Tentative de conciliation : 13 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/11207

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Tentative de conciliation : 13 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/11207
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 13 AVRIL 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/11207 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD33V

Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 juin 2021 – Tribunal Judiciaire de PARIS – RG n° 11-20-011062

APPELANTE

La société DEMANDER JUSTICE, société par actions simplifiée prise en la personne de son président Monsieur [R]

N° SIRET : 751 610 015 00024

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Romain DARRIERE de la SELEURL ROMAIN DARRIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1753

substitué à l’audience par Me Chloé LEGRIS-DUPEUX, avocat au barreau de PARIS, toque : E1612

INTIMÉE

Madame [Z] [P]

née le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 7] (SÉNÉGAL)

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Marguerite COMPIN NYEMB, avocat au barreau de PARIS, toque : B0076

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/037972 du 22/09/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 8 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Demander Justice est une société spécialisée dans l’édition de sites internet juridiques et exploite notamment les sites www.demanderjustice.com, www.saisirprudhommes.com et www.litiges.fr.

Au mois d’octobre 2017 et faisant suite à son licenciement le 6 octobre 2017, Mme [Z] [P] a eu recours aux services proposés par cette société en se connectant au site internet www.saisirprudhommes.com.

Le 27 octobre 2017, un courrier de tentative de conciliation et de mise en demeure à l’attention de son ancien employeur, la société Auchan, a été rédigé en contrepartie de la somme de 50 euros. Par l’intermédiaire d’un coursier, la société Demander Justice a envoyé ce courrier en lettre recommandé avec accusé réception à l’ex-employeur accompagné du dossier de saisine.

En l’absence de réponse, Mme [P] a ensuite souscrit une prestation de « procédure judiciaire » facturée 149,90 euros le 15 novembre 2017.

Sans nouvelle de son dossier et deux ans plus tard, Mme [P] a saisi un avocat de son dossier. Les demandes de Mme [P] introduites le 12 mars 2019 par le biais de son avocat ont été déclarées irrecevables comme étant prescrites en application de l’article L. 1471-1 du code du travail suivant jugement du Conseil de prud’hommes de Créteil rendu le 7 septembre 2020, le premier dossier n’ayant jamais été déposé.

Saisi le 29 juillet 2020 par Mme [P] d’une demande tendant principalement à la condamnation de la société Demander Justice à des dommages et intérêts pour inexécution contractuelle, le tribunal judiciaire de Paris, par un jugement contradictoire rendu le 8 juin 2021 auquel il convient de se reporter, a :

– condamné la société Demander Justice à payer à Mme [P] la somme de 1 800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

– débouté les parties de toute autre demande,

– condamné la société Demander Justice aux dépens de l’instance.

Le tribunal a considéré que la société Demander Justice était tenue au titre de la prestation procédure judiciaire souscrite telle qu’elle résultait de son site internet, de s’assurer, par une obligation de résultat, de l’acheminement au Conseil de prud’hommes du dossier complété électroniquement, comme cela résulte de l’article 11-3 des conditions générales de service et qu’elle ne pouvait s’exonérer de sa responsabilité en indiquant avoir confié cette prestation à un service de coursier en se contentant d’un simple bordereau de prise en charge du dossier signé par la société de coursiers et s’en s’assurer de la prise en charge du pli par la juridiction. Il a considéré que la société Demander Justice avait ainsi engagé sa responsabilité du fait de l’inexécution de l’obligation contractuelle.

Il a considéré qu’au regard des articles L. 212-1 et R. 212-1 6° du code de la consommation, la clause exclusive de responsabilité figurant à l’article 1.3 des conditions générales de service qui a pour objet ou effet de réduire le droit à réparation du préjudice subi pour le consommateur en cas de manquement du professionnel à ses obligations était irréfragablement abusive et devait être réputée non écrite. Il a retenu que Mme [P] avait subi un préjudice de perte de chance de voir une juridiction connaître de ses demandes indemnitaires suffisamment réparé par l’allocation d’une somme de 1 800 euros.

Par déclaration enregistrée le 16 juin 2021, la société Demander Justice a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 23 janvier 2023, l’appelante demande à la cour :

– à titre principal, d’annuler le jugement,

– à titre subsidiaire, d’infirmer le jugement,

– de débouter Mme [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– de faire application des dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile pour prononcer une amende civile à l’encontre de Mme [P],

– de condamner Mme [P] à lui verser la somme de 1 500 euros à titre des dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l’article 1240 du code civil,

– de condamner Mme [P] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner Mme [P] aux entiers dépens.

L’appelante soutient que le premier juge a méconnu le principe de la contradiction prévu à l’article 16 du code de procédure civile en ayant relevé d’office l’application des articles L. 221-15 et L. 212-1 et suivants du code de la consommation sans avoir invité les parties à présenter leurs observations. Elle précise que cela ressort du plumitif d’audience versé aux débats. Elle ajoute que les dispositions des articles L. 212-1 et suivants et R. 212-1 6° du code de la consommation ont également été soulevées d’office pour déclarer abusive la clause exclusive de responsabilité figurant à l’article 11.3 des conditions générales de service.

Elle fait observer que Mme [P] n’a pas repris dans le dispositif de ses écritures ni à l’audience la demande de nullité pour erreur et qu’en conséquence la cour n’est pas saisie de cette demande.

Elle conteste toute inexécution contractuelle et soutient qu’en vertu du contrat conclu avec Mme [P] le 15 novembre 2017 et de l’article 5 des conditions générales de service du site www.saisirprudhommes.com, elle n’était tenue qu’à une obligation consistant à adresser le dossier de saisine au Conseil de Prud’hommes de Créteil et en aucune manière à saisir la juridiction. Elle estime qu’elle devait donc tout mettre en ‘uvre pour s’assurer de l’envoi et non de la réception du dossier, ce dont elle justifie s’être acquittée par production du bordereau d’envoi du 23 novembre 2017 de son sous-traitant la société Moby, valant preuve du dépôt. Elle rappelle que seule l’adresse de Mme [P] était indiquée sur l’envoi de sorte qu’il appartenait à elle seule d’accuser réception du dossier.

Elle fait valoir que Mme [P] n’a pas respecté les formes de contestation prévues à l’article 11.3 des conditions générales qui prévoient que la mise en ‘uvre de la responsabilité du prestataire devra faire l’objet d’une lettre recommandée avec avis de réception au plus tard dans les 48 heures suivant la connaissance par le client de la survenance du fait dommageable et qu’elle doit ainsi être déboutée de ses demandes.

Elle conteste la demande indemnitaire de Mme [P] et estime qu’aucune perte de chance réelle et sérieuse n’est caractérisée, que le préjudice est incertain en ce que rien n’indique que le conseil des prud’hommes aurait accueilli les demandes et qu’elle a laissé s’écouler le délai de prescription de son action.

Au visa de l’article 32-1 du code de procédure civile et de l’article 1240 du code civil, l’appelante soutient que la procédure de Mme [P] est abusive, celle-ci ayant agi avec une légèreté blâmable en ne s’interrogeant que tardivement sur l’avancement de son dossier et en saisissant également tardivement la juridiction.

Aux termes de conclusions remises le 1er août 2022, Mme [P] demande à la cour :

– de dire et juger la société Demander Justice mal fondée en ses demandes,

– de débouter la société Demander Justice,

– de constater les manquements aux obligations contractuelles,

– de confirmer le jugement en ce qu’il reconnaît son préjudice,

– à titre reconventionnel, de condamner la société Demander Justice à lui verser la somme de 8 000 euros pour procédure abusive,

– de condamner la société Demander Justice à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner la société Demander Justice aux entiers dépens.

Elle indique que le juge était tenu de soulever le caractère abusif de la clause présente dans les conditions générales de services et que la partie adverse avait la possibilité de soulever ce point lors de l’audience du 13 avril 2021, ce qui ne saurait entacher la décision.

Elle soutient que la société Demander Justice est tenue d’une obligation de résultat, qui consiste en la saisine du Conseil de Prud’hommes. Elle rappelle que ce site affiche en gros caractère « SAISIR PRUD’HOMMES », ce qui induit les clients en erreur, but recherché par le site et que l’article 11.3 des conditions générales de services prévoit que le prestataire transmet au défendeur ainsi qu’au tribunal les informations et documents renseignés par le client sans y apporter aucune modification. Elle fait remarquer que dans sa présentation, le site précise bien que « le site SaisirPrudhommes.com permet à tous les justiciables de démarrer une procédure devant le Conseil de Prud’hommes sur Internet, sans aucune assistance et à un prix fixe » ce qui sous-entend qu’en utilisant ce site, il est possible pour l’utilisateur et futur justiciable de voir son dossier confié au Conseil de Prud’hommes.

Elle fait état d’une erreur provoquée se fondant sur les articles 1128, 1130 et 1131 du code civil car en utilisant le site internet www.saisirprudhommes.com, elle pensait à juste titre avoir à faire au Conseil de Prud’hommes lui-même.

Elle estime que la société Demander Justice a engagé sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l’article 1134 du code civil et estime avoir subi un préjudice du fait de cette inexécution contractuelle puisque le délai imparti pour contester le licenciement est arrivé à échéance.

Elle prétend que l’appel est abusif et en demande réparation sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 janvier 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 8 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’annulation du jugement

L’appelante soutient que le premier juge a méconnu le principe de la contradiction prévu à l’article 16 du code de procédure civile en relevant d’office sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, les articles L. 221-15, L. 212-1 et R. 212-1 6° du code de la consommation.

Aux termes de l’article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

L’article R. 632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe de la contradiction posé à l’article 16 du code de procédure civile.

L’assignation délivrée le 29 juillet 2020 par Mme [P] visait à titre principal à mettre en cause la responsabilité contractuelle de la société Demander Justice sur le fondement des articles 1103, 1104, 1240, du code civil et à titre subsidiaire à solliciter l’annulation du contrat sur le fondement des articles 1130 et 1131 du code civil.

Il résulte des énonciations du jugement ainsi que du plumitif d’audience communiqué, qu’à l’audience du 13 avril 2021 à laquelle les deux parties étaient représentées, Mme [P] a maintenu uniquement sa demande visant à mettre en cause la responsabilité contractuelle de la société défenderesse et que cette dernière a conclu au rejet de cette demande et a contesté l’existence d’un quelconque préjudice et mis en avant le caractère abusif de la procédure initiée.

Le premier juge a, dans sa décision, considéré que la société Demander Justice avait engagé sa responsabilité contractuelle sans en préciser le fondement textuel et a rappelé à titre surabondant le texte de l’article L. 221-15 du code de la consommation. S’agissant du préjudice, il a considéré que la clause exclusive de responsabilité figurant à l’article 1.3 des conditions générales de service de la société Demander Justice était abusive sur le fondement des articles L. 212-1 et R. 212-1 6° du code de la consommation.

Le premier juge a donc introduit d’office dans le débat l’application des dispositions de l’article L. 221-15 du code de la consommation et des articles L. 212-1 et R. 212-1 6° du même code sans en informer préalablement les parties et sans avoir veillé à solliciter leurs observations quant à l’application de ces textes.

Partant, le tribunal a méconnu le principe de la contradiction posé à l’article 16 du code de procédure civile ; le jugement est annulé.

L’effet dévolutif de la déclaration d’appel conduit la cour à statuer à nouveau.

Sur la responsabilité de la société Demander Justice

La cour constate à titre liminaire que Mme [P] sollicite la confirmation du jugement ayant constaté le manquement aux obligations contractuelles en invoquant les dispositions des articles 1103, 1104, 1231-1, 1240 et 1134 du code civil. Si elle invoque également dans le corps de ses écritures une erreur quant au caractère commercial du site, cause de nullité sur le fondement des articles 1128, 1130, 1133 du code civil, elle n’en tire aucune conséquence dans le dispositif de ses écritures de sorte que la cour n’est pas tenue de statuer sur ce point. Il est observé que Mme [P] avait, devant le premier juge, renoncé à poursuivre l’annulation du contrat.

La société Demander Justice conteste tout manquement contractuel, prétend qu’elle n’était tenue que de s’assurer de l’envoi du dossier ce qu’elle a fait en le confiant pour envoi à son sous-traitant, sans qu’elle n’ait à s’assurer de la saisine effective de la juridiction prud’homale. Elle fait état d’une simple obligation de moyen.

Au vu de la date des relations contractuelles, il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version postérieure à l’entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

L’article 1231-1 du code civil prévoit que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Il résulte de l’article 11.3 en son troisième paragraphe des conditions générales de service ayant pour objet de déterminer les droits et obligations des parties dans le cadre des offres de services proposées au client, que toute mise en ‘uvre de la responsabilité du prestataire devra faire l’objet d’une lettre recommandée avec avis de réception adressée à Demander Justice au plus tard dans les 48 heures suivant la connaissance par le client de la survenance du fait dommageable et que la contestation doit être motivée.

S’il n’est pas contesté par Mme [P] qu’elle n’a pas respecté les formes prescrites par cet article, il n’est pas démontré en quoi le non-respect de ces dispositions rendrait irrecevables ou infondées les prétentions émises par Mme [P] à l’encontre de la société Demander Justice.

En l’espèce, et selon facture communiquée, il est acquis que Mme [P] s’est connectée au site internet www.saisirprudhommes.com et a souscrit une prestation de « procédure judiciaire Conseil des Prud’hommes sur SaisirPrudhommes.com » facturée 149,90 euros TTC le 15 novembre 2017. Mme [P] démontre qu’aucun dossier n’a été reçu au Conseil de prud’hommes de Créteil suite à cette prestation et qu’elle a formé postérieurement une demande par le biais d’un avocat le 12 mars 2019, demande déclarée irrecevable comme étant prescrite suivant décision du 7 septembre 2020.

La société Demander Justice produit aux débats le bordereau d’envoi du dossier daté du 23 novembre 2017 revêtu du cachet de la société de coursier Moby avec l’indication de l’adresse du destinataire à savoir Conseil de prud’hommes de Créteil, [Adresse 6]. Ce document atteste tout au plus de la prise en charge du dossier par la société sous-traitante.

L’article 11.3 des conditions générales de service précise que le prestataire transmet au tribunal les informations et documents renseignés par le client sans y apporter aucune modification, que le client reconnaît que les obligations du prestataire sont des obligations de moyen à l’exclusion de toute obligation de résultat. L’article 5 relatif aux modalités d’envoi du dossier vient préciser que le dossier est imprimé en noir et blanc, que l’envoi des dossiers est sous-traité à un organisme indépendant du prestataire, spécialisé dans l’impression, la gestion et l’acheminement de courriers.

L’extrait du site internet www.saisirprudhommes.com édité le 8 janvier 2021 fait état d’une procédure en ligne « afin de saisir les Prud’hommes et faire valoir vos droits ».

A la rubrique « qui sommes-nous’ », il est expliqué que le site a été créé pour permettre à tous les justiciables de démarrer une procédure devant le Conseil de prud’hommes sur internet, sans aucune assistance et à un prix fixe.

A la rubrique « démarrer une procédure », il est indiqué qu’il est possible de constituer un dossier pour le Conseil de Prud’hommes par internet, sans se déplacer et sans aucune assistance, que le service prend en charge la mise en forme du dossier ainsi que tous les envois postaux de manière automatisée et garantit le strict respect des dispositions du code de procédure civile.

Il est précisé que la saisine de cette juridiction ne nécessite pas en France la représentation par avocat, que le site se propose d’accompagner le client dans ses démarches afin de garantir :

« -‘ une tentative de résolution à l’amiable avec votre adversaire’: édition et envoi automatique d’une mise en demeure et d’une déclaration au greffe adaptées à votre litige; nous prenons en charge tous les envois postaux

– la constitution d’un dossier parfaitement conforme aux dispositions du code de procédure civile, vous évitant ainsi tout rejet de votre dossier pour vice de forme

– le cas échéant la prise en charge de votre dossier par le Conseil de Prud’hommes et l’obtention dans les meilleurs délais d’une audience,

En somme, une économie d’énergie, de temps, et d’argent dans la résolution de votre litige ».

En 2021, il est précisé le coût des prestations à savoir 89,90 euros TTC pour l’édition d’un dossier juridique, l’envoi recommandé avec AR avec la mention que sans réponse satisfaisante de la partie adverse sous 8 jours, le client pourra lancer la procédure judiciaire à partir de 199,90 euros TTC, 199,90 euros TTC pour l’envoi du dossier complet au Conseil de prud’hommes et à l’adversaire, la convocation au conseil de prud’hommes, 249,90 euros TTC pour une mise en demeure de l’adversaire, l’édition du dossier juridique complet, la signature électronique du dossier, l’envoi recommandé avec AR, la saisine du conseil de prud’hommes, la décision du juge.

Dans la rubrique « saisie du dossier, comment ça marche ‘ », il est précisé : « remplissez votre dossier en seulement quelques minutes sur notre site, nous prenons en charge tous les envois postaux(…) ».

Il résulte de ce qui précède que la société Demander Justice était tenue de s’assurer de la délivrance postale à la juridiction compétente du dossier constitué par le biais de son site internet, sans que le fait de confier l’acheminement du courrier à une entreprise sous-traitante ne puisse constituer une cause exonératoire. La prestation de procédure en ligne proposée par la société Demander Justice mentionne en termes clairs que le service prend en charge la mise en forme du dossier ainsi que tous les envois postaux de manière automatisée tout en garantissant le strict respect des dispositions du code de procédure civile. L’envoi du dossier implique nécessairement dans l’esprit du client la réception de celui-ci par la juridiction destinataire ainsi que l’enregistrement de son dossier, sans quoi il n’est pas expliqué ce à quoi s’engage la société Demander Justice en invoquant la prise en charge de tous les envois postaux à la place de l’utilisateur.

La société Demander Justice ne démontre pas avoir respecté cette obligation de sorte que sa responsabilité contractuelle est engagée.

Sur l’indemnisation du préjudice

Mme [P] sollicite confirmation de la décision lui ayant alloué une somme de 1 800 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance.

Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Il est acquis que Mme [P] n’a pu voir examiner ses demandes par la juridiction compétente, saisie tardivement et qu’elle a été déclarée irrecevable en son action pour prescription.

Elle subit donc un préjudice certain et direct en lien avec la faute commise par la société Demander Justice lequel sera suffisamment réparé par l’allocation d’une somme de 1 800 euros.

Sur les autres demandes

Mme [P] ne démontre pas le caractère abusif de l’appel interjeté de sorte que sa demande indemnitaire doit être rejetée.

Les demandes formées par la société Demander Justice au titre d’une amende civile et d’une procédure abusive sont rejetées faute de démonstration d’une quelconque légèreté blâmable de la part de Mme [P] ou encore d’abus dans l’exercice de ses droits.

La société Demander Justice est condamnée aux dépens de première instance et d’appel. Elle doit être condamnée à verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à Mme [P] et déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

Annule le jugement rendu le 8 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Paris ;

Statuant à nouveau,

Dit que la société Demander Justice a manqué à ses obligations contractuelles ;

Condamne la société Demander Justice à payer à Mme [Z] [P] la somme de 1 800 euros à titre de dommages et intérêts ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne la société Demander Justice à payer à Mme [Z] [P] la somme de 1 500 euros application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Demander Justice aux dépens de première instance et d’appel.

La greffière La présidente

 


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