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N° RG 21/02066 – N° Portalis DBVM-V-B7F-K3PQ
C1
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SELARL CABINET ERICK ZENOU AVOCATS ET ASSOCIES
la SCP PYRAMIDE AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 21 MARS 2023
Appel d’un Jugement (N° R.G. 19/00895)
rendu par le Tribunal judiciaire de VIENNE
en date du 01 avril 2021
suivant déclaration d’appel du 04 Mai 2021
APPELANT :
M. [J] [B]
né le 27 mai 1951 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 4]
représenté par Me Erick ZENOU de la SELARL CABINET ERICK ZENOU AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de VIENNE postulant et plaidant par Me Fabrice PAGANELLI, avocat au barreau de CHAMBERY
INTIMÉS :
M. [O] [G]
né le 13 août 1984 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 1]
38780 [Localité 8]
Mme [S] [C]
née le 29 janvier 1982 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 1]
38780 [Localité 8]
représentés par Me Noëlle GILLE de la SCP PYRAMIDE AVOCATS, avocat au barreau de VIENNE postulant et plaidant par Me Pamela GUICHARD, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, présidente,
Mme Joëlle Blatry, conseiller,
Mme Véronique Lamoine, conseiller,
Assistées lors des débats de Anne Burel, greffier
DÉBATS :
A l’audience publique du 06 février 2023, madame Lamoine, conseiller, a été entendue en son rapport.
Les avocats ont été entendus en leurs observations.
Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par acte notarié du 31 mars 2003, les consorts [L] ont vendu aux époux [J] [B] et [M] [A] mariés sous le régime de la séparation de biens une parcelle AH [Cadastre 6] sur le territoire de la commune d'[Localité 8] ; ils ont, par le même acte, consenti une servitude de passage à titre réel et perpétuel au bénéfice de la parcelle [Cadastre 6] vendue, sur la parcelle contiguë n° AH [Cadastre 7] dont ils se réservaient la propriété. La clause de l’acte intitulée “Constitution de servitude de passage” vise un plan joint et annexé à l’acte sur lequel l’assiette de la servitude figure en pointillé.
Cet acte a été publié le 23 mai 2003 à la conservation des hypothèques de [Localité 13], dans sa version simplifiée et sans le plan annexé.
M. [B] possède depuis 2007 suite au décès de son épouse l’usufruit de 90 % de la parcelle AH [Cadastre 6] et la pleine propriété des 10 % restants.
Par acte notarié du 24 août 2016, les consorts [L] ont vendu à M. [O] [G] et Mme [S] [C] la parcelle AH [Cadastre 7] grevée de la servitude, l’acte rappelant, en page 16, la servitude précédemment instaurée, (et le même plan que ci-dessus figurant en annexe de l’acte en page 188). En page 189 au titre des annexes du même acte figure un autre plan établi par M. [W] [K] géomètre-expert portant comme référence “Dossier n° 91.6165″.
En août 2018, M. [G] et Mme [C] ont souhaité clore leur propriété et une discussion s’est alors instaurée entre les parties, par l’intermédiaire de leurs notaires respectifs, sur l’assiette du droit de passage. Cette discussion portait en particulier sur le droit ou non de M. [B] et de ses ayants droit, en l’occurrence ses locataires, d’accéder à la parcelle AH [Cadastre 6] par l’angle sud-ouest de celle-ci, M. [G] et Mme [C] soutenant que, selon le plan dressé par M. [K], cet accès devrait se faire par le milieu de la partie sud de cette parcelle, entre les deux constructions édifiées sur cette dernière.
En l’absence de tout accord, M. [G] et Mme [C] ont posé des barrières empêchant l’accès des locataires de M. [B] par l’angle sud-ouest de la parcelle AH [Cadastre 6].
Par acte du 10 juillet 2019, M. [B] a assigné M. [G] et Mme [C] devant le tribunal de grande instance de Vienne pour voir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
dire et juger que l’assiette de la servitude constituée par l’acte notarié du 31 mars 2003 est matérialisée par le plan dressé par Mme [T] géomètre expert le 18 février 2003 et annexé à l’acte,
dire et juger que l’absence de tracé du dernier virage n’est pas de nature à rendre ce plan inutilisable pour définir le tracé de la servitude, ou à permettre au propriétaire du fonds servant de clôturer à l’extrémité du dernier trait sur le plan, en vertu de l’exécution de bonne foi des conventions, et du principe que le débiteur de la servitude a l’obligation d’en permettre l’exécution,
dire et juger que l’assiette de la servitude de passage a été irrégulièrement obstruée par M. [G] et Mme [C],
les condamner conséquent, sous astreinte de 100 € par jour d’infraction constatée, à laisser libre la surface affectée à la servitude de passage telle que décrite au plan annexé à l’acte constitutif,
les condamner à lui régler la somme de 3 000 € en réparation des préjudices annexes sur le fondement du trouble anormal de voisinage ainsi qu’une indemnité de procédure.
M. [G] et Mme [C] se sont opposés à ces demandes, en soutenant que l’assiette de la servitude était constituée par le plan figurant en page 189 de leur acte de vente, et en se prétendant légitimes à se clore au-delà de la limite prévue par ce plan.
Par jugement du 1er avril 2021, le tribunal judiciaire de Vienne a :
constaté que la servitude s’arrête au niveau de la limite du bâtiment Ouest de la parcelle [B], conformément au tracé réalisé par Mme [T],
débouté en conséquence M. [B] de l’ensemble de ses prétentions
rejeté les demandes reconventionnelles de M. [G] et Mme [C],
condamné M. [B] aux dépens et à payer à M. [G] et Mme [C] une indemnité de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
ordonné l’exécution provisoire.
Par déclaration au greffe en date du 4 mai 2021, M. [B] a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions récapitulatives notifiées le 25 novembre 2021, il demande à cette cour de :
Réformer partiellement le Jugement du 1 er avril 2021,
Dire et juger que la parcelle située à [Localité 8] cadastrée n° [Cadastre 7] appartenant à M. [O] [G] et Mme [S] [C] est redevable d’une servitude conventionnelle de passage en application de l’acte authentique du 31 mars 2003 reçu par Me [E], notaire, publié à la Conservation des Hypothèques de [Localité 13] le 23 mai 2003 (Volume n° 2003P, n° 3336), au bénéfice de la parcelle n° [Cadastre 6] dont Monsieur [B] est usufruitier à 90 % et propriétaire de 10 %,
Dire et juger que l’assiette de cette servitude est constituée par le plan dressé par Mme [Z] [T], géomètre-expert, le 18 février 2003, annexé à l’acte du 31 mars 2003 et qui indique précisément ”Servitude de passage au profit du lot vendu”, outre le virage débouchant sur le chemin situé à l’ouest de la parcelle [Cadastre 6].
Réformant le Jugement :
Dire et juger que l’absence de tracé du dernier virage n’est pas de nature à rendre le plan du 18 février 2003 inutilisable pour définir le tracé de la servitude ou à permettre au propriétaire du fonds servant de clôturer à l’extrémité du dernier trait sur le plan, en retenant que le principe d’exécution de bonne foi de la convention veut que le débiteur de la servitude permette l’exécution de cette servitude qu’il a consentie en validant le virage tant que ce virage ne sort pas de ce qui est nécessaire au passage, et que l’article 696 du code civil dispose que ”Quand on établit une servitude, on est censé accorder tout ce qui est nécessaire pour en user”, soit le dernier virage, en l’espèce,
Dire et juger que cette servitude de passage a été irrégulièrement obstruée et remise en question par les consorts [O] [G] et [S] [C],
Condamner les consorts [O] [G] et [S] [C] sous astreinte de 100 euros par jour d’infraction constatée à compter de la signification du Jugement à intervenir, à laisser libre la surface affectée à la servitude de passage, telle que décrite dans le plan établi par Mme [Z] [T] le 18 février 2003 et annexé à l’acte notarié du 23 mai 2003, outre le virage débouchant à l’ouest de la parcelle [Cadastre 6],
Condamner les consorts [O] [G] et [S] [C] à payer à M. [J] [B] la somme de 3 000 € au titre des préjudices annexes, sur le fondement du trouble anormal de voisinage.
Confirmant le Jugement :
Rejeter l’ensemble des demandes reconventionnelles des consorts [O] [G] et [S] [C], y compris la demande fondée sur l’article 6-1 de la Loi du 6 juillet 1989.
Condamner les consorts [O] [G] et [S] [C], sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, à :
Ramener la hauteur des arbres plantés en limite de propriété à la hauteur maximum de 2 mètres, en application de l’article 671 du Code Civil,
Couper les branches qui avancent sur la propriété de M. [B], en
application de l’article 673 du Code Civil.
Condamner les consorts [O] [G] et [S] [C] à payer à M. [J] [B] la somme de 3 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui seront distraits au profit de la SELARL CABINET ERICK ZENOU & ASSOCIES, avocats au barreau de VIENNE, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Il fait valoir :
que les demandes contenues dans le dispositif de ses conclusions et commençant par “dire et juger” sont entièrement conformes aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile et qu’il n’y a pas lieu de les déclarer irrecevables,
que ses demandes nouvelles relatives à la taille des arbres ne sont pas davantage irrecevables au regard de l’article 566 du code de procédure civile dès lors qu’elles concernent un complément d’un litige entre mêmes voisins,
que le tribunal a justement retenu que l’assiette de la servitude était déterminée par le plan dressé par Mme [T], annexé à l’acte constitutif servitude et publié comme tel à la conservation des hypothèques, et qui lui est seul opposable
que le plan annexé en page 189 de l’acte d’acquisition de leur parcelle par M. [G] et Mme [C], auquel il n’était pas partie, ne lui est en rien opposable,
qu’à l’origine, M. [G] et Mme [C] ne contestaient pas du tout l’assiette de la servitude, mais que ce n’est qu’en 2019 et après qu’il se soit opposé à leur intention de fermer l’entrée du passage, qu’ils ont élevé cette contestation par mesure de rétorsion,
qu’en revanche le tribunal ne pouvait retenir que la servitude s’arrêtait stricto sensu à la fin des pointillés indiqués sur le plan,
qu’il ne s’agit pas, en effet, de revendiquer une extension de l’assiette, mais d’interpréter la commune intention des parties à l’acte de constitution de servitude,
que l’absence de matérialisation du virage terminant l’assiette sur le plan annexé ne signifie pas que la servitude devait s’arrêter précisément là, faute de quoi aucun accès réel n’aurait été instauré, mais ce tracé, certes incomplet, laissait latitude aux parties pour finaliser techniquement le virage de nature à permettre l’accès à sa propriété,
que la photo aérienne produite par les intimés (leur pièce n° 6) montre bien la cohérence de sa demande avec la configuration des lieux, le chemin d’accès initial se terminant naturellement par un virage à l’angle de sa parcelle pour se poursuivre, sur sa propriété, par un chemin gravillonné menant au garage-abri-bois,
que telle était bien la commune intention des parties à l’acte, ce qu’illustre la circonstance que, entre la vente [L]-[B] en 2003 instaurant la servitude, et jusqu’à l’année 2019 où M. [G] et Mme [C] ont manifesté leur désaccord sur ce point, l’accès s’est toujours fait de cette manière pour rejoindre le chemin que lui-même et son épouse avaient aménagé sur leur parcelle, sans que les consorts [L], qui étaient restés propriétaires du fonds servant jusqu’en 2016, expriment la moindre contestation,
que la commune intention des parties est encore corroborée par l’attestation de M. [P] [L] selon laquelle : “M. [B] a toujours bénéficié du passage pour sa propriété sur le chemin jusqu’à l’allée qui mène au garage en bois situé sur le côté”,
qu’en clôturant indûment le chemin au niveau de l’espace entre les deux constructions existant sur la parcelle [Cadastre 6] en violation de l’accord des parties à l’acte de constitution de servitude, M. [G] et Mme [C] lui causent un préjudice de jouissance obligeant à accéder de façon temporaire entre ces deux constructions, et à transporter manuellement le bois jusqu’à l’abri conçu pour l’abriter,
que les occupants de sa propriété n’ont en rien obstrué l’assiette du passage par le stationnement de véhicules tant que l’assiette contractuelle était respectée,
que ce n’est que depuis que M. [G] et Mme [C] ont fermé indûment le passage que le stationnement sur sa parcelle est devenu très compliqué,
que la demande reconventionnelle de M. [G] et Mme [C] fondée sur les dispositions de l’article 6-1 modifié de la loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs n’est pas fondée, aucun non-respect de l’obligation d’user paisiblement des lieux loués n’ayant été constaté judiciairement, et aucun trouble de voisinage n’étant effectivement établi.
M. [G] et Mme [C], par uniques conclusions notifiées le 4 août 2021, demandent à la cour de :
1/ déclarer irrecevables :
l’ensemble des demandes de M. [B] commençant par “dire et juger” dans la mesure où celles-ci ne sont pas des prétentions mais un rappel des moyens invoqués,
les demandes nouvelles en cause d’appel de ce dernier concernant la taille des arbres en application des dispositions d’une part de l’article 564 du code de procédure civile, d’autre part de l’article 750-1 du même code en l’absence de tentative de conciliation préalable,
2/ sur le fond :
confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a :
retenu le plan de Mme [T] prévoyant la servitude avec le tracé le plus long,
rejeté leurs demandes reconventionnelles.
Ils demandent à la cour, statuant à de nouveau, de :
constater que la servitude s’arrête au milieu des deux bâtiments édifiés sur la parcelle du fonds dominant conformément au plan en page 189 de leur acte d’acquisition de 2016,
juger qu’ils subissent un trouble anormal de voisinage en raison du comportement intentionnellement nuisible de M. [B] et de son locataire,
par conséquent, condamner M. [B] :
à ne pas stationner ses véhicules, lui-même ou tous ses ayants cause et ayants droit, sur leur parcelle n° [Cadastre 7] sous astreinte de 500 € par infraction constatée passé le délai de quinze jours de la signification de l’arrêt à intervenir,
à mettre en oeuvre les procédures nécessaires à l’encontre de ses locataires pour mettre fin au harcèlement dont eux-mêmes sont victimes, sous astreinte de 500 € par jour de retard,
à leur payer les sommes de :
2 000 € à titre de dommages-intérêts pour trouble anormal de voisinage,
3 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
3 000 € au titre des frais liés à la pollution de leur potager,
8 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir, sur le fond :
que le seul plan fixant l’assiette de la servitude de passage est celui figurant en page 189 de l’acte d’acquisition de leur propriété, le plan figurant en page 188, sur lequel le tracé de la servitude s’arrête dans le fonds servant, ne concernant que la seconde servitude prévue à l’acte pour accéder au regard pour l’égout faute de quoi il n’aurait aucun sens,
que le plan revendiqué par M. [B] ne leur est pas opposable car il n’a pas fait l’objet d’une publication foncière avec l’acte lui-même,
que, certes le plan invoqué par M. [B] comme annexé à l’acte de constitution de servitude prête à confusion, dès lors que le tracé figurant en pointillé y est légendé comme “servitude de passage au profit du lot vendu”,
mais que même à retenir ce plan invoqué par M. [B], le tracé qu’il comporte ne correspond pas à l’emprise de servitude revendiquée par ce dernier,
qu’en effet, M. [B] demande une extension de la servitude au-delà du tracé, en y adjoignant un virage non mentionné au plan lui permettant d’accéder au chemin situé à l’Ouest de sa parcelle,
que cette extension lui a été à bon droit refusé par le premier juge, dès lors qu’elle irait au-delà de la commune intention des parties,
que si par extraordinaire, la cour considérait que les plans annexés aux actes de vente ne sont pas clairs et qu’ils doivent être interprétés, il convient de s’en référer aux textes qui prévoient que le passage doit être pris du côté où le trajet est le plus court et le moins dommageable pour le fonds servant, ce qui conduit à confirmer le tracé invoqué par eux, qui mène directement à la propriété [B],
que dès lors qu’ils respectent la limite de l’assiette de la servitude, ils sont parfaitement en droit de se clore,
que les locataires de M. [B] leurs causent des troubles anormaux de voisinage (déversement de bois et stationnement de véhicules sur leur terrain, propos diffamatoires sur Facebook, huile de vidange répandue dans leur potager bio, installation d’une mare d’eau en limite de propriété propageant des moustiques) et M. [B] n’exerce pas les devoirs de propriétaire qui lui incombent pour faire cesser ces troubles.
L’instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 10 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les moyens tirés de l’irrecevabilité de certaines demandes
# Sur les demandes commençant par : ‘dire et juger que’
S’il est exact que certaines des demandes de M. [B] contenues dans le dispositif de ses conclusions et commençant par la formule : ‘dire et juger que’ relèvent davantage de moyens invoqués à l’appui de ses demandes que de véritables prétentions, en revanche certaines autres, telle que, par exemple, celle tendant à voir fixer la servitude de passage selon le plan de Mme [T], sont de véritables prétentions au sens des articles 4 et 954 alinéa 3 du code de procédure civile.
Il ne peut donc être fait droit à la demande générale de M. [G] et Mme [C] tendant à voir déclarer irrecevable l’ensemble des demandes adverses commençant par la formule : ‘dire et juger que’, et la cour n’examinera, au fond que les demandes constituant de véritables prétentions.
# sur les demandes additionnelles tendant à voir ramener la hauteur des arbres et couper des branches
Ces demandes n’avaient pas été formulées par M. [B] devant le premier juge. Elles ne sont recevables à être formées pour la première fois en cause d’appel que si elles répondent aux conditions des articles 564 à 566 du code de procédure civile.
Tel n’est pas le cas en l’espèce, ces réclamations relatives à la taille de plantations proches de la limite séparative de propriétés n’ayant pas pour objet d’opposer compensation, de faire écarter les prétentions adverses, de faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait en lien avec le litige initial au sens de l’article 564 ; elles ne tendent pas non plus aux mêmes fins que celles formées en première instance qui ne concernaient que le rétablissement d’une servitude ni n’en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire au sens des articles 565’et 566. Il n’est, en effet, pas allégué par M. [B] que le débordement de ces plantations obstruerait l’assiette du passage revendiqué ou en compliquerait l’accès, mais seulement qu’il constituerait des mesures de rétorsion de M. [G] et Mme [C] gênant l’utilisation de leur piscine par ses locataires.
Ces demandes sont donc irrecevables dans le cadre de l’instance devant cette cour en application des articles sus- visés.
Sur les demandes relatives à la servitude de passage
M. [G] et Mme [C] ne discutent pas le principe d’une servitude de passage au profit de la parcelle cadastrée [Cadastre 6] appartenant à M. [B] (fonds dominant) sur leur parcelle [Cadastre 7] (fonds servant), servitude constituée par l’acte du 31 mars 2003 par lequel M. [B] a acquis la parcelle [Cadastre 6] des époux [L] lesquels, se réservant la propriété de la parcelle [Cadastre 7] après partage de leur ancienne parcelle [Cadastre 5], consentaient dans le même acte un droit de passage sur le bien conservé au profit du bien cédé qui se trouvait alors enclavé.
Le différend entre les parties porte sur l’assiette de cette servitude conventionnelle, et c’est le point qu’il convient donc d’examiner maintenant.
# sur l’assiette de la servitude
Ainsi qu’il a été rappelé plus haut, l’acte de vente du 31 mars 2003 constitutif de la servitude énonce, dans le paragraphe en page 5 concernant cette servitude, ‘que l’assiette de celle-ci figure en pointillés sur le plan demeuré ci-joint et annexé’.
Si le plan ainsi visé et annexé n’a certes pas été inclus dans la publication de l’acte de vente en sa version simplifiée au Service de la publicité foncière de [Localité 13] en date du 23 mai 2023, il résulte néanmoins d’un courrier en date du 4 juin 2019 (pièce n° 6 de M. [B]) d’un des notaires titulaires de l’étude ayant reçu cet acte que le seul plan qui lui était annexé est celui établi par Mme [Z] [T], géomètre expert, et portant les paraphes des parties à l’acte.
Sur ce plan de Mme [T], figure un tracé en double ligne pointillée, partant de la parcelle [Cadastre 2] indivise constituant un chemin d’accès, traversant en arrondi la parcelle [Cadastre 7] et se terminant dans cette parcelle, le long de la limite séparative d’avec la parcelle [Cadastre 6], l’interruption de la double ligne pointillée étant proche de l’angle Sud-Ouest de cette dernière parcelle. Ce tracé est, en outre, clairement légendé de la manière suivante à l’aide d’une flèche : ‘servitude de passage au profit du lot vendu’. Enfin, sur ce même plan, les deux parcelles [Cadastre 6] et [Cadastre 7] sont respectivement légendées comme étant, la première, la : ‘partie cédée à Mme [B] [M]’, la seconde comme le : ‘surplus conservé par les consorts [L]’.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que c’est bien ce plan qui reflète, sans contestation possible, la commune intention des parties à l’acte du 31 mars 2003 constitutif de la servitude quant à l’assiette de celle-ci, et non pas le plan figurant en page 189 de l’acte d’acquisition de M. [G] et Mme [C] invoqué par ces derniers, plan établi, selon ses mentions, en 1991 par M. [K] bien avant la division de la parcelle [Cadastre 5] des consorts [L], laquelle était d’ailleurs, sur ce plan [K], encore cadastrée [Cadastre 3], ce plan ne figurant pas, enfin, en annexe de l’acte constitutif de la servitude de 2003.
Par ailleurs, le plan de Mme [T] figure aussi en page 188 de l’acte du 24 août 2016 par lequel M. [G] et Mme [C] ont acquis leur parcelle [Cadastre 7] des consorts [L] et dans lequel la servitude de passage au profit de la parcelle [Cadastre 6] est rappelée en haut de la page 16, avec transcription des mentions de l’acte constitutif de servitude du 31 mars 2003 en ce compris celle selon laquelle l’assiette figure en pointillé sur un plan annexé. Ce plan, bien que non publié, leur est donc parfaitement opposable puisqu’il est inclus dans l’acte par lequel ils ont acquis des consorts [L] leurs droits et obligations sur la parcelle [Cadastre 7].
Le tribunal a donc justement retenu, dans les motifs du jugement déféré, que seul le plan [T] pouvait être retenu comme établissant l’assiette de la servitude consentie par l’acte du 31 mars 2003.
L’assiette de la servitude de passage telle qu’elle ressort du plan [T] souffre, certes, d’une incomplétude en ce que le tracé de cette assiette s’achève dans le terrain du fonds servant et sans aboutir précisément au fonds dominant, ainsi qu’il a été décrit plus haut.
Il convient, dans ces conditions, de rechercher quelle a été la commune intention des parties à l’acte du 31 mars 2003 concernant la partie incomplète du plan portant assiette de la servitude, en application des dispositions des articles 1156 et suivants du code civil dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 compte-tenu de la date de l’acte, et sans qu’il faille se référer, contrairement à ce que soutiennent les intimés, aux dispositions de l’article 683 du code civil qui ne concernent que la servitude légale pour cause d’enclave réclamée sur le fondement de l’article 682, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, s’agissant d’une servitude conventionnelle.
Sur ce, il ressort des pièces produites que :
ainsi qu’il a été rappelé plus haut, le tracé de l’assiette de la servitude sur le plan [T] s’interrompt dans la parcelle [Cadastre 7] le long de sa limite Nord séparative d’avec la parcelle [Cadastre 6], et dans une zone très proche de l’angle Sud-Ouest de cette dernière parcelle,
suite à l’acquisition de leur parcelle [Cadastre 6] par l’acte du 31 mars 2003 constitutif de la servitude, les époux [B] ont fait aménager, en continuation du tracé de la servitude telle que figurant au plan [T], une portion de chemin se poursuivant par un virage à angle droit, à cheval entre la parcelle [Cadastre 7] et l’angle Sud-Ouest de leur parcelle [Cadastre 6], suivi d’un chemin sur leur parcelle, entre sa limite Ouest et un bâtiment à usage d’habitation, chemin menant à des emplacements de stationnement et des abris, ainsi qu’il ressort d’une capture d’écran du site Internet ‘Géoportail’ (pièce n° 6 des intimés),
après cet aménagement et jusqu’à la vente par eux de leur parcelle [Cadastre 7] à M. [G] et Mme [C] en 2016, les consorts [L] n’ont jamais contesté l’assiette de la servitude ainsi matérialisée et aménagée par les époux [B], ainsi qu’en témoigne M. [P] [L], qui était l’un des vendeurs de la parcelle [Cadastre 7] aux consorts [G]-[C], mais aussi l’un des vendeurs de la parcelle [Cadastre 6] aux époux [B] et donc partie à l’acte de constitution de servitude de 2003, qui atteste en ces termes tout en précisant ne pas vouloir prendre partie dans le litige actuel : “M. [B] a toujours bénéficié du passage pour sa propriété sur le chemin jusqu’à l’allée qui mène au garage en bois situé sur le côté”,
M. [G] et Mme [C] eux-mêmes, pendant presque deux années après l’acquisition par eux de la parcelle [Cadastre 7] le 24 août 2016, n’ont jamais discuté l’assiette du droit de passage ainsi aménagé et utilisé par les époux [B] ou leurs ayants-droit,
ce n’est qu’à partir du mois d’août 2018, suite à l’intention exprimée par M. [G] et Mme [C] de placer une chaîne amovible à l’entrée du chemin pour sécuriser leur parcelle en présence d’un enfant, qu’une mésentente s’est installée entre les parties et que M. [G] et Mme [C] ont contesté l’assiette du passage en clôturant le chemin d’accès plusieurs mètres en amont de la fin du tracé en pointillé du plan [T], au niveau de l’espace entre deux bâtiments le long de la limite Sud de la propriété [B].
La conjonction de l’ensemble de ces éléments conduit à considérer que la commune intention des parties à l’acte constitutif de servitude du 31 mars 2003 était que l’assiette de celle-ci se poursuive jusqu’à l’angle Sud-Est de la parcelle [Cadastre 6] avec un virage à angle droit à cheval sur les deux parcelles conformément à l’aménagement réalisé par les époux [B] suite à leur acquisition en 2003, la demande aujourd’hui formée par M. [B] ne constituant donc pas, contrairement à ce qu’a considéré le tribunal qui n’a pas tiré toutes conséquences du tracé-même de la servitude tel que figurant au plan [T], une aggravation de la servitude mais un rétablissement de celle-ci.
Il y a donc lieu, par voie d’infirmation du jugement, de condamner M. [G] et Mme [C], selon les modalités qui seront précisées au dispositif du présent arrêt, à rétablir l’assiette du passage selon ce tracé, notamment en supprimant la clôture qu’ils ont placée au niveau de l’espace entre deux bâtiments le long de la limite Sud de la propriété [B].
# sur la demande indemnitaire
L’obstruction par M. [G] et Mme [C] à l’exercice du droit de passage selon l’assiette de la servitude convenue entre les parties à l’acte par lequel elle a été constituée a causé à M. [B] un incontestable trouble dans la jouissance de son bien, et un préjudice moral dans ses rapports avec ses locataires et dans les multiples démarches et soucis engendrés.
Ce comportement fautif justifie la condamnation de M. [G] et Mme [C] à payer à M. [B] la somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de ce préjudice.
Sur les demandes reconventionnelles de M. [G] et Mme [C]
# dommages-intérêts pour trouble anormal de voisinage
M. [G] et Mme [C] se plaignent, à l’appui de cette demande, du comportement anormal qu’ils indiquent subir de la part du locataire de M. [B].
Sur ce point, il ressort des pièces produites que les consorts [D], locataires de M. [B] et occupants à ce titre de sa parcelle n° [Cadastre 6], ont causé à M. [G] et Mme [C] des troubles dépassant les inconvénients normaux que l’ont doit supporter de ses voisins, notamment en :
publiant sur les réseaux sociaux des photographies de la clôture du chemin accompagnées de commentaires outranciers et insultants ainsi qu’il ressort de la capture d’écran produite (pièce n° 10 des intimés),
répandant sur le potager de M. [G] et Mme [C] à travers la clôture de l’huile de vidange ainsi qu’il ressort d’un procès-verbal de constat du 1er avril 2020, les faits objectifs constatés par l’huissier, en particulier l’abondance des hydrocarbures retrouvés et l’absence de tout débris de bois (sciure) le long du grillage excluant qu’il puisse s’agir, selon la version des consorts [D], de projection d’huile d’une tronçonneuse,
enfonçant, par le recul du car de transport scolaire dont M. [D] est chauffeur, le poteau supportant les boîtes aux lettres de M. [G] et Mme [C] ainsi qu’il ressort d’une photographie produite (pièce n° 18 des intimés).
Ainsi que l’a rappelé la Cour de cassation à plusieurs reprises (notamment Cass. 3e civ., 17 avr. 1996 : Bull. civ. III, n° 108) la victime d’un trouble de voisinage trouvant son origine dans l’immeuble donné en location, peut en demander réparation au propriétaire.
Il est justifié par conséquent, par voie d’infirmation du jugement sur ce point, de condamner M. [B] à réparer les troubles subis par M. [G] et Mme [C] par le paiement d’une somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts.
Il n’y a pas lieu à indemnisation supplémentaire au titre de la pollution du potager, élément invoqué au titre des troubles anormaux du voisinage et donc déjà indemnisé.
# demande relative à l’interdiction de stationner
La servitude de passage instaurée par l’acte du 31 mars 2003 n’inclut pas d’autorisation de stationner sur l’assiette du passage.
Dès lors que M. [B] et ses ayants droit seront rétablis dans l’accès à la parcelle n° [Cadastre 6] par l’assiette de la servitude leur permettant de rejoindre le chemin sur la parcelle [Cadastre 7] longeant sa limite Ouest, il leur sera fait interdiction de stationner sur la propriété de M. [G] et Mme [C] selon les modalités qui seront précisées au dispositif du présent arrêt.
# demande tendant à condamner M. [B] sous astreinte à ‘mettre en ‘uvre les procédures nécessaires à l’encontre de ses locataires pour mettre fin au harcèlement’
M. [G] et Mme [C] visent, à l’appui de cette demande, les dispositions de l’article 6-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 relative aux baux d’habitation.
Si ce texte dispose que : ‘après mise en demeure dûment motivée, les propriétaires des locaux à usage d’habitation doivent, sauf motif légitime, utiliser les droits dont ils disposent en propre afin de faire cesser les troubles de voisinage causé à des tiers par les personnes qui occupent ces locaux’, la demande formée par les intimés en ce sens ne peut être admise comme telle dès lors qu’elle tend à voir prononcer une obligation future par une formule très générale. Il leur appartiendra donc, le cas échéant, si les troubles de voisinage persistent malgré les dispositions résultant du présent arrêt, d’utiliser toutes voies de droit pour les faire cesser et pour en être indemnisés.
Sur les demandes accessoires
Tant la demande initiale que l’appel de M. [B] étant bien fondés, il n’est démontré aucun abus dans son droit d’agir en justice à l’appui la demande de M. [G] et Mme [C] en dommages-intérêts pour procédure abusive.
M. [G] et Mme [C], succombant principalement en leur défense, devront supporter les dépens de première instance et d’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile et il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en leur faveur.
Il est équitable de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. [B].
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré.
Statuant de nouveau et y ajoutant :
Rejette la demande tendant à voir déclarer irrecevables l’ensemble des demandes de M. [B] commençant par “dire et juger”.
Dit que l’assiette de la servitude conventionnelle de passage constituée par l’acte notarié du 31 mars 2003 au profit de la parcelle cadastrée AH [Cadastre 6] sur la parcelle AH [Cadastre 7] est celle figurant au plan de Mme [T] annexé à cet acte, et qu’elle se prolonge au-delà du tracé résultant de ce plan par un virage en angle droit à cheval entre la parcelle [Cadastre 7] et l’angle Sud-Ouest de la parcelle [Cadastre 6] pour rejoindre le chemin situé sur cette dernière parcelle le long de sa limite Ouest.
Condamne M. [G] et Mme [C] à rétablir l’accès à l’assiette de la servitude ainsi définie notamment en supprimant la clôture installée, et à laisser libre la surface ainsi affectée, dans le délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt, et sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard passé ce délai, astreinte courant pendant une durée maximale de trois mois.
Fait interdiction à M. [B] et à ses ayants droit de stationner tout véhicule sur la parcelle cadastrée AH [Cadastre 7] propriété de M. [G] et Mme [C] dès que l’accès normal à l’assiette de la servitude sera rétabli conformément au paragraphe précédent, sous astreinte provisoire de 100 € par infraction constatée, astreinte courant pendant une durée maximale de trois mois.
Condamne M. [B] à payer à M. [G] et Mme [C] la somme de 2 000€ en réparation des troubles de voisinage causés par les consorts [D] locataires de la parcelle AH [Cadastre 6]
Condamne M. [G] et Mme [C] à payer à M. [B] les sommes de :
2 000 € au titre du trouble de jouissance et du préjudice moral générés par l’obstruction à l’usage normal de la servitude de passage,
2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Déclare irrecevables au visa de l’article 564 du code de procédure civile les demandes de M. [B] aux fins de voir condamner M. [G] et Mme [C] sous astreinte à couper des branches et à ramener la hauteur d’arbres à 2 mètres.
Rejette toutes les autres demandes.
Condamne M. [G] et Mme [C] aux dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés conformément au dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT