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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 10 MARS 2023
N° 2023/093
Rôle N° RG 19/07737 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEIER
[M] [J] épouse [F]
C/
SA LEROY-MERLIN FRANCE
Copie exécutoire délivrée
le : 10 mars 2023
à :
Me Philippe RAFFAELLI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 123)
Me Roland LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage d’AIX EN PROVENCE – section C – en date du 21 Mars 2019, enregistré au répertoire général sous le n° F12/01324.
APPELANTE
Madame [M] [J] épouse [F], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Philippe RAFFAELLI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SA LEROY-MERLIN FRANCE, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Roland LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Audrey PESTEL, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 18 Janvier 2023 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2023.
Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Madame [M] [J] épouse [F] a été embauchée par la société LEROY MERLIN FRANCE par contrat à durée indéterminée à temps partiel (8 heures hebdomadaires effectués le dimanche) à compter du 15 novembre 2003 en qualité d’hôtesse services clients. Elle était affectée au magasin situé dans la [Adresse 6].
Divers avenants temporaires ont augmenté, pour des durées déterminées, la durée hebdomadaire du travail.
A compter du 5 juillet 2004, la durée de travail a été portée à 17 heures hebdomadaires effectuées les samedis et dimanches.
De nombreux avenants temporaires ont à nouveau modifié la durée de travail.
Le dernier avenant temporaire modifiant la durée de travail a été conclu le 30 janvier 2006.
Le contrat de travail a été suspendu de mars 2006 à janvier 2010 pour des raisons médicales.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du bricolage.
L’entreprise occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
Par courrier du 24 décembre 2011, la société LEROY MERLIN France a notifié à Madame [F] un rappel à l’ordre.’
Le 27 décembre 2011, la salariée a été convoquée à un entretien préalable prévu le 7 janvier 2012 en vue d’une éventuelle sanction disciplinaire.
Par courrier recommandée avec accusé de réception du 31 janvier 2012, l’employeur a annulé la procédure disciplinaire.
La salariée a été placée en arrêt de travail en juin 2012 jusqu’au 11 août 2012.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 septembre 2012, Madame [F] a été convoquée à un entretien préalable en vue d’une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement prévu le 6 octobre 2012.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 13 octobre 2012, elle a été licenciée pour faute grave.
Madame [F] a saisi, par requête réceptionnée au greffe le 19 décembre 2012, le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence aux fins d’obtenir la requalification des contrats à temps partiel en un contrat à temps complet, de contester son licenciement et solliciter diverses sommes à caractère indemnitaire et salarial.
Le conseil de prud’hommes s’est déclaré en partage de voix par procès-verbal du 8 novembre 2016.
Par jugement du 21 mars 2019 notifié le 19 avril 2019, le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence, en sa formation de départage, a ainsi statué’:
– dit et juge le licenciement de Madame [F] fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave,
– requalifie le contrat de travail à temps partiel de Madame [F] en contrat à temps complet à partir du 15 janvier 2006,
– condamne la SA LEROY MERLIN à payer à Madame [F] les sommes suivantes’:
– 10’789,22 euros brut à titre de rappel de salaire sur la base d’un temps complet,
– 1’078,92 euros brut à titre d’incidence congés payés,
– 3’014,54 euros brut à titre d’indemnité de préavis,
– 301,45 euros brut à titre de congés payés y afférents,
– 2’737,20 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 1’500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejette toute autre demande ou plus ample,
– ordonne l’exécution provisoire du présent jugement,
– condamne la SA LEROY MERLIN aux entiers dépens.
Par déclaration du 10 mai 2019 notifiée par voie électronique, Madame [F] a interjeté appel du jugement dont elle a sollicité l’annulation et l’infirmation en ce qu’il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, n’a fait que partiellement droit à sa demande de rappel de salaires et congés payés afférents, d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d’indemnités de licenciement et au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et l’a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement abusif, pour non-respect des préconisations du médecin du travail et pour exécution déloyale du contrat de travail.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 17 décembre 2022, Madame [F], appelante, demande à la cour de :
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a admis le principe de la requalification des contrats de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, en ce qu’il a jugé que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave, et en ce qu’il a condamné la société LEROY MERLIN à lui payer 1’500,00 euros d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,
– le réformer pour le surplus,
– juger que la requalification des contrats de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet en application des articles L 3123-14 et 15 du code du travail, devait remonter au 19 janvier 2004, ou au plus tard au 26 janvier 2004, et non au 15 janvier 2006,
– condamner la société LEROY MERLIN à lui verser la somme de 24’015,70 euros à titre de rappel de salaire du 13 janvier 2010 au 17 octobre 2012, outre 2’401,57 euros de congés payés par incidence sur la base d’une moyenne mensuelle de salaire de 2’335,70 euros (en ce compris les majorations pour dimanches travaillés),
tirant les conséquences de l’absence de faute grave dans les causes de la rupture du contrat de travail,
– condamner la société LEROY MERLIN à lui payer’:
– 4’671,40 euros à titre d’indemnité de préavis,
– 467,14 euros à titre de congés payés par incidence,
– 2’931,77 euros à titre de l’indemnité légale de licenciement,
– 50’000,00 euros d’indemnité par application de l’article L.’1235-3 du code du travail,
– 10’000,00 euros pour violation des articles L.’4121-1 et suivants du code du travail,
– 10’000,00 euros pour exécution déloyale du contrat de travail par application de l’article 1134 ancien du code civil,
ajoutant au jugement,
– condamner la société LEROY MERLIN à lui payer la somme de 1’500,00 euros d’indemnité par application de l’article 700 du code procédure civile en appel ainsi que les dépens d’appel.
L’appelante invoque requalification des contrats de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet aux motifs que’:
– du 19 janvier 2004 au 2 mars 2006, elle a quasiment systématiquement travaillé 35 heures par semaine compte tenu de la signature de plus de 50 avenants presque sans discontinuité en violation des dispositions des articles L.’3123-14 et 15 du code du travail’;
– eu égard à la succession continue d’avenants, elle a exécuté des heures complémentaires au-delà de la limite légale prévue à l’article L. 3123-17 du code du travail portant la durée du travail au niveau de la durée légale, soit 35 heures hebdomadaires.
sur le licenciement, elle fait valoir en substance que :
– la faute grave reprochée consistant dans un usage frauduleux de sa carte de fidélité n’est pas justifiée’;
– les factures éditées au nom de la société de son époux avaient exclusivement un but personnel et rentraient dans le champ d’application de la carte de fidélité’;
sur la violation de l’obligation de sécurité et l’exécution déloyale du contrat de travail, elle expose que’:
– les préconisations du médecin du travail n’ont pas été respectées suite à son retour d’arrêt maladie en 2010, et particulièrement à partir d’août 2012,’en dépit de ses nombreuses réclamations’;
– l’employeur a manqué à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail en laissant circuler un tract indélicat et méprisant à son égard établi par le comité d’entreprise et en la harcelant avec l’engagement de poursuites disciplinaires finalement abandonnées ou de rappels à l’ordre injustifiés, puis en la licenciant de manière injustifiée.
Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 10 octobre 2019, la société LEROY MERLIN FRANCE, relevant appel incident, demande à la cour de’:
– rejeter la voie de recours de Madame [F],
– la recevoir en son appel incident,
– confirmer en conséquence l’ensemble des dispositions du jugement de départage du 21 mars 2019 non remises en cause par la SA LEROY MERLIN,
– l’infirmer pour le surplus,
statuant à nouveau en tant que besoin,
– dire et juger qu’elle a respecté les préconisations du médecin du travail quant à l’aménagement de poste de Madame [F],
– dire et juger que Madame [F] n’établit pas avoir subi des faits de harcèlement moral et discriminatoire,
– dire et juger n’y avoir lieu à requalification du contrat de travail à temps partiel de Madame [F] en contrat de travail à temps complet,
– dire et juger le licenciement pour faute grave de Madame [F] a été justifié et légitime,
– débouter, en conséquence, Madame [F] de ses diverses fins et conclusions,
– rejeter sa demande d’application des dispositions de l’article 700 du code procédure civile,
– ordonner à Madame [F] de lui restituer la somme de 17 076,82 euros versée au titre de l’exécution provisoire du jugement querellé,
en tout état de cause,
– la condamner à lui payer la somme de 3 000,00 euros afin de la défrayer de ses frais irrépétibles exposés en première instance et en appel, ainsi qu’à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.
La société intimée réplique que’:
– la salariée échoue à établir la réalité des griefs invoqués à l’origine du prétendu harcèlement et de la discrimination dont elle s’estime victime, lesquels sont en tout état de cause contestés’;
– s’agissant du tract litigieux, elle est intervenue pour mettre fin à la publication litigieuse du comité d’entreprise dès qu’elle en a eu connaissance, soit dès le début du mois de décembre 2011′;
– le système de vidéo-protection au sein du magasin a été mis en place dans le strict respect des exigences légales’;
– les aménagements de poste étaient conformes aux préconisations du médecin du travail et n’ont fait l’objet d’aucune contestation ni de la salariée ni du médecin du travail’;
– la durée de travail a été modifiée temporairement par des avenants signés par Madame [F] étant précisé que le nombre d’avenants n’a aucune incidence sur leur licéité et que la salariée a toujours effectué le nombre d’heures de travail contractuellement prévues’;
– la faute grave est caractérisée par le fait que Madame [F] a volontairement fait profiter l’entreprise de son époux des bénéfices de la carte remise «’collaborateur’» alors qu’elle n’ignorait pas que les avantages de la carte étaient réservés aux achats personnels du collaborateur.
Une ordonnance de clôture est intervenue le 19 décembre 2022, renvoyant la cause et les parties à l’audience des plaidoiries du 18 janvier 2023 suivant.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la requalification des contrats de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet’:
L’article L.’212-4-3 du code du travail, dans sa version en vigueur du 27 juillet 2005 au 1er mai 2008 (devenu L. 3123-14 et L. 3123-17), «’le contrat de travail des salariés à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il définit en outre les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification. Toute modification doit être notifiée au salarié sept jours au moins avant la date à laquelle elle doit avoir lieu. Le contrat de travail détermine également les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié.
Le contrat de travail précise par ailleurs les limites dans lesquelles peuvent être effectuées des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat. Le nombre d’heures complémentaires effectuées par un salarié à temps partiel au cours d’une même semaine ou d’un même mois ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat.
Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail effectuée par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.
Le refus d’effectuer les heures complémentaires proposées par l’employeur au-delà des limites fixées par le contrat ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. Il en est de même, à l’intérieur de ces limites, lorsque le salarié est informé moins de trois jours avant la date à laquelle les heures complémentaires sont prévues.
Lorsque l’employeur demande au salarié de changer la répartition de sa durée du travail, alors que le contrat de travail n’a pas prévu les cas et la nature de telles modifications, le refus du salarié d’accepter ce changement ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.
Lorsque l’employeur demande au salarié de changer la répartition de sa durée du travail dans un des cas et selon les modalités préalablement définis dans le contrat de travail, le refus du salarié d’accepter ce changement ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement dès lors que ce changement n’est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses, avec le suivi d’un enseignement scolaire ou supérieur, avec une période d’activité fixée chez un autre employeur ou avec une activité professionnelle non salariée. Il en va de même en cas de changement des horaires de travail au sein de chaque journée travaillée qui figurent dans le document devant être transmis au salarié en vertu du premier alinéa.
Lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d’une période de quinze semaines, l’horaire moyen réellement effectué par un salarié a dépassé de deux heures au moins par semaine, ou de l’équivalent mensuel de cette durée, l’horaire prévu dans son contrat, celui-ci est modifié, sous réserve d’un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé, en ajoutant à l’horaire antérieurement fixé la différence entre cet horaire et l’horaire moyen réellement effectué’».
Le contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel du 15 novembre 2003 prévoit que la durée de travail est fixée à 8 heures hebdomadaires et précise que «’Le nombre d’heures ainsi convenu n’exclut pas la possibilité d’effectuer des heures complémentaires dans la limite de 11 heures’».
Par avenant du 3 juillet 2004, la durée de travail a ensuite été portée à 17 heures hebdomadaires à compter du 5 juillet 2004 avec possibilité d’effectuer des heures complémentaires dans la limite de «’24 heures mensuelles’».
Si les avenants temporaires conclus à compter du 22 janvier 2004 précisent qu’ils ont «’pour objet de porter votre horaire hebdomadaire à un horaire hebdomadaire moyen de 35 heures’», ils prévoient une durée de travail hebdomadaire légèrement inférieure à 35 heures (en général 34,02 heures ou 34,15 heures hebdomadaires). Quelques avenants portent sur plusieurs semaines et prévoient une durée totale de travail de 68,05 heures ou 68,04 heures pour deux semaines et 102,06 heures pour trois semaines. Aucun bulletin de salaires n’est produit.
Au regard de ces éléments, la cour constate que le plafond d’heures complémentaires de 11 heures ou 24 heures a régulièrement été dépassé. Toutefois, la requalification en contrat à temps plein n’est encourue que si les heures complémentaires ont pour effet de porter la durée de travail accomplie à hauteur de la durée légale ou de la durée fixée conventionnellement (y compris par le recours à des avenants temporaires).
Or, il n’est pas démontré le dépassement de la durée légale par le biais des heures complémentaires effectuées. La succession d’avenants prévoyant une durée légèrement inférieure à la durée légale hebdomadaire ou mensuelle ne justifie pas en soi la requalification des contrats à complet.
Les moyens soulevés par la salariée à l’appui de la requalification sont donc écartés.
Le jugement entrepris est dès lors infirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de requalification des contrats de travail à temps partiel en un contrat à temps complet et condamné la société LEROY MERLIN France à payer à la salariée la somme de 10’789,22 euros à titre de rappel de salaire, outre les congés payés afférents.
Sur le manquement à l’obligation de sécurité’:
L’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés. Il résulte des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que les actions que l’employeur doit mettre en ‘uvre pour protéger la santé physique et mentale des salariés concernent la prévention des risques professionnels et l’évaluation de ceux qui ne peuvent être évités.
Il appartient à l’employeur de démontrer qu’il a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié (Soc., 23 janvier 2019, pourvoi n° 17-18.771).
Au cas d’espèce, Madame [F] soutient que les préconisations du médecin du travail n’auraient pas été respectées après son retour d’arrêt de maladie de longue durée en janvier 2010. Elle reproche à son employeur de l’avoir maintenue sur un poste de caisse en contradiction avec les préconisations du médecin du travail.
Le 13 janvier 2010, le médecin du travail émet dans le cadre de la visite de reprise un avis d’aptitude avec réserve dans les termes suivants’: «’apte à un essai de reprise à un poste avec un contact réduit avec la clientèle. Me contacter pour toute précision complémentaire. A revoir dans un mois’».
Suite à un entretien avec la direction le 14 janvier 2010, le docteur [X], médecin du travail, propose par courrier du 19 janvier 2010 adressé à la société de revoir Madame [F] en surveillance médicale le 27 janvier 2010. Il propose «’dans l’attente et dans le but de réadaptation’» de «’privilégier un retour progressif à une activité intensive au sein du secteur service clients’». Il préconise, «’le temps de permettre à cette salariée de retrouver ses marques après un long arrêt’», l’aménagement «’temporaire’» suivant’:
«’L’affecter pour l’instant sur les caisses les moins chargées en clientèle.
Travailler plutôt en semaine que les samedis ou dimanches où la fréquentation du magasin est plus intense.
Eviter de la laisser de trop longues périodes en caisse : Coupure de l’activité caisse magasin par tâches type carte de fidélité, par exemple 2 à 3 heures en continue serait un maximum.’»
La société LEROY MERLIN FRANCE produit un courrier de Madame [F] indiquant souhaiter travailler les samedis et dimanches pour des raisons financières conformément à son contrat de travail et non en semaine selon les préconisations du docteur [X].
Par courrier du 22 janvier 2010, la société LEROY MERLIN FRANCE informe le médecin du travail des aménagements du poste de la salariée à mettre en place durant la période d’adaptation tenant en compte notamment de «’la volonté de Madame [F] de reprendre son contrat de travail le samedi et le dimanche’»’:
«’Un temps de pause de 10mn lui sera planifié toutes les 3 heures.
Sa pause déjeuner sera rallongée tout en respectant l’organisation interne du Service Clients et dans la mesure du possible.
Mme [F] aura la possibilité de signaler son souhait de prendre une courte pause à sa responsable si elle en ressent le besoin au cours de son activité et ce, à partir du moment où cela ne met pas en péril l’organisation interne du Service Clients et dans le cadre de la durée liée à sa période de reprise.
Ceci sera mis en place à compter du 30 Janvier 2010 pour une durée d’un mois, afin de privilégier un retour progressif à son activité au sein du secteur Service Clients’».
Le 27 janvier 2010, le médecin du travail émet l’avis suivant’: «’Vue ce jour, aménagement de poste à poursuivre selon préconisations émises antérieurement et complétées par un courrier futur (à revoir dans un mois)’».
Le 24 février 2010, il déclare la salariée «’apte dans les mêmes conditions que préconisées précédemment (éviter les trop longues périodes de caisse et privilégier un enrichissement des tâches par diversification des occupations (carte fidélité, accueil)’».
Le 22 décembre 2010, le médecin du travail renouvelle son avis d’aptitude à la reprise du travail «’sous réserve de diversification des tâches (caisse magasin, carte maison, retour, accueil)’».
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 25 mai 2011 adressé à son employeur (avec copie au médecin du travail), Madame [F] dit occuper uniquement le «’poste caisse magasin’» et relever l’absence de mise en ‘uvre des préconisations du médecin du travail du 22 décembre 2010.
Par courrier du 17 décembre 2011 ayant pour objet «’confirmation de diversification des tâches de Madame [M] [F]’», l’employeur transmet, à la demande du médecin du travail, le détail des tâches réalisées par la salariée les deux mois précédents mentionnant sur toute la période des heures «’en caisses’», «’en carte maison’» et sur des «’activités diverses’».
Par courrier du 23 décembre 2011, le médecin du travail dit «’la diversification des tâches effectuées par cette employée’» «’bien conforme’» à ses «’préconisations’» au regard des éléments apportés par la société.
La salariée rétorque n’avoir été affectée au service d’adhésion « cartes maison » qu’à compter du 20 novembre 2011 et communique pour en justifier un justificatif de remise le 6 novembre 2011 de la carte d’hôtesse permettant la fabrication des cartes magasin (financement) et de transmission des clés d’activation de la carte le 19 novembre 2011.
Dans un courrier recommandé avec accusé de réception du 6 février 2012, Madame [F] réclame à nouveau le respect des préconisations médicales et précise’: «’Il a fallu que je vous envoie un R.A.R datant du 25 mai 2011 où je vous les réclame à nouveau. C’est seulement, à partir de septembre 2011 que j’ai commencé à être formée sur le poste « carte maison ». Je tiens à préciser qu’à ce jour elles ne sont toujours pas respectées entièrement.
Tout laisse penser que tout ce qui est dit à l’oral est non-dit ou n’importe peu’».
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 13 août 2012 adressé à son employeur, Madame [F] dit revenir «’pour la énième fois’» sur son aptitude avec réserves depuis janvier 2010. Elle précise que le lendemain de son retour d’arrêt maladie le 12 août 2012, elle a effectué, sur une amplitude horaire de 8h45, 5h15 en caisse. Elle précise avoir interrogé sa cheffe de secteur qui lui a répondu avoir des difficultés à comprendre le sens des préconisations du médecin du travail. Madame [F] dit avoir le sentiment d’un manque de volonté de sa direction «’à trouver la solution la plus adaptée pour préserver’» sa «’santé’».
Suite à l’arrêt de travail de Madame [F] en juin 2012, le docteur [S], médecin du travail, émet le 14 août 2012 l’avis d’aptitude avec réserves suivant’: «’pas de travail en caisse pendant 2 mois, à revoir à l’issue par le Dr [X]’».
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 18 septembre 2012, la directrice du magasin LEROY MERLIN FRANCE expose à la salariée respecter les restrictions médicales et précise que les plannings ont été validés par le docteur [X], médecin du travail. S’agissant des journées des 11 et 12 août 2012, elle dément le temps en caisse allégué par la salariée et précise que ses horaires étaient les suivants’: le samedi 11 août (9 heures de travail dont 3h15 en caisse et 5h45 en carte maison), et le dimanche 12 août (8 heures de travail dont 4h45 en caisse et 3h15 en carte maison).
Par courrier du 27 septembre 2012 (le lendemain de l’envoi du courrier de convocation à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement), l’employeur indique à la médecine du travail avoir pu organiser le planning de la salariée pour ne pas l’affecter en ligne de caisse mais précise ne pas pouvoir maintenir cette organisation de manière pérenne et sollicite une étude de poste plus approfondie afin de «’trouver une solution durable et satisfaisante aussi bien pour Madame [F] que pour le reste de l’équipe’».
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 12 octobre 2012, la salariée revient sur les préconisations du médecin du travail et souligne que l’organisation de son activité les semaines 40 à 50 de l’année 2011 ne correspondent pas à la réalité de son activité de 2010 ou 2012.
La société LEROY MERLIN France, qui soutient avoir respecté son obligation de sécurité, verse aux débats les pièces suivantes’:
– une attestation du 5 novembre 2014 de Madame [D], responsable service clients, qui indique’: «’Dès le retour de [M] en 2010 ou j’ai occupé la mission d’hôtesse terrain, j’avais pour consigne par ma chef de secteur de la faire remonter en pause à sa demande ([M]) en plus des pauses habituelles accordées par séquence de travail.’»’;
– des tableaux « performance hôtesses’» pour la période du 30 janvier 2010 au 10 octobre 2011 et du 25 mars 2012′;
– une attestation du 22 novembre 2014 de Monsieur [H], employé, qui indique qu’entre janvier 2010 et septembre 2011, Madame [K] pouvait aller en pause lorsqu’elle le demandait’;
– une attestation du 22 novembre 2014 de Madame [E] qui certifie avoir eu entre janvier 2010 et septembre 2011 la consigne de sa cheffe de secteur d’accorder une pause supplémentaire à Madame [F] et lui avoir permis en qualité d’hôtesse terrain de «’prendre de nombreuses pauses supplémentaires lorsqu’elle en faisait la demande’».
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’employeur, s’il a mis en place la possibilité pour la salariée de bénéficier de pauses supplémentaires, ne met en place aucune diversification de ses activités avant le dernier trimestre 2011. Il ne réagit qu’après l’envoi du premier courrier recommandé avec accusé de réception adressé par la salariée en mai 2012 avec copie au médecin du travail. Madame [F] indique elle-même commencer à être formée sur les «’cartes maison’» à compter de septembre 2011. Il est ensuite établi que la carte à puce permettant la fabrication des cartes de financement en magasin n’est remise à la salariée que le 6 novembre 2011.
Il est relevé que le médecin du travail n’exclut pas tout travail en caisse et n’impose pas de pauses supplémentaires mais invite très clairement la société à plusieurs reprises à diversifier l’activité de la salariée de manière à diminuer son activité en caisse.
S’agissant des journées des 11 et 12 août 2012, il est relevé que ce n’est que le 14 août 2012 que le médecin du travail préconise une absence totale de travail en caisse.
Il est en tout état de cause constaté pendant de longs mois une mauvaise volonté de l’employeur dans l’application des préconisations du médecin du travail. Il est en outre établi que la salariée est à nouveau placée en arrêt de travail en juin 2012 et que le médecin du travail, dans son dernier avis médical avant le licenciement, préconise une absence de travail en caisse durant deux mois.
Eu égard au manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, il est octroyé à la salariée, par voie d’infirmation du jugement querellé, la somme de 10’000,00 euros en réparation de son préjudice de ce chef.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail’:
Madame [F] invoque aux termes de ses écritures un «’harcèlement moral’» et une «’discrimination’» ou à tout le moins une exécution déloyale de son contrat de travail et sollicite aux termes de son dispositif la somme de 10’000,00 euros pour exécution déloyale du contrat de travail par application de l’article 1134 ancien du code civil.
La salariée expose tout d’abord que son employeur a volontairement menti à la médecine du travail’; que les plannings adressés par celui-ci au médecin du travail par courrier du 17 décembre 2011 sont des faux ne correspondant pas au poste qu’elle occupait les semaines 40 à 50 de l’année 2011.
La société rétorque avoir respecté son obligation de sécurité. Elle souligne que jusqu’en août 2012, l’état de santé de Madame [F] ne contre-indiquait une affectation en caisse et que les préconisations médicales impliquaient une diversification des tâches et une réduction du temps de caisse. Il se déduit en outre des explications de l’employeur que la diversification des activités de la salariée aurait débuté à compter de la semaine 40 de l’année 2011 (du 3 au 9 octobre 2011)’au cours de laquelle Madame [F] a travaillé au service adhésion «’carte maison’».
La salariée reconnaissant elle-même dans un courrier du 6 février 2012 avoir commencé à être formée à partir de septembre 2011 sur le poste « cartes maison », s’être vu remettre le 6 novembre 2011 la carte d’hôtesse permettant la fabrication des cartes magasin activée à compter du 19 novembre 2011, le caractère douteux des plannings transmis au médecin du travail mentionnant une affectation partielle au service «’cartes maison’» de la semaine 40 à la semaine 50 n’est pas établi.
Madame [F] soutient ensuite que son employeur a sciemment laissé circuler et diffuser un tract indélicat et méprisant à son égard établi par le comité d’entreprise, l’a harcelée disciplinairement en engageant des poursuites disciplinaires pour finalement les abandonner, lui notifiant des rappels à l’ordre injustifiés et en la licenciant de manière abusive. Elle évoque également un refus de faire droit à ses demandes de passage à temps complet.
Elle invoque une rétorsion de son employeur après qu’elle ait, dans le cadre de ses activités syndicales, sollicité des renseignements auprès de la CNIL à propos du dispositif de vidéo-surveillance installé dans les locaux de l’entreprise.
La salariée verse aux débats notamment les pièces suivantes’:
– un tract du syndicat FO rédigé dans ces termes’:
«’ARNAQUE AU COMITE D’ENTREPRISE”
PRIX D’UNE ENTREE PATINOIRE’: 5.00 € (Tarif tous public)
TICKET VENDU PAR LE C.E’: 5.00 €
(prix affiché 5.50 € sur le tableau c.e ‘)
Le carnet de 15 entrés à 50€ = 3,34€ la place !!!!!
Les bénéfices réalisés bénéficient à qui””
Comme le rappel l’article R2323-34 du code du travail Le comité d’entreprise ne doit pas faire de bénéfice pour de telles activités.
Le syndicat FO, nous nous interrogeons sur la bonne utilisation des moyens donnés au CE .
De la même manière nous nous interrogeons sur l’utilisation du budget activités sociales et culturelle n’y aurait il pas confusions des genres ”’»’;
– un communiqué du Comité d’entreprise rédigé dans ces termes’:
«’COMMUNIQUE DE VOTRE CE’
Félicitation’!!!
[M] a trouvé l’intrus du Mois sur le tableau CE. Elle remporte une place de patinoire et le remboursement de la différence soit un chèque de 5€01..’
La solution au jeu a été donnée dans le tract de FO distribué aux’collaborateurs’
QUI SERA LE NOUVEAU GAGNANT”””
Votre CE’»’;
– un chèque du comité d’entreprise à son nom pour un montant de 5,01 euros et un ticket de patinoire à 5,00 euros avec le tampon du Comité d’entreprise’;
– une attestation du 11 février 2012 de Monsieur [P] indiquant avoir vu une «’pile de tracts jettant le discrédit sur Mlle [M] le (blanc)’» et ajoutant que «’cette pile de document se trouvait en libre service en salle de responsable de rayon’»’;
– un courrier recommandé avec accusé de réception du 17 novembre 2011 adressé au directeur du magasin et réceptionné le 30 novembre 2011 dans lequel Madame [F] se plaint de la diffusion du tract par le comité d’entreprise la semaine 44 (du 31 octobre au 6 novembre) et son affichage sur le tableau la nommant directement’; elle relève que si «’la forme semble être humoristique’», le fonds «’n’en reste pas moins sarcastique’» et divulguant une «’fausse nouvelle’»’;
– un courrier recommandé avec accusé de réception du 21 décembre 2011 du directeur du magasin indiquant accuser réception de son courrier du 17 novembre 2011 réceptionné le 30 novembre 2011 et informant la salariée que le document litigieux affiché sur le panneau des activités sociales et culturelles du comité d’entreprise a été retiré début décembre 2011′; le directeur, tout en rappelant le droit d’expression du comité d’entreprise, dit lui avoir rappelé les règles de communication et le fait de ne pas citer le nom d’un collaborateur dans ses communications’;
– un courrier de rappel à l’ordre du 24 décembre 2011 pour des pauses dépassant les 10 minutes autorisées les 22, 23 et 29 octobre 2011, 3 et 10 décembre 2011′;
– un courrier du 27 décembre 2011 de convocation à un entretien préalable prévu le 7 janvier 2012 en vue d’une éventuelle sanction disciplinaire’;
– un courrier recommandé avec accusé de réception du 31 janvier 2012 aux termes duquel l’employeur dit annuler la procédure disciplinaire après réception des justificatifs d’absences les 12, 26, 27 novembre 2011 et 3 et 17 décembre 2011′;
– un courrier du 15 février 2012 du syndicat Force ouvrière (FO) adressé à la salariée après sa demande par courriel du 23 janvier 2012 d’une enquête concernant l’utilisation du dispositif de vidéosurveillance et information de sa prise de contact avec la CNIL et l’inspection du travail pour dénoncer les faits’;
– un courrier du 23 mars 2012 adressé par la CNIL à la salariée l’informant de la déclaration par son employeur du dispositif de vidéosurveillance et précisant que ledit dispositif doit répondre à un objectif de sécurité et ne peut avoir pour objectif la mise sous surveillance d’un employé déterminé ou un groupe d’employés.
Il ressort des éléments du dossier que la salariée a reproché au comité d’entreprise le montant du prix de vente de billets de patinoire (vendus par erreur 5,00 euros au lieu de 3,34 euros)’; que le syndicat FO (dont elle est adhérente) a diffusé un tract accusant le comité d’entreprise de se livrer à une «’arnaque’» et que le comité d’entreprise a répondu à ce tract par le biais d’un communiqué rédigé sous la forme de l’humour mais pointant directement et de manière humiliante et blessante la salariée qui a relevé l’erreur dans le prix de vente des places de patinoire. Par courrier du 21 décembre 2011, l’employeur dit être intervenu début décembre.
La responsabilité de l’employeur dans l’établissement et la diffusion de ce tract n’est pas établie.
La salariée justifie qu’une procédure de licenciement a été engagée à son encontre peu de temps après pour des absences injustifiées puis qu’un courrier de rappel à l’ordre lui a été adressé.
S’agissant de la procédure de licenciement, elle ne conteste pas la réalité des absences mais certifie avoir adressé les justificatifs médicaux. Après la remise par la salariée des justificatifs lors de l’entretien préalable, l’employeur a annulé la procédure de licenciement.
S’agissant du courrier de rappel à l’ordre du 24 décembre 2011, la salariée ne conteste pas la réalité des pauses dépassant 10 minutes. Il est relevé que le médecin du travail ne préconise pas particulièrement le 22 décembre 2010 des pauses supplémentaires pour la salariée mais insiste sur la nécessité de la diversification des tâches.
Au regard de ces éléments et des pièces versés aux débats, la salariée n’établit pas la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral ou d’une discrimination (qui serait en lien avec ses activités syndicales).
La salariée n’invoque aucun autre argument à l’appui de l’exécution déloyale du contrat de travail laquelle n’est pas rapportée.
Le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté Madame [F] de ce chef.
Sur le licenciement pour faute grave :
Il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.
La lettre de licenciement de Madame [F] est ainsi motivée :
« Madame,
Par la présente, nous faisons suite à l’entretien préalable en vue d’une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement qui s’est déroulé le 06/10/12 pour lequel vous avez été convoquée par courrier recommandé avec accusé de réception, qui vous a été présenté le 27 septembre 2012.
Lors de cet entretien, vous étiez assistée de [G] [O].
Voici les griefs que nous avons à votre encontre et qui vous ont été exposés durant cet entretien’:
En date du 1er Aout vous avez effectué un achat que vous avez réglé avec le chéquier de l’entreprise de votre époux et pour lequel vous avez demandé l’édition d’une facture au nom et à l’adresse de l’entreprise de votre époux aux fins de profiter de la remise de 10 % réservée aux collaborateurs ou aux membres de leur famille vivant sous le même toit et à des achats personnels comme le stipule le règlement intérieur de l’entreprise.
En effet, l’article 43.3. « La carte de remise générale Leroy Merlin » du règlement intérieur prévoit les dispositions suivantes :
«’Une carte de remise forfaitaire de 10%, sur tous les achats de produits (quel que soit le prix public annoncé, y compris les promotions, soldes, ventes “flash” etc.) et sur l’ensemble des services de l’entreprise (location de matériel etc.) est attribuée aux collaborateurs de l’entreprise. Cette carte est personnelle. Seule la personne détentrice ou un membre de sa famille vivant sous le même toit peut l’utiliser pour des achats personnels. Toute perte devra être immédiatement t signalée à /a hiérarchie. »
Dispositions que vous pouvez d’autant moins méconnaître du fait de votre emploi d’hôtesse service clients, garante du respect de ces procédures internes lors des encaissements que vous êtes amenée à réaliser dans le cadre de vos fonctions.
D’ailleurs, l’hôte service clients qui a encaissé votre achat a refusé d’éditer la facture au nom et à l’adresse de l’entreprise de votre époux et en a référé à votre chef de secteur qui vous a reçu de manière informelle pour obtenir des explications.
Lors de cette entrevue, votre manager vous a rappelé que la carte collaborateur ne pouvait être utilisée que pour des achats personnels et que de ce fait, la facture ne pouvait être établie au nom d’une entreprise, consigne sur laquelle vous aviez déjà été sensibilisée ; sur ce point vous n’aviez apporté aucune réponse vous contentant d’indiquer que vous pouviez utiliser le moyen de paiement que vous souhaitiez sans vous expliquer sur la demande de facture au nom de l’entreprise de votre mari.
Du fait de cet incident du 1er Aout 2012, nous avons décidé de procéder à une vérification de vos achats avec votre remise collaborateur.
Il s’avère que sur l’ensemble des achats pour lesquels vous avez utilisé votre remise collaborateur, il y avait 19 factures établies au nom de l’entreprise de votre époux entre Décembre 2010 et fin Juillet 2012 dont 6 factures sur le seul mois de Juillet 2012 ; étant entendu que ces achats ont été réalisés sur les 3 magasins Leroy Merlin du bassin marseillais.
Ces achats ne peuvent être qualifiés de personnels comme l’exige expressément le règlement intérieur puisque les factures sont établies non en votre nom personnel mais au nom d’une entreprise.
Lors de l’entretien préalable, vous avez réfuté avoir demandé une facture au nom de l’entreprise de votre mari pour cet achat du 1er Aout 2012 et avez indiqué que l’hôte service clients vous avez en quelque sorte « dénoncé » pour se protéger d’une information personnelle que vous déteniez sur son compte.
En revanche, vous n’avez apporté aucune explication sur la remise collaborateur dont vous avez bénéficié sur les achats précédents alors que les factures sont bien libellées au nom de la société de votre mari.
Vous vous êtes contentée de reconnaître que vous connaissez les règles et que vous aviez d’ailleurs deux cartes distinctes : une pour l’entreprise de votre époux et une personnelle et que c’était votre mari qui avait réalisé lesdits achats.
Les explications que vous nous avez fournies lors de l’entretien ou dans vos courriers reçus postérieurement ne nous ont pas permis d’obtenir de réponse claire à cette question.
Après réflexion et au vu de l’ensemble de ces griefs, nous vous informons que nous sommes amenés à procéder à votre licenciement pour faute grave privative de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité de licenciement.’»
La salariée a donc été licenciée pour faute grave pour avoir fait profiter l’entreprise de son mari des remises forfaitaire de 10% de la carte remise «’collaborateur’» et établir 19 factures au nom de la société de son époux entre décembre 2010 et fin juillet 2012.
A l’appui du grief retenu à l’encontre de la salariée, la société LEROY MERLIN FRANCE produit les documents suivants’:
– le règlement intérieur de l’entreprise du 13 juin 1996 avec notamment l’article 433 relatif à la carte de remise générale LEROY MERLIN indiquant’: «’Une carte de remise forfaitaire de 10%, sur tous les achats de produits (quel que soit le prix public annoncé, y compris les promotions, soldes, ventes “flash” etc.) et sur l’ensemble des services d’entreprise.
Cette carte est personnelle. Seule une personne détentrice ou un membre de sa famille vivant sous le même toit peut l’utiliser pour des achats personnels. Toute perte devra être immédiatement signalée à la hiérarchie.’»’;
– un tableau récapitulant les 19 achats litigieux pour un montant total de 1’342,80 euros dans trois magasins LEROY MERLIN ([Localité 2], [Localité 5] et [Localité 4]) avec le détail des dates entre le 19 décembre 2010 et le 24 juillet 2012, des numéros de factures, des montants, des remises accordées et pour le magasin de [Localité 2] le prénom de la plupart des hôtes ou hôtesses de caisse concernés’;
– six factures à l’en-tête LEROY MERLIN au nom de la société SLK (société de l’époux de la salariée).
La salariée ne conteste pas l’emploi de la carte de remise collaborateur pour des achats effectués par la société SLK de son époux mais expose qu’il s’agissait d’achats pour des travaux à son domicile réalisés par la société unipersonnelle de son époux. Elle pointe en tout état de cause la responsabilité du vendeur dans l’édition de factures au nom de la société sur présentation d’une carte collaborateur.
Madame [F] verse aux débats les pièces suivantes’:
– une attestation du 2 novembre 2012 émanant de Monsieur [U], hôte service clients, qui indique ne jamais avoir eu connaissance de l’impossibilité de facturer les achats d’un collaborateurs sous un «’nom différent de celui de la carte maison collaborateur’»’;
– un contrat de construction d’une maison d’habitation du 25 novembre 2011 entre Monsieur et Madame [F] d’une part et l’EURL SLK d’autre part’;
– une attestation du 25 octobre 2012 de Monsieur [L], expert-comptable, indiquant que l’EURL SLK, représentée par Monsieur [Z] [F], gérant, est «’au vu des documents’» en sa «’possession’» «’bien mandatée pour réaliser une maison d’habitation pour Mr et Mme [F]’»’;
– des relevés de compte d’août, septembre et novembre 2012 de l’EURL SLK faisant état de trois remises de chèques (19’535,00 euros le 7 août 2012, 12’199,20 euros le 11 octobre 2012 et 18’567,90 euros le 16 novembre 2012) et des factures à l’en-tête SLK et au nom de «’M et Mme [F]’» mentionnant les mêmes montants (avec ou sans TVA)’;
– le compte-rendu de l’entretien préalable au licenciement du 6 octobre 2012 établi par Monsieur [G] [A], délégué syndicale Force ouvrière.
Au regard de ces éléments, il ressort que les agissements reprochés sont matériellement établis’; que le règlement intérieur des établissements LEROY MERLIN précise très clairement que la carte de remise collaborateur ne peut être utilisée que pour des achats personnels et seulement par une personne détentrice ou un membre de sa famille vivant sous le même toit’; que l’établissement de factures au nom de la société SLK permettait de récupérer la TVA.
Le grief, qui est caractérisé et répété dans le temps, constitue un comportement fautif de la salariée justifiant son licenciement.
L’employeur, tenu d’agir dans un délai restreint, a laissé s’écouler un délai de plus d’un mois et demi entre la connaissance des faits fautifs invoqués et l’engagement de la procédure de licenciement, Madame [F] continuant d’exercer ses fonctions sans mise à pied conservatoire. Ce délai n’est pas compatible avec l’allégation d’une faute grave, les faits ne rendant manifestement pas impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.
Il convient de dire en conséquence que la faute grave ne peut être retenue en l’espèce.
La faute commise par la salariée constituait par contre une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Il convient dès lors par confirmation du jugement entrepris de débouter Madame [F] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La demande de requalification à temps plein ayant été rejetée, le salaire de référence sera fixé au regard des pièces figurant au dossier à la somme de 1’025,33 euros brut (salaire des trois derniers mois précédant l’arrêt maladie de juin 2012 au 10 août 2012). L’ancienneté de la salariée fixée par les premiers juges à 9 ans n’est pas contestée.
Il convient par conséquent de condamner la société LEROY MERLIN FRANCE au paiement des sommes suivantes’:
– 2’050,66 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 205,06 euros au titre des congés payés afférents,
– 1’845,59 euros à titre d’indemnité de licenciement.
Sur la demande reconventionnelle de remboursement des sommes réglées au titre de l’exécution provisoire’:
En vertu de l’article L 111-10 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, l’exécution est poursuivie aux risques du créancier. Celui-ci rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié.
La décision rendue en appel venant modifier celle de première instance et se substituant à celle-ci, elle constitue un titre exécutoire permettant de poursuivre les éventuelles restitutions.
La demande formée par la société LEROY MERLIN FRANCE aux fins de restitution des sommes acquittées par elle dans le cadre de l’exécution provisoire du jugement querellé est donc dénuée d’objet, le présent arrêt valant titre exécutoire.
Sur les intérêts’:
En l’espèce faute d’indication, dans les dossiers fournis par les parties et dans celui envoyé par le conseil des prud’hommes, de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation, les créances salariales objets de la demande initiale ont été connus de l’appelante lors de la tentative de conciliation du 7 février 2013, qui est donc, pour ces créances, la date de départ des intérêts légaux.
Il y a lieu d’infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, Madame [F] partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Les demandes de l’ensemble des parties présentées à ce titre seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu’il a’:
– requalifié le contrat de travail à temps partiel de Madame [M] [J] épouse [F] en contrat à temps complet à partir du 15 janvier 2006,
– condamné la société LEROY MERLIN FRANCE à la somme de 10’789,22 euros brut à titre de rappel de salaire sur la base d’un temps complet, outre 1’078,92 euros brut à titre des congés payés afférents,
– débouté Madame [M] [J] épouse [F] de sa demande de dommages et intérêts pour violation des articles L.’4121-1 et suivants du code du travail,
– s’agissant des quanta de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l’indemnité de licenciement,
– condamné la société LEROY MERLIN FRANCE aux dépens et à payer à Madame [M] [J] épouse [F] 1500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
DEBOUTE Madame [M] [J] épouse [F] de sa demande de requalification des contrats de travail à temps partiel en un contrat à temps complet et des rappels de salaire afférents et congés payés afférents,
CONDAMNE la société LEROY MERLIN FRANCE à payer Madame [M] [J] épouse [F] les sommes suivantes’:
– 10 000,00 euros de dommages et intérêts pour violation des articles L.’4121-1 et suivants du code du travail,
– 2’050,66 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 205,06 euros au titre des congés payés afférents,
– 1’845,59 euros à titre d’indemnité de licenciement,
DIT que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter du 7 février 2013 et les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision,
CONSTATE que la demande de la société LEROY MERLIN FRANCE en paiement de la somme de 17 076,82 euros est sans objet par suite de l’infirmation partielle du jugement entrepris,
RAPPELLE que le présent arrêt constitue un titre exécutoire permettant de poursuivre les éventuelles restitutions,
CONDAMNE Madame [M] [J] épouse [F] aux dépens de première instance et d’appel,
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
DEBOUTE les parties des demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Le greffier Le président