande la confirmation du jugement en ce qu’il a prévu une garantie intégrale par l’entreprise utilisatrice et s’explique sur les préjudices.

Par conclusions visées au greffe le 8 décembre 2022, développées à l’audience, M. [R] demande à la cour de :

– confirmer en tous points le jugement rendu le 24 août 2021 par le tribunal judiciaire de Montauban, pôle social.

A titre principal :

– constater que M. [Y] [R] était affecté, le 2 octobre 2018, sur un poste à risque,

– constater que M. [R] n’a pas bénéficié de formation à la sécurité renforcée.

En conséquence :

– juger que l’accident dont a été victime M. [R], le 2 octobre 2018, est dû à la faute inexcusable présumée de son employeur, la société [6], substituée dans la direction à la société [7],

A titre subsidiaire :

– juger que l’accident dont a été victime M. [R], le 2 octobre 2018, est dû à la faute inexcusable prouvée de son employeur, la société [6], substituée dans la direction à la société [7].

En tout état de cause, sur les conséquences de la faute inexcusable :

– ordonner la mise en ‘uvre d’expertise médicale confiée à tel médecin expert qu’il plaira au tribunal, au besoin avec tout sapiteur de son choix, avec la mission suivante:

– décrire et fixer les souffrances endurées,

– décrire et fixer le préjudice esthétique temporaire et permanent,

– décrire et fixer le préjudice d’agrément,

– décrire et fixer le préjudice sexuel,

– dire s’il existe une perte de possibilité de promotion professionnelle,

– dire s’il existe un DFT en intégrant l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle, le temps d’hospitalisation et les pertes de qualité de vie et joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique et décrire,

– dire s’il existe la nécessité d’une tierce personne avant la consolidation et la chiffrer,

– dire s’il existe la nécessité d’aménagement du véhicule et d’aménagement du logement de la victime,

– dire s’il existe un préjudice exceptionnel et le décrire,

– allouer une provision à M. [R] à hauteur de 3 000 euros à valoir sur l’indemnisation finales,

– fixer en application de l’article L 452-2 du code de la sécurité sociale la majoration maximum de la rente prévue en vertu du livre IV,

– dire que le jugement à intervenir sera déclaré commun à la caisse primaire d’assurance maladie du Tarn-et-Garonne et ce avec toutes ses conséquences légales,

– condamner, en cause d’appel, la société [6] aux entiers dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– renvoyer les parties devant le pôle social du tribunal judiciaire de Montauban aux fins de mise en ‘uvre de l’expertise judiciaire.

Il soutient qu’il était affecté à un poste l’exposant à un risque particulier de sorte que la présomption de faute inexcusable s’applique alors en outre qu’il n’avait pas été déclaré apte à un poste d’aide projeteur béton. Il invoque une absence de formation renforcée à la sécurité. Il considère en outre que la faute inexcusable est établie dès lors qu’il existait un risque de projection et que toutes les mesures de protection n’ont pas été prises.

Par conclusions visées au greffe le 8 décembre 2022, la CPAM du Tarn-et-Garonne demande à la cour de :

– donner acte à la CPAM qu’elle s’en remet à la sagesse de la cour sur la reconnaissance de la faute inexcusable et de la majoration de rente,

– donner acte à la CPAM du Tarn-et-Garonne qu’elle s’en remet à la sagesse du tribunal sur la demande d’expertise et l’indemnisation des préjudices,

– donner acte à la CPAM du Tarn-et-Garonne qu’elle procèdera à la liquidation des droits de M. [R] selon les prescriptions de la décision à intervenir,

– condamner, le cas échéant, la société [7] à régler à la CPAM de Tarn-et-Garonne toutes les conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable et, notamment, à rembourser à la CPAM l’ensemble des sommes dont l’organisme social devrait faire l’avance au titre :

– de la majoration de rente,

– des indemnisations relatives aux préjudices personnels,

– de la provision,

– des frais d’expertise.

Elle s’en remet à l’appréciation de la cour et si la faute inexcusable est admise demande le remboursement des sommes en découlant par l’employeur.

La CPAM a demandé à être dispensée de comparution. Il y a été fait droit.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’employeur est tenu envers le salarié par application des dispositions des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail d’une obligation de sécurité et ce notamment en ce qui concerne les accidents du travail. Le manquement à cette obligation présente le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié et il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage.

Si la charge de la preuve de la faute inexcusable repose en principe sur le salarié, celle-ci est cependant présumée par application des dispositions de l’article L. 4154-3 du code du travail pour les salariés titulaires d’un contrat à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ils n’auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l’article L. 4154-2.

S’agissant d’une mission d’intérim, l’employeur demeurait la société [7] mais par application des dispositions de l’article L. 412-6 du code de la sécurité sociale, l’entreprise utilisatrice, soit [6], lui était substituée dans la direction. Ainsi qu’exactement rappelé par les premiers juges, c’est l’entreprise utilisatrice qui est responsable des conditions de travail pendant la durée de la mission et ce notamment pour ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail.

Au soutien de son appel, la société [6] fait tout d’abord valoir que contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, M. [R] n’était pas affecté à un poste l’exposant à des risques particuliers.

Il est exact que le contrat de mise à disposition énonce expressément que le poste ne figurait pas sur la liste de l’article L. 4154-2. Toutefois, cette seule mention est insuffisante puisque les parties ne sauraient ainsi s’exonérer par avance de la présomption. L’appelante se prévaut en outre des dispositions de l’article R. 4624-23 du code du travail et fait valoir que depuis un décret du 27 décembre 2016, il en résulte une liste des postes devant être considérés comme à risques particuliers. Cependant, cette liste qui renvoie à l’article L. 4624-2 et non à l’article L. 4154-2 ne saurait être considérée comme limitative. En effet, l’article L. 4154-2 fait expressément référence non pas à la liste établie par décret en 2016, que l’employeur peut d’ailleurs compléter, mais à une liste des postes établie par l’employeur. Cette liste n’est pas produite par la société [6], société utilisatrice et qui était donc à même de déterminer la nature de ses postes de travail.

C’est donc bien à une analyse concrète du poste occupé que la cour doit se livrer.

Des éléments produits et des explications des parties, il résulte qu’au moment de l’accident M. [R] occupait un poste de man’uvre béton et que, plus précisément, il assistait le salarié chargé de projeter le béton. Lors de l’accident, il a été blessé à l”il par projection de béton. Peu importe que le poste ait pu être plus large puisqu’il convient de s’en tenir aux tâches qui étaient confiées au salarié au moment de l’accident.

Or, cette fonction de man’uvre en béton projeté, qui fait l’objet dans l’entreprise utilisatrice d’une fiche de poste, constitue bien en l’espèce un poste à risque particulier. En effet, le poste ne saurait être considéré comme le fait la société [6] de manière générique comme relevant nécessairement de tâches d’ouvrier du BTP. Le contrat de mission qui détaillait les caractéristiques du poste mentionnait démolition de bâtiment, coffrage et banchage, coulage de béton, diverses manutentions. Il n’était ainsi fait référence à aucun moment à du béton projeté alors que le coulage constitue une technique tout à fait différente.

Cette technique exposait bien le salarié à des risques particuliers compte tenu de sa spécificité de projection par air comprimé, étant observé, comme le fait M. [R], que l’article R. 4534-134 impose des mesures pour éviter que les travailleurs puissent être blessés par des projections de béton mis en ‘uvre par des moyens mécaniques ou pneumatiques. Il n’est pas non plus indifférent de constater que le salarié chargé de projeter le béton était équipé d’un scaphandre alors que le salarié chargé de l’assister, finalement plus exposé que le premier au risque de projection, n’était équipé que de simples lunettes. Dans de telles conditions, il était bien exposé à un risque particulier de projection ainsi que l’ont exactement apprécié les premiers juges.

La présomption qui en découle est simple et l’employeur conserve la faculté de s’en exonérer en rapportant la preuve de ce qu’il a dispensé au salarié une formation renforcée à la sécurité ainsi qu’un accueil et une information adaptée dans l’entreprise.

La société [6] soutient que tel est le cas et se prévaut en particulier des énonciations de la fiche d’accueil. Il est exact que sur cette fiche la mention selon laquelle le salarié reconnaît avoir bénéficié d’une formation renforcée à la sécurité est renseignée. Cependant, ceci est quelque peu contradictoire avec l’affirmation selon laquelle le poste n’était pas à risque particulier. Mais surtout, ce document permet uniquement de se convaincre que le salarié a bénéficié d’une formation générale à la sécurité mais non pas d’une formation renforcée concernant son poste et dont la cour pourrait connaître le contenu. Aucun élément concret n’est donné quant à une formation portant sur le risque de projection de béton. Il est certes fait référence dans cette fiche au plan de prévention. Mais même à envisager que la simple remise de ce plan de prévention, sans véritable explication, puisse satisfaire à l’obligation de formation, les recommandations qui y étaient énoncées, au titre du risque procédant du béton projeté, concernaient bien davantage le salarié en charge de la projection que celui qui l’assistait. Alors que les fiches de postes produites par [6] font état de fiches d’analyse des risques les concernant, celles-ci ne sont pas produites et il est encore moins justifié de ce qu’elles ont été portées à la connaissance de M. [R].

La société [6] ne rapporte donc pas la preuve de ce qu’elle a satisfait à ses obligations et que la présomption doive être écartée.

Dès lors, c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu l’existence d’une faute inexcusable.

À titre subsidiaire sur les conséquences, la société [6] invoque la responsabilité de l’employeur, soit la société de travail temporaire, et soutient qu’elle ne devrait être tenue à la garantir qu’à hauteur de 50%.

L’appelante considère que la société [7] a manqué à son obligation au titre de la formation du salarié à la sécurité ou à tout le moins à celle de se renseigner sur l’environnement de travail qui allait être le sien.

Mais en l’espèce, ainsi que rappelé ci-dessus le contrat de mission faisait référence à des tâches du bâtiment qui ne mentionnaient jamais le béton projeté. Il s’agissait pour mémoire de démolition de bâtiment, coffrage et banchage, coulage de béton, diverses manutentions. Or, c’est bien à raison de cette technique de béton projeté que la cour considère que le poste était à risque particulier. Aucun élément ne permet de retenir que la procédure d’exécution produite en pièce 11 ait été communiquée à la société [7]. La fiche Proman de coffreur/bancheur dont se prévaut [6] ne fait en rien référence à du béton projeté mais uniquement à du béton coulé. Seul subsiste donc le fait que la société [7] a effectivement remis au salarié des lunettes à titre d’équipement individuel de protection. Cependant, ces lunettes pouvaient être nécessaires pour d’autres tâches, telle la démolition, sans qu’il en résulte une connaissance par la société [7] de tâches liées au béton projeté ce qui va à l’encontre des termes du contrat de mission.

Au regard de ces éléments, il y a lieu d’écarter la responsabilité de [7] et c’est à juste titre que les premiers juges ont tenu [6] à garantie pour le tout, étant rappelé que c’est la CPAM qui avance les sommes et qu’elle les récupère auprès de l’employeur, la société [7], garanti en l’espèce par l’entreprise utilisatrice, la société [6].

Sur les conséquences, le jugement a fixé au maximum la majoration non pas de la rente mais de l’indemnité servie à M. [R] de sorte que les observations de [6] sur une majoration de la rente sont sans portée alors que M. [R] conclut à la confirmation du jugement.

Pour le surplus le jugement a alloué à M. [R] une provision dont le montant n’est pas spécialement discuté et ordonné une expertise médicale. La société [6] développe une argumentation sur les préjudices qui seraient ou non susceptibles in fine d’être indemnisés et sur une carence probatoire de M. [R]. Toutefois, le principe même du recours à l’expertise n’est pas discuté et se trouve justifié par l’existence des blessures et des séquelles. Si un débat au fond pourra exister sur certains postes, le fait de retenir une mission large pour l’expertise n’emporte aucune appréciation quant au bienfondé et ne revient pas à déléguer à l’expert ce qui relève de l’appréciation juridictionnelle ou à pallier à une carence probatoire puisque c’est la juridiction qui appréciera. Il n’y a donc pas lieu de restreindre la mission de l’expert, laquelle a été fixée de manière habituelle par les premiers juges. Il y a encore moins lieu de débouter par avance M. [R] de chefs de demandes, qui ne sont pas encore formulés, puisque le débat ne portait pas à ce stade sur la liquidation des préjudices.

Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

L’appel étant mal fondé, la société [6] sera condamnée à payer à M. [R] la somme de 1 000 euros et à la société [7] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Montauban du 24 août 2021 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SAS [6] à payer à M. [R] la somme de 1 000 euros et à la SAS [7] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne la SAS [6] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Arielle RAVEANE Catherine BRISSET

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