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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-3
ARRÊT AU FOND
DU 05 MAI 2023
N° 2023/ 84
RG 19/03579
N° Portalis DBVB-V-B7D-BD4FI
[R] [C]
C/
SASU VIRTUOZ’ART
Copie exécutoire délivrée le 5 Mai 2023 à :
– Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE
– Me Véronique RONDEAU-ABOULY, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 05 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01638.
APPELANTE
Mademoiselle [R] [C], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Jérôme FERRARO de la SCP E. SANGUINETTI , J. FERRARO, A. CLERC ET J. AUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SASU VIRTUOZ’ART, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Véronique RONDEAU-ABOULY, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mai 2023.
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mai 2023
Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES
La société Virtuoz’art a été constituée le 26 septembre 2016 par son associé unique M. [H] [B] et a pour activité selon le registre du commerce «autre imprimerie (labeur)», et selon son site, une activité de décoration intérieure sur le net.
Selon convention de stage tripartite du 8 août 2017 entre l’établissement d’enseignement [Localité 4] [2], la société et Mme [R] [C], cette dernière devait effectuer un stage du 28 août 2017 au 24 février 2018, avec une gratification fixée à 555 euros par mois.
Les parties ont signé une rupture anticipée du stage au 9 février 2018.
Invoquant notamment une relation de travail, Mme [C] a saisi le 31 juillet 2018, le conseil de prud’hommes de Marseille aux fins d’obtenir des rappels de salaire et indemnités.
Selon jugement du 5 février 2019, le conseil de prud’hommes a statué comme suit :
Prononce la requalification de la convention de stage de Mme [C] en un contrat de travail à durée indéterminée.
Condamne la société Virtuoz’art à verser à Mme [C] la somme de 4 070 euros net à titre de rappel de salaire et celle nette de 407 euros au titre des congés payés afférents.
Déboute Mme [C] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et de celle relative au travail dissimulé.
Condamne la société Virtuoz’art à verser à Mme [C] la somme de 1 000 euros au titre de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Déboute Mme [C] du surplus de ses demandes fins et prétentions.
Déboute la société du surplus de ses demandes.
Condamne la société aux dépens.
Le conseil de Mme [C] a interjeté appel par déclaration du 1er mars 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 31 octobre 2019, Mme [C] demande à la cour de :
«Confirmer le Jugement entrepris en ce qu’il a requalifié la convention de stage en contrat de travail à durée indéterminée,
Le réformer pour le surplus, y ajoutant et statuant à nouveau sur l’entier litige pour une meilleure compréhension,
Dire que la rupture du contrat de travail au 9 février 2018 s’analyse en un licenciement, tant irrégulier qu’illégitime,
Condamner la société intimée au paiement des sommes suivantes :
– Rappel de salaire équivalent au « SMIC ” : 5 088,15 €,
– Indemnité compensatrice de congés payés : 864,50 €,
– Rappel de salaire afférent aux heures supplémentaires : 305 €,
– Incidence congés payés : 30,50 €
– Dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail : 500 €
– Dommages-intérêts pour licenciement abusif: 3 000 €,
– Indemnité relative au travail dissimulé : 8 990,82 €,
– Indemnité Article 700 du Code de Procédure Civile: 1 800 € en sus de celle allouée par le 1er Juge,
Ordonner la fixation des intérêts de droit à compter de la demande en Justice, avec capitalisation,
Condamner l’intimée aux entiers dépens.»
Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 2 août 2019, la société demande à la cour de :
«Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,
Accueillir l’intimée en son appel incident et infirmer en toutes ses dispositions le jugement de première instance et accueillir l’appel incident en ses 2 moyens soit :
Réformer la décision de première instance ayant prononcé à tort la requalification du stage en contrat à durée indéterminée au motif que :
Madame [C] n’a pas exécuté dans le cadre d’un service organisé sous le contrôle et les directives précises de l’employeur un contrat de travail qui lui aurait confié un poste spécialisé
en lien avec une activité économique l’appelante à cet égard ne rapportant la preuve :
1. Ni de sa qualification exacte,
2. Ni de la réalité objective et matérielle du travail exécuté,
3. De l’emploi effectif qu’elle prétend avoir tenu pendant la durée de son stage
Débouter en appel définitivement l’appelante de cette demande la décision de première instance étant réformée
Accueillant également l’appel incident de l’intimée sur le rappel de salaire octroyé par le juge de première instance :
Dire et juger qu’en tout état de cause le stage s’est effectué pour les besoins d’une expérience professionnelle en rapport avec un diplôme préparé par l’appelante et que ce statut particulier impliquant que le contrat se soit exécuté dans le cadre de la formation professionnelle déroge aux règles sur la fixation du niveau de salaire,
Dire que la gratification telle que versée sous un statut fiscal et social particulier ne pouvait donner lieu à une augmentation au niveau du SMIC pour la période d’exécution passée
Infirmer la décision de première instance sur la condamnation de l’intimée à un rappel de salaire et aux congés payés sur ce rappel de salaire.
En appel sur les demandes de l’appelante :
Débouter l’appelante de sa demande de constatation de ce que la rupture devrait être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse justifiant le versement de dommages-intérêts par application des dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail au motif que :
Le contrat de stage professionnel ayant lié l’appelante à l’intimée était commun à l’établissement scolaire ou l’appelante exécutait sa formation et que cette convention avait été résiliée d’un commun accord avant le terme extinctif fixé à la durée de la formation professionnelle et avant que la salariée ne saisisse d’une requalification le conseil de prud’hommes de Marseille.
En conséquence dire et juger que le contrat qui prévoyait la possibilité d’une résiliation d’un commun accord avait pris effet en ce qui concerne la résiliation avant l’introduction de l’action judiciaire en requalification et qu’à cet égard Madame [C] avait perdu son droit d’agir pour contester le motif de la rupture,
La débouter de toute demande à cet égard.
Concernant la demande de paiement des heures supplémentaires :
Dire et juger que cette demande est irrecevable et mal fondée l’appelant important pas la preuve de la réalité de leur supplémentaire
Concernant la demande de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail :
Dire et juger que l’appelante n’apporte pas la preuve qui lui incombe de ce que l’employeur l’aurait forcé d’utiliser son ordinateur portable et son téléphone portable pour le compte de l’entreprise et que s’il y a lieu elle l’a a fait volontairement, de sa seule initiative en plus des moyens mis à sa disposition par l’employeur et appartenant à l’entreprise elle ne peut considérer qu’il y a eu lieu à une exécution déloyale.
Concernant la demande de dommages-intérêts au titre du travail dissimulé :
dire et juger que les conditions d’application du texte invoqué ne sont pas réunies et que manque notamment l’intention volontaire de l’employeur de se soustraire à ses obligations en conséquence déboutée la plante de toute demande formulée à cet égard.
Reconventionnellement condamner Mademoiselle [C] au paiement de la somme de 3000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.»
Pour l’exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.
MOTIFS DE L’ARRÊT
A titre liminaire, la cour rappelle notamment à l’adresse de l’intimée qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
Sur la requalification en contrat de travail
L’appelante indique qu’elle a été affectée à un poste de gestion-partenariat, sans formation ni tutorat, et fait valoir l’utilisation exclusive et déraisonnée de stagiaires dépassant le quota de trois, fait reconnu par M. [B] en première instance.
Elle fait valoir qu’elle recevait des instructions par sms, avec des plannings précis comme les autres stagiaires, faisant observer que la société ne fournissait aucun équipement et n’avait aucun salarié permanent.
La société estime que les conditions nécessaires à la requalification du stage par rapport aux critères légaux de l’article L.124-7 du code de l’éducation ne sont pas réunies.
Elle indique que Mme [C] fait une confusion entre les notions de société et d’entreprise, rappelant les résultats négatifs d’exploitation et le fait que la totalité du besoin en fonds de roulement était abondée à titre personnel par M. [B].
Elle considère que la requalification ne peut être obtenue par l’appréciation du nombre de stagiaires.
L’argumentation de l’intimée sur le financement de la société et quant à une distinction entre société et entreprise est inopérante, la cour rappelant que la volonté des parties est impuissante à les soustraire au statut social qui découle des conditions d’accomplissement des tâches par le stagiaire dans l’entreprise.
En l’espèce, contrairement aux affirmations de la société, il résulte clairement des pièces produites par Mme [C] à savoir les attestations d’autres stagiaires et la production de leurs conventions de stage, que la société fonctionnait uniquement grâce à ce recrutement et que sur la période concernée, il y avait au moins cinq stagiaires, ce qui induit un détournement, comme l’a souligné le conseil de prud’hommes.
Ce nombre était incompatible avec l’existence d’une formation ou d’un tutorat individualisé au demeurant non justifié par M. [B] et Mme [C], par la production des sms adressés par ce dernier avec des ordres précis (pièce n°10), de tableau croisé dynamique (pièce n°11) et de plannings précisant les tâches à accomplir (pièce n°12) démontre qu’elle était intégrée à un service organisé intitulé « dreamteam ou l’équipe » par le gérant lui-même et a exécuté les tâches normales d’un employé dans l’entreprise.
Ces éléments ajoutés au fait que les «stagiaires» disposaient tous d’une adresse mail inhérente à l’entreprise de sorte qu’ils communiquaient avec des tiers au nom de l’entreprise et ont fourni une activité ayant profité directement à la société, sans bénéficier d’aucune formation, conduisent à dire qu’un contrat de travail s’est substitué dès l’origine au stage prévu.
En conséquence, il convient de confirmer la décision qui a requalifié la relation en un contrat de travail à durée indéterminée.
Sur les conséquences de la requalification
1- sur le rappel de salaire
L’intimée n’apporte aucun élément de nature à contredire le tableau produit en pièce n°30 par Mme [C], lequel indique le montant du salaire minimum conventionnel qui aurait dû lui être payé pour un temps complet de 35h hebdomadaires et le montant retranché des gratifications payées, de sorte qu’il y a lieu de faire droit à la demande, les premiers juges n’ayant pas justifié de leur calcul moindre.
2- sur les heures supplémentaires
Aux termes de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
En l’espèce, il résulte d’un échange entre les parties (pièces n°14 & 15) que Mme [C] suivait l’horaire collectif de 9h à 17h30, avec une pause déjeuner d’une heure, de sorte qu’elle a accompli au début de la relation, soit pendant 10 semaines, 7h30 par jour et non 7h, étant précisé que l’employeur a ensuite fixé l’horaire de sortie à 17h.
La demande de la salariée sur laquelle les premiers juges n’ont pas statué, est donc justifiée.
3- sur les congés payés
Les droits attachés à la qualité de salarié sur cinq mois permettent de fixer la somme dûe à la somme de 864,50 euros.
4- sur l’exécution fautive
L’utilisation pour l’entreprise des téléphone et ordinateur personnels sans contrepartie indemnitaire de la part de l’employeur justifie de faire droit à la demande de Mme [C] à hauteur de 200 euros.
Sur la rupture de la relation contractuelle
Les effets de la requalification en contrat de travail à durée indéterminée remontant au premier jour travaillé, la rupture ne pouvait intervenir que sous la forme d’une rupture conventionnelle, seul mode autorisé par la loi.
En conséquence, la salariée est en droit d’obtenir au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et en application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue des dispositions de l’ordonnance du 22 septembre 2017, une indemnité de 700 euros.
Sur le travail dissimulé
En l’espèce, les explications de M. [B] devant les premiers juges démontrent son ignorance des textes de sorte qu’il n’est pas établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
Dès lors, Mme [C] doit être déboutée de sa demande indemnitaire forfaitaire formée au titre de la dissimulation d’emploi salarié prévue aux articles L.8223-1 & suivants du code du travail.
Sur les frais et dépens
L’intimée succombant au principal doit s’acquitter des dépens de la procédure, être déboutée de sa demande faite en application de l’article 700 du code de procédure civile et à ce titre, payer à Mme [C] la somme globale de 2 000 euros.
Sur les intérêts
Les sommes allouées à titre de salaires porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l’employeur (présentation de la lettre recommandée) à l’audience de tentative de conciliation valant mise en demeure.
Les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision.
La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, en matière prud’homale,
Confirme le jugement déféré dans ses seules dispositions relatives à la requalification de la convention de stage en contrat de travail à durée indéterminée, aux dépens et au rejet de la demande au titre du travail dissimulé,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,
Dit que la rupture intervenue le 9 février 2018 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Virtuoz’art à payer à Mme [R] [C], les somme suivantes :
– 5 088,15 euros net à titre de rappel de salaire,
– 305 euros brut au titre des heures supplémentaires,
– 30,50 euros brut au titre des congés payés afférents,
– 864,50 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
– 200 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,
– 700 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que les sommes allouées de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 02/08/2018 et les sommes allouées à titre indemnitaire, à compter de la présente décision, et ordonne la capitalisation de ces intérêts, à condition qu’ils soient dus au moins pour une année entière,
Condamne la société Virtuoz’art aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT