Tentative de conciliation : 22 mars 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 21/01362

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Tentative de conciliation : 22 mars 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 21/01362
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COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 22 Mars 2023

N° RG 21/01362 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FT4N

VTD

Arrêt rendu le vingt deux Mars deux mille vingt trois

Sur APPEL d’une décision rendue le 28 mai 2021 par le Tribunal judiciaire de MONTLUCON (RG n° 19/00161)

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

Madame Virginie DUFAYET, Conseiller

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

DOCTEUR [C] SOCIETE D’EXERCICE LIBERAL A RESPONSABILITE LIMITEE DE MEDECIN

SELARL immatriculée au RCS de Montluçon sous le n° 491 239 661 00037

[Adresse 3]

[…]

[Localité 1]

Représentants : la SELARL LEXAVOUE, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et Me Nicolas LISIMACHIO, avocat au barreau de PARIS (plaidant)

APPELANTE

ET :

Mme le Docteur [U] [L], médecin anesthésiste-réanimateur

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentants : Me Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

(postulant) et la SELARL Cabinet AUBER, avocats au barreau de PARIS (plaidant)

La SCM […]

Société civile de moyens immatriculée au RCS de Montluçon sous le n° 440 248 524 00017

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentants : Me Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

(postulant) et la SELARL Cabinet AUBER, avocats au barreau de PARIS (plaidant)

INTIMÉES

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, à l’audience publique du 25 Janvier 2023, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame THEUIL-DIF et Madame DUFAYET, magistrats chargés du rapport, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré.

ARRET :

Prononcé publiquement le 22 Mars 2023 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La SCM […] est une société civile de moyens ayant pour objet exclusif de ‘faciliter l’activité de ses membres, c’est à dire celle de médecin anesthésiste-réanimateur, par la mise en commun de moyens utiles à l’exercice de leur profession sans que celle-ci puisse elle-même exercer celle-ci’.

Les […] exerçant au sein de […] à [Localité 5] ont également créé entre eux, une société de fait dans laquelle ils exercent en commun pour permettre un fonctionnement de groupe avec une prise en charge commune, par l’équipe, des patients de l’établissement, une organisation du planning opératoire, des astreintes et des consultations afin d’assurer collectivement la permanence des soins dans l’établissement. Cettes société de fait était formalisée au moyen d’un contrat d’exercice commun prévoyant notamment la mise en commun des honoraires des praticiens membres : elle percevait les honoraires des praticiens et les leur rétrocédait au prorata de leur temps d’activité médicale.

Le docteur [S] [C], médecin anesthésiste-réanimateur, exerçait son activité via la société créée à cet effet : la SELARL Docteur [C].

Le 2 janvier 2012, la SELARL Docteur [C] a signé un contrat d’exercice avec […].

Le 28 mars 2013, la SELARL Docteur [C] est devenue associée de la SCM […].

En janvier 2014, le docteur [C] est tombé gravement malade. Malgré ses traitements, il a maintenu son activité en faisant appel à des remplaçants.

Un conflit est apparu à la fin de l’année 2014 entre le docteur [C] et d’autres associés, notamment au sujet de la prise en charge du coût des remplaçants du docteur [C] et sur les charges de la SCM.

Le docteur [C] a sollicité une conciliation ordinale.

Le 12 mars 2015, tous les associés de la SCM ont fait connaître aux chirurgiens exerçant au sein de la clinique qu’ils avaient décidé de ne plus voir les patients devant être endormis par le docteur [C] ou ses remplaçants dans la mesure où ce dernier, malade, avait repris son activité d’anesthésie depuis le 25 janvier 2015 sans justifier d’un certificat médical de reprise d’activité et où la situation ne pouvait plus perdurer sans mettre en danger la patientèle.

Le 19 mars 2015, le docteur [C] a indiqué à la direction de la clinique qu’en considération de cet événement qui rendait inutile la tentative de conciliation prévue par le conseil de l’Ordre des médecins, il se voyait contraint de mettre un terme à son contrat d’exercice professionnel.

Le 30 mars 2015, la polyclinique a acquiescé à la demande de résiliation du contrat d’exercice libéral avec effet immédiat et dispense de préavis.

Par ordonnance du 31 mai 2017, le juge des référés saisi par la SELARL Docteur [C], a ordonné une expertise comptable sur les flux financiers entre les parties.

L’expert a déposé son rapport le 27 juin 2018.

Par acte d’huissier du 28 février 2019, la SELARL Docteur [C] a fait assigner la SCM […], et le docteur [U] [L], sa gérante, devant le tribunal de grande instance de Montluçon.

Le docteur [C] est décédé le 18 août 2019 des suites de sa maladie et la SELARL Docteur [C] fait l’objet d’une procédure de liquidation amiable, le liquidateur étant Mme [K] [C].

Par jugement du 28 mai 2021, le tribunal judiciaire de Montluçon a :

– condamné la SCM […] à verser à la SELARL Docteur [C] la somme de 20 790,21 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 février 2016 ;

– rejeté le surplus des demandes ;

– dit n’y avoir lieu à indemnisation de la SELARL Docteur [C] pour préjudice moral ou préjudice pécuniaire lié aux frais d’avocat engagés avec toute procédure judiciaire ;

– rejeté la demande tendant à la nullité de l’assemblée générale tenue le 20 mars 2020 par la SCM […] ;

– rejeté d’une manière générale toute prétention plus ample ou contraire ;

– condamné la SCM […] à verser à la SELARL Docteur [C] la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SCM […] aux entiers dépens, en ce compris les frais de référé et les frais d’expertise judiciaire ;

– dit que la décision était assortie de l’exécution provisoire.

Suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 22 juin 2021, la SELARL Docteur [C] a interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 21 septembre 2021, l’appelante demande à la cour, au visa des articles 1850 et suivants, et 1382 du code civil, d’infirmer le jugement, et statuant à nouveau, de :

– prononcer la nullité de l’assemblée générale du 20 mars 2020 ;

– condamner la SCM […] à lui verser les sommes de :

86 889,41 euros au titre des comptes entre associés ;

15 115 euros en réparation de son préjudice pécuniaire lié aux frais d’avocat engagés avant toute procédure judiciaire pour tenter de faire valoir ses droits ;

25 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

28 140,34 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la SCM […] aux entiers dépens.

Elle fait valoir qu’il résulte du contrat d’exercice commun qu’elle était en droit, en cas d’invalidité, de percevoir sa quote-part d’honoraires pendant une période de 12 semaines, et ce, nonobstant l’absence du docteur [C]. Ce n’est qu’au delà des 12 semaines et s’elle n’assume pas la charge de ses remplacements qu’il est mis un terme au versement de sa quote-part des honoraires. Elle estime que le tribunal a dénaturé l’article 8 du contrat et qu’aucune somme ne devait être retenue à ce titre.

Par ailleurs, s’agissant des ‘frais’, elle soutient que le tribunal a commis une erreur car la problématique liée à ces dépenses est qu’elles ont été prises en charge, de manière irrégulière par le compte dit ‘médecin’ : elles n’auraient jamais dû être mutualisées et auraient dû être assumées par chaque médecin concerné, s’agissant de frais de remplacement. Etant demeurée associée au-delà du 31 mars 2015, elle a subi cette imputation irrégulière.

Elle fait valoir que l’AGE du 20 mars 2020 doit être annulée, car au vu du confinement imposé par le gouvernement et les déplacements interdits, il était matériellement impossible pour les associés de se réunir au siège et de délibérer.

Enfin, au visa de l’article 1850 du code civil, elle sollicite l’octroi de dommages et intérêts en raison des fautes de gestion de la gérante de la SCM :

– elle a violé son droit de communication et d’information en refusant de lui transmettre les documents sociaux et les informations comptables qu’elle a réclamés à plusieurs reprises ;

– elle a violé les statuts de la SCM en ne tenant pas les AG et en affirmant qu’elle aurait été exclue de la SCM sans que la procédure de retrait ne soit mise en oeuvre ;

– elle a tenu une comptabilité irrégulière ;

– elle a adopté un comportement d’obstruction systématique dans le cadre de l’expertise ;

– elle s’est prévalue d’une AG qui ne s’est pas tenue et a établi à ce titre un faux PV.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées en date du 20 décembre 2021, la SCM […] et le docteur [U] [L] demandent à la cour, au visa des articles 542, 909 et 954 du code de procédure civile, de :

-confirmer le jugement ;

-condamner la SELARL Docteur [C] au paiement à la SCM […]et au docteur [L] d’une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance dont distraction au profit de Me Rahon.

Sur les comptes entre les parties, elles rappellent que la SCM est une pure structure de moyens et que les praticiens étaient également liés par un contrat d’exercice en commun du 20 octobre 2004 modifié le 29 juillet 2014, son article 7 prévoyant la formation d’une masse commune des honoraires dont la répartition se ferait de manière équitable en fonction de l’activité de chacun. Dès lors que le contrat d’exercice professionnel a été résilié par la polyclinique, la SELARL Docteur [C] s’est trouvée dans l’impossibilité définitive d’y exercer et d’apporter sa contribution à la masse commune des honoraires : elle ne pouvait plus en conséquence prétendre à un quelconque partage des honoraires générés exclusivement par les autres médecins.

Elles reconnaissent que le retrait de la SELARL Docteur [C] de la SCM n’a pas été juridiquement régularisé avant l’AGE du 20 mars 2020, de sorte qu’elle demeurait associée d’une pure structure de moyens dont l’objet n’est que le financement des charges inhérentes aux moyens permettant aux associés l’exercice de leur art, et ne réalise aucun bénéfice. Aussi, les associés de la SCM n’appelaient plus les charges dues par la SELARL Docteur [C] au prorata de ses parts sociales dans la SCM puisque le docteur [C] ne pouvait plus exercer et n’utilisait plus les moyens mis à disposition de ses associés. Elles ne contestent pas la somme réclamée au titre de l’arriéré de rétrocession d’honoraires antérieurs à la rupture de son contrat d’exercice professionnel par la clinique d’un montant de 64 295,05 euros.

Néanmoins, ainsi que l’a retenu le tribunal, il convient de fixer à 14 595,16 euros le montant des frais liés aux remplacements utilisés par le groupement pour faire face à l’absence du docteur [C], en les arrêtant au 31 mars 2015, et non au 31 décembre 2015.

De surcroît, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a constaté que la SELARL Docteur [C] devait à ses associés 12 semaines de congés, dont l’estimation financière faite par l’expert s’élève à 58 100 euros : la dissolution de la SELARL Docteur [C] prouve qu’elle ne peut pas les restituer en nature, d’autant plus aujourd’hui en raison du décès du docteur [C].

Elles estiment que la SELARL Docteur [C] ne saurait arguer du moindre préjudice moral.

Enfin, elles soutiennent que l’assemblée générale extraordinaire du 20 mars 2020 est parfaitement régulière.

Il sera renvoyé pour l’exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 octobre 2022.

MOTIFS

– Sur les comptes entre les parties

La SELARL Docteur [C], immatriculée le 5 décembre 2011, a conclu le 2 janvier 2012 avec la SAS […] – [6] un contrat d’exercice libéral prévoyant notamment en son article 1er que le docteur [C] exercerait au sein de l’établissement la spécialité anesthésie – réanimation à temps plein, et en son article 2 que la clinique mettrait à sa disposition les moyens nécessaires pour lui permettre d’exercer son art dans les conditions requises par les textes au regard de sa spécialité, ainsi que le personnel qualifié. La rémunération de la clinique a été fixée à 6 % TTC des honoraires encaissées.

Le 28 mars 2013, la SELARL Docteur [C] est devenue associée de la SCM […], société civile de moyens immatriculée le 26 décembre 2001 dont l’objet social était de ‘faciliter l’activité professionnelle de ses membres, c’est-à-dire celle de médecin anesthésiste-réanimateur, par la mise en commun de moyens utiles à l’exercice de leur profession, sans que celle-ci puisse elle-même exercer celle-ci’. (‘Elle peut notamment procéder à l’acquisition, la location, l’échange d’installations et appareillages nécessaires à l’activité de médecin anesthésiste-réanimateur. Elle peut encore engager le personnel auxiliaire nécessaire et plus généralement procéder à toutes opérations financières, mobilières et immobilières se rapportant à l’objet social et n’altérant pas son caractère civil’).

Le 29 juillet 2014, les […] de la polyclinique ont signé un contrat d’exercice en commun prévoyant que ‘par application et complément des statuts de la SCM AR […], les soussignés ont convenu de régir les relations devant exister entre eux, à l’occasion de l’exercice en commun de leur activité professionnelle. Les soussignés ont chacun un contrat d’exercice professionnel pour leur spécialité respective de médecin anesthésiste-réanimateur avec […] – [6]’, et que le présent contrat remplaçait le précédent signé le 20 octobre 2004.

Son objet était de faciliter l’exercice de leur profession et de les mettre en mesure de mieux assurer les soins à leurs malades grâce à un meilleur équipement, au perfectionnement possible de leurs connaissances, à un climat de collaboration, une entraide mutuelle et une organisation permettant permanence et continuité des soins dans le respect de la sécurité dans le cadre de l’anesthésiologie.

L’article 4 intitulé ‘Moyens’ prévoyait que les locaux, le personnel et éventuellement le matériel nécessaire à l’exercice de leur profession, en complément de ceux fournis par la clinique étaient mis à la disposition des soussignés par la SCM qu’ils avaient constituée.

Ce contrat stipulait par ailleurs :

– en son article 7 que les honoraires perçus dans le cadre du contrat formeraient une masse commune, versée chaque mois sur le compte commun des associés ; que leur répartition se ferait de manière équitable en fonction de l’activité de chacun, au prorata du nombre de jours ouvrables effectués avec la précision suivante :’l’équilibration des honoraires entre associés se fera autant que faire se peut par rotation au niveau des postes de travail en fonction de l’activité relative de chaque poste ou si nécessaire par rétrocession d’honoraires entre associés’ ;

– en son article 2 alinéa 2 que si l’un des signataires venait à céder sa place dans la SCM à un successeur, celui-ci pourrait prendre purement et simplement la place du cédant, bénéficierait de tous les avantages et supporterait toutes les obligations stipulées au contrat.

Au vu du rappel de ces stipulations, le tribunal a, à juste titre, énoncé que la société civile de moyens était considérée comme la convention fondamentale liant les participants ; que d’un commun accord, elle avait fonctionné, de fait, comme une société civile professionnelle constituée sur la base du contrat d’exercice en commun, en encaissant les honoraires du ‘compte médecin’.

Or, le 12 mars 2015, le docteur [L] a écrit à l’ensemble des chirurgiens de la clinique, s’exprimant au nom de l’équipe d’anesthésie, afin de leur faire part de leur décision de ne plus voir les patients qui devaient être endormis par le docteur [C] ou ses remplaçants, rappelant l’existence d’un conflit les opposant à ce médecin qui aurait repris son activité depuis le 25 janvier 2015 sans certificat médical de reprise.

Le 19 mars 2015, le docteur [C] a écrit à la direction de la clinique pour l’informer de la teneur du courrier du 12 mars 2015, et a poursuivi en indiquant que la conséquence de ce harcèlement et de cette agression était l’interruption inévitable de son activité au sein de l’établissement.

Le directeur de la clinique lui a répondu le 30 mars 2015 qu’il acquiesçait à sa demande de résiliation du contrat d’exercice libéral arrêté le 2 janvier 2012, et ce, avec effet immédiat, le dispensant d’effectuer le préavis de six mois auquel il était contractuellement tenu.

Une expertise comptable sur les flux financiers entre les parties a été ordonnée en référé le 31 mai 2017. L’expert judiciaire désigné a déposé son rapport le 27 juin 2018.

Les parties s’accordent en premier lieu sur le montant des honoraires non rétrocédés à la SELARL Docteur [C] par la SCM, à savoir 64 295,05 euros :

rétrocessions non versées : 73 669,34 euros (octobre 2014, décembre 2014, janvier, février et mars 2015)

honoraires remplaçants non encaissés : 32 175,71 euros (octobre, novembre, décembre 2014) ;

déduction des sommes encaissées par la SELARL Docteur [C] : 41 550 euros (21 janvier, 27 janvier et 19 février 2015).

La SELARL Docteur [C] est ainsi créditrice de la somme de 64 295,05 euros.

L’appelante demande toutefois d’infirmer le jugement en ce qu’il a considéré que la somme à laquelle elle avait droit devait être compensée avec celle qu’elle devrait au titre de ses 12 semaines d’absence, soit 58 100 euros. S’appuyant sur l’article 8 du contrat d’exercice en commun, elle soutient qu’elle était en droit, en cas d’invalidité, de percevoir sa quote-part d’honoraires pendant une période de 12 semaines malgré son absence, que le remplacement devait être assuré et le maintien de la rémunération également pendant 12 semaines, et ce, nonobstant le fait que le médecin soit en mesure ou non de ‘rendre’ ses 12 semaines.

Ledit article 8 du contrat d’exercice en commun stipule : ‘Absences – maladie :

En cas de maladie ou d’incapacité temporaire dûment certifiées par un médecin qualifié, de l’un des soussignés, les autres s’engagent à le remplacer pendant une absence inférieure ou égale à 3 mois. Durant cette période, le remplacé continuera à percevoir sa part habituelle de la masse commune des honoraires, à charge pour lui de devoir remplacer ses confrères sur une durée équivalente à son absence.

Si l’absence excède une durée de trois mois, le confrère empêché aura l’obligation de se faire remplacer par un confrère dont il assumera la charge pour continuer à percevoir sa part de la masse commune.’

Dans le cadre des opérations d’expertise judiciaire, la SELARL Docteur [C] n’a pas contesté devoir à la SCM ces 8 semaines de remplacement, mais a précisé que dès le rétablissement du docteur [C], ce dernier rendrait effectivement les trois mois de travail qu’elle devait. Il n’est pas non plus contesté que dans le cadre des opérations d’expertise, le chiffrage en terme financier de ces 12 semaines a été arrêté à 58 100 euros par la SELARL Docteur [C], les autres associés de la SCM ont quant à eux valorisé ces semaines de remplacement à 63 600 euros.

Or, le docteur [C] est décédé le 18 août 2019, et la SELARL Docteur [C] est à ce jour en cours de liquidation : toute restitution en nature de ces 12 semaines est désormais impossible. Il n’a pas été justifié par la SELARL Docteur [C] qu’elle s’est fait remplacer par un confrère extérieur, rémunéré par ses soins pour pouvoir continuer à percevoir sa part de la masse commune. Le tribunal a donc, à bon droit, mis à la charge de l’appelante une somme de 58 100 euros.

Par ailleurs, l’appelante soutient que l’expert a retenu que la SCM lui devait une somme de 22 594,36 euros au titre des ‘frais’ de la SCM qui lui ont été injustement imputés. Elle estime que le tribunal, en arrêtant le montant de ces frais à la date du 31 mars 2015 et non au 31 décembre 2015, a commis un contresens puisque la problématique liée à ces dépenses est qu’elles ont été prises en charge de manière irrégulière par le compte dit ‘médecin’, qu’elles n’auraient jamais dû être mutualisées et auraient dû être assumées par chaque médecin concerné ; qu’étant demeurée associée au-delà du 31 mars 2015, elle a subi cette imputation irrégulière.

La cour adopte les motifs du tribunal qui a énoncé que s’agissant des frais de la SCM, essentiellement constitués, à tort de façon comptable, des honoraires rétrocédés aux remplaçants et dont la SELARL Docteur [C] sollicitait la prise en compte dans les limites de sa quote-part, le bien-fondé de la réclamation était reconnu par les parties en son principe ; que les positions variaient selon que l’on arrêtait les comptes au 31 mars 2015, date de l’arrêt de répartition des honoraires incluant le docteur [C], ou au 31 décembre 2015, date de fin d’exercice ; que si l’expert judiciaire avait retenu la somme de 22 594,36 euros correspondant à un arrêté au 31 décembre 2015 puisqu’à cette date, l’appelante faisait toujours officiellement partie de la SCM, il fallait néanmoins arrêter ce chef de demande au 31 mars 2015, à l’identique des autres arrêtés de compte, le tribunal relevant très justement qu’à cette date, le docteur [C] était parti de la clinique et qu’il serait absurde de lui accorder le bénéfice des flux financiers de la SCM jusqu’au 31 décembre 2015 alors qu’il ne participait plus à l’exercice commun des fonctions rémunératrices d’anesthésiste-réanimateur et à leurs charges afférentes. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu une somme de 14 595,16 euros.

Aussi, la SELARL Docteur [C] est créditrice d’un solde de 20 790,21 euros :

(64 295,05 – 58 100 + 14 595,16 ).

La SCM sera donc condamnée à lui verser ladite somme avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 février 2016.

– Sur la demande en nullité de l’assemblée générale du 20 mars 2020

La SELARL Docteur [C] sollicite l’annulation de l’assemblée générale du 20 mars 2020 en se prévalant de l’article 16 des statuts de la SCM disposant que : ‘ Les décisions collectives sont prises, au choix de la gérance, soit en Assemblée, soit par consultation écrite. Elles peuvent aussi résulter du consentement de tous les Associés exprimés dans un acte’. Elle soutient qu’à cette date, le confinement avait été imposé par le gouvernement et les déplacements étaient interdits. Elle estime que Mme [K] [C], liquidateur de la SELARL, n’étant pas médecin, ne pouvait pas participer à l’assemblée générale et qu’il s’agit d’une manoeuvre frauduleuse justifiant l’annulation de l’assemblée.

La SELARL Docteur [C] a été régulièrement convoquée à l’assemblée générale extraordinaire du 20 mars 2020 : elle a été destinataire en amont de la réunion de l’AGE, de l’ordre du jour qui comprenait notamment son retrait et le rachat de ses parts (elle a reçu le 7 mars 2020 les documents afférents, à savoir convocation, texte de résolutions et rapport de gérance). Mme [K] [C], liquidateur de la société, ne s’est pas manifestée et n’a pas sollicité de report.

Il ressort du procès-verbal versé aux débats (pièce n°10 des intimés) que l’AGE s’est tenue en l’absence de la SELARL Docteur [C], les autres associés étant présents et le quorum atteint. Ces autres associés, tous […], bénéficiaient de dérogations de déplacement et pouvaient ainsi se retrouver dans les locaux de la clinique. Ainsi, les associés en nombre nécessaire à l’obtention du quorum ayant été présents sur le lieu de la réunion, l’assemblée générale pouvait se tenir. Le droit de la contradiction a été respecté du fait de la réception de la convocation et des documents par la SELARL Docteur [C].

Le jugement sera, dans ces circonstances, confirmé en ce qu’il a rejeté la demande tendant à la nullité de l’assemblée générale du 20 mars 2020 de la SCM.

– Sur la responsabilité civile de la SCM

Sur le fondement de l’article 1382 ancien du code civil, la SELARL Docteur [C] sollicite la condamnation de la SCM à lui payer :

15 115 euros en réparation de son préjudice pécuniaire lié aux frais d’avocat engagés avant toute procédure pour tenter de faire valoir ses droits ;

25 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

faisant valoir que la SCM, par l’intermédiaire de son gérant, Mme [L] au moment des faits, a commis plusieurs fautes, à savoir :

elle a violé son droit de communication et d’information en refusant de lui transmettre les documents sociaux et les informations comptables qu’elle a réclamés à plusieurs reprises ;

elle a violé les statuts en ne tenant pas les assemblées générales et en affirmant qu’elle aurait été exclue de la société sans que la procédure de retrait ne soit mise en oeuvre ;

elle a tenu une comptabilité irrégulière ;

elle a adopté un comportement d’obstruction systématique dans le cadre de l’expertise.

S’agissant tout d’abord de la tenue d’une comptabilité irrégulière, ceci est la conséquence de l’exercice de leur activité de médecin anesthésiste-réanimateur dans un cadre juridique inadapté consistant à s’associer au sein de ce qui est juridiquement une société de fait, constituée au moyen d’un contrat d’exercice en commun avec masse commune d’honoraires, et à créer en parallèle une société de moyens pour régler les dépenses nécessaires à leur activité. Lorsque l’expert a relevé que le compte bancaire de la SCM avait été utilisé de manière non conforme au contrat d’exercice en commun, cela démontre que la confusion est faite entre le contrat d’exercice en commun dont relève le compte mandataire praticiens, et les statuts de la SCM dont relève le compte bancaire de la SCM.

La SELARL Docteur [C] soutient qu’elle a formulé des griefs à cet égard avant même son exclusion de la clinique. Les courriers produits à l’appui de cette affirmation (ses pièces 5 et 6) sont en date du mois de janvier 2015. Le tribunal a donc, à juste raison, estimé que la SELARL Docteur [C] avait été pendant de nombreux mois partie prenante à ce système parallèle qui lui donnait apparemment satisfaction jusqu’à ce que la maladie fasse obstacle au fonctionnement usuel de la structure et l’amène à se retrancher derrière des règles juridiques qu’elle tenait pour inutiles et génératrices de lourdeurs administratives et comptables.

S’agissant ensuite du non respect de la procédure de retrait, il doit être rappelé le contexte pour déterminer si une faute est caractérisée. Les associés de la SELARL Docteur [C] se sont retrouvés confrontés aux risques que faisaient courir sur leur pratique l’état de santé du docteur [C]. La décision prise de ne plus voir les patients qui devaient être endormis par le docteur [C] ne peut donc leur être reprochée. La SELARL Docteur [C] pouvait continuer à exercer au sein de la clinique en assumant l’intégralité du suivi des patients que les différents opérateurs voulaient lui confier, en les prenant en charge de la visite pré-anesthésique au suivi post-opératoire. Or, elle a sollicité la suspension de son contrat d’exercice libéral auprès de la clinique, et le directeur a acquiescé à sa demande de résiliation du contrat, avec effet immédiat, le dispensant d’effectuer le préavis de six mois. Dans ces conditions, les associés ont été contraints de prendre acte de son retrait de l’association avec masse commune d’honoraires puisque la SELARL Docteur [C] ne pouvait plus exercer au sein de la polyclinique. Le retrait n’a certes été juridiquement régularisé que lors de l’AGE du 20 mars 2020, mais cela signifie qu’elle demeurait jusqu’à cette date associée d’une simple structure de moyens et qui ne percevait pas d’honoraires. L’exercice à la polyclinique de l’anesthésie-réanimation étant nécessaire à la participation à l’association avec mise en commun des honoraires constituée entre les praticiens par le contrat d’exercice en commun, la SELARL Docteur [C] devait en sortir simultanément à son impossibilité d’exercer au sein de la clinique, soit fin mars 2015.

Sur le refus de transmettre les documents sociaux et les informations comptables, et le comportement d’obstruction dans le cadre de l’expertise, la SELARL Docteur [C] n’exerçant plus au sein de la clinique, les autres associés ont pu penser qu’elle n’avait pas vocation à se voir communiquer les éléments financiers postérieurs à la cessation de son exercice au mois de mars 2015. Les éléments sollicités et se rapportant directement au litige ont été communiqués dans le cadre de l’expertise judiciaire.

Les frais d’avocat dont elle fait état reflètent en réalité son obstination à vouloir judiciariser ce désaccord entre associés, l’intéressée ayant en outre changé de conseils à deux reprises. Il doit être observé au surplus qu’elle a mis fin unilatéralement et brutalement à la procédure de conciliation ordinale acceptée par ses co-associés.

Quant à l’absence de tenue des assemblées générales, s’il s’agit d’un manquement, la SELARL Docteur [C] ne justifie pas d’un préjudice en découlant.

Il sera in fine constaté que les procédures disciplinaires engagées à la demande de la SELARL Docteur [C] par l’Ordre des Médecins contre ses confrères n’ont pas abouti.

Ainsi, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes indemnitaires de la SELARL Docteur [C].

– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a alloué à la SELARL Docteur [C] une indemnité de 5 000 euros à la charge de la SCM, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et condamné cette dernière aux dépens en ce compris les frais de référé et d’expertise judiciaire.

Toutefois, succombant en appel, la SELARL Docteur [C] sera condamnée aux dépens d’appel dont distraction au profit de Me Rahon, avocat.

L’équité commande néanmoins de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SELARL Docteur [C] aux dépens d’appel ;

Ordonne la distraction des dépens d’appel au profit de Me Rahon, avocat.

Le greffier, La présidente,

 


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