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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 14 AVRIL 2023
N° 2023/153
Rôle N° RG 19/19533 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFKXM
[M] [Y] épouse [J]
C/
SARL PRO DIRECT SERVICES
Copie exécutoire délivrée le :
14 AVRIL 2023
à :
Me Elsa FOURRIER-MOALLIC de la SARL CABINET FOURRIER-MOALLIC, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Antoine DONSIMONI, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MARSEILLE en date du 20 Novembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02681.
APPELANTE
Madame [M] [Y] épouse [J], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Elsa FOURRIER-MOALLIC de la SARL CABINET FOURRIER-MOALLIC, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SARL PRO DIRECT SERVICES, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Antoine DONSIMONI, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 09 Janvier 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président , a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023,
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Mme [M] [J] née [Y] a été recrutée par la société PRO DIRECT INTERACTIVE par contrat de travail à durée déterminée du 24/03/2005 au 24/07/2005, renouvelé jusqu’au 31/12/2005 en qualité de télé-actrice.
La relation s’est ensuite poursuivie en contrat à durée indéterminée conclu le 02/01/2006.
A compter du 02/01/2009, Mme [J] a ensuite conclu un contrat de travail à durée indéterminée avec la société PRO DIRECT SERVICES en qualité de superviseur junior.
A compter du 04/03/2014, Mme [J] a été mise à disposition de la société PRO DIRECT INTERACTIVE selon les avenants de disposition suivants :
– du 04/03/2014 au 31/03/2014
– du 01/04/2014 au 31/12/2014.
A compter du 1er janvier 2015, la mise à disposition de Mme [J] s’est poursuivie sans contrat de mise à disposition et le 28 avril 2015, un avenant a été régularisé prévoyant notamment que cette dernière serait mise à disposition pour une durée indéterminée en qualité de superviseur.
Le 16 décembre 2015, la société PRO DIRECT SERVICES a informé par courriel Mme [J] de la fin de son détachement au 31 décembre 2015 et lui a proposé deux postes pour sa réintégration au sein de la société PRO DIRECT SERVICES à savoir :
– Un poste de superviseur à [Localité 4] sur Nexity
– Un poste de superviseur sur ALM Partéo à [Localité 3],
que Mme [J] a refusés suivant courriel du 18 décembre 2015.
Madame [J] a été en arrêt de travail à compter du 5 janvier 2016 pour un syndrome anxio-dépressif renouvelé jusqu’au 20 juin 2016.
Par requête du 13 janvier 2016, Mme [M] [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille pour obtenir notamment la résiliation judiciaire de son contrat de travail, aux torts exclusifs de son employeur, invoquant un harcèlement moral, l’illicéité de sa mise à disposition et la modification unilatérale de son contrat de travail.
Lors de la visite de reprise du 20 juin 2016, le médecin du travail l’a déclarée inapte au poste de superviseur.
Par courrier du 04 juillet 2016, le médecin du travail a informé la société PRO DIRECT SERVICES que l’état actuel de santé de Mme [J] ne permettait pas de faire des propositions d’aménagement du temps de travail, ni transformation de poste, ni reclassement, ni mutation.
Par courrier du 11 juillet 2016, la société PRO DIRECT SERVICES a proposé un poste de reclassement à Mme [J] sur l’agence de [Localité 4], que Mme [J] a refusé au vu de son éloignement.
Par courrier du 09 août 2016, la société PRO DIRECT SERVICES a notifié à Mme [J] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par jugement de départage du 20 novembre 2019, le conseil de prud’hommes de Marseille a débouté Mme [J] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, dit que la rupture du contrat de travail de Mme [J] était intervenue le 09 août 2019, date de notification de la lettre de licenciement, dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté tout autre demande et a condamné Mme [J] aux dépens.
Le 20 décembre 2019, Mme [J] a interjeté appel de cette décision.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 16 juin 2020, Madame [J] demande à la Cour de :
A titre principal
INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Marseille en date du 20 novembre 2019 en toutes ses dispositions,
En conséquence, Statuant à nouveau,
Juger que le salaire moyen mensuel de Mme [J] s’élève à la somme de 1.890,45 euros bruts ;
Condamner la société PRO DIRECT SERVICES à lui régler la somme de 3.600 euros bruts au titre des primes non perçues durant l’exécution du contrat de travail, outre une incidence de congés payés de 360 euros bruts ;
Juger que Mme [J] a été victime de harcèlement moral ;
Juger que la société PRO DIRECT SERVICES a commis des manquements graves et fautifs à son encontre allant jusqu’à causer son licenciement pour inaptitude ;
Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [J] aux torts exclusifs de la société PRO DIRECT SERVICES ;
A titre subsidiaire,
Juger que la société PRO DIRECT SERVICES n’a pas respecté son obligation de reclassement ;
En conséquence,
JUGER que le licenciement pour inaptitude de Mme [J] intervenu le 09 août 2016 est sans cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause
En conséquence,
Condamner la société PRO DIRECT SERVICES à régler à Mme [J] les sommes suivantes :
o 3.780,90 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre une incidence de congés payés de 378,09 euros bruts ;
o 35.000 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre de la résiliation judiciaire de son contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, ou à tout le moins la somme de 11.342,70 euros nets ;
Condamner la société PRO DIRECT SERVICES à lui régler la somme de 20.000 euros nets de dommages et intérêts au titre du préjudice distinct subi du fait du harcèlement moral ;
Condamner la société PRO DIRECT SERVICES au paiement de la somme de 3 600 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, ainsi qu’aux dépens tant de première instance que d’appel ;
Débouter la société PRO DIRECT SREVICES de toutes ses demandes, fins et conclusions, notamment au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 12 décembre 2022, la société PRO DIRECT SERVICES demande à la Cour de :
REJETER pour irrecevabilité les demandes formulées par Madame [M] [J] au titre de l’indemnité pour licenciement nul ou l’indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse, l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents au visa de l’article 564 du code de procédure civile et du principe général de droit de l’estoppel ;
Dans tous les cas ;
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame [M] [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
DEBOUTER Madame [M] [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
CONDAMNER Madame [M] [J] au paiement de la somme de 3.000 euros, au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
La procédure a été close suivant ordonnance du 15 décembre 2022.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur la fin de non-recevoir tirée de l’estoppel
La société PRO DIRECT SERVICES invoque une fin de non-recevoir tirée du principe juridique de l’estoppel et de l’article 564 du code de procédure civile s’agissant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents demandés par Mme [J], faisant valoir que ces demandes sont nouvelles pour avoir été préalablement abandonnées en première instance devant le conseil de prud’hommes.
Mme [J] demande le rejet de ce moyen d’irrecevabilité, au motif que le présent litige est encore soumis au principe de l’unicité de l’instance prévu aux articles R1452-6 et 7 du code du travail, dispositions qui n’ont été abrogées que postérieurement à l’introduction de la présente instance le 13 janvier 2016.
***
L’ancien article R.1452-6 du code du travail prévoyait que « Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur, l’objet d’une seule instance. Cette règle n’est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes. »
L’article R.1452-7 du Code du travail prévoyait également que « Les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel. L’absence de tentative de conciliation ne peut être opposée. Même si elles sont formées en cause d’appel, les juridictions statuant en matière prud’homale connaissent les demandes reconventionnelles ou en compensation qui entrent dans leur compétence ».
Ces articles, fondant le principe d’unicité de l’instance prud’homale et la possibilité de formuler de nouvelles demandes même en appel, ont été abrogés par le décret n°2016-660 du 20 mai 2016, applicable uniquement pour les instances introduites devant les conseils de prud’hommes à compter du 1er août 2016 (article 45).
Or, en l’espèce, Mme [J] a introduit sa requête par devant le conseil de prud’hommes de Marseille le 13 janvier 2016, de sorte que les articles précités lui sont pleinement applicables.
Mme [J] avait donc la possibilité de reprendre en appel, les demandes qu’elle avait initialement abandonnée en cours de procédure de première instance.
En conséquence il n’y a pas lieu de déclarer irrecevables les demandes d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents.
Sur l’irrecevabilité de la demande de nullité du licenciement
La société PRO DIRECT SERVICES soutient que la demande de nullité du licenciement est formée pour la première fois en appel par la salariée et serait irrecevable sur le fondement de l’article 564 du Code de procédure civile.
Mme [J] conclut au rejet de ce moyen d’irrecevabilité en application du principe de l’unicité de l’instance et des dispositions de l’article 565 du code de procédure civile, qui permet d’admettre des demandes lorsqu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
***
L’article R.1452-7 du Code du travail, précédemment rappelé et applicable au présent litige prévoyait que ‘Les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel’.
En outre, l’article 566 du Code de procédure civile prévoit que ‘les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément’.
En l’espèce, Mme [J] qui avait sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et demandé parallèlement aux premiers juges de constater qu’elle avait été victime de faits de harcèlement moral ayant engendré son licenciement pour inaptitude, n’avait pas tiré la conséquence légale de ses demandes résultant de l’application de l’article L1152-3 du code du travail, qui est la nullité du licenciement.
L’ajout de la conséquence juridique des prétentions initialement formées devant le premier juge est donc recevable en appel, que ce soit en application du principe de l’unicité de l’instance comme découlant du même contrat de travail que des dispositions de l’article 566 du code de procédure civile.
En conséquence, il n’y a pas lieu de déclarer irrecevable la demande de nullité du licenciement.
Sur le rappel de prime
Madame [J] sollicite le versement d’une somme de 3.600 euros bruts, outre incidence congés payés de 360 euros bruts, à titre de rappel de prime sur objectif à hauteur de 100 euros par mois sur les 36 mois précédant la rupture de son contrat de travail, soit du 14 janvier 2013 au 13 janvier 2016. Elle fait valoir qu’elle a perçu une prime sur objectif inférieure de 100 euros à celle des autres superviseurs de la société PRO DIRECT SERVICES et notamment de Mme [T] [MF] et Mme [V] [O] ; qu’elle a réclamé cette prime à son employeur par courriels des 4 novembre 2014 et 4 mars 2015, sans obtenir de réponses.
La société PRO DIRECT SERVICES conteste formellement que certains superviseurs aient bénéficié d’une prime supplémentaire de 100 euros alors qu’ils auraient été placés dans une situation identique à l’appelante. Elle réplique que Madame [J] s’appuie sur un e-mail du 4 novembre 2014 dans lequel l’éventualité d’une prime supplémentaire en était restée au stade d’une simple discussion ; qu’elle invoque une inégalité de traitement avec d’autres collègues sans apporter le moindre élément si ce n’est de simple oui-dire.
***
L’employeur est tenu d’assurer l’égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique.
A l’appui de sa demande de rappel de primes sur objectif, Madame [J] verse aux débats :
-un courriel adressé à son supérieur hiérarchique, Monsieur [Z] le 4 novembre 2014 ainsi libellé :
‘[BA],
Nous avions discuté il y a quelque temps d’une prime supplémentaire sur objectif. Je me permets de revenir vers toi à ce sujet, car j’ai su que les superviseurs PDS avaient eu une prime supplémentaire sur objectif d’une valeur de 100 euros.
Serait il possible d’en discuter ‘
Je te remercie et attend ton retour’,
-un courriel en réponse de M. [Z] qui lui a répondu qu’il prenait contact avec PDS pour savoir à quoi cela correspondait,
-un nouveau courriel adressé à Monsieur [Z] en date du 04 mars 2015 lui signalant notamment : ‘j’ai également demandé une remise à niveau de mon salaire ayant appris que les superviseurs PDS ont une augmentation de leur prime individuelle sur objectif d’un montant de 100 euros. Je devais signer une grille sur objectif.2 primes sur un objectif que je ne connais pas m’ont été cependant versées une de 35 euros et une de 55 euros net’.
Alors que la salariée invoque une inégalité de traitement, la cour constate que les éléments produits par l’appelante sont trop imprécis pour permettre à la juridiction de comparer la rémunération variable des salariées citées et celle de Mme [J].
Ainsi, à défaut d’avoir fait sommation à l’employeur de communiquer les bulletins de salaire de Mesdames [T] [MF] et [V] [O] afin d’obtenir des éléments objectifs de comparaison, la demande formée au titre du rappel de prime sur objectif de 100 euros ne peut être facorablement accueillie.
La décision du conseil de prud’hommes sera confirmée de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
A titre liminaire, il sera rappelé que lorsqu’un salarié a demandé la résolution judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation était fondée et s’il ne l’estime pas fondée, il doit statuer sur le licenciement.
Au soutien de la résiliation judiciaire de son contrat de travail au torts de son employeur, Mme [J] invoque un harcèlement moral de la part de ses supérieurs hiérarchiques et de sa direction.
Sur le harcèlement moral
Le harcèlement moral par référence à l’article L 1152-1 du code du travail est constitué par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En cas de litige, l’article L 1154-1, dans sa rédaction alors applicable, impose au salarié d’établir la matérialité des faits qu’il invoque, par des faits précis et concordants, et il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A cet égard, Mme [M] [J] expose que :
-dès 2011, elle a subi des faits de harcèlement moral de la part de sa supérieure hiérarchique, Mme [P], responsable plateau chez PRO DIRECT SERVICES, ne recevant pas toutes les informations nécessaires à la bonne supervision de son équipe notamment, ce qui l’a conduite à un arrêt de travail en juin 2011 et à la prise d’antidépresseurs,
-elle s’est vu refuser ses demandes de formation (après 3 années dans son poste) notamment le 4 septembre 2012,
-elle a été considérée comme un pion par sa hiérarchie puisqu’elle a été mise à disposition par son employeur au sein de la société PRO DIRECT INTERACTIVE sur la base d’avenants non conformes, continuant à travailler en tout ou partie pour son employeur PRO DIRECT SERVICES situé dans le même immeuble, un étage en dessous,
-elle n’était jamais tenue informée de la poursuite ou de l’arrêt de sa mise à disposition, devant sans cesse relancer son employeur et contrainte de signer les avenants bien après leur prise d’effet,
-durant sa mise à disposition à mi-temps au sein de PRO DIRECT INTERACTIVE, elle n’avait plus de bureau personnel et devait se contenter de s’installer dans la salle de réunion au sein des locaux de PRO DIRECT SERVICES,
-il lui a été demandé de se charger régulièrement de missions relevant d’un poste de téléconseiller,
-elle a subi des propos méprisants et un comportement irrespectueux de la part de Monsieur [Z], son supérieur hiérarchique durant la période 2014 à 2016,
-elle a constaté des différences de traitement en se comparant aux autres superviseurs, tant chez PRO DIRECT SERVICES que chez PRO DIRECT INTERACTIVE, notamment concernant le paiement d’une prime sur objectif de 100 euros qui ne lui était pas versée,
-de retour de mise à disposition fin décembre 2015, il lui a été proposé deux postes qu’elle ne pouvait pas accepter dans la mesure où ils constituaient une modification de son contrat de travail pour être trop éloignés ou moins bien rémunérés,
-le comportement de son employeur a contribué à la dégradation de son état de santé psychique, engendrant un arrêt de travail pour état dépressif jusqu’au constat par le médecin du travail, de son inaptitude.
A l’appui de ses prétentions, elle produit notamment :
-un courriel en date du 10 mars 2011 adressé à Madame [P], sa supérieure hiérarchique, par lequel elle demande à ‘être mise au courant’ du planning et des absences des télé conseillers et de recevoir les informations nécessaires à la bonne exécution de sa mission.
-des pièces médicales d’arrêt de travail à compter du 6 juin jusqu’au 30 juillet 2011 pour troubles anxio dépressifs en lien avec le travail, notamment un arrêt de travail du docteur [L] [I] qui indique avoir suivi Mme [J] du 24 juin 2011 au 8 septembre 2011.
-une demande de formation DIF en date du 9 août 2012 refusée par Mme [P], sa supérieur hiérarchique.
-les avenants de mise à disposition à durée déterminée des 4 mars 2014 et 1er avril 2014,
-un mail adressé à M.[Z] le 11 avril 2014, par lequel elle lui indique que son bureau, sur un coin de table magnifiquement décoré par deux jolies plantes, étant installé, elle aurait besoin qu’il fasse une demande d’installation de téléphone afin qu’elle puisse continuer à faire les écoutes des TC en direct. Elle lui demande également s’il y a une décision sur son temps partiel, entre PDS et la mise à disposition PDI et s’il est possible de rester sur les mêmes horaires.
-un mail adressé à Mme [E] [P] le 15 avril 2014 par lequel elle lui signale que les autres superviseurs entrant dans une phase d’écoute pour l’évaluation mensuelle, des TC ont besoin de la salle de réunion qu’elle occupe actuellement le matin, depuis son retour le 14 avril, et lui demande, au vu des formations prévues, de plannifier l’occupation de cette salle pour organiser au mieux les activités des uns et des autres.
-un courriel du 16 avril 2014 par lequel elle informe Mme [P] qu’elle a terminé avec les tableaux et qu’elle est redescendue au 1er sur UNIED.
-un courriel du 25 avril 2014 adressé à Mme [P] par lequel elle l’informe qu’elle a terminé ses tableaux AG2R ; qu’elle a beaucoup à faire avec UNIED, qu’elle descend au 1er et qu’elle note la répartition de ses heures entre les 2 campagnes.
-un courriel adressé le 21 novembre 2014 à Monsieur [F], dirigeant de PRO DIRECT INTERACTIVE, l’interrogeant : ‘Etant mise à disposition depuis le mois de mars pour PDI, je souhaite savoir s’il est possible, tout comme les autres superviseurs PDS, d’avoir une prime sur objectifs sur mon actuelle mission’.
-un courriel adressé à Monsieur [Z] en date du mardi 2 décembre 2014 par lequel elle lui écrit : ‘Tu m’as dit vendredi que l’on se verrait lundi pour ma grille d’objectif. Est-il possible de se voir ‘Je te remercie’.
-le mail du 24 décembre 2014 de Mme [J] à Monsieur [Z], son supérieur hiérarchique, qui lui indique : ‘je t’informe que mon contrat de mise à disposition s’arrête au 31 décembre 2014; peux tu me dire ce qu’il en est après cette date et si tu as également une réponse concernant ma prime’ Je te souhaite un joyeux noel’.
-un courriel adressé à sa direction le 4 mars 2015 par lequel elle indique : ‘Malgré mes nombreuses relances, je n’ai toujours pas signé de nouveau contrat à ce jour’.
-le courriel de Mme [HN] [N], directrice opérationnelle, qui lui répond le même jour :
‘Je vous confirme que vous êtes mise à disposition de PDI jusqu’au 30/06/2015; je vais établir un contrat dans ce sens. Vous êtes maintenant affecté au compte UNIEDITIONS et assurez la supervision d’une équipe. Vous serez donc rémunéré sur la base des variables mis en place sur cette mission, je vais faire établir un avenant de rémunération’.
-un avenant en date du 1er avril 2015 mettant Mme [J] à disposition de PDI pendant une durée ‘indéterminée’.
-un échange de courriels avec Monsieur [Z] en date du 14 décembre 2015 par lequel Mme [J] alerte son supérieur hiérarchique sur le manque ‘d’écouteurs’ pour le nombre de ‘ventes à écouter’ et la réponse de ce dernier qui lui répond : ‘(…) nous allons faire le point avec [U] sur des TV peu performants nouvellement recrutés. En attendant, nous te demandons de prendre en charge les écoutes jusqu’au 28/12″.
-une attestation de Madame [RF], étudiante et ancienne employée, qui atteste en ces termes : « Je faisais donc partie du service d’écoute qui consistait à écouter des ventes scriptées de vendeurs afin de les valider ou non et cela pendant 7h par jour. (…)Le seul côté humain de ce travail venait de ma chef Mme [M] [J] qui nous manageait de manière humaine afin d’atteindre les objectifs d’écoute par jour qui étaient par ailleurs beaucoup trop élevés. (…).
J’ai été plusieurs fois témoin des relations qu’entretenaient Mme [J] et sa hiérarchie en la personne de M. [Z] [BA] sans en connaître les détails (…). vu de l’extérieur elles me paraissaient très peu cordiales. J’ai été plusieurs fois surprise du ton qu’on employait avec elle et la pression qu’on lui mettait afin de rendre les semaines d’écoute en temps et en heures malgré différents problèmes techniques.
Il est évident que [M] [J] était méprisée par sa direction car son service ne rapportait pas de ventes et donc d’argent. On sentait que sa place n’était pas assise et qu’à tout moment et selon le bon vouloir de sa hiérarchie son service pouvait être supprimé, cela était visible par les différents changements au niveau de l’effectif des écouteurs passant de 5 à 2 en l’espace d’un mois puis repassant à 4 et cela sur toute ma période d’emploi de travail d’octobre 2014 à avril 2015 entrecoupé d’une période de carence. (…) ».
-l’attestation de Madame [J] [S], fille de l’appelante, qui indique : « ayant travaillé au sein de Pro-Direct durant le mois de décembre 2012, j’ai été témoin du harcèlement auquel ma mère était confrontée quotidiennement. Pourtant superviseure qualité, laissant supposer une certaine latitude dans l’encadrement des téléconseillers, il lui était impossible de reprendre son équipe lorsqu’une erreur était faite ou lorsque l’attitude de ces derniers était inappropriée (insultes envers le client, consommation de chewing gum pourtant interdite durant les communications, usage d’injures au téléphone)…voire interdite (consommation de canabis).
Nous avions nos pauses déjeuners à la même heure et nous mangions tous les jours ensemble. J’ai pu comprendre et réaliser l’ampleur de la pression qu’elle subissait en la voyant s’effondrer en larmes plusieurs fois par semaine alors qu’elle n’a jamais été émotive encore moins au travail ».
-l’attestation de Madame [VX], assistante administrative, qui témoigne :
« Ayant travaillé pour la société PRO DIRECT durant la période de mai 2014 à décembre 2014 je suis en mesure aujourd’hui de témoigner des situations anormales auxquelles j’ai assistées. En effet, outre le management plus que discutable basé sur le clientélisme (chaque salarié ayant des passe-droits ou non selon ses relations avec la direction) il était régulier de trouver des employés dans des situations autres que professionnelles sur le lieu de travail : comme fumer des substances illicites telle que la marihuana au vu et au su des supérieurs qui ne semblaient ni s’en offusquer, ni de le démasquer ni de le contraindre. La situation étant tolérée pour ne pas dire admise et reconnue. La politique de l’entreprise se base essentiellement sur l’abus de faiblesse des « collaborateurs » : à la fois profiter de leur ignorance et d’un contexte économique et social prégnant avec un besoin de salaire pour aller contre la loi sans recours possible (…) ».
-l’attestation de Monsieur [OF], employé au sein du groupe PRO DIRECT INTERACTIVE, qui rapporte :
« Elle ( Mme [J]) a dû faire face à un surcroît de pression sur son poste de travail en raison des attentes de sa hiérarchie : multiplicité des tâches attendues, absence de soutien hiérarchique et d’encadrement sur le plateau. Un climat délétère s’est progressivement installé au travail en raison d’un manque de respect et de courtoisie de son supérieur hiérarchique, M. [Z] [BA]. Cela s’est traduit par une absence de communication directe, des injures à son adresse à tue-tête sur le plateau « qu’est-ce qu’elle est conne celle-là ».
Les manques de personnel à l’écoute et de matériel n’ont en rien facilité la tâche. (…) ».
-l’attestation de Madame [A], étudiante, ancienne employée dans le service de Mme [J], qui atteste en ces termes :
« (…) j’ai été plusieurs fois témoin des relations qu’entretenaient Mme [J] et sa hiérarchie en la personne de M. [BA] [Z]. Vu de l’extérieur elles paraissaient très peu cordiales. J’ai été plusieurs fois interpellée du ton agressif et mots qu’il employait envers elle, l’attitude souvent irrespectueuse et de la pression qu’on lui mettait pour atteindre les objectifs et ce malgré différents problèmes techniques. M. [Z] ne considère ni le service qualité ni Mme [J] qui le dirigeait. Il n’a jamais caché que l’équipe des écouteurs ne rapportait rien et qu’il n’était absolument pas question de donner à cette équipe une prime comme l’avait demandé Mme [J] à plusieurs reprises. Vu à plusieurs reprises M. [Z] venir interrompre Mme [J] alors qu’elle était en plein débrief avec un membre de l’équipe ou durant une formation qu’elle faisait avec des collaborateurs. M. [Z] ne cachait pas le mépris qu’il avait envers [M] [J] car son service ne rapportait pas de vente et donc pas d’argent. Nous subissions les humeurs très irrespectueuses et excessives de M. [Z], en effet il interdisait l’utilisation du téléphone portable et d’internet ce qui me paraissait normal, mais le problème était que seule notre équipe avait cette interdiction. De plus, M. [Z] nous pointait régulièrement lorsque nous nous levions pour aller aux toilettes et avait instauré que nous devions y aller uniquement pendant nos pauses, 3x 10 min par jour. M. [Z] par contre s’autorisait régulièrement le soir à 19h à fumer sa cigarette dans son bureau vitré (…) ».
-l’attestation de Monsieur [G], qui rapporte : « Ayant eu l’occasion de travailler avec [M] [J] en tant que téléconseiller chez PRO DIRECT INTERACTIVE, j’ai constaté que son supérieur, M. [BA] [Z], s’adressait systématiquement à elle avec un ton inapproprié et volontairement désagréable. En effet, il la reprenait tout le temps sans raison valable et prenait un malin plaisir à la rabaisser sans cesse et à lui dire qu’elle était incompétente alors que j’ai toujours perçu en elle un véritable savoir-faire et savoir vivre au sein de la société. J’ai perçu cette attitude comme un acharnement envers Mme [J] qui n’était en rien justifié ».
-l’attestation de Monsieur [X] qui témoigne également en ces termes :
« (…) à la suite de sa mise à disposition elle était censée retrouver son poste de fonction de responsable d’équipe. Dès son retour (‘) elle été mise à l’écart en ne retrouvant plus son bureau précédent ainsi que ses fonctions de responsable d’équipe.
En effet, elle a été reçue par sa nouvelle direction et n’a pas pu retrouver son même poste. A la suite de cet entretien, il lui a été imposé de reprendre des appels et repasser téléconseillère pendant 2 mois. (…)
Je constate que malgré toute la bonne volonté qu’elle a pu mettre dans l’exercice de ses fonctions elle a été mise de côté. En effet, son bureau était comparable à celui d’une téléconseillère, les seuls appels possibles étaient depuis notre logiciel CRM. Elle n’avait plus de ligne téléphonique privée. Après discussion avec plusieurs responsables d’équipe ([T], [EW] et [H] [ZG] [K]) elle ne touchait pas les mêmes salaires ni les mêmes avantages que ces derniers alors qu’elle cumulait 10 années d’expérience au sein de cette structure. Je n’ai pas compris l’intérêt de PRO DIRECT INTERACTIVE a eu à faire cesser sa mise à disposition (‘) sachant qu’un nouveau contrat a été renégocié pour une durée de 3 ans, le besoin était réel et motivé, le client était satisfait de nos prestations ».
-l’attestation de Monsieur [B] attestant :
« J’ai travaillé en tant que téléconseiller avec Mme [J] [M] (‘) de 18.08.2014 au 08.07.2016. (‘) elle était mon supérieur hiérarchique avec M. [U] [X].
Le responsable du plateau était [BA] [Z] et j’ai constaté que celui-ci s’adressait à elle de façon désagréable et rabaissant. Quand [U] [X] n’était pas là c’était [M] qui devait nous faire le debrief le matin et après la pause déjeuner. Mme [J] était interrompue par M. [BA] [Z] alors qu’elle n’avait pas fini de s’adresser à nous. Lorsqu’elle s’adressait à la hiérarchie elle n’était pas prise au sérieux. Un jour [BA] s’adressait à M. [X] et [M] [J] quand elle a voulu poser une question la réponse de [BA] était : « qu’est-ce qu’elle est conne celle-là » Mme [J] était à bout de nerfs, elle pleurait souvent et elle ne trouvait plus sa place au sein de la société. La direction avait encore une fois décidé de la changer de service en arrêtant sa mise à disposition pour le crédit agricole et pourtant le service qu’elle avait mis en place avait encore besoin d’elle et le client était une banque et nous ne pouvons pas nous permettre de valider des ventes si les procédures n’étaient pas respectées ».
– l’attestation de M. [R] [C], membre permanent de l’Union Départementale Force Ouvrière, atteste également avoir reçu Mme [J] dès 2011 suite à son harcèlement moral qu’elle subissait au sein du groupe PRO DIRECT.
-un mail de la direction de la société PRO DIRECT SERVICES (Mme [SO] [FN]) du 16 décembre 2015 qui lui indique que son détachement se termine le 31/12/2015 et lui adresse deux propositions de postes pour son retour chez PDS : un poste de superviseur à [Localité 4] sur Nexity et un poste de superviseur sur ALM Partéo à [Localité 3].
-un mail en réponse de Mme [J] en date du 18/12/2015 qui décline ces offres dans la mesure où, dans les deux cas, elle aurait une perte de rémunération et une augmentation sensible du coût de la vie.
-un mail de Mme [SO] [FN] du 4 janvier 2016 qui constate que Mme [J] est présente sur le plateau du poste de superviseur de Partéo et lui indique qu’elle est rattachée à Mme [P] et a une période de remise à niveau du métier d’un mois maximum.
-un certificat d’arrêt de travail initial du 05 janvier 2016 pour syndrôme anxio dépressif et certificats médicaux de prolongation.
-un certificat médical de situation du médecin psychiatre [D]-[W] en date du 22 février 2016 qui atteste prodiguer des soins à Mme [J], le suivi se pousuivant jusqu’au 30 mai 2016.
-un certificat médical du docteur [CW], médecin ORL daté du 7 juin 2016 qui certifie suivre Mme [J] pour un syndrome vertigineux et précisant que ce phénomène survient dans un contexte de grand stress.
-les ordonnances de prescriptions médicales d’antidépresseurs des mois de janvier 2016 à juin 2016.
-l’avis d’inaptitude médicale délivré par le médecin du travail le 15 juin 2016 et le deuxième avis d’inaptitude du 20 juin 2016 déclarant Mme [J] définitivement inapte à son poste de superviseur.
Les faits ainsi invoqués par Mme [M] [J] et matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.
En réponse, la société PRO DIRECT SERVICES fait valoir que :
-les attestations produites par la salariée ne sont pas suffisamment probantes, celle de Monsieur [OF] ne respecte pas les formes prévues à l’article 202 du code de procédure civile pour n’être pas manuscrite, celle de Mme [S] [J] doit etre écartée comme étant la fille de la salariée, l’attestation de M. [G] est accompagnée d’une photocopie de la carte d’identité illisible, celle de M. [X] n’est accompagnée d’aucun document d’identité et doit être écartée des débats et celle de Monsieur [C] concerne des faits remontant à 2011 dont il n’a pas été directement témoin.
-le certificat médical du médecin psychiatre [D] ne précise pas s’il suit Mme [J] pour des motifs professionnels ou privés et les documents médicaux datant du mois de juin 2011 sont trop anciens.
-Mme [J] a été mise à disposition de la société PRO DIRECT INTERACTIVE suite à des avenants dûment régularisés des 4 mars 2014, 1er avril 2014 et 28 avril 2015, étant précisé que l’entreprise ‘prêteuse’ et l’entreprise d’accueil ont établi leur siège social à la même adresse : [Adresse 1].
-il figurait, parmi les deux postes proposés à la salariée à la fin de sa mise à disposition le 31 décembre 2015, un poste sur [Localité 3] (client ALM Partéo) ne comportant aucune modification de son contrat de travail, puisque les horaires et les conditions de rémunération étaient les mêmes, la société s’étant ainsi conformée aux dispositions de l’article L8241-2 du code du travail.
-Mme [J] a été placée en arrêt de travail dès le 5 janvier 2016, de sorte que la modification de son contrat de travail n’est, en tout état de cause, qu’hypothétique.
L’employeur produit notamment :
-le contrat à durée indéterminée de Mme [J] du 2 janvier 2009.
-les avenants de mise à disposition de Mme [J] auprès de la société PRO DIRECT INTERACTIVE en date des 4 mars 2014, 1er avril 2014 et 28 avril 2015, ce dernier avenant précisant : salaire mensuel fixe de 1.624,39 euros brut et part variable de 275 euros brut par mois pour 100% des objectifs atteints (grilles d’objectifs mensuels).
-les conventions de mise à disposition signées par les deux sociétés PRO DIRECT SERVICES et PRO DIRECT INTERACTIVE.
-un courriel du 16 décembre 2015 de Mme [SO] [FN] du GROUPE PRODIRECT explicitant à Mme [M] [J] les modalités d’horaires et financières des deux postes qui lui sont proposés, l’un à [Localité 4] l’autre à [Localité 3], précisant notamment pour ce dernier : ‘Sous la responsabilité de Mme [P], salaire : 1.624,39 euros + 200 euros de prime sur objectifs. Entretien tous les mois pour évaluation de l’atteinte des objectifs’.
-les deux avis d’inaptitude du médecin du travail en date des 15 juin 2016 et 20 juin 2016.
-des courriers relatifs à l’obligation de reclassement.
-le registre unique du personnel.
***
S’agissant des attestations versées aux débats par Mme [M] [J], il convient de préciser que, contrairement aux dires de l’employeur, l’attestation de Monsieur [X] est bien accompagnée d’une copie de sa carte d’identité et celle de Monsieur [G] est bien accompagnée d’un document d’identité lisible. Par ailleurs, la cour observe que si l’attestation de Monsieur [OF] n’est pas rédigée de manière manuscrite et celle de Mme [S] [J] émane de la fille de l’appelante, ces considérations ne sont pas de nature à exclure lesdits témoignages mais à examiner avec prudence leur force probante.
En tout état de cause, la cour constate que la salariée produit de nombreuses attestations concordantes et circonstanciées, corroborées par les échanges de courriels entre Mme [J] et son employeur, qui décrivent cette dernière comme étant conscienceuse et humaine dans l’exécution de son travail et rapportent qu’elle a dû subir des pressions quant à sa charge de travail et les objectifs professionnels à atteindre.
Il ressort également de ces témoignages que Mme [J] a dû endurer l’attitude méprisante et irrespectueuse de son supérieur hiérarchique, Monsieur [Z], à son égard.
En outre, il résulte des échanges de mails cités et des éléments contractuels produits que, alors que Mme [J] était mise à disposition de la société PRO DIRECT INTERACTIVE pour une durée déterminée suivant avenant du 1er avril 2014, puis pour une durée indéterminée suivant avenant du 1er avril 2015, l’employeur ne l’a pas informée de la poursuite ou non de cette mise à disposition à l’arrivée du terme et n’a pas régularisé sa situation par l’établissement d’un contrat, la laissant dans l’expectative sur la durée prévue de la mise à disposition et sur les modalités d’exécution de celle-ci, notamment en termes de fixation d’objectifs et de rémunération variable.
De plus, la cour relève qu’alors qu’elle était mise à disposition suivant avenant du 1er avril 2014 jusqu’au 31 décembre 2014, Madame [J] a en réalité effectué dès le 14 avril 2014, un mi-temps auprès de son employeur, PRO DIRECT SERVICES, société au sein de laquelle elle n’avait plus de bureau et devait travailler dans la salle commune de réunion.
De même, alors que Madame [J], salariée de PRO DIRECT SERVICES (PDS), a été mise à disposition de la société PRO DIRECT INTERACTIVE (PDI) et qu’elle a eu connaissance du fait que les autres superviseurs de PDS percevaient une prime sur objectif supplémentaire de 100 euros, elle n’a reçu aucune réponse de son employeur à sa demande de bénéficier également de cette même prime.
Enfin, alors que sa période de mise à disposition prenait fin le 31 décembre 2016, il lui a été proposé deux postes, dont l’un situé à [Localité 4], géographiquement éloigné de son domicile, et l’autre situé à [Localité 3] mais comportant une rémunération variable plus faible, étant précisé qu’elle se retrouvait placée sous l’autorité de Mme [P] avec qui des difficultés relationnelles s’étaient faites jour en 2011.
Ainsi, Mme [J], qui avait déjà été fragilisée courant 2011, suite à l’attitude de sa supérieure hiérarchique Mme [P] à son égard, a été déplacée par mise à disposition auprès d’une autre entité du groupe PRO DIRECT sur un autre site, tout en continuant à effectuer à mi temps des missions pour son employeur dans des conditions matérielles difficiles, sans obtenir d’information sur son sort, ni régularisation de sa situation juridique, et elle a dû subir le comportement méprisant et irrespecteux de son supérieur hiérarchique Monsieur [Z], ainsi que des pressions liées à sa charge de travail et l’obtention de ses objectifs, sans que l’employeur ne soit en mesure de justifier ces agissements.
Dès lors, au vu de l’ensemble des éléments versés par les parties, la société PRO DIRECT SERVICES échoue à démontrer que l’ensemble de ces agissements et décisions étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Ces agissements ont entraîné une dégradation des conditions de travail de Madame [M] [J] en juin 2011 puis à compter de sa mise à disposition de la société PRO DIRECT INTERACTIVE en mars 2014, au point d’altérer sa santé dans la mesure où la salariée a été en arrêt maladie pour troubles anxio dépressifs avec un premier épisode en juin 2011 puis à compter du 5 janvier 2016 et régulièrement suivie par un médecin psychiatre avec prise d’anxiolytiques jusqu’au 20 juin 2016, date à laquelle le médecin du travail l’a déclarée inapte définitivement à son poste de superviseur.
En conséquence, il convient de réformer le jugement et de reconnaître l’existence du harcèlement moral subi par Madame [M] [J].
Au vu de la durée des périodes au cours desquelles le harcèlement moral s’est exercé, la cour octroie à Mme [J] une somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :
Le harcèlement moral constitue un manquement grave de la société PRO DIRECT SERVICES à ses obligations légales et contractuelles et justifie que la résiliation judiciaire du contrat de travail soit prononcée à ses torts à la date du licenciement intervenu le 9 août 2016.
La résiliation du contrat produit les effets d’un licenciement nul en vertu de l’article L.1152-3 du code du travail. Au titre de l’indemnisation sollicitée, il sera fait application des dispositions de l’article L.1235-3-1 du code du travail.
Il convient d’accorder à Madame [M] [J] l’indemnité compensatrice conventionnelle de préavis égale à deux mois de salaire, en application de l’article 19 de la convention collective du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire du 13 août 1999 et de lui octroyer en conséquence la somme brute de 3.780,90 euros, outre la somme brute de 378,09 euros au titre des congés payés sur préavis.
Outre les éléments médicaux d’ores déjà produits, Madame [J] verse aux débats des attestations Pôle emploi couvrant la période de mars 2017 à octobre 2019 entrecoupée de contrats à durée déterminée auprès de la Mutuelle [Localité 3] Métropole en qualité de simple conseillère mutualiste.
En considération de son ancienneté de 11 ans dans l’entreprise, de son âge (53 ans) et du montant de son salaire mensuel brut (1.890,45 euros bruts), la Cour accorde à Madame [M] [J] la somme brute de 23.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L’équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles, de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et d’allouer à ce titre la somme de 2.000 euros à Madame [M] [J].
L’employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Rejette l’exception tendant à voir déclarer irrecevables les demandes d’indemnités de préavis, de congés payés y afférents et de nullité du licenciement,
Infirme le jugement de départage du conseil des prud’hommes de Marseille en date du 20 novembre 2019 , sauf sur le rejet de la demande de rappel de prime sur objectifs et de congés payés y afférents et sur les frais irrépétibles,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
Ordonne la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [M] [J] aux torts de l’employeur à la date du 9 août 2016
Condamne la société PRO DIRECT SERVICES à payer à Madame [M] [J] les sommes suivantes :
-12. 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
-3.780,90 euros d’indemnité compensatrice conventionnelle de préavis,
-378,09 euros de congés payés sur préavis,
-23.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul,
Condamne la société PRO DIRECT SERVICES aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Madame [M] [J] la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction