Tentative de conciliation : 24 mars 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03097

·

·

Tentative de conciliation : 24 mars 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03097
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

24/03/2023

ARRÊT N°150 /2023

N° RG 21/03097 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OIYG

AB/AR

Décision déférée du 17 Juin 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de TOULOUSE ( F 20/00400)

Bardout

[A] [D]

C/

SAS SERIS SECURITY

confirmation partielle

Grosse délivrée

le 24 3 2023

à Me Gilles SOREL

Me Renaud FRECHIN

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT QUATRE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [A] [D]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Renaud FRECHIN de la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

SAS SERIS SECURITY

prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités au dit siège social [Adresse 2]

Représentée par Me Yannick LIBERI de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE (plaidant) et par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant. A.PIERRE-BLANCHARD, et F.CROISILLE-CABROL conseillères, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [A] [D] a été embauchée suivant contrat de travail à durée déterminée au mois de janvier 2010 puis en contrat à durée indéterminée à compter du 10 mai 2010 par la SAS Seris Security, en qualité d’agent de sécurité confirmé, statut employé.

La convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité est applicable.

Le contrat de travail prévoyait notamment que Mme [D] était affectée à des sites dépendants de l’établissement de [Localité 4], avec clause de mobilité. Elle a notamment été affectée sur les sites du CNES de [Localité 6] à compter du 1er juin 2010, et de la société Safran à [Localité 3] à compter du 1er février 2018, après qu’il ait été envisagé de la muter sur le site des Laboratoires Pierre Fabre à [Localité 5] à compter du 18 janvier 2018.

A la suite d’une perte du marché de [Localité 3], la société Seris Security a informé la salariée de son affectation sur le site des Laboratoires Pierre Fabre à [Localité 5] par courrier du 16 mai 2018.

Le 29 juin 2018, Mme [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, et de demandes indemnitaires pour licenciement nul, harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail.

Mme [D] a été déclarée inapte par le médecin du travail le 17 septembre 2019.

Par lettre du 25 septembre 2018, elle a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé le 9 octobre 2019.

Par lettre du 18 octobre 2019, Mme [D] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 29 juin 2018, puis le 11 mars 2020 à la suite d’une demande de réinscription après

radiation, Mme [D] a ajouté à ses demandes initiales devant le conseil de prud’hommes de Toulouse la contestation de son licenciement.

Après tentative de conciliation, le bureau de jugement s’est déclaré en partage de voix

et a renvoyé l’examen de l’affaire en audience de départage du 20 mai 2021.

Par jugement de départition du 17 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

– débouté Mme [A] [D] de ses demandes,

– dit que chaque partie conserve ses dépens,

– dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [D] a relevé appel de ce jugement le 9 juillet 2021, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 septembre 2021, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [D] demande à la cour de :

– déclarer recevable en la forme l’appel interjeté contre la décision déférée.

Sur les demandes à titre principal :

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 17 juin 2021, section activités diverses, en ce qu’il a débouté Mme [A] [D] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul,

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse en ce qu’il a estimé que les faits de harcèlement moral n’étaient pas caractérisés et a, de ce fait, débouté Mme [D] de sa demande indemnitaire à ce titre,

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse en ce qu’il a estimé que la SAS Seris Security n’avait pas manqué à son obligation de sécurité envers Mme [D] et a, de ce fait, débouté ce dernier de sa demande indemnitaire à ce titre,

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse en ce qu’il a estimé que les faits de harcèlement moral n’étaient pas caractérisés et a, de ce fait, débouté Mme [D] de sa demande indemnitaire à ce titre,

– infirmer le jugement rendu en date du 17 juin 2021 en ce qu’il a débouté Mme [D] des demandes indemnitaires suivantes, à savoir :

* dommages-intérêts pour licenciement nul …………………………10 788 euros,

* dommages-intérêts pour harcèlement moral ……………………..20 000 euros,

* dommages-intérêts pour discrimination …………………………… 20 000 euros,

* dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de

sécurité ………………………………………………………………………. 10 000 euros,

* article 700 du code de procédure civile ……………………………….2 500 euros.

Sur les demandes à titre subsidiaire :

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse en date du 17 juin 2021 en ce qu’il a débouté Mme [D] de sa demande de nullité du licenciement pour inaptitude,

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse en date du 17 juin 2021 en ce qu’il a estimé que les faits de harcèlement moral n’étaient pas caractérisés et a, de ce fait, débouté Mme [D] de sa demande indemnitaire à ce titre,

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse en ce qu’il a estimé que la société Seris Security n’avait pas manqué à son obligation de sécurité envers Mme [D] et a, de ce fait, débouté ce dernier de sa demande indemnitaire à ce titre,

– infirmer le jugement rendu en date du 17 juin 2021 en ce qu’il a débouté Mme [D] des demandes indemnitaires suivantes, à savoir :

* dommages-intérêts pour licenciement nul …………………………10 788 euros,

* dommages-intérêts pour harcèlement moral ……………………..20 000 euros,

* dommages-intérêts pour discrimination …………………………… 20 000 euros,

* dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de

sécurité ……………………………………………………………………….. 10 000 euros.

Statuant à nouveau,

à titre principal :

– déclarer recevable et justifié l’appel formé par Mme [D],

– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail,

– juger que l’indemnité de licenciement a déjà été versée lors du licenciement pour inaptitude intervenu postérieurement à la demande de résiliation,

– juger que la résiliation judiciaire du contrat produit les effets d’un licenciement nul.

En conséquence :

– condamner la société Seris Security au paiement des sommes suivantes, avec intérêts de droit :

* dommages-intérêts pour licenciement nul ………………………….10 788 euros,

* dommages-intérêts pour harcèlement moral …………………….. 20 000 euros,

* dommages-intérêts pour discrimination……………………………. 20 000 euros,

* dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de

sécurité ………………………………………………………………………..10 000 euros,

– condamner la société Seris Security au paiement de la

somme de……………………………………………………………………… 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

A titre subsidiaire,

si par extraordinaire, la cour de céans ne prononçait pas la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul, elle ne pourra, en tout état de cause, que :

– prononcer la nullité du licenciement pour inaptitude,

– juger que l’indemnité de licenciement a déjà été versée lors du licenciement pour inaptitude intervenu postérieurement à la demande de résiliation.

En conséquence,

– condamner la société Seris Security à lui payer avec intérêts de droit au jour de la demande les sommes suivantes :

* dommages-intérêts pour licenciement nul …………………….. 10 788 euros,

* dommages-intérêts pour harcèlement moral ……………………..20 000 euros,

* dommages-intérêts pour discrimination……………………………. 20 000 euros,

* dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de

sécurité ……………………………………………………………………….. 10 000 euros.

En tout état de cause ;

– condamner la société Seris Security au paiement de la

somme de ……………………………………………………………………….3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,

– condamner la société Seris Security aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 décembre 2021, auxquelles il est expressément fait référence, la SAS Seris Security demande à la cour de :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 17 juin 2021 dans toutes ses dispositions et par conséquent,

à titre principal :

– juger que la société Seris Security n’a pas commis de faits de harcèlement,

– juger que la société Seris Security n’a commis aucun fait de discrimination,

– juger que la société Seris Security n’a pas failli à son obligation de sécurité,

– juger que la résiliation judiciaire de Mme [D] n’est pas fondée,

– juger que la résiliation judiciaire ne produit pas les effets d’un licenciement nul,

-juger que la société Seris Security n’a pas commis de manquements ayant occasionné l’inaptitude de Mme [D],

– juger le licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement comme étant parfaitement valide tant sur le fond que sur la forme.

En conséquence :

– débouter Mme [D] de l’intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire, si la résiliation judiciaire était reconnue aux torts de l’employeur et produisait les effets d’un licenciement nul ou si le licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement était déclaré nul :

– juger que la société Seris Security a déjà payé l’indemnité de licenciement,

– réduire les dommages et intérêts à de plus justes proportions.

En tout état de cause :

– condamner Mme [D] à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [D] aux entiers dépens.

MOTIFS :

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

Lorsqu’un salarié sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et que celui-ci le licencie ultérieurement, il y a lieu d’abord de rechercher si la demande de résiliation est justifiée, l’examen du bien fondé de la cause énoncée dans le licenciement ne devant intervenir qu’ultérieurement.

L’action en résiliation judiciaire du contrat de travail, fondée sur l’inexécution par l’employeur de ses obligations, ne peut aboutir que si la gravité de la violation par l’employeur de ses obligations contractuelles est incompatible avec la poursuite du contrat de travail. La résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée à l’initiative du salarié et aux torts de l’employeur produit alors les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, Mme [D] demande que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat avec effets d’un licenciement nul, en raison d’un harcèlement moral et d’une discrimination qu’elle aurait subis au sein de la société Seris Security.

En application de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

lorsque survient un litige relatif à des faits de harcèlement au sens de l’article L 1152 – 1 du code du travail, le salarié présente, conformément à l’article L 1154 – 1 du code du travail, des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement ;

au vu de ces éléments, il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Par application de l’article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l’article 1er de la loi du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L.3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Et l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 définit comme suit les différentes formes de discrimination :

– constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non appartenance , vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre, ne l’est, ne l’a été, ou ne l’aura été, dans une situation comparable,

– constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique, neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires ou appropriés,

– la discrimination inclut tout agissement lié à l’un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L’article L 1134 – 1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 .

Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination .

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles .

Affirmant avoir été victime d’un harcèlement moral et d’une discrimination fondée sur son état de santé, ayant conduit à son inaptitude, Mme [D] expose :

-avoir toujours occupé un poste d’hôtesse d’accueil, et non d’agent de sécurité, depuis son embauche,

-qu’elle était unanimement appréciée de ses collègues et de ses supérieurs et donnait toute satisfaction au client CNES comme hôtesse d’accueil,

-qu’un nouveau chef de site, M. [W], a fait en sorte de rendre la poursuite du contrat impossible : brimades répétées, problème avec le port de la veste de travail qu’elle souhaitait enlever, pour raison médicale avec certificat à l’appui,

-que le nouveau supérieur a donné pour consignes à tous ses collègues d’ôter leur veste quand elle le faisait, et de la remettre également quand elle la remettait, afin de la mettre en difficulté et de provoquer la rancoeur à son égard,

-qu’elle a été la seule à être affectée à l’accueil pour la période de Noël alors qu’auparavant il existait un roulement,

-que M. [W] l’ignorait alors qu’il saluait les autres salariés, et la regardait d’un air méprisant, ou lui coupait la parole, ou l’empêchait de s’exprimer lors des réunions d’équipe,

-qu’elle ressortait en pleurs du bureau de son supérieur,

-qu’elle a alors eu des problèmes de santé,

-que l’employeur a demandé deux visites de contrôle, révélant que les arrêts de travail étaient justifiés,

-qu’elle a été affectée à compter de janvier 2018 comme agent de sécurité à [Localité 5] avec des horaires atypiques (6h-18h ou 7h-19h) pour gêner sa vie de mère de famille, alors qu’avant elle avait des horaires de bureau,

-qu’elle s’est plainte et a alors été mutée temporairement sur le site de Safran avec les mêmes horaires, avant d’être prévenue quelques jours plus tard qu’elle devait retourner à [Localité 5],

-qu’il s’agit d’une sanction déguisée alors qu’elle travaillait depuis 8 ans au CNES selon des horaires de bureau.

S’agissant du changement de poste invoqué par Mme [D], lorsqu’elle a été mutée sur le site Safran alors qu’elle occupait un poste au CNES depuis 8 ans, il est produit par les parties un certain nombre de pièces dont il résulte qu’elle a bien été embauchée comme agent de sécurité et non hôtesse d’accueil, et que ses tâches consistaient principalement à filtrer et accueillir les visiteurs sur le site du CNES ; l’employeur produit un document daté de 2012 par lequel il rappelait à ses agents de sécurité leurs tâches dans l’accueil des visiteurs, et les plannings la mentionnant comme ASC (agent de sécurité confirmé).

Le changement de poste n’est donc pas établi.

Quant à la mutation de la salariée sur les sites de la société Safran à [Localité 3] puis des Laboratoires Pierre Fabre à [Localité 5], il est relevé que le contrat de travail comportait une clause de mobilité dont la validité n’est pas discutée, qu’une affectation au CNES durant huit ans n’est pas susceptible de remettre en question la possibilité ultérieure pour l’employeur d’actionner la clause, et qu’en l’espèce il est justifié de motifs légitimes pour affecter Mme [D] sur les sites Safran puis Pierre Fabre.

En effet, le site Safran exigeait un salarié expérimenté et se trouvait en cours d’appel d’offre comme en atteste M. [B], responsable d’agence, et Mme [D] remplissait les conditions pour ce poste ; ensuite le marché Safran a été perdu et Mme [D] a été affectée sur le site de [Localité 5] et non réintégrée au CNES car elle avait été déjà remplacée au CNES et devait partir à court terme en congé de formation pour un an.

Il résulte par ailleurs des échanges entre les parties que les horaires de la salariée ont fait l’objet de négociations et d’aménagements pour tenir compte de sa situation de mère célibataire, et que l’horaire initial envisagé jusqu’à 21h a été ramené à 18h ou 19h, avec un maximum de mercredis libérés, outre la prise en charge par l’employeur, à titre exceptionnel, de plusieurs trajets domicile-travail par mois.

Le caractère disciplinaire ou abusif de ces mutations n’est donc pas établi.

En revanche, s’agissant du problème du port de la veste de travail, il est établi que les salariés situés à l’accueil du CNES pouvaient être indisposés par les courants d’air ou la forte chaleur de sorte qu’ils ôtaient ou remettaient leur veste ; l’ensemble des salariés a rédigé un courrier protestant auprès de l’employeur contre les consignes de porter l’uniforme quelles que soient les conditions climatiques, et l’employeur a admis que les salariés y dérogent mais de façon uniforme entre eux. M. [F] atteste du fait que l’employeur a donné pour consignes à tous ses collègues d’ôter leur veste quand Mme [D] le faisait pour raisons de santé, et de la remettre également quand elle la remettait, afin de la mettre en difficulté et que Mme [D] est ‘devenue la cible des pressions grandissantes de nos dirigeants jusqu’à son éviction programmée’.

De même, s’agissant du comportement de M. [W] à son égard, la salariée verse aux débats les attestations d’anciens collègues Mme [E], M. [K], M. [J] et M. [F], évoquant des ‘regards noirs’ ou des ‘regards agressifs et soutenus’ de M. [W] à l’égard de Mme [D] qui affectaient la salariée, sans autre précision quant aux circonstances.

M. [C] atteste de ces regards et également du fait que M. [W] ne laissait pas Mme [D] s’exprimer et lui coupait la parole, il ajoute que Mme [D] sortait en pleurs du bureau de ce supérieur hiérarchique.

Ce comportement inadapté du supérieur hiérarchique de Mme [D] est donc établi.

Quant à l’affectation de Mme [D] sur la permanence de la semaine de Noël, sans qu’un roulement ne soit établi, ce fait est avéré et non contesté par l’employeur.

Les faits considérés comme établis par la cour, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral et d’une discrimination à raison de l’état de santé de la salariée.

Il appartient donc à l’employeur de justifier de ces faits par des considérations objectives et étrangères à tout harcèlement moral et toute discrimination.

S’agissant de l’incident relatif au port de la veste de travail, il résulte des pièces versées aux débats que, pour raisons médicales Mme [D] a bénéficié d’un certificat lui permettant de retirer la veste quand elle le souhaitait, dérogeant ainsi à l’obligation imposée par le client et par le règlement intérieur de porter celle-ci en continu.

Il est constant que l’employeur a alors autorisé Mme [D] à retirer sa veste en cas de besoin au vu de cet avis médical, mais que cet événement mineur a été le point de départ des tensions entre les parties. Une telle autorisation exclut la discrimination pour raisons de santé, et les consignes données aux autres salariés ne consistaient qu’à uniformiser la pratique du port de la veste de travail entre tous les représentants de la société sur le site client, et non à stigmatiser Mme [D].

Les instructions qu’aurait données M. [W] aux salariés sur le port de la veste de travail, pour l’ôter ou la remettre au fil de la journée et systématiquement en même temps que Mme [D], ne ressortent que de l’attestation isolée de M. [F] alors qu’au total plus d’une quinzaine de salariés ou anciens salariés attestent pour les deux parties sans évoquer cet événement précis, contesté de l’employeur.

Sur la question de la permanence de Noël, la société Seris Security produit les éléments selon lesquels Mme [D] a refusé de prendre des congés payés sur cette période et a accepté d’être programmée sur cette semaine, dans la mesure où son compteur d’heures était déficitaire de 55h. Ainsi il n’est pas établi qu’elle ait été autoritairement affectée sur une permanence qui aurait du être partagée avec d’autres collègues, mais que cela résultait d’un accord entre les parties.

S’agissant enfin de l’état de santé de Mme [D], il est produit les éléments selon lesquels elle bénéficie d’un traitement médicamenteux et d’un suivi pour état anxio-dépressif depuis un accident du travail survenu en 2011 avec traumatisme de l’épaule droite, suivi d’opérations avec complications en 2013, que son état psychique s’est dégradé en 2016, et qu’elle a été placée en arrêt de travail pour une grippe du 29 décembre 2017 au 6 janvier 2018, cet arrêt ayant été contrôlé à l’intiative de l’employeur et déclaré médicalement justifié.

Les éléments produits ne permettent nullement de faire le lien avec une situation de harcèlement moral ou de discrimination.

En définitive, seule une attitude désagréable de M. [W] à l’égard de Mme [D] est établie (regards hostiles, parole coupée), sans que les éléments fournis ne permettent de circonstancier ces faits, de les dater ou de les rattacher à un contexte précis. De son côté, la société Seris Security justifie du fait que M. [W] n’a pas de bureau à l’accueil du CNES où travaillait Mme [D], mais dans un bâtiment séparé, et qu’il ne passait qu’environ 15 mn par jour sur le site du CNES, que le chef de site M. [B] n’a jamais reçu de plainte de la salariée sur ce N+1, et que de nombreux salariés attestent des qualités managériales de M. [W] et de l’absence de harcèlement envers Mme [D].

La cour estime donc, comme le juge départiteur, que le harcèlement moral à l’égard de Mme [D] est insuffisamment établi, tout comme la discrimination de la salariée à raison de son état de santé.

La demande de résiliation judiciaire du contrat de travail présentée par Mme [D] sera donc rejetée par confirmation du jugement déféré, ainsi que les demandes en paiement y afférentes, tout comme les demandes indemnitaires pour harcèlement moral et pour discrimination.

Sur la demande de nullité du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement :

Subsidiairement, Mme [D] demande que son licenciement soit jugé nul, au motif que l’inaptitude résulterait du harcèlement moral et de la discrimination qu’elle aurait subis.

Or la cour a confirmé le jugement ayant considéré que le harcèlement moral et la discrimination n’étaient pas établis, de sorte que ces moyens ne peuvent venir au soutien de la demande de nullité du licenciement.

Le licenciement pour inaptitude ne faisant l’objet d’aucun autre moyen de contestation, la cour rejettera les demandes de Mme [D] afférentes à cette rupture, par confirmation du jugement déféré.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité :

Mme [D] sollicite la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité, sans articuler un quelconque moyen dans les motifs de ses conclusions, cette demande étant présentée en fin de paragraphe consacré au harcèlement moral et à la discrimination de telle sorte qu’il est considéré par la cour que les faits constitutifs selon Mme [D] du manquement à l’obligation de sécurité sont les mêmes que ceux invoqués au titre de la discrimination et du harcèlement moral.

Or la cour a jugé que, parmi les faits invoqués, seul était établi le comportement désagréable de M. [W] à l’égard de Mme [D] ; si ce comportement est effectivement critiquable au regard des pratiques managériales attendues d’un responsable d’équipe, il n’en demeure pas moins que les éléments produits par la salariée ne permettent pas d’en faire un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

En particulier, il n’est pas établi que Mme [D] ait alerté l’employeur sur ce comportement qu’elle déplorait de la part de son supérieur hiérarchique direct, et les pièces médicales produites ne permettent pas à la cour d’établir un lien entre cette situation et l’état de santé de Mme [D].

Dans ces conditions, aucun manquement à l’obligation de sécurité ne saurait être retenu à l’égard de la société Seris Security, de sorte que la demande indemnitaire de Mme [D] sera rejetée par confirmation du jugement entrepris.

Sur le surplus des demandes :

Mme [D], échouant en son procès, sera condamne à supporter les dépens de première instance par infirmation du jugement, ainsi que les dépens d’appel.

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ni en première instance comme l’a retenu le juge départiteur, ni en appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, excepté en ce qui concerne les dépens,

L’infirme sur ce point,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile devant la présente cour,

Condamne Mme [D] aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Arielle RAVEANE Catherine BRISSET

.

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x