Your cart is currently empty!
N° 100/add
GR
————–
Copies authentiques
délivrées à :
– Me Antz,
– Me Piriou,
– M. [S],
le 14.03.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D’APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 9 mars 2023
RG 20/00176 ;
Décision déférée à la Cour : ordonnance n° 20, rg 2019/195 du 28 février 2020 du Juge des saisies-arrêts des rémunérations du travail de [Localité 6] ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 9 juillet 2020 ;
Appelant :
M. [E] [Y], né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 3] ([Localité 7]), de nationalité française, retraité, demeurant à [Adresse 5] ;
Représenté par Me Dominique ANTZ, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
La Société Eurotitrisation, société anonyme, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Bobigny sous le n° 352 458 368 B dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Agissant elle-même en qualité de représentant du fonds commun de titrisation Crédinvest, compartiment Crédinvest 2, venant aux droits de la Banque de Polynésie en vertu d’un acte de cession de créance du 28 juillet 2017 ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me Yves PIRIOU, avocat au barreau de Papeete ;
M. [C] [S], mandataire liquidateur de Mme [W], [Adresse 4] ;
Non comparant, assigné à personne le 8 juin 2022 ;
Ordonnance de clôture du 27 janvier 2023 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience non publique du 9 février 2023, devant M. RIPOLL, conseiller désigné par l’ordonnance n° 57/OD/PP. CA/22 du premier président de la Cour d’Appel de Papeete en date du 7 novembre 2022 pour faire fonction de Président dans le présent dossier, Mme BRENGARD, président de chambre, Mme PINET-URIOT, conseiller, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
La société EUROTITRISATION a présenté requête le 15 octobre 2019 aux fins de se voir autoriser, ès qualités de représentant du cessionnaire de la créance, à procéder à la saisie-arrêt des pensions de retraite de [E] [Y] pour paiement de la somme de 24 248 853 F CFP au titre de la caution donnée par celui-ci à un emprunt fait le 16 octobre 2006 auprès de la BANQUE DE POLYNÉSIE par [R] [W], qui a été placée en liquidation judiciaire en 2012.
Par ordonnance rendue le 28 février 2020 après une vaine convocation du débiteur, le juge des saisies des rémunérations a ordonné la saisie pour le montant de 23 401 879 F CFP en principal et intérêts échus entre les mains de la Trésorerie générale de la Polynésie française.
[E] [Y] a relevé appel par requête enregistrée au greffe le 9 juillet 2020.
Par ordonnance sur incident rendue le 25 février 2022, le conseiller chargé de la mise en état a :
Enjoint à la société EUROTITRISATION ès qualités de justifier qu’elle a bien été chargée du recouvrement dans les conditions prévues par l’article L.214-172 du code monétaire et financier de la créance cédée par la BANQUE DE POLYNÉSIE ;
Enjoint à la société EUROTITRISATION de produire un décompte actualisé de sa créance détaillant la nature et le montant des accessoires de la créance dont le montant en principal est cantonné à la somme de 17 000 000 F CFP à l’égard de [E] [Y] selon l’engagement de caution souscrit par celui-ci, et permettant de déduire le cas échéant le montant des intérêts en cas de non-information annuelle donnée à la caution ;
Rejette toute demande autre ou plus ample ;
Renvoyé l’affaire à l’audience des mises en état du vendredi 22 avril 2022 à 8 h 30 mais dès à présent :
Enjoint à [E] [Y] de conclure sur le fond par voie de conclusions récapitulatives avant le 20 avril 2022 ;
Enjoint à la société EUROTITRISATION de conclure sur le fond par voie de conclusions récapitulatives avant le 15 juin 2022 ;
Dit qu’il sera statué sur la clôture à l’audience des mises en état du vendredi 24 juin 2022 à 8h30 ;
Réservé les frais irrépétibles et les dépens.
Il est demandé :
1° par [E] [Y], appelant, dans ses conclusions récapitulatives visées le 11 octobre 2022, de :
Vu l’ordonnance du 28 février 2020,
Déclarer l’appel recevable et formé dans les délais ;
Le dire bien fondé ;
Au principal :
Constater l’appel en cause de M. [C] [S] es qualité de liquidateur judiciaire de Mme [R] [W], débiteur principal ;
Prononcer l’annulation de l’ordonnance rendue le 28 février 2020 par le juge chargé de la saisie des rémunérations pour défaut de respect des dispositions du code de procédure civile permettant réellement à l’appelant d’être informé de la date d’audience, surtout que M. [Y] avait déjà constitué avocat pour assurer la défense de ses intérêts, ce que n’ignorait pas l’intimée et pour défaut de qualité et d’intérêt pour agir ;
À titre subsidiaire :
Prononcer la décharge de la caution et dire et juger que M. [E] [Y] ne peut plus être poursuivi en qualité de caution de Mme [W] ;
Vu l’Article L 622-23 du Code de Commerce,
Débouter la société EUROTITRISATION de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
À titre infiniment subsidiaire ;
Renvoyer la Société EUROTITRISATION à mieux se pourvoir devant la Juridiction Civile de Première Instance statuant en droit commun ;
À titre infiniment subsidiaire encore :
Inviter la Société intimée à produire un décompte exact de la dette, faisant abstraction des intérêts prescrits ;
Et en tout état de cause :
Condamner l’intimée à payer à M. [E] [Y] la somme de 2.000.000 FCP à titre de dommages et intérêts et la somme de 300.000 FCP sur le fondement de l’article 407 du Code de Procédure Civile de la Polynésie française ;
Condamner l’intimée aux entiers dépens.
2° par la société EUROTITRISATION agissant ès qualités de représentant du fonds commun de titrisation CREDINVEST compartiment CREDINVEST 2 venant aux droits de la BANQUE DE POLYNÉSIE en vertu d’un acte de cession de créance du 28 juillet 2017, intimée, dans ses conclusions récapitulatives visées le 12 janvier 2023, de :
À titre principal,
Confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Débouter M. [E] [Y] de l’ensemble de ses fins, moyens et prétentions ;
À titre subsidiaire,
Évoquer l’affaire ;
Dire et juger que le FCT CREDINVEST, compartiment CREDINVEST 2, représenté par la société EUROTITRISATION est titulaire d’une créance d’un montant de 24.720.910 F CFP provisoirement arrêtée au 13 juin 2022 à l’encontre de M. [E] [Y] ;
En conséquence,
Autoriser la société EUROTITRISATION, agissant ès qualités de représentant du fonds commun de titrisation CREDINVEST, compartiment CREDINVEST 2, à procéder à la saisie- arrêt des pensions de retraite de M. [E] [Y], gendarme retraité, pour obtenir paiement de la somme de 24.720.910 F CFP en principal, frais et intérêts, provisoirement arrêtés au 13 juin 2022 et courant jusqu’à complet paiement ;
Dire que les sommes ainsi saisies seront versées au crédit du compte CARPA de la SELARL JURISPOL ;
En tout état de cause,
Condamner M. [E] [Y] à payer à la société EUROTITRISATION, ès qualités de représentant du FCT CREDINVEST, compartiment CREDINVEST 2, à payer à la société EUROTITRISATION la somme de 250.000 F CFP au titre de l’article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française ;
Le condamner aux entiers dépens dont distraction.
M. [C] [S] appelé en cause ès qualités de liquidateur judiciaire de [R] [W] n’a pas conclu.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 janvier 2023.
Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Les moyens d’appel de [E] [Y] sont : le liquidateur judiciaire de [R] [W], appelé en cause pour permettre de vérifier que la société EUROTITRISATION a déclaré sa créance, n’a pas répondu ; l’ordonnance déférée a été rendue par décision réputée contradictoire sans que lui-même ait été entendu ou régulièrement appelé ; les recherches dont fait état l’huissier chargé de l’assigner étaient insuffisantes alors qu’ancien gendarme, il est très connu dans sa commune ; la société EUROTITRISATION n’a pas justifié de sa qualité et de son intérêt à agir ; il résulte de ces irrégularités que la tentative de conciliation obligatoire en la matière n’a pu avoir lieu, malgré que le débiteur eût fait connaître au créancier ses coordonnées ; subsidiairement, la caution a été déchargée en application de l’article 2134 du code civil, car elle ne peut plus être subrogée à la BANQUE DE POLYNÉSIE qui bénéficiait d’une hypothèque, puisque le créancier et son cessionnaire ont négligé d’actionner cette sûreté ; il n’est pas justifié de l’admission de la créance au redressement judiciaire du débiteur principal ; la faute de la banque dans la mise en ‘uvre de la sûreté à l’égard du débiteur principal a porté préjudice à la caution qui a été actionnée à la place de ce dernier ; ces contestations sont sérieuses et excèdent les pouvoirs du juge des saisies des rémunérations.
La société EUROTITRISATION conclut que [E] [Y] a été assigné à son adresse connue et qu’il a été vainement recherché par l’huissier ; que si l’ordonnance devait être annulée, il y aurait lieu d’évoquer ; qu’elle justifie de sa qualité de société de gestion du fonds commun de titrisation CREDINVEST, et ce dernier de sa qualité de créancier cessionnaire ; qu’elle a qualité pour assurer le recouvrement des créances du fonds ; que la BANQUE DE POLYNÉSIE créancière hypothécaire de [R] [W] a déclaré sa créance au redressement judiciaire de celle-ci, et que la procédure de saisie immobilière qu’elle avait engagée n’a pas été poursuivie par le mandataire judiciaire, l’immeuble en cause étant de faible valeur en cas de mise aux enchères ; qu’elle justifie du montant de la créance en principal et intérêts ; que les contestations de l’appelant ne sont pas sérieuses et que sa demande d’indemnisation n’est pas fondée.
Sur quoi :
Il résulte des articles 746 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française que la procédure de saisie-arrêt sur les salaires et pensions est la suivante :
-Le créancier présente requête au juge du tribunal de première instance. Cette requête contient les nom et adresse du débiteur, les nom et adresse de son employeur et, le cas échéant, le nom du comptable public assignataire des paiements, le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts, les indications relatives aux modalités de versement des sommes saisies, et une copie du titre exécutoire.
-Le greffe convoque le débiteur à une audience de conciliation par lettre recommandée avec accusé de réception pour une date de comparution à huitaine. À défaut d’avis de réception et si le débiteur ne se présente pas, le créancier sans titre exécutoire doit faire assigner celui-ci avec le même délai.
-A l’audience, le juge constate la conciliation ou la non-conciliation. Il autorise la saisie-arrêt en cas de défaut du débiteur sur convocation ou citation régulière.
-Le greffe notifie la saisie-arrêt au tiers saisi et au débiteur qui n’a pas comparu.
-Le créancier saisissant, le débiteur et le tiers saisi peuvent demander au greffe la convocation des intéressés à une audience. Le juge statue, selon le montant de la créance, en premier ou en dernier ressort, sur la validité ou la mainlevée de la saisie.
-Ce jugement est susceptible d’opposition s’il est rendu par défaut. L’opposition est formée par déclaration au greffe dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision par le greffe. Le jugement sur opposition est réputé contradictoire. Le délai d’appel est de trente jours.
Il résulte de ce que la saisie-arrêt des rémunérations, qui ont un caractère alimentaire et sont à ce titre protégées par le code du travail quant à leur fraction saisissable, peut être réalisée par un créancier qui n’a pas, comme en l’espèce, de titre exécutoire, que le déroulement de la procédure doit permettre d’assurer autant que faire se peut la tenue d’un débat contradictoire.
Cette spécificité s’exprime, d’une part, par la tenue d’une audience obligatoire de tentative de conciliation avant que puisse être rendue une ordonnance de saisie-arrêt, et, d’autre part, par la faculté, notamment pour le débiteur saisi, de déférer cette ordonnance au tribunal de première instance qui statue alors par jugement susceptible d’opposition ou d’appel (comp. Civ. 2e 31 janvier 2019 n° 17-31.234, JurisData n° 2019-001140).
Or, en l’espèce, la question se pose de savoir si c’est à tort que [E] [Y], qui déclare n’avoir eu connaissance de l’ordonnance déférée qu’en découvrant que sa pension de retraite était amputée, a directement saisi la cour de sa contestation, au lieu de procéder comme il est dit à l’article 752 du code de procédure civile de la Polynésie française pour voir rendre un jugement statuant sur ses griefs, duquel il pourrait ensuite être fait appel.
L’appel fait dans ces conditions peut en effet être jugé d’office irrecevable en raison de l’absence d’ouverture de cette voie de recours à ce stade de la procédure de saisie-arrêt des rémunérations (C.P.C.P.F., art. 48). Il en résulterait l’irrecevabilité des demandes incidentes de l’intimée.
Les parties concluront sur ce point selon le calendrier fixé dans le dispositif de l’arrêt.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, non publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Avant dire droit,
Révoque l’ordonnance de clôture ;
Vu les articles 6, 48 et 752 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Enjoint aux parties de conclure sur l’irrecevabilité de l’appel formé à ce stade de la procédure de saisie-arrêt des rémunérations, selon le calendrier suivant :
M. [C] [S] appelé en cause avant le 24 mars 2023,
[E] [Y] avant le 21 avril 2023,
La société EUROTITRISATION avant le 26 mai 2023 ;
Renvoie l’affaire à l’audience des mises en état du vendredi 26 mai 2023 à 8 h 30 en vue d’une clôture ;
Réserve les frais irrépétibles et les dépens.
Prononcé à Papeete, le 9 mars 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. RIPOLL