Tentative de conciliation : 2 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/00987

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Tentative de conciliation : 2 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/00987
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 02/03/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 22/00987 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UEER

Jugement (N° 2021018513) rendu le 04 janvier 2022 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

Madame [W] [F]-[B]

née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 5]

de nationalité française

demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Julie Penet, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉE

SA Crédit Logement, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège

ayant son siège social, [Adresse 2]

représentée par Me Patrick Dupont-Thieffry, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 10 janvier 2023 tenue par Agnès Fallenot magistrat chargé d’instruire le dossier qui, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Samuel Vitse, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 mars 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 décembre 2022

****

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 2 novembre 2009, le Crédit du Nord a consenti à Monsieur [J] [B] et Madame [W] [F], son épouse, un prêt de 82 000 euros, remboursable en 180 mensualités de 644,37 euros, destiné à l’acquisition d’une résidence secondaire située à [Localité 4]. Le Crédit logement est intervenu en qualité de caution solidaire de cet engagement.

Par jugement du 30 mai 2016, le tribunal de commerce de Lille Métropole a placé Madame [F] en redressement judiciaire. La procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 18 janvier 2017.

La créance du Crédit du Nord a été admise pour la somme de 53 230,52 euros à titre chirographaire.

Cette somme a été versée à la banque par le Crédit logement suivant quittance du 15 février 2017. La débitrice et le liquidateur judiciaire ont été avisés de la subrogation.

Le Crédit logement a perçu le 19 juillet 2020 un unique dividende de 3 764,71 euros, puis a reçu du liquidateur, le 9 septembre 2020, un certificat d’irrecouvrabilité.

La procédure collective de Madame [F] a été clôturée pour insuffisance d’actif le 17 septembre 2021.

Par requête déposée le 29 octobre 2021, le Crédit logement a sollicité du président du tribunal de commerce de Lille Métropole, sur le fondement de l’article L643-11 du code commerce, la délivrance d’un titre exécutoire à l’encontre de Madame [F] [B] pour la somme de 51 433,48 euros, outre les intérêts postérieurs au taux légal jusqu’au parfait règlement.

Par jugement rendu le 4 janvier 2022, le tribunal de commerce de Lille Métropole a statué en ces termes :

« Autorise le Greffier du Tribunal de Commerce de Lille Métropole à délivrer à la Société CREDIT LOGEMENT, SA dont le siège social est à [Adresse 2], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le n° B302 493 275, le titre exécutoire prévu par la loi à l’encontre de Mme [W] [F] épouse [B], née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 5], demeurant actuellement [Adresse 3] pour la somme de 51 433.48 €, correspondant à sa créance actualisée au 14 septembre 2021, outre les intérêts postérieurs au taux légal jusqu’à parfait paiement

Condamne Madame [W] [F] – [B] aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 60.22 € en ce qui concerne les frais de Greffe. ».

Par déclaration du 28 février 2022, Madame [F] [B] a relevé appel de l’ensemble des chefs de cette décision.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions régularisées par le RPVA le 21 novembre 2022, Madame [F] [B] demande à la cour de :

« Vu l’article 57 du Code de procédure civile,

Vu l’article 5 du Code de procédure civile,

Vu l’article 700 du Code de procédure civile,

– JUGER nul la requête formalisée par la Société CREDITR LOGEMENT le 28 octobre 2021 et reçu au greffe le 29 octobre 2021,

– ANNULER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE le 4 janvier 2022 (n° 2021018513 )

– INFIRMER le jugement en toutes ses dispositions,

– DEBOUTER la société CREDIT LOGEMENT de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– CONDAMNER la Société CREDIT LOGEMENT au paiement de la somme de 1 000.00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– CONDAMNER la Société CREDIT LOGEMENT aux entiers dépens en ce compris les frais de première instance et d’appel, ».

L’appelante fait valoir que la requête vise l’adresse à laquelle elle exploitait son commerce sous l’enseigne Le Flash, qui a fait l’objet de la procédure de liquidation judiciaire clôturée le 17 septembre 2021. La société Le Crédit logement ne pouvait l’ignorer, ayant eu connaissance des termes de la clôture intervenue. Son domicile était aisément vérifiable auprès du liquidateur judiciaire. Il ne pourra donc être prétendu que l’adresse de son ancien commerce constituait son seul domicile connu. Cette absence de mention de son adresse exacte lui a nécessairement causé grief dès lors qu’elle a été dans l’impossibilité de faire valoir son argumentation devant le tribunal de commerce saisi et a été privée du double degré de juridiction, lequel constitue pourtant un droit fondamental.

Par conclusions régularisées par le RPVA le 24 août 2022, la société Le Crédit logement demande à la cour de :

« Vu l’article L643-11 du Code commerce

Vu l’article 700 du CPC

Vus les pièces versées aux débats

(…)

Dire et juger Mme [W] [F] mal fondé en son appel

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le Tribunal de commerce de LILLE Métropole le 04 janvier 2022 en ce qu’il a délivré au profit du CREDIT LOGEMENT un titre exécutoire condamnant Madame [W] [F] à lui payer la somme de 51 433,48€, outre intérêts postérieurs au 14 septembre 2021 au taux légal jusqu’à parfait paiement

Y ajoutant,

– Condamner Madame [W] [F] à payer au CREDIT LOGEMENT une somme de de 1000€ sur le fondement de l’article 700 du CPC à raison des frais irrépétibles de défense engagés pour faire valoir ses droits.

– Condamner enfin Madame [W] [F] en tous les frais et dépens d’instance et d’appel. ».

Le Crédit logement plaide que l’adresse de Madame [F] mentionnée dans les actes et éléments de procédure jusqu’à l’envoi de l’unique dividende avant clôture était située [Adresse 3] à [Localité 6]. Il n’a jamais été porté à sa connaissance une autre domiciliation de sa débitrice. Rien n’est moins vrai que d’affirmer que le domicile actuel de cette dernière était aisément vérifiable auprès du liquidateur judiciaire, qui avait depuis un temps déjà clôturé sa procédure.

Par ailleurs, Madame [F] ne se trouve nullement privée de faire valoir en justice son argumentation en défense. L’huissier mandaté pour lui signifier la décision a fait toutes diligences et recherches nécessaires pour la lui remettre à sa nouvelle adresse et lui permettre ainsi d’exercer tout recours utile.

Madame [F] s’abstient d’opposer au Crédit logement la moindre argumentation de fond sur le droit de ce dernier de se prévaloir de sa créance à son égard. La cour ne pourra dans ces conditions que confirmer purement et simplement les termes de la décision dont appel.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 20 décembre 2022.

SUR CE

Sur la demande d’annulation du jugement

Aux termes de l’article 54 du code de procédure civile, la demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction. La requête peut être formée conjointement par les parties.

A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L’objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative.

Aux termes de l’article 57 du code de procédure civile, lorsqu’elle est formée par le demandeur, la requête saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé. Lorsqu’elle est remise ou adressée conjointement par les parties, elle soumet au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.

Elle contient, outre les mentions énoncées à l’article 54, également à peine de nullité :

-lorsqu’elle est formée par une seule partie, l’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;

-dans tous les cas, l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.

Elle est datée et signée.

Aux termes de l’article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

Aux termes de l’article 14 du code de procédure civile, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.

Aux termes de l’article L. 643-11 du code de commerce,

I.-Le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur. (…)

II.-Les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent poursuivre le débiteur s’ils ont payé à la place de celui-ci.

(…)

V.-Les créanciers qui recouvrent leur droit de poursuite individuelle et dont les créances ont été admises ne peuvent exercer ce droit sans avoir obtenu un titre exécutoire ou, lorsqu’ils disposent déjà d’un tel titre, sans avoir fait constater qu’ils remplissent les conditions prévues au présent article. Le président du tribunal, saisi à cette fin, statue par ordonnance.

Aux termes de l’article R. 643-20 du code de commerce, le créancier dont la créance a été admise et qui recouvre son droit de poursuite individuelle conformément à l’article L. 643-11 peut obtenir, par ordonnance du président du tribunal rendue sur requête, le titre prévu au V du même article. La caution ou le co-obligé mentionné au II du même article peut, dans les mêmes conditions, obtenir un titre exécutoire sur justification du paiement effectué. La procédure de l’injonction de payer prévue aux articles 1405 et suivants du code de procédure civile n’est pas applicable.

Lorsque la créance a été admise lors de la procédure, le président du tribunal qui a ouvert celle-ci est compétent. Lorsque la créance n’a pas été vérifiée, la compétence du tribunal est déterminée selon les règles du droit commun.

L’ordonnance vise l’admission définitive du créancier et le jugement de clôture pour insuffisance d’actif. Elle contient l’injonction de payer et est revêtue par le greffier de la formule exécutoire.

Dans le cas prévu aux I, II et III de l’article L. 643-11, l’ordonnance est rendue, le débiteur entendu ou appelé.

En l’espèce, la requête du Crédit logement adressée au tribunal de commerce de Lille Métropole indiquait que Madame [F] était domiciliée [Adresse 3] à [Localité 6], et c’est donc à cette adresse que la débitrice a été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 2 novembre 2021, en vue de l’audience du 7 décembre 2021 à laquelle elle n’a pas comparu, n’ayant pas été touchée.

L’organisme de caution ne pouvait pas ignorer qu’il s’agissait de l’adresse à laquelle Madame [F] exerçait son activité de commerçante, objet de la liquidation judiciaire, mais s’est pourtant abstenue de réaliser la moindre démarche pour vérifier l’adresse à laquelle sa débitrice pouvait être touchée par la convocation.

Or Madame [F] établit que son domicile personnel est situé, au moins depuis le mois de septembre 2020, à [Adresse 7], et c’est d’ailleurs à cette adresse que lui écrivait le liquidateur.

L’huissier instrumentaire mandaté par le Crédit logement pour lui signifier la décision querellée n’a manifestement pas rencontré de réelle difficulté pour la localiser, étant observé que la créancière se garde de produire son acte.

Dans ce contexte, il ne peut être considéré que la débitrice a été valablement appelée, et ce, en raison de l’inexactitude de l’adresse figurant sur la requête, laquelle est entièrement imputable à la négligence fautive du Crédit logement, en violation des dispositions des articles 14 et 57 du code de procédure civile et de l’article R. 643-20 du code de commerce.

Madame [F], qui n’a pas eu connaissance de la demande formée à son encontre, n’a pas pu se défendre devant les premiers juges. Le fait qu’elle ait pu interjeter appel et présenter ses arguments devant la cour n’est pas de nature à faire disparaître son grief, la débitrice ayant droit à un double degré de juridiction.

Ces éléments justifient de prononcer la nullité de la requête déposée le 29 octobre 2021 par le Crédit logement, et conséquemment, celle du jugement rendu le 24 janvier 2022 par le tribunal de commerce de Lille.

Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

L’issue du litige justifie de condamner le Crédit logement aux dépens d’appel et de première instance.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Le Crédit logement sera condamné à verser à Madame [F] la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles, et débouté de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Annule la requête déposée le 29 octobre 2021 par le Crédit logement ;

Annule le jugement rendu le 24 janvier 2022 par le tribunal de commerce de Lille ;

Condamne le Crédit logement à payer à Madame [W] [F] la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;

Déboute le Crédit logement de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles ;

Condamne le Crédit logement aux dépens d’appel et de première instance.

Le greffier

Marlène Tocco

Le président

Samuel Vitse

 


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