Tentative de conciliation : 2 mai 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/03111

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Tentative de conciliation : 2 mai 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/03111
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COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE

GROSSE à :

SCP LE METAYER & ASSOCIES

SCP SOREL & ASSOCIES

SCP SOULIE COSTE-FLORET & AUTRES

CPAM DU CHER

EXPÉDITION à :

SASU [12]

[G] [R]

SAS [15]

MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Pôle social du Tribunal judiciaire de BOURGES

ARRÊT du : 2 MAI 2023

Minute n°192/2023

N° RG 21/03111 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GPK3

Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de BOURGES en date du 30 Septembre 2021

ENTRE

APPELANTE :

SAS [12]

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentée par Me Sonia PETIT de la SCP LE METAYER & ASSOCIES, avocat au barreau d’ORLEANS

D’UNE PART,

ET

INTIMÉS :

Madame [G] [R]

[Adresse 11]

[Localité 4]

Représentée par Me Pierre-Yves WOLOCH de la SCP SOREL & ASSOCIES, avocat au barreau d’ORLEANS

SOCIETE [15]

[Adresse 14]

[Localité 5]

Représentée par Me Valérie LE BRAS de la SCP SOULIE COSTE-FLORET & AUTRES, avocat au barreau de PARIS

CPAM DU CHER

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Mme [H] [X], en vertu d’un pouvoir spécial

PARTIE AVISÉE :

MONSIEUR LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

[Adresse 2]

[Localité 10]

Non comparant, ni représenté

D’AUTRE PART,

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, Conseiller,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller.

Greffier :

Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l’arrêt.

DÉBATS :

A l’audience publique le 28 FEVRIER 2023.

ARRÊT :

– Contradictoire, en dernier ressort.

– Prononcé le 2 MAI 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre, et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Mme [G] [R], née en 1967, a été mise à la disposition de la société [15] par la SASU [12], en qualité d’agent de fabrication, pour la période du 1er février au 3 mars 2017 aux termes de cinq contrats de mission temporaire successifs.

La société [15] est spécialisée dans la petite maroquinerie haut de gamme.

A compter du 28 février 2017, Mme [R] a été placée en arrêt maladie en raison d’allergies cutanées.

Le 24 juillet 2018, elle a fait parvenir à la caisse primaire d’assurance maladie du Cher, ci-après CPAM du Cher, une déclaration de maladie professionnelle. Le certificat médical initial du 20 juin 2018 fait état d’allergies cutanées multiples.

Par décision du 13 novembre 2019, la CPAM du Cher a reconnu le caractère professionnel de la maladie déclarée par Mme [R] s’agissant de lésions eczématiformes de mécanisme allergique prévues au tableau n° 65 des maladies professionnelles. Son état de santé a été déclaré consolidé avec séquelles le 18 décembre 2019 et il lui a été attribué un taux d’incapacité permanente partielle de 5 % au titre d’une ‘dermite eczématiforme sur important terrain allergique’ à compter du 19 décembre 2019.

Le 2 décembre 2019, Mme [R] a sollicité la CPAM du Cher aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de sa pathologie, la tentative de conciliation ayant échoué du fait de la carence de l’employeur selon procès-verbal du 28 janvier 2020.

Par requête du 9 février 2020, Mme [R] a saisi le Pôle social du tribunal judiciaire de Bourges aux fins d’obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de sa maladie professionnelle.

Par jugement du 30 septembre 2021, le Pôle social du tribunal judiciaire de Bourges a :

– dit que la maladie professionnelle déclarée par Mme [R] reconnue comme telle le 13 novembre 2019, à savoir des lésions eczématiformes de mécanisme allergique est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la société [12] et de la société utilisatrice, la société [15],

– dit que la société [12] devra supporter les conséquences de la faute inexcusable en sa qualité d’employeur,

– dit que la société [15], société utilisatrice, devra au titre du concours de fautes inexcusables et du partage de responsabilité pris ensemble, garantir la société [12] à hauteur de 50% des condamnations prononcées à son encontre au titre de la faute inexcusable et notamment s’agissant de la majoration du capital et des préjudices personnels couverts ou non par le livre IV du Code de la sécurité sociale,

– dit que le capital servi par la CPAM du Cher en application de l’article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale sera au montant maximum,

– dit que cette majoration devra suivre l’évolution du taux d’incapacité de Mme [R],

– alloué à Mme [R] la somme de 2 000 euros à titre de provision à valoir sur la liquidation de ses préjudices,

– dit que ces sommes seront versées directement par la CPAM du Cher à Mme [R],

– dit que la CPAM du Cher pourra recouvrer le montant de ces indemnisations à l’encontre de l’employeur de Mme [R], la société [12],

– Condamné la société [12] à rembourser à la CPAM du Cher les sommes versées en application des articles L. 452-1 et suivants du Code de la société sociale,

Avant dire droit sur la liquidation des chefs de préjudices subis par Mme [R] :

– Ordonné une expertise médicale et désigné pour y procéder le Docteur [N] [W] [Adresse 9] ([Courriel 13] – [XXXXXXXX01]) lequel, en cas de besoin, pourra prendre l’initiative de recueillir l’avis de tout technicien d’une spécialité distincte de la sienne avec mission de :

1°) convoquer les parties et recueillir leurs observations,

2°) examiner [G] [R] et recueillir ses observations et doléances,

3°) se faire communiquer par les parties tous documents médicaux relatifs aux lésions subies, en particulier le certificat médical initial,

4°) fournir le maximum de renseignements sur l’identité de la victime et sa situation familiale, son niveau d’études ou de formation, sa situation professionnelle antérieure et postérieure à l’accident,

5°) à partir des déclarations de la victime et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d’hospitalisation et, pour chaque période d’hospitalisation, la nature et le nom de l’établissement, le ou les services concernés et la nature des soins,

6°) retranscrire dans son intégralité le certificat médical et, si nécessaire, reproduire totalement ou partiellement les différents documents permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de l’évolution ; prendre connaissance et interpréter les examens complémentaires produits,

7°) décrire un éventuel état antérieur en interrogeant la victime et en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles,

8°) décrire précisément les séquelles consécutives à la maladie professionnelle prise en charge et indiquer les actes et gestes devenus limités ou impossibles,

9°) procéder dans le respect du contradictoire à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,

10°) décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l’autonomie et, lorsque la nécessité d’une aide temporaire est alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nécessité et son imputabilité ; indiquer si des dépenses liées à la réduction de l’autonome sont justifiées et si l’assistance constante ou occasionnelle d’une tierce personne (étrangère ou non à la famille) a été nécessaire avant la consolidation,

11°) déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine et directe avec les lésions occasionnées par l’accident, la victime a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou habituelles ; si l’incapacité fonctionnelle n’a été que partielle, en préciser le taux,

12°) lorsque la victime allègue une répercussion dans l’exercice de ses activités professionnelles, recueillir les doléances et les analyser,

13°) donner son avis sur le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle au regard des éléments médicaux et de donner au tribunal tous les éléments permettant d’apprécier l’étendue du préjudice,

14°) souffrances endurées : décrire les souffrances physiques ou morales résultant des lésions, de leur traitement, de leur évolution et des séquelles de l’accident ; les évaluer selon l’échelle de sept degrés,

15°) préjudice esthétique : donner son avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique, en précisant s’il est temporaire (avant consolidation) ou définitif ; l’évaluer selon l’échelle de sept degrés,

16°) préjudice d’agrément : lorsque la victime allègue l’impossibilité de se livrer à des activités spécifiques sportives ou de loisirs, donner un avis médical sur cette impossibilité et son caractère définitif, sans prendre position sur l’existence ou non d’un préjudice afférent à cette allégation,

17)° dire s’il existe un préjudice sexuel ; le décrire en précisant s’il recouvre l’un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l’acte sexuel proprement dit (impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction),

18°) établir un état récapitulatif de l’ensemble des postes énumérés dans la mission.

– dit que l’expert fera connaître sans délai son acceptation, qu’en cas de refus ou d’empêchement légitime, il sera pourvu aussitôt à son remplacement,

– dit que l’expert pourra s’entourer de tous renseignements utiles auprès notamment de tout établissement hospitalier où la victime a été traitée sans que le secret médical ne puisse lui être opposé,

– dit que l’expert rédigera, au terme de ses opérations, un pré-rapport qu’il communiquera aux parties en les invitant à présenter leurs observations dans un délai maximum d’un mois,

– dit qu’après avoir répondu de façon appropriée aux éventuelles observations formulées dans le délai imparti ci-dessus, l’expert devra déposer au secrétariat du tribunal judiciaire de Bourges spécialement désigné (Pôle social) un rapport définitif dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation de la mission,

– dit que la CPAM du Cher fera l’avance des frais d’expertise et devra verser à l’expert après que ce dernier ait accepté sa mission une somme de 800 euros à valoir sur ses frais et honoraires,

– condamné la société [12] à payer à Mme [R] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Suivant déclaration du 8 décembre 2021, la SASU [12] a relevé appel de ce jugement.

L’affaire a été appelée à l’audience du 28 février 2023.

Aux termes de ses conclusions responsives et récapitulatives visées à l’audience et soutenues oralement, la société [12] demande à la Cour de :

– la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

– déclarer Mme [R] recevable mais mal fondée en son appel incident,

– infirmer le jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Bourges le 30 septembre 2021 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

A titre principal

– déclarer que Mme [R] ne bénéficie pas de la présomption de faute inexcusable à son égard,

– déclarer que Mme [R] ne démontre pas l’existence de la faute inexcusable qu’elle invoque,

– déclarer qu’en sa qualité d’employeur, elle n’a commis aucune faute inexcusable,

En conséquence,

– débouter purement et simplement Mme [R] de son recours en reconnaissance de faute inexcusable à son encontre et de l’ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire

– condamner la société [15] à la garantir de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre au titre de la faute inexcusable de l’employeur, tant en principal, intérêts et frais, qu’au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner la société [15] à la garantir de toutes les conséquences financières de la maladie professionnelle au titre des diverses imputations dans ses comptes employeurs et de l’indemnité en capital versée à Mme [R],

– surseoir à statuer sur la liquidation des préjudices subis par Mme [R],

Le cas échéant

– ordonner, avant dire droit, une expertise médicale afin d’évaluer les préjudices indemnisables de Mme [R] et limiter la mission d’expertise judiciaire aux préjudices suivant :

– déficit fonctionnel temporaire,

– souffrance physiques et morales endurées avant consolidation,

– préjudice esthétique temporaire et définitif,

– préjudice d’agrément après consolidation,

– préjudice sexuel après consolidation,

– assistance par tierce personne avant consolidation,

– réduire la demande de provision formée par Mme [R] à de plus justes proportions,

– déclarer qu’il appartiendra à la CPAM de faire l’avance de toutes les sommes allouées à Mme [R], tant en ce qui concerne les frais d’expertise, que la demande de provision et l’indemnisation des différents postes de préjudice ,

– débouter Mme [R] de toute demande, fin ou conclusion plus ample ou contraire,

En toute hypothèse

– débouter Mme [R] de sa demande formulée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions n° 2 visées à l’audience et soutenues oralement, Mme [R] demande à la Cour de :

– la recevoir en son appel incident,

– infirmer le jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Bourges le 30 septembre 2021 en ce qu’il :

o lui a alloué la somme de 2 000 euros à titre de provision à valoir sur la liquidation de ses préjudices,

o a, avant dire droit sur la liquidation des chefs de ses préjudices défini les missions de l’expert désigné comme suit :

1. convoquer les parties et recueillir leurs observations.

2. examiner [G] [R] et recueillir ses observations et doléances.

3. se faire communiquer par les parties tous documents médicaux relatifs aux lésions subies, en particulier le certificat médical initial.

4. fournir le maximum de renseignements sur l’identité de la victime et sa situation familiale, son niveau d’études ou de formation, sa situation professionnelle antérieure et postérieure à l’accident.

5. à partir des déclarations de la victime et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d’hospitalisation et, pour chaque période d’hospitalisation, la nature et le nom de l’établissement, le ou les services concernés et la nature des soins.

6. retranscrire dans son intégralité le certificat médical initial et, si nécessaire, reproduire totalement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaitre les lésions initiales et les principes étapes de l’évolution ; prendre connaissance et interpréter les examens complémentaires produits.

7. décrire un éventuel état antérieur en interrogeant la victime et en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles.

8. décrire précisément les séquelles consécutives à la maladie professionnelle prise en charge et indiquer les actes et gestes devenus limités ou impossibles.

9. procéder dans le respect du contradictoire à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime.

10. décrire, en cas de difficultés particulières évoquées par la victime, les conditions de reprises de l’autonomie et, lorsque la nécessité d’une aide temporaire est alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nécessité et son imputabilité ; indiquer si des dépenses liées à la réduction de l’autonomie sont justifiées et si l’assistance constante ou occasionnelle d’une tierce personne (étrangère ou non à la famille) a été nécessaire avant la consolidation.

11. déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine et directe avec les lésions occasionnées par l’accident, la victime a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou habituelles ; si l’incapacité fonctionnelle n’a été que partielle, en préciser le taux.

12. lorsque la victime allègue une répercussion dans l’exercice de ses activités professionnelles, recueillir les doléances et les analyser.

13. donner son avis sur le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle au regard des éléments médicaux et de donner au tribunal tous les éléments permettant d’apprécier l’étendue du préjudice.

14. souffrances endurées : décrire les souffrances physiques ou morales résultants des lésions, de leur traitement, de leur évolution et des séquelles de l’accident : les évaluer selon l’échelle de sept degrés.

15. préjudice esthétique : donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique, en précisant s’il est temporaire (avant consolidation) ou définitif ; l’évaluer selon l’échelle de sept degrés.

16. préjudice d’agrément : lorsque la victime allègue l’impossibilité de se livrer à des activités spécifiques sportives ou de loisirs, donner un avis médical sur cette impossibilité et son caractère définitif, sans prendre position sur l’existence ou non d’un préjudice afférent à cette allégation.

17. dire s’il existe un préjudice sexuel ; le décrire en précisant s’il recouvre un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l’acte sexuel proprement dit (impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction).

18. établir un état récapitulatif de l’ensemble des postes énumérés dans la mission.

o condamné la société [12] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

o débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Statuant à nouveau sur ces points :

– lui allouer une provision de 5 000 euros à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices,

– ordonner une expertise médicale confiée à tel homme de l’art qu’il plaira à la Cour de désigner avec mission de :

* se faire communiquer par la victime, les parties ou tout tiers détenteur, tous documents médicaux relatifs aux maladies, en particulier le certificat médical initial,

* décrire les lésions initiales, les modalités de traitement, les durées d’hospitalisation,

* déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine et directe avec l’accident, la victime a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou ses activités habituelles,

* si l’incapacité fonctionnelle n’a été que partielle, en préciser le taux,

* retenir comme date de consolidation, la date de consolidation fixée par la CPAM,

* chiffrer, par référence au barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun, outre le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent imputable à la maladie, résultant de l’atteinte permanente d’une ou plusieurs fonctions persistants au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après consolidation,

* dire si un changement de poste ou d’emploi apparaît lié aux séquelles et préciser les gestes professionnels rendus plus difficiles ou impossibles du fait de celle-ci,

* décrire les souffrances physiques et psychiques morales endurées pendant la maladie traumatique avant consolidation du fait des blessures subies,

* les évaluer selon l’échelle habituelle de 7,

* donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique, en précisant si il est temporaire, avant consolidation, ou définitif,

* l’évaluer selon l’échelle habituelle de 7, indépendamment de l’éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit,

* donner son avis médical sur l’impossibilité et le caractère définitif ou non pour Mme [R] de se livrer à des activités sportives et de loisirs,

* dire s’il existe un préjudice sexuel, le décrire,

* indiquer si l’assistance d’une tierce personne constante ou occasionnelle a été nécessaire,

– condamner la SASU [12] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– confirmer pour le surplus le jugement entrepris,

– débouter la SASU [12] et la société [15] de leurs demandes plus amples ou contraires,

– condamner la SASU [12] aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions visées à l’audience et soutenues oralement, la SAS [15] demande à la Cour de :

– la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident,

– infirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Bourges le 30 septembre 2021 en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau :

A titre liminaire, sur l’irrecevabilité des demandes de Mme [R] et de la CPAM en ce qu’elles seraient dirigées à son encontre :

– juger que la demande de reconnaissance de l’existence d’une faute inexcusable ne peut être dirigée qu’à l’encontre de l’employeur,

– constater qu’elle n’est pas l’employeur de Mme [R],

– déclarer en conséquence Mme [R] et la CPAM irrecevables en leurs demandes en ce qu’elles seraient dirigées à son encontre,

A titre principal, sur l’absence de faute inexcusable :

– juger que Mme [R] ne peut se prévaloir d’une présomption de faute inexcusable,

– juger en tout état de cause que Mme [R] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l’existence d’une faute inexcusable imputable à l’employeur,

En conséquence

– juger qu’aucune faute inexcusable ne saurait être reprochée à l’employeur,

– débouter Mme [R] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

A titre infiniment subsidiaire, sur l’action récursoire exercée par la société [12] :

– débouter la société [12] de son appel en garantie allant à son encontre s’agissant des conséquences financières de la reconnaissance de l’existence d’une faute inexcusable,

– prononcer subsidiairement un partage de responsabilité avec la société [12] s’agissant des conséquences financières de la reconnaissance de l’existence d’une faute inexcusable,

A titre infiniment subsidiaire, sur les demandes de Mme [R] :

> sur la demande d’expertise judiciaire

– limiter la mission d’expertise judiciaire comme suit :

* déficit fonctionnel temporaire,

* souffrances physiques et morales endurées avant consolidation,

* préjudice esthétique temporaire et définitif,

* préjudice d’agrément après consolidation,

* préjudice sexuel après consolidation,

* assistance par tierce personne avant consolidation,

> sur la demande de provision à l’obligation pour la CPAM de faire l’avance des fonds :

– ramener la demande de provision formulée par Mme [R] à de plus justes proportions,

– juger, en tout état de cause, que c’est la CPAM qui fera l’avance de toutes les sommes allouées à Mme [R] tant en ce qui concerne les frais d’expertise, la demande de provision et l’indemnisation des préjudices couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale et éventuellement les préjudices éventuellement non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale,

> sur la demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile :

– débouter Mme [R] de sa demande indemnitaire formulée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ou à tout le moins, la ramener à de plus justes proportions.

Aux termes de ses écritures visées à l’audience et soutenues oralement, la CPAM du Cher demande à la Cour de :

> prendre acte qu’elle s’en rapporte à la justice sur :

– l’existence de la faute inexcusable de l’employeur,

– la fixation en pourcentage du degré de gravité de cette faute inexcusable,

– le montant des indemnités dues à la victime en réparation de ses préjudices personnels,

> dans l’hypothèse où la faute inexcusable de l’employeur sera retenue : confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société [12] à lui rembourser les sommes qu’elle sera amenée à régler en application des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale.

En application de l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures et observations des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

MOTIFS DE LA DECISION

– Sur l’irrecevabilité des demandes de Mme [R] et de la CPAM en ce qu’elles seraient dirigées à l’encontre de la société [15]

Aux termes de l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, ‘lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants’.

Il convient de rappeler qu’en application de l’article L. 1251-1 du Code du travail, le seul employeur d’un salarié lié par un contrat de mission à une entreprise de travail temporaire et mis à la disposition d’une entreprise utilisatrice est l’entreprise de travail temporaire.

L’article L. 412-6 du Code de la sécurité sociale dispose que ‘pour l’application des articles L.452-1 à L.452-4, l’utilisateur, le chef d’entreprise utilisatrice ou ceux qu’ils se sont substitués dans la direction sont regardés comme substitués dans la direction, au sens desdits articles, à l’employeur. Ce dernier demeure tenu des obligations prévues audit article sans préjudice de l’action en remboursement qu’il peut exercer contre l’auteur de la faute inexcusable’.

Il en résulte qu’en cas de faute inexcusable, l’entreprise utilisatrice est réputée substituée à l’entreprise de travail temporaire, employeur. Toutefois, l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ne peut être engagée qu’à l’encontre de l’employeur de la victime (Civ. 2ème., 9 février 2017, n° 15-24.037), soit l’entreprise de travail temporaire qui demeure responsable des conséquences financières de la faute inexcusable, sauf pour elle à exercer une action récursoire en garantie contre l’entreprise utilisatrice fautive afin d’obtenir le remboursement des sommes versées.

Au cas présent, la demande apparaît sans objet dans la mesure où l’action en reconnaissance d’une faute inexcusable engagée par Mme [R] ne l’est qu’à l’encontre de la société [12], entreprise de travail temporaire.

– Sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur :

En application de l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l’accident, ou la maladie professionnelle, est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ainsi que l’a d’ailleurs jugé la Cour de cassation (Civ. 2ème., 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-25.021).

Il appartient au salarié ou à ses ayants droit de rapporter la preuve de la faute inexcusable de l’employeur.

Toutefois, aux termes de l’article L. 4154-3 du Code du travail, la faute inexcusable de l’employeur prévue à l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale est présumée établie pour les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors, qu’affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, ils n’auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l’article L. 4154-2.

L’article L. 4154-2 du même code précise que les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité bénéficient d’une formation renforcée à la sécurité ainsi que d’un accueil et d’une information adaptés dans l’entreprise dans laquelle ils sont employés. La liste des postes de travail est établie par l’employeur, après avis du médecin du travail et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, des délégués du personnel, s’il en existe. Elle est tenue à la disposition de l’inspecteur du travail.

1- sur le caractère professionnel de la maladie déclarée

La faute inexcusable ne peut être retenue que si l’accident ou la maladie revêt un caractère professionnel.

Il s’avère, au cas d’espèce, que la décision de prise en charge de la maladie de Mme [R] par la caisse a été déclarée opposable à l’employeur, lequel ne conteste pas le caractère professionnel de la maladie déclarée et reconnue au titre du tableau n° 65 des maladies professionnelles relatif aux lésions eczématiformes de mécanisme allergique.

2- sur la présomption de faute inexcusable au titre de l’article L. 4154-3 du Code du travail

En l’espèce, Mme [R] avance que sa maladie professionnelle est due à la faute inexcusable de son employeur, lequel ne lui aurait pas fourni la formation renforcée à la sécurité alors même qu’elle était intérimaire et occupait un poste présentant des risques particuliers pour sa santé s’agissant d’un travail sur des machines, au contact de produits nocifs (solvants, colle, teintures), avec l’inhalation de poussières de cuir. Elle estime qu’il appartenait à l’entreprise de travail temporaire de se renseigner pour savoir si son poste figurait sur la liste des postes à risques et rappelle qu’en tout état de cause, elle est supposée communiquer cette information au médecin du travail. Elle prétend encore que la société [15] a dû faire face à un nombre important de cas d’allergies et qu’il est clair que compte tenu de ses conditions de travail et des produits au contact desquels elle était tenue de travailler, elle occupait un poste à risques. Elle en déduit que la faute inexcusable de l’employeur s’en trouve présumée et que celui-ci échoue à la combattre.

De son côté, la société [12] soutient que la présomption de faute inexcusable ne lui est pas applicable aux motifs que Mme [R] n’occupait pas un poste à risques. Elle fait valoir à cet égard que l’établissement de la liste des postes à risques incombe, selon l’article R. 4625-18 du Code du travail, à l’entreprise utilisatrice qui doit avertir l’entreprise de travail temporaire des caractéristiques du poste à pourvoir et des risques éventuels inhérents à ce dernier. Elle ajoute que la liste des postes à risques résulte d’une analyse minutieuse et que le descriptif du poste de Mme [R] exclut qu’il puisse par nature exposer le travailleur à des risques particuliers pour sa santé et sa sécurité ; elle estime que la dangerosité de son poste ne saurait ressortir de la seule appréciation personnelle de la salariée. Elle prétend encore que les produits utilisés par Mme [R] ne représentaient aucun danger pour la santé, ce qui explique que le DUER (document unique d’évaluation des risques) de l’entreprise utilisatrice indique que le risque lié à la manipulation des détergents et le risque de coupure est ‘peu grave’ et ‘modéré’.

La société [15] prétend également que les caractéristiques même du poste occupé par Mme [R] telles qu’elles ressortent de ses contrats de mission ne permettent pas de considérer que celui-ci présenterait des risques particuliers pour sa santé et sa sécurité, de sorte qu’elle ne saurait solliciter le bénéfice de la présomption de faute inexcusable. Elle fait valoir que la salariée ne saurait remettre en cause sans fondement le DUER de la société et rappelle que la maladie déclarée n’est aucunement liée à l’inhalation de poussières de peau, mentionnée par le DUER, mais à une infection cutanée. Elle affirme qu’au surplus les allégations de Mme [R] quant à d’autres cas d’allergie et une enquête de la médecine du travail sont purement gratuites. Elle conclut à son tour que la présomption de faute inexcusable est improprement soulevée par la salariée.

Il s’évince des débats et il n’est pas contesté que les contrats de mission temporaire de Mme [R] portent trace à la rubrique ‘Risques professionnels’ la mention ‘non communiqué’ outre le fait que son poste ne figure pas sur la liste des postes de travail identifiés à risque par la société utilisatrice.

Pour autant, il est constant que l’absence d’établissement de cette liste ne conduit pas nécessairement à l’exclusion automatique du poste querellé de la catégorie des postes à risques, dont l’appréciation revient aux juges du fond saisis d’un litige à ce titre.

Selon les termes de ses contrats de mission, Mme [R] a été mise à disposition de la société [15] en qualité d’agent de fabrication non cadre, les caractéristiques du poste étant les suivantes : ‘Réalise tout ou partie des opérations de montage/assemblage d’articles à base d’étoffes (vêtements) sur une chaîne de production, au moyen de diverses machines à coudre programmables ou non (piqueuse plate, surjeteuse, automate de couture’) selon les règles de sécurité et les impératifs de production (qualité, délais’). Peut réaliser des opérations de finition et de conditionnements’.

Dans le cadre de l’exécution de ses missions, la salariée était amenée à utiliser la sous-couche opéra, la teinture opéra chocolat et le détergent Kleen 100.

Selon les fiches de données de sécurité communiquées par la salariée, il apparaît s’agissant de la sous-couche opéra et la teinture opéra chocolat que ces produits ne sont pas reconnus comme dangereux ou présentant des effets physico-chimiques nocifs sur la santé humaine et l’environnement en dépit de composants dangereux requérant une limite d’exposition professionnelle ; il sera notamment relevé que la teinture ‘opéra chocolat 215’ est identifiée comme relevant d’une réglementation spécifique en France au titre du tableau n° 84 des maladies professionnelles relatif aux affections dues au solvant organiques liquides à usage professionnel. Il est encore spécifié qu’en cas de contact avec la peau, il est préconisé d’essuyer le produit répandu à l’aide d’un chiffon sec et de rincer à l’eau, si la surface de contact est importante, étant précisé que l’eau favorise la pénétration cutanée des éthers de glycol. D’après un rapport d’étude sur l’évaluation du risque lié à l’utilisation de ces produits, le port de gant n’est pas obligatoire lors de l’application des produits sur tranche et est fortement recommandé pour le nettoyage des pièces des machines. Des tests se sont révélés irritants pour la peau, un contact prolongé pouvant dégraisser la peau et provoquer une dermatose.

Mme [R] atteste également que selon l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) la sous-couche opéra et la teinture opéra chocolat contiennent des composants visés aux tableaux n° 49 et 65 des maladies professionnelles relatifs respectivement aux affections cutanées provoquées par les amines aliphatiques, alicycliques ou les éthanolamines d’une part et aux lésions eczématiformes de mécanisme allergique d’autre part.

Concernant le produit Kleen 100, il s’agit d’un détergent qui, selon sa fiche de données de sécurité, ne présente pas de danger pour la santé hormis d’éventuelles valeurs limites d’exposition professionnelle. En cas de contact avec la peau, il est préconisé de laver abondamment avec de l’eau et du savon. La notice préconise toutefois le port de gants de protection appropriés en cas de contact prolongé ou répété avec la peau.

Le DUER de la société [15] n’a retenu aucun risque de contact cutané et estimé ‘modéré’ le risque d’inhalation et de coupures/piqures.

Il s’évince de l’ensemble de ces éléments qu’au vu des risques particuliers encourus par les utilisateurs de la sous-couche opéra, de la teinture opéra chocolat et du détergent Kleen 100, à tout le moins s’agissant d’un usage professionnel et donc prolongé ou répété, Mme [R] est bien fondée à se prévaloir de la présomption de faute inexcusable de l’employeur, ainsi que l’ont justement apprécié les premiers juges.

L’employeur peut renverser cette présomption simple en démontrant qu’il a dispensé au salarié la formation renforcée à la sécurité correspondant au poste occupé, ce qu’il ne soutient même pas. Par motifs surabondants, eu égard au curriculum-vitae de la salariée versée aux débats par l’employeur, il sera rappelé que la présomption produit ses effets quelle que soit l’expérience précédente du salarié victime.

Il s’ensuit que la faute inexcusable de l’employeur sera retenue et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

– Sur les conséquences de la faute inexcusable

1- la majoration de la rente

Conformément à l’article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale, la faute inexcusable de l’employeur ouvre droit à la majoration de la rente ou du capital alloué à la victime, calculée en fonction de la réduction de capacité dont celle-ci est atteinte. Toutefois, la rente majorée ne peut pas dépasser soit le salaire annuel de la victime en cas d’incapacité totale, soit la fraction de salaire correspondant au taux d’incapacité s’il s’agit d’une incapacité permanente partielle. La majoration suit l’évolution du taux d’incapacité de la victime.

Il convient en l’espèce de dire que la majoration de la rente sera fixée au maximum dans la limite des plafonds précités et, pour ce qui concerne les rapports caisse/assuré, qu’elle suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de Mme [R], lequel, a été fixé à 5 %.

S’agissant des rapports caisse/employeur, il y a lieu de prévoir que l’action récursoire de la caisse ne pourra s’exercer à l’encontre de l’employeur que dans la limite du taux d’incapacité permanente de la victime qui lui est opposable, à savoir en l’espèce le taux de 5 %.

Enfin, s’agissant du capital représentatif de la majoration de la rente dû par l’employeur en remboursement à la caisse, l’article D. 452-1 du Code de la sécurité sociale prévoit qu’il est calculé dans les conditions prévues à l’article R. 454-1 du même code, lequel renvoie à deux arrêtés successifs définissant le barème de capitalisation qui doit être utilisé par les caisses primaires d’assurance maladie, de sorte que cette demande de la caisse au titre de son action récursoire est déterminable. En conséquence, la société [12] devra rembourser à la caisse les sommes avancées par elle conformément aux articles L. 452-2 et L. 452-3 du Code de la sécurité sociale.

2- l’indemnisation des préjudices de Mme [R]

Indépendamment de la majoration de la rente, la victime peut aussi demander à l’employeur, conformément à l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, la réparation des dommages subis en conséquence de la maladie professionnelle qui ne sont pas couverts par la législation professionnelle.

Dans une décision du 18 juin 2010 (n° 2010-8 QPC), le Conseil constitutionnel a précisé que la victime peut, devant la juridiction de sécurité sociale, demander à l’employeur la réparation de certains chefs de préjudice énumérés par l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale et qu’en présence d’une faute inexcusable de l’employeur, les dispositions de ce texte ne sauraient toutefois faire obstacle à ce que cette même personne, devant les mêmes juridictions, puisse demander à l’employeur réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale.

Par ailleurs, dans un arrêt d’Assemblée plénière du 20 janvier 2023 (n° 20-23.673), la Cour de cassation, opérant un revirement de jurisprudence, a jugé que désormais la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.

En conséquence, il convient de faire droit à la demande d’expertise présentée par Mme [R] afin de permettre l’évaluation des préjudices indemnisables résultant de la maladie professionnelle de celle-ci due à la faute inexcusable de l’employeur. L’expertise pourra donc porter sur les postes de préjudice considérés comme déjà couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale mais aussi, outre les chefs de préjudices expressément énumérés par l’article L. 452-3, à savoir les souffrances endurées, le préjudice esthétique, le préjudice d’agrément et la perte des possibilités de promotion professionnelle, sur le préjudice sexuel, la nécessité de l’aménagement du logement et celle d’un véhicule adapté, et sur les préjudices non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale en lien avec l’éventuelle nécessité de recourir à une tierce personne avant la consolidation et avec le déficit fonctionnel temporaire. Les frais d’expertise seront avancés par la caisse qui en récupérera le montant auprès de l’employeur. La décision déférée sera donc partiellement infirmée.

3- la demande de provision

Mme [R] formule une demande de provision de 5 000 euros à valoir sur le montant de l’indemnité qui lui sera attribuée en réparation de ses préjudices sans plus de motivation. En l’absence de tout élément, il ne sera pas fait droit à ce chef de demande. La décision déférée sera infirmée sur ce point.

– Sur l’action récursoire de la société [12] à l’encontre de la société [15]

Il résulte de l’article L. 412-6 du Code de la sécurité sociale qu’en cas d’accident du travail imputable à la faute inexcusable d’une entreprise utilisatrice, l’entreprise de travail temporaire, seule tenue en sa qualité d’employeur de la victime des obligations prévues aux articles L. 452-1 à L. 452-4 du code précité, dispose d’un recours contre l’entreprise utilisatrice pour obtenir le remboursement des indemnités complémentaires versées à la victime, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation (Civ. 2ème, 15 septembre 2016, n° 15-21.962).

En l’espèce, la société [12] demande la garantie intégrale de l’entreprise utilisatrice, rappelant que cette dernière est responsable des conditions d’exécution du travail, notamment celles relatives à la santé et la sécurité au travail ; elle fait également valoir que l’obligation de formation renforcée à la sécurité incombe à la société utilisatrice, qui seule avait connaissance des spécificités du poste et des normes de sécurité applicables, étant souligné qu’elle n’a jamais été alertée sur un quelconque risque notamment au regard du descriptif de poste ; elle relève encore que la fourniture des EPI pèse sur l’entreprise utilisatrice et que pour sa part, elle a rempli ses obligations d’entreprise de travail temporaire en fournissant les chaussures de sécurité, en souscrivant aux formalités de la visite médicale d’embauche et en s’assurant des compétences de la salariée.

Elle conteste tout concours de fautes inexcusables ainsi que l’ont retenu les premiers juges.

Pour sa part, la société [15] considère le recours de la société de travail temporaire comme non fondé, dès lors que celle-ci a l’obligation de s’assurer du respect des règles de sécurité au sein de l’entreprise utilisatrice et qu’elle ne justifie d’aucune démarche en ce sens auprès de la société [15]. Elle conclut au débouté de l’action récursoire à son encontre ou, le cas échéant, à la confirmation du jugement entrepris quant au partage de responsabilité prononcé.

En l’espèce, la faute inexcusable est établie du fait de l’absence de formation renforcée à la sécurité de la part de l’employeur. Certes cette obligation incombe à l’entreprise utilisatrice qui, comme l’ont relevé les premiers juges, se borne à affirmer que les nouveaux salariés de l’établissement reçoivent une formation générale à la sécurité ou bénéficient des équipements de protection individuelle (EPI) sans en attester, étant rappelé que la formation renforcée à la sécurité s’entend d’une formation adaptée au danger particulier en cause. Pour autant, alors que les éléments sur les risques professionnels ne lui avaient pas été communiqués, il est avéré que la société de travail temporaire ne s’en est pas préoccupée et n’a pas davantage effectué de visite de poste. Dans ces conditions, c’est par une juste appréciation que les premiers juges ont considéré que les seules conditions du travail n’étaient pas en cause, de sorte que la société de travail temporaire devait être garantie par moitié par la société utilisatrice de toutes les condamnations prononcées à son encontre tant en principal, intérêts et frais qu’au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. La décision sera donc confirmée de ce chef.

Quant à la garantie sollicitée au titre du surcoût des cotisations d’accident du travail sur son compte employeur engendré par la rente accident du travail, il convient de rappeler que le recours de l’entreprise de travail temporaire ne peut concerner que le capital représentatif de la rente, à l’exclusion de toute autre prestation (Civ. 2ème, 17 décembre 2009, n° 09-05.0872 ; 12 juillet 2018, n° 17-21.102).

Sur les autres demandes :

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Il convient de condamner la société [12], qui succombe, à payer d’ores et déjà à Mme [R] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile et de réserver les dépens dans l’attente de l’issue du litige.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Bourges sauf en ce qu’il a alloué à Mme [G] [R] la somme de 2 000 euros à titre de provision à valoir sur la liquidation de ses préjudices et s’agissant de la mission d’expertise ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Avant dire droit sur le montant de la réparation des préjudices causés par la faute inexcusable de l’employeur,

Ordonne une expertise médicale de Mme [G] [R] et désigne pour y procéder le Docteur [N] [W] [Adresse 9] ([Courriel 13] – [XXXXXXXX01]) lequel, en cas de besoin, pourra prendre l’initiative de recueillir l’avis de tout technicien d’une spécialité distincte de la sienne avec mission de :

– convoquer l’ensemble des parties et leurs avocats, recueillir les dires et doléances de la victime, se procurer tous documents médicaux ou autres relatifs à la présente affaire et procéder en présence des médecins mandatés par les parties, avec l’assentiment de la victime, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,

– décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant les durées exactes d’hospitalisation et pour chaque période d’hospitalisation la nature des soins,

– déterminer, décrire, qualifier et chiffrer :

* les chefs de préjudices expressément énumérés par l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, à savoir :

¿ les souffrances endurées (sur une échelle de 1 à 7),

¿ le préjudice esthétique (sur une échelle de 1 à 7),

¿ le préjudice d’agrément défini comme l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs,

¿ la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle,

* le préjudice sexuel,

* la nécessité de l’aménagement du logement et celle d’un véhicule adapté,

* le préjudice d’établissement consistant en la perte d’espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap,

* le déficit fonctionnel temporaire : indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles, préciser la durée des périodes d’incapacité totale ou partielle et le taux de celle-ci,

* s’il y a lieu, la nécessité de recourir à une tierce personne avant la consolidation,

* le déficit fonctionnel permanent imputable à la maladie professionnelle, résultant de l’atteinte permanente d’une ou plusieurs fonctions persistants au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après consolidation ;

Rappelle que Mme [G] [R] devra répondre aux convocations de l’expert et qu’à défaut de se présenter sans motif légitime et sans en avoir informé l’expert, l’expert est autorisé à dresser un procès-verbal de carence et à déposer son rapport après deux convocations restées infructueuses ;

Ordonne la consignation par la caisse primaire d’assurance maladie du Cher auprès du régisseur de la Cour d’appel d’Orléans, dans les 60 jours à compter de la notification du présent arrêt, de la somme de 1 200 euros à valoir sur la rémunération de l’expert ;

Dit que la caisse primaire d’assurance maladie du Cher qui en aura fait l’avance, pourra récupérer le montant de la provision pour frais d’expertise auprès de la SASU [12] ;

Dit que l’expert pourra en tant que de besoin être remplacé par simple ordonnance du président de la chambre de la sécurité sociale ;

Dit que l’expert devra donner connaissance de ses premières conclusions aux parties et répondre à toutes observations écrites de leur part dans le délai qu’il leur aura imparti avant d’établir son rapport définitif ;

Dit que l’expert déposera son rapport au greffe de la Cour dans les quatre mois après qu’il aura reçu confirmation du dépôt de la consignation ;

Déboute Mme [G] [R] de sa demande de provision à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices ;

Renvoie l’affaire à l’audience de la chambre de la sécurité sociale de la Cour d’appel d’Orléans du mardi 17 octobre 2023 à 9 heure ;

Dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation régulière des parties à cette audience ;

Condamne la SASU [12] à verser à Mme [G] [R] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Réserve les dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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