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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 4
ARRÊT DU 16/03/2023
N° de MINUTE : 23/255
N° RG 22/01552 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UGEW
Jugement (N° 20/00002) rendu le 21 Février 2022 par le Tribunal paritaire des baux ruraux d’Avesnes sur Helpe
APPELANTE
Madame [L] [X]
née le 21 Octobre 1960 à [Localité 4] – de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean-Pierre Congos, avocat au barreau de Douai, assisté de Me Doyer, avocat au barreau d’Avesnes sur Helpe
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/22/004373 du 13/05/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai)
INTIMÉS
Monsieur [P] [X]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 6]
Non Comparant, ni représenté
Monsieur [N] [K]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Patrick Houssière, avocat au barreau d’Avesnes sur Helpe substitué par Me Olivier Launay, avocat au barreau d’Avesnes sur Helpe
DÉBATS à l’audience publique du 19 janvier 2023 tenue par Véronique Dellelis et Emmanuelle Boutié, magistrates chargées d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, ont entendu les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Véronique Dellelis, président de chambre
Emmanuelle Boutié, conseiller
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Suivant acte sous seing privé en date du 28 avril 2007, enregistré le 5 juillet 2007, Mme [F] [X] épouse [O] a donné à bail à M. [N] [K] des parcelles agricoles sises commune de [Localité 4] (Nord), cadastrées n°[Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 7] pour une contenance de 2ha 29a 58ca.
Mme [F] [X] épouse [O] est décédée le 6 septembre 2011.
Suivant requête enregistrée au greffe le 9 janvier 2020, Mme [L] [X] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d’Avesnes-sur-Helpe d’une demande de résiliation de bail pour non paiement de fermages.
Il a été procédé à la tentative de conciliation lors de l’audience non publique du 7 septembre 2020 et aucun accord n’a pu être trouvé. L’affaire a été renvoyée en audience de jugement.
A l’audience, M. [P] [X] est intervenu volontairement à l’instance. Mme [L] [X] et M. [P] [X] ont sollicité la condamnation de M. [N] [K] au paiement des sommes suivantes:
– la somme de 2 450,03 euros au titre des fermages de 2016 à 2020;
– la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 21 février 2022,auquel il est expressément renvoyé pour un exposé complet de la procédure antérieure au jugement et des demandes et moyens des parties, le tribunal paritaire des baux ruraux d’Avesnes-sur-Helpe a:
– déclaré irrecevable la demande présentée par Mme [L] [X],
– condamné Mme [L] [X] et M. [P] [X] aux dépens de l’instance,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Mme [L] [X] a interjeté appel de cette décision, la déclaration d’appel visant l’ensemble des dispositions du jugement entrepris.
Lors de l’audience devant cette cour, Mme [X], représentée par son conseil, soutient ses conclusions déposées lors de l’audience par lesquelles elle demande à cette cour d’infirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux d’Avesnes-sur-Helpe en date du 21 février 2022 et demande à la cour, statuant à nouveau de:
– prononcer la résiliation pour non-paiement du bail rural consenti à M. [N] [K],
– le condamner à payer la somme de 2 450,03 euros correspondant aux fermages de 2016 à 2020,
– condamner M. [N] [K] au paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– condamner M. [K] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Mme [X] fait essentiellement valoir que M. [K] ne s’acquitte pas du paiement du fermage depuis de nombreuses années et qu’il reconnaît tacitement devoir ces loyers se décomposant ainsi qu’il suit:
– 487,82 euros pour l’année 2020,
– 485,18 euros pour l’année 2019,
– 477,26 euros pour l’année 2018,
– 492,22 euros pour l’année 2017,
– 507,55 euros pour l’année 2016.
Lors de l’audience devant cette cour, M. [N] [K], soutient ses conclusions déposées lors de l’audience par lesquelles il demande à cette cour de:
– dire bien jugé mal appelé,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a:
* déclaré irrecevable la demande présentée par Mme [L] [X],
* condamné Mme [L] [X] et M. [P] [X] aux dépens de l’instance,
– débouter Mme [L] [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– débouter Mme [X] de sa demande de résiliation de bail; la procédure de l’article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime n’ayant pas été respectée,
– débouter Mme [X] de sa demande en paiement des fermages, celle-ci ne justifiant pas être créancière de M. [K] et ne justifiant pas précisément de sa créance de fermages,
– condamner Mme [X] à payer à M. [K] une indemnité procédurale justement fixée à la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés devant la cour,
– condamner Mme [X] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
M. [K] fait valoir essentiellement que les parcelles objets du litige sont en indivision successorale et qu’en application des dispositions de l’article 815-3 du code civil, Mme [L] [X] n’a pas qualité pour représenter l’indivision successorale, l’intervention en justice de l’ensemble des indivisaires étant nécessaire dans le cadre de la présente action en justice et Mme [X] n’étant pas titulaire de 2/3 des droits indivis.
En outre, M. [K] expose qu’il n’a pas été destinataire d’une mise en demeure prévue par les dispositions de l’article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime.
Enfin, il soutient que la demande de Mme [X] est irrecevable dans la mesure où les loyers réclamés sont prescrits et précise qu’il n’a jamais été destinataire d’avis de fermage depuis 2011 de sorte que la demande de condamnation au paiement de fermages n’est pas fondée au regard des dispositions de l’article 1353 du code civil.
Il est pour le surplus renvoyé aux écritures des parties pour un exposé complet de leurs moyens et arguments.
SUR CE ,
Sur la recevabilité de l’action
Aux termes des dispositions de l’article 815-3 du code civil, le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis, peuvent, à cette majorité:
1°Effectuer les actes d’administration relatifs aux biens indivis;
2°Donner à l’un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d’administration;
3°Vendre des biens indivis pour payer les dettes et charges de l’administration;
4°Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.
Ils sont tenus d’en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.
Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas de l’exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°.
Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d’administration et non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux.
Enfin, il résulte des dispositions de l’article 126 du code de procédure civile que dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si la cause a disparu au moment où le juge statue.
Des indivisaires, titulaires des deux tiers des droits indivis, sont recevables à intenter une action en résiliation d’un bail rural qui ressortit à l’exploitation normale des biens indivis (Cass 3èmeciv, 29 juin 2011).
Il résulte de l’attestation établie par Maître [B] [V], notaire à [Localité 10], le 24 novembre 2011 que Mme [U] [O] Veuve [X] a laissé pour lui succéder:
– Mme [L] [X], sa fille,
– M. [Y] [X], son fils,
– Mme [M] [X], Mme [A] [X] et M. [P] [X], ses petits-enfants venant en représentation de M. [N] [X], leur père, décédé le 31 octobre 1988, son fils.
En outre, il ressort des pièces produites aux débats que Mme [A] [X] épouse [Z] a renoncé à la succession de Mme [F] [O] par courrier réceptionné au greffe du tribunal de grande instance d’Avesnes-sur-Helpe le 26 décembre 2017 et que Mme [X] a renoncé à la succession de Mme [F] [O] par courrier réceptionné au greffe de la même juridiction le 17 mai 2018.
Alors que l’action tendant à voir prononcer la résiliation du bail rural a été engagée par Mme [L] [X] seule, force est de constater que M. [P] [X] est intervenu volontairement à l’instance devant le tribunal en s’associant à la demande de résiliation de bail formulée par Mme [L] [X] de sorte que l’action a été régularisée par deux indivisaires titulaires des deux tiers des droits indivis au jour où le tribunal paritaire des baux ruraux a statué.
En conséquence, il y a lieu de déclarer recevable l’action engagée par Mme [L] [X].
Le jugement entrepris sera donc infirmé en toutes ses dispositions.
Sur le fond
Aux termes des dispositions de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, les conventions légalement conclues tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
L’article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime dispose que sauf dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L.411-32 et L.411-34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s’il justifie de l’un des motifs suivants:
1° Deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition;
Alors que Mme [X] ne produit aux débats qu’un courrier en date du 30 juillet 2019 produit en original, adressé à M. [K] aux termes duquel elle sollicite la résiliation du bail sans que ce dernier ne puisse s’analyser en une mise en demeure de régler des fermages impayés et sans justifier de la réalité de son envoi à son destinataire, ainsi qu’un commandement de payer les fermages délivré par acte d’huissier de justice en date du 21 juin 2021, soit au cours de la présente instance engagée le 9 janvier 2020, elle ne justifie pas de l’existence de deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure délivrée conformément à l’article précité.
En conséquence, Mme [X], qui ne justifie pas ainsi du motif de résiliation invoqué, sera déboutée de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de M. [K].
Sur les autres demandes
Il résulte des articles 1382 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, qu’une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s’être défendue que si l’exercice de son droit a dégénéré en abus. L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’étant pas, en soi, constitutive d’une faute, l’abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.
En l’espèce, aucun élément au dossier ne permet de caractériser un comportement de l’appelante ayant dégénéré en abus de sorte que M. [K] sera débouté de sa demande indemnitaire à ce titre.
Mme [L] [X], partie perdante, sera condamnée à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel
Il n’apparaît pas inéquitable de la condamner à verser à M. [K] la somme de
1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déclare recevable la demande en résiliation de bail formée par Mme [L] [X],
Déboute Mme [L] [X] de l’ensemble de ses demandes,
Y ajoutant,
Déboute M. [N] [K] de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive,
Condamne Mme [L] [X] à verser à M. [N] [K] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles,
Condamne Mme [L] [X] aux entiers dépens.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Véronique DELLELIS