Tentative de conciliation : 13 avril 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/00036

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Tentative de conciliation : 13 avril 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/00036
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MINUTE N° 23/275

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

– avocats

– parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION SB

ARRET DU 13 Avril 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 21/00036 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HOTU

Décision déférée à la Cour : 03 Décembre 2020 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE :

Madame [U] [E]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Yasmine HANK, avocat au barreau de MULHOUSE

INTIMEES :

S.A.S. [9]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Nathalie DUPUY-LOUP, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Flavien SCHRAEN, avocat au barreau de COLMAR

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU HAUT RHIN

[Adresse 1]

[Localité 3]

Dispensée de comparution

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme HERBO, Président de chambre,

Mme GREWEY, Conseiller

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme HERBO, Président de chambre, 

– signé par Mme HERBO, Président de chambre, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [U] [E], salariée de la Sas [9] en qualité de « moniteur », a complété le 11 juin 2012 une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau n° 57, accompagnée d’un certificat médical initial établi par le docteur [T] [Y] mentionnant un « syndrome du canal carpien bilatéral ».

Par courrier du 28 novembre 2012, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Haut-Rhin a informé Mme [E] et la société [9] de la prise en charge de la maladie déclarée au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Par courrier du 5 juin 2014, Mme [E] a sollicité l’organisation d’une tentative de conciliation auprès de la CPAM du Haut-Rhin aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur dans la survenance de la maladie professionnelle du 11 juin 2012.

La conciliation n’ayant pu aboutir, Mme [E] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Haut-Rhin afin de voir reconnaître la faute inexcusable de la société [9], par requête introductive d’instance envoyée le 22 décembre 2015.

Par jugement contradictoire du 3 décembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Mulhouse a :

– déclaré recevable le recours introduit par Mme [U] [E],

– dit que la maladie professionnelle « syndrome du canal carpien bilatéral » déclarée par Mme [U] [E] 11 juin 2012 n’est pas imputable à une faute inexcusable de la société [9], venant au droits de la société [9],

– débouté Mme [U] [E] de l’ensemble de ses demandes,

– dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens,

– rejeté la demande de la société [9], venant aux droits de la société [9], au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que le délai de prise en charge de 30 jours fixé par le tableau 57 a été dépassé d’un jour et qu’il n’est pas démontré que les fonctions et les travaux effectués par la salariée comportaient de façon habituelle, soit des mouvements répétés ou prolongés d’extension du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, soit une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main.

Le jugement a été notifié à Mme [E] le 18 décembre 2020.

Mme [E] a interjeté appel par déclaration effectuée le 28 décembre 2020.

L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 9 février 2023.

Par conclusions du 19 janvier 2023, soutenues oralement à l’audience, Mme [E] demande à la cour de :

– confirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de Mulhouse du 3 décembre 2020 (RG 20/00709) en ce qu’il a :

. déclaré recevable le recours introduit par Madame [U] [E],

. dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens,

. rejeté la demande de la société [9] venant aux droits de la société [9], au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 3 décembre 2020 (RG 20/00709) en ce qu’il a :

. dit que la maladie professionnelle «syndrome du canal carpien bilatéral» déclaré par Madame [U] [E] le 11 juin 2012 n’est pas imputable à une faute inexcusable de la société [9], venant aux droits de la société [9],

. débouté Madame [U] [E] de l’ensemble de ses demandes,

statuant à nouveau,

– déclarer recevable le recours introduit par Madame [E],

– dire et Juger que la maladie professionnelle dont est victime Madame [E] est imputable à la faute inexcusable de l’employeur,

– ordonner une expertise médicale confiée à tel médecin expert qu’il plaira au tribunal de désigner, avec pour mission :

– de prendre connaissance des documents de la cause et des pièces médicales utiles,

– d’examiner Madame [U] [E],

– consulter tout dossier médical utile le concernant et entendre tout médecin lui ayant

prodigué des soins,

– de décrire les lésions que présente la victime,

– Indiquer après s’être fait communiquer tous les documents relatifs aux examens, soins, interventions dont la victime a été l’objet leur évolution et les traitements appliqués,

– de dire que ces lésions et séquelles sont en relation directe et certaine avec les conditions de travail de Madame [U] [E] au sein de la société défenderesse,

– de déterminer la durée de l’incapacité temporaire totale et partielle de travail subie,

– de fixer la date de consolidation des blessures,

– de dire si du fait des lésions constatées, il subsiste une incapacité permanente partielle ou totale,

– de donner son avis sur le taux de l’incapacité permanente partielle ou totale,

– dire si du fait des lésions constatées initialement il existe une atteinte permanente d’une ou plusieurs fonctions et dans l’affirmative après en avoir précisé les éléments :

. chiffrer le taux du déficit physiologique résultant au jour de l’examen de la différence entre la capacité antérieure, dont le cas échéant, les anomalies devront être discutées et évaluées, et la capacité actuelle,

. dire si l’état de la victime est susceptible de modifications, dans l’affirmative, en aggravation ou amélioration,

. fournir au Tribunal toutes précisions utiles sur cette évolution son degré de probabilité et, dans le cas où un nouvel examen lui apparaîtrait nécessaire, indiquer le délai dans lequel il devra y être procédé,

. dire, si malgré son incapacité permanente, la victime est, au plan médical, physiquement et intellectuellement apte à reprendre un emploi dans le domaine de l’industrie,

– de donner un avis sur les autres éléments du préjudice corporel et esthétique,

Indiquer le cas échéant :

– si l’assistance d’une tierce personne constante ou occasionnelle est, ou a été, nécessaire, en décrivant avec précision les besoins (niveau de compétence technique, durée d’intervention quotidienne),

-si des appareillages, des fournitures complémentaires et si des soins postérieurs à la consolidation sont à prévoir,

– si le cas le justifie, procéder selon la méthode du pré-rapport afin de provoquer les dires écrits des parties dans tel délai de rigueur déterminé de manière raisonnable et y répondre avec précision,

– allouer à Madame [U] [E] une provision de 4 000 €,

– déclarer la décision à intervenir opposable à la CPAM du Haut-Rhin,

– réserver à Madame [U] [E] le droit de parfaire et compléter sa demande d’indemnisation après dépôt du rapport d’expertise judiciaire,

– ordonner que les frais d’expertise seront mis à la charge de la société [9] venant aux droits de la société [9],

– condamner la société [9] venant aux droits de la société [9] au paiement de la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers frais et dépens.

Sur le délai de prise en charge, Mme [E] fait valoir qu’au vu des bulletins de salaire et de l’attestation de salaire établie par l’employeur, le dernier jour travaillé est le 24 mai 2012 et non le 11 mai 2022 et que la date de première constatation médicale fixée par le médecin conseil est le 25 mai 2012 qui correspond à la réalisation d’un EMG (examen électromyogramme), de sorte que le délai de prise en charge de 30 jours est respecté.

L’appelante soutient que le caractère professionnel de la maladie est établi par l’enquête administrative de la CPAM, un courrier du médecin du travail du 21 janvier 2014 qui indique que le « métier de monitrice lui impose surtout du tri de pièces (gestes répétitifs, plus ou moins minutieux et port de charges de poids variable », ainsi qu’une attestation établie par le responsable du site [9] de [Localité 8].

Mme [E] indique que son employeur a manqué à son obligation de sécurité, la formation qu’elle a suivie le 7 mars 2012 ne s’est pas révélée satisfaisante notamment quant aux consignes à adopter concernant les membres supérieurs et inférieurs et qu’elle en a fait état dans la fiche d’évaluation qu’elle a renseignée. Elle affirme que l’employeur n’a pas mené d’action satisfaisante afin de remédier au risque qualifié d’élevé, en ce qui concerne notamment la manutention de pièces, dans les fiches d’évaluation des risques de 2008, 2012 et 2016.

Par conclusions du 27 janvier 2023, soutenues oralement à l’audience, la société [9] demande à la cour de :

sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel, et notamment en ce qu’il a jugé que la maladie professionnelle « syndrome du canal carpien bilatéral » déclarée par Madame [U] [E] le 11 juin 2012 n’est pas imputable a une faute inexcusable de la société [9] venant aux droits de la société [9],

– juger qu’il n’est pas justifié du caractère professionnel de la maladie déclarée par Madame [E] en application de l’article L.461-1 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale,

– juger que Madame [E], a qui incombe la charge de la preuve, ne justifie pas d’un lien de causalité entre sa maladie et son travail au sein de la société [9], ni d’un manquement de la société [9], venant aux droits de la société [9], à son obligation de sécurité, constitutif d’une faute inexcusable qui aurait été une cause nécessaire de sa maladie professionnelle au sens de l’article L.452-1 du Code de la sécurité sociale,

en conséquence,

– débouter Madame [E] de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable a l’encontre de la société [9] venant aux droits de [9],

– débouter Madame [E] de l’ensemble de ses demandes formées a l’encontre de la société [9], venant aux droits de la société [9],

subsidiairement,

sur la demande de provision et d’expertise médicale

– juger tant irrecevable que mal fondée la demande de provision formée par Madame [E] a l’encontre de la société [9], venant aux droits de [9],

– débouter Madame [E] de sa demande de provision,

– juger que l’expertise médicale qui serait éventuellement ordonnée pour l’évaluation des préjudices personnels de Madame [E] devra se limiter à la détermination,

– des souffrances endurées physiques et morales, non prises en compte dans le déficit fonctionnel permanent,

– du préjudice esthétique,

– du préjudice d’agrément,

– des besoins d’assistance par une tierce personne avant consolidation,

et qu’il appartiendra a l’expert de :

– se faire communiquer l’entier dossier médical de Madame [E],

– décrire les antécédents de Madame [E],

– distinguer les préjudices strictement imputables a la maladie de « syndrome du canal carpien » constatée le 11 juin 2012, de ceux imputables à un état pathologique antérieur, et notamment a son accident en date du 8 décembre 2008, consolidé après rechute avec un taux d’IPP de 5% le 14 septembre 2011,

– juger que les frais d’expertise seront avancés par la CPAM,

sur l’action récursoire de la CPAM

– surseoir à statuer sur l’action récursoire de la CPAM a l’encontre de la société [9], venant aux droits de la société [9], dans l’attente de la décision a intervenir de la juridiction de sécurité sociale de Nanterre dans le cadre de l’instance opposant [9] venant aux droits de [9], à la CPAM, sur le caractère professionnel de la maladie de Madame [E] constatée le 11 juin 2012 et l’inopposabilité de la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, enregistrée sous le numéro de recours : 14-00895/N,

en tout état de cause,

– rejeter toutes demandes de condamnation formées par Madame [E] à l’encontre de la société [9], venant aux droits de [9], en ce compris toute condamnation aux dépens de l’instance,

– condamner Madame [E] au paiement d’une somme de 1.500 € entre les mains de la société [9], venant aux droits de [9], au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur le délai de prise en charge, la société [9] fait valoir que le dernier jour travaillé est le 11 mai 2012 et que la date de première constatation médicale doit être fixée au 11 juin 2012, date du certificat médical initial, de sorte que le délai de prise en charge de 30 jours n’a pas été respecté.

L’employeur soutient que le caractère professionnel de la maladie n’est pas établi dans la mesure où son poste de « moniteur » n’incluait pas de travaux comportant habituellement des mouvements répétitifs du membre supérieur et que la déclaration de maladie professionnelle initiale et ses rechutes ont été déclarées alors que Madame [E] n’occupait plus son poste depuis plusieurs mois, laissant supposer que dans le cadre de sa vie personnelle et/ou au regard de ses antécédents, elle a été exposée à des facteurs de risque du syndrome du canal carpien.

La société [9] affirme que l’appelante ne rapporte pas la preuve d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, l’employeur ayant mis en ‘uvre des mesures de prévention pour assurer la sécurité des salariés. Elle indique qu’un livret d’accueil sécurité a été remis à Mme [E], qu’un document unique a été élaboré afin d’identifier et d’évaluer les risques professionnels et qu’une fiche de l’évaluation des risques pour chaque poste, notamment pour le poste de moniteur, a été établie le 12 décembre 2006. L’intimée précise qu’elle a fait dispenser à Mme [E] une formation « gestes et postures de travail ‘ manipulation de charges spécifiques » le 7 mars 2012 et que cette formation concerne bien les membres inférieurs et supérieurs.

La CPAM du Haut-Rhin a été dispensée de se présenter à l’audience en application des dispositions des articles 446-1 du code de procédure civile et R 142-10-4 du code de la sécurité sociale.

Par conclusions du 1er mars 2022, la CPAM du Haut-Rhin demande à la cour de :

– donner acte à la CPAM du Haut-Rhin de ce qu’elle s’en remet à la sagesse de la cour s’agissant de la reconnaissance de la faute inexcusable de la société [9], si la cour devait infirmer le jugement attaqué et reconnaître l’existence de la faute inexcusable de la société [9], sur l’action récursoire de la CPAM,

– surseoir à statuer dans l’attente de la décision définitive sur la contestation du caractère professionnel de l’affection déclarée par Mme [E] [U] le 11 juin 2012.

Il est renvoyé aux conclusions précitées pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’appel :

Interjeté dans les forme et délai légaux, l’appel est recevable.

Sur le caractère professionnel de la maladie et la faute inexcusable :

En application de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident, ou la maladie professionnelle, est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

L’employeur, en défense à l’action en reconnaissance de faute inexcusable l’opposant à son salarié, est recevable à contester le caractère professionnel de la maladie.

Selon l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée comme d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

En l’espèce, il est constant que Mme [E] présente un syndrome du canal carpien bilatéral, maladie inscrite au tableau n°57C des maladies professionnelles et que ce tableau fixe le délai de prise en charge de la maladie à 30 jours.

Sur le délai de prise en charge

Le délai de prise en charge est constitué par le délai entre la date de la cessation de l’exposition au risque et la date de la première constatation médicale de la pathologie.

Les parties s’opposent sur le respect de la condition tenant au délai de prise en charge de la maladie de 30 jours, tant sur la fixation de la date de cessation de l’exposition au risque que sur celle de la première constatation médicale de la maladie.

S’agissant de la date de cessation de l’exposition au risque, les premiers juges ont retenu la date du vendredi 11 mai 2012, précisant qu’il s’agissait d’un fait non contesté par l’ensemble des parties et que Mme [E] était en congés du 14 au 24 mai 2012 puis en arrêt de travail pour maladie du 25 mai au 23 juillet 2012.

A hauteur de cour, l’appelante soutient que son dernier jour travaillé est le 24 mai 2012 et se réfère aux bulletins de salaire de mai et juin 2012 ainsi qu’à une attestation de l’employeur du 5 juin 2012.

Cependant, il résulte d’un récapitulatif de salaire de Mme [E] du mois de mai 2012 que la salariée était bien en congés au titre du compte épargne temps (CET) du 14 mai au 24 mai 2014.

L’enquête administrative diligentée par la CPAM le confirme puisque le rapport mentionne expressément qu’avant la date de première constatation médicale, « Mme [E] était en congés payés de 14 au 24 mai 2012 ».

Si l’attestation de salaire pour le paiement des indemnités journalières maladie du 5 juin 2012, à laquelle se réfère Mme [E], mentionne le 24 mai 2012 comme date du dernier jour de travail, cette date est retenue pour le calcul des indemnités journalières, incluant la période de congés payés précédant l’arrêt, mais ne constitue pas le dernier jour de travail effectif.

Par conséquent, il est démontré que Mme [E] a cessé d’être exposé au risque le 11 mai 2012, dernier jour effectif de travail.

En ce qui concerne la date de la première constatation médicale de la pathologie, l’article D461-1-1 du code de la sécurité sociale énonce qu’il s’agit de la date à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi, et ajoute qu’elle est fixée par le médecin conseil.

La première constatation médicale d’une maladie professionnelle dont la date est antérieure à celle du certificat médical n’est pas soumise aux mêmes exigences de forme que celui-ci et n’est pas au nombre des documents constituant le dossier qui doit être mis à la disposition de la victime ou de ses ayants droit et de l’employeur en application de l’article R441-14 alinéa 3 du code de la sécurité sociale.

Pour autant il revient à la juridiction en cas de contestation de vérifier que la preuve est faite de ce que la première constatation médicale de la maladie est intervenue dans le délai de prise en charge.

En l’espèce, le tribunal a fixé la date de première constatation médicale au 11 juin 2012, date d’établissement du certificat médical initial.

Mme [E] soutient que la date de la première constatation médicale doit être fixée au 25 mai 2012, date retenue par le médecin conseil, et que cette date correspond à la réalisation d’un EMG (examen électromyogramme).

Il résulte du colloque médico-administratif du 7 novembre 2012, que le médecin conseil a fixé la date de première constatation médicale des affections au 25 mai 2012 en précisant que le document lui ayant permis de fixer cette date était un « arrêt de travail », sans toutefois préciser le motif de cet arrêt.

Cependant, l’appelante produit un courrier du 26 mai 2012 adressé par le docteur [Z] [D], neurologue, au docteur [T] [Y] dans lequel il rend compte du bilan neurologique de Mme [E].

Il est expressément indiqué dans ce courrier que « l’EMG confirme le diagnostic de syndrome du canal carpien bilatéral, à nette prédominance droite, atteignant de ce côté un stade sensitif et moteur mixte à prédominance myélinique ».

Ce document démontre que la pathologie de Mme [E] a été médicalement constatée à une date antérieure au 11 juin 2012, date du certificat médical initial, et que la date du 25 mai 2012 correspond à la réalisation d’un EMG.

Au vu de ce document, la cour considère que la date de la première constatation médicale de la pathologie de Mme [E] doit être fixée au 25 mai 2012 et que la preuve est faite de ce qu’elle est intervenue dans le délai de prise en charge de 30 jours.

Sur la liste limitative des travaux

Au titre du syndrome du canal carpien bilatéral, la caractérisation des travaux limitativement énumérés est la suivante : « Travaux comportant de façon habituelle, soit des mouvements répétés ou prolongés d’extension du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, soit une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main ».

En l’espèce, il résulte de l’enquête administrative diligentée par la CPAM que l’enquêteur de la caisse s’est entretenu avec M. [M], chef du site [9] à [Localité 6] (68), qui a précisé que Mme [E] contrôlait des produits pendant 80% de son temps de travail et effectuait des manipulations avec ses deux mains. Il a indiqué que les cadences de travail variaient selon les attentes des clients et du produit à contrôler, allant de 15 pièces par heure si nécessité de retouche à 200 pièces par heure sans retouche, ou plus.

M. [M] a également expliqué, concernant le courrier de réserves de l’employeur qui mentionne que la salariée assure des fonctions principales de management et d’organisation, qu’il s’agit de la règle dans les autres site [9] mais que l’organisation est différente sur [Localité 6] et que si Mme [E] a managé un groupe de 20 personnes en 2011, elle leur a également montré le travail et donc a effectué des manipulations.

Il ressort également d’une attestation établie le 27 février 2017 par M. [B], responsable du site [9] à [7] [Localité 8], que le moniteur « participe pleinement et quotidiennement en fonction de l’activité, à des missions de tris et retouches, nécessitant de la manutention régulière de contacteurs d’un poids allant de 8 à 25 kg, des déplacements de bacs à l’aide d’un transpalette » et qu’il est amené « à subir des gestes répétitifs lors de tris, à du déconditionnement ou reconditionnement de pièces, de manière soutenue ».

Il ressort de ces éléments qu’incontestablement, en raison des manipulations de pièces avec ses deux mains, les gestes effectués par Mme [E] nécessitaient de façon habituelle, des mouvements répétés ou prolongés d’extension du poignet ou de préhension de la main.

La condition tenant à l’exposition au risque du tableau n°57C des maladies professionnelles étant également remplie, il s’en déduit que l’ensemble des conditions exigées à ce tableau sont réunies, de sorte que la présomption d’imputabilité de cette maladie au travail est applicable.

La société [9] ne renverse pas cette présomption faute de rapporter la preuve que le travail de Mme [E] n’a joué aucun rôle dans l’apparition de sa maladie.

Par conséquent, le caractère professionnel de l’affection déclarée par Mme [E] le 11 juin 2012 est établi.

Sur la faute inexcusable :

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité.

Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié. Il suffit qu’elle soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes, telles une imprudence ou une faute du salarié lui-même, auraient concouru à la survenance du dommage.

En l’espèce, s’agissant de la conscience du danger par l’employeur résultant de l’activité de moniteur de Mme [E], elle résulte de la fiche d’évaluation des risques du « moniteur » du 8 décembre 2008 qui fait état d’un risque élevé de troubles musculo-squelettiques du fait de la manipulation de pièces lors d’une mission de tri ou de retouche et de son caractère répétitif.

En ce qui concerne les mesures prises par l’employeur pour préserver la salariée du danger encouru, l’intimée justifie que les risques identifiés et évalués dans le document unique du 1er août 2006 et dans la fiche spécifique d’évaluation des risques du métier de moniteur du 8 décembre 2008 ont donné lieu à des actions de prévention telles que les consignes résultant du plan de prévention et du livret de sécurité, les règles ergonomiques ainsi que le suivi de formation.

Sur ce dernier point, il est démontré que Mme [E] a bénéficié d’une formation « gestes et postures de travail manipulation de charge spécifique » le 7 mars 2012.

Cette formation, relative à la prévention du mal de dos et des articulations, apparaît appropriée au regard de la maladie professionnelle déclarée et établit le respect par l’employeur de son obligation d’information et de formation à la sécurité telle que prévue aux articles R. 4141-1 et suivants du code du travail.

L’évaluation mitigée de Mme [E] sur l’intérêt de cette formation, au motif qu’elle aurait souhaité plus de détails sur les troubles musculo-squelettiques, ne permet pas de caractériser un manquement de l’employeur.

De même, l’attestation de Mme [R] [W], s’ur et collègue de travail de Mme [E], qui affirme que les moyens de prévention mis en ‘uvre par les responsables arrivaient souvent trop tard, c’est à dire quand les tris étaient terminés, est trop générale et imprécise pour établir que l’employeur aurait manqué à son obligation de sécurité.

Dès lors, au vu des éléments du dossier, la cour considère que l’employeur a pris les mesures nécessaires pour préserver Mme [E] du danger encouru.

L’appelante ne démontre pas que la société [9] a commis une faute inexcusable, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [E] de sa demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.

Succombant, Mme [E] sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel et sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aucune considération d’équité ne commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, de sorte que la société [9] sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

DECLARE l’appel interjeté recevable,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [U] [E] aux dépens de l’instance d’appel,

REJETTE les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


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