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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 AVRIL 2023
N° RG 23/00509 – N° Portalis DBV3-V-B7H-VWEQ
AFFAIRE :
S.A.S. AUTOBACS
C/
[Z] [T]
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 09 Février 2023 par le Conseiller de la mise en état de la Cour d’appel de VERSAILLES
N° Chambre : 6
N° RG : 20/01959
Copies exécutoires et copies certifées conformes
délivrées à :
Me Carine KALFON de la SELEURL KL AVOCATS
Me Roland ZERAH
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. AUTOBACS
N° SIRET : 434 718 706
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Carine KALFON de la SELEURL KL AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0918
DEMANDERESSE À LA REQUÊTE EN DÉFÉRÉ
****************
Monsieur [Z] [T]
né le 07 Juillet 1958 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Roland ZERAH, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0164, substitué par Me Géraldine CASINI, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDEUR À LA REQUÊTE EN DÉFÉRÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 Mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
Par contrat de travail à durée indéterminée du 1er décembre 1999, M. [T] a été engagé par la société Eldorado. Il a occupé en dernier lieu les fonctions de responsable réception marchandises statut cadre.
La société Autobacs ayant racheté six magasins et une plate-forme logistique appartenant à la société Eldorado, le contrat de travail de l’ensemble des salariés, dont celui de M. [Z] [T], a été transféré à la société Autobacs.
Par requête du 29 mai 2018, M. [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy- Pontoise d’une demande de rappel de salaires au titre des astreintes qu’il aurait effectuées et sollicite l’application de la convention collective de la métallurgie.
Par jugement du 3 septembre 2020, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil des prud’hommes de Cergy-Pontoise a rejeté les demandes de M. [T].
Par déclaration au greffe du 21 septembre 2020, M. [T] a interjeté appel de cette décision.
M. [T] a adressé ses conclusions par voie électronique le 11 décembre 2020, demandant l’infirmation du jugement entrepris.
La SAS Autobacs a adressé ses conclusions par voie électronique le 19 avril 2021, demandant la confirmation du jugement entrepris.
Par conclusions d’incident du 9 novembre 2022, M. [T] a demandé au conseiller de la mise en état de prononcer l’irrecevabilité des conclusions de la société au motif de l’expiration du délai de 3 mois accordé à l’intimé pour conclure en vertu de l’article 909 du code de procédure civile.
Par conclusions en réponse sur incident du 9 janvier 2023, la SAS Autobacs a demandé au conseiller de la mise en état d’écarter l’irrecevabilité de ses conclusions en raison de l’existence d’une situation de force majeure, prévue à l’article 910-3 du code de procédure civile.
Par ordonnance d’incident du 9 février 2023 le conseiller de la mise en état a :
– Déclaré irrecevables les conclusions signifiées le 19 avril 2021 par la société Autobacs France,
– Renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 1er mars 2023 pour clôture et fixation à l’audience de plaidoiries du 28 mars 2023.
Par requête aux fins de déféré du 14 février 2023, la SAS Autobacs demande à la cour de :
– Déclarer recevable et bien fondée la société Autobacs en son déféré.
Y faisant droit,
– Réformer l’ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état en date du 9 février 2023
– Ecarter l’application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911 en raison de l’existence d’une force majeure en application de l’article 910-3 du code de procédure civile
– A défaut,
– Constater l’interruption de l’instance du fait de la cessation des fonctions de l’avocat de la société Autobacs conformément aux dispositions de l’article 369 du code de procédure civile
– En conséquence,
– Débouter Monsieur [Z] [T] de sa demande d’irrecevabilité des conclusions signifiées le 19 avril 2021
– Déclarer recevables les conclusions signifiées au soutien de la société Autobacs en date du 19 avril 2021.
Par conclusions en réponse sur déféré du 1er mars 2023, M. [Z] [T] demande à la cour de :
– Juger la société Autobacs non fondée en son déféré,
En conséquence,
– Débouter la société Autobacs de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 9 février 2023 par le conseiller de la mise en état,
– Prononcer l’irrecevabilité des conclusions signifiées le 19 avril 2021 dans l’intérêt de la société Autobacs,
– Condamner la société Autobacs aux entiers dépens du présent déféré.
SUR CE
La société Autobacs soutient qu’il y a lieu d’écarter l’application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911 en raison de l’existence d’une force majeure en application de l’article 910-3 du code de procédure civile et à défaut de constater l’interruption de l’instance du fait de la cessation des fonctions de l’avocat de la société Autobacs conformément aux dispositions de l’article 369 du code de procédure civile ; elle fait essentiellement valoir, plus précisément, que son avocat s’est trouvé dans l’impossibilité absolue du fait de la dégradation de son état de santé, de rédiger et de notifier des conclusions durant la période de trois mois lui étant impartie et que sa collaboratrice unique, qui avait moins de trois ans de barre, n’a pu absorber le travail correspondant ; elle produit des éléments médicaux et photographies relatifs à son avocat et une attestation de sa collaboratrice ; elle ajoute que le prononcé de l’irrecevabilité des conclusions qu’elle a finalement signifiées la priverait de son droit de se défendre en raison de la survenance de ces faits imprévisibles et irrésistibles, ce qui porterait atteinte à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
Monsieur [T] fait valoir en réplique qu’il appartenait à la société Autobacs de conclure au plus tard le 11 mars 2021, ce qu’elle n’a pas fait, que les premiers symptômes de la maladie de Maître Kalfon sont apparus dès le mois de février 2021, qu’il lui appartenait, dans ces conditions, dès le mois de février et, à tout le moins après son passage aux urgences du 22 février 2021, de prendre toutes mesures utiles dans l’intérêt de la société Autobacs compte tenu des sanctions extrêmement sévères attachées au défaut de diligences en appel, que l’auteur du déféré ne démontre pas que la collaboratrice de Maître Kalfon ne pouvait établir les conclusions et ce d’autant que la société Autobacs était intimée, ni qu’aucun confrère n’a entendu se charger de la rédaction des conclusions au titre d’une vacation entre avocats. Il fait aussi valoir que la maladie de l’avocat ne constitue pas une cessation de ses fonctions au sens de l’article 369 du code de procédure civile, de sorte qu’elle ne peut ni interrompre l’instance ni les délais de conclusion en appel ;
L’article 909 du code de procédure civile dispose que “l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant prévues par l’article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.” ;
L’article 910-3 du code de procédure civile prévoit que “en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l’application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911″ ;
La force majeure est une circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt un caractère insurmontable ;
En l’espèce, comme l’a justement relevé le conseiller de la mise en état, par des motifs que la cour adopte :
– M. [T] a signifié par voie électronique les conclusions au soutien de son appel le 11 décembre 2020 de sorte que la société Autobacs France, devait conclure dans les trois mois de cette date, soit le 11 mars 2021 au plus tard, à peine d’irrecevabilité ; ses conclusions ont été signifiées par voie électronique le 19 avril 2021, hors délai ;
– Il ressort des documents médicaux et photographies versés aux débats que Maître Kalfon a présenté début février 2021, alors que le délai de l’intimée pour conclure n’était pas expiré, un urticaire diffus à la suite d’une ingestion alimentaire ; qu’elle a subi durant les mois qui ont suivi des manifestations cutanées récurrentes à type de plaques urticariennes géantes migratrices associées à des oedèmes de la face, les traitements initialement mis en oeuvre ne montrant pas des signes d’efficacité notable ; qu’elle s’est rendue aux urgences le 22 février 2021 pour une dyspnée avec vertiges, gonflement du visage et douleur épigastrique et le 3 mars 2021 pour une douleur au niveau de la cheville gauche avec oedème, démangeaison et chaleur. Elle a consulté des spécialistes en mai et juin 2021 et des examens lui ont été prescrits ;
– La SELARL unipersonnelle KL avocats est constituée de Maître Kalfon, avocat associé et de Maître Martinache, collaboratrice ;
Cette dernière atteste qu’à compter du mois de février 2021, Maître Kalfon a été très souffrante, ce qui l’a empêchée de venir au cabinet et d’exercer toute activité ; que son absence a désorganisé le cabinet et qu’ayant moins de trois années de barre, elle s’est retrouvée seule à tout gérer, n’est pas parvenue à absorber tout le travail et n’a pu trouver l’appui d’un confrère extérieur qu’à compter du mois de mai 2021. Elle souligne que seule Maître Kalfon gérait les dossiers du client Autobacs, qu’elle ne connaissait pas et n’a pas plaidé devant le conseil de prud’hommes ;
La cour ajoute que l’attestation produite est insuffisante à établir qu’un confrère du cabinet ” KL Avocats ” aurait refusé de s’occuper, dans les délais impartis, de la rédaction des écritures de la société intimée ;
La cour estime que le conseiller de la mise en état a ainsi justement retenu que si les soucis de santé de l’avocat de l’intimée sont une circonstance non imputable au fait de la partie, ils ne constituent cependant pas au cas d’espèce un cas de force majeure l’ayant empêchée de conclure dans les délais dès lors que le cabinet employait une autre avocate non dépourvue de toute expérience, qui en outre avait été présente lors de la tentative de conciliation qui s’était déroulée le 5 juillet 2018 devant le conseil de prud’hommes, même si elle n’avait pas plaidé le dossier au fond lors de l’audience de plaidoiries du 28 novembre 2019, – outre qu’il n’est pas établi qu’un confrère du cabinet ” KL Avocats ” aurait refusé de s’occuper, dans les délais impartis, de la rédaction des écritures de la société intimée – et alors qu’au surplus les conclusions de l’intimée n’ont pas été signifiées à date proche de l’expiration du délai pour conclure mais plus d’un mois après ;
L’article 369 du code de procédure civile prévoit que l’instance est interrompue, notamment, par la “cessation de fonctions de l’avocat lorsque la représentation est obligatoire ” ;
La maladie de l’avocat ou le traitement qu’il doit suivre n’étant pas constitutifs d’une cessation des fonctions au sens de cet article, la maladie et le traitement médicamenteux de Maître Kalfon n’ont pu entraîner l’interruption de l’instance et des délais pour conclure ;
Enfin, il incombait ainsi à l’intimée d’accomplir les actes nécessaires à la régularité de la procédure d’appel et les délais prescrits pour les effectuer ne la privait pas de son droit d’accès au juge et à un procès équitable ou à un recours effectif, de sorte que sans méconnaître les exigences de l’article 6, § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, il y a lieu de retenir que le non-respect des prescriptions réglementaires justifiait la sanction de l’irrecevabilité prévue par l’article 909 du code de procédure civile, qui ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi, qui est d’assurer la célérité et l’efficacité de la procédure d’appel ;
En conséquence, il convient de confirmer l’ordonnance entreprise ayant déclaré irrecevables les conclusions signifiées le 19 avril 2021 par la société Autobacs France et renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état de la sixième chambre du 1er mars 2023 pour clôture et fixation à l’audience de plaidoiries du 28 mars 2023.
La société Autobacs qui succombe doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Confirme l’ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 9 février 2023,
Condamne la société Autobacs aux dépens.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,