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30 MAI 2023
Arrêt n°
CHR/SB/NS
Dossier N° RG 21/00321 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FRHD
Association CEPE
/
[P]
[R]
jugement au fond, origine conseil de prud’hommes – formation paritaire de clermont-ferrand, décision attaquée en date du 18 janvier 2021, enregistrée sous le n° f 20/00029
Arrêt rendu ce TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Sophie NOIR, Conseiller
Mme Karine VALLEE, Conseiller
En présence de Mme Séverine BOUDRY, Greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
Association CEPE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Karime CHIDJOU de la SELARL LKJ AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANTE
ET :
Mme [P] [R]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par M. [X] [D] (Délégué syndical ouvrier) muni d’un pouvoir en date du 17/02/2021
INTIMEE
Monsieur RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu Mr RUIN Président en son rapport à l’audience publique du 27 mars 2023, tenue par ces deux magistrats, sans qu’ils ne s’y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré aprés avoir informé les parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Le centre d’éducation permanent à l’environnement (CEPE) est une association relevant de la loi de 1901 dont le siège social est à [Localité 4] (63). Cette association a pour objet social l’éducation à l’environnement et au développement durable par la relation de l’homme et de la nature. Pour la réalisation de son objet, le CEPE initie des actions de sensibilisation et d’éducation des jeunes citoyens à la préservation de la nature.
Madame [P] [R], née le 23 juin 1990, a été embauchée par l’association CEPE à compter du 5 janvier 2015, en qualité d’animatrice, suivant contrat d’insertion à durée déterminée. Le 16 décembre 2016, les parties ont signé un contrat de travail à durée indéterminée. La convention collective nationale applicable à la relation contractuelle est celle de l’animation socio-culturelle.
Le 29 juillet 2019, la DIRECCTE a homologué la rupture conventionnelle intervenue entre les parties. La rupture du contrat de travail a pris effet le 30 juillet 2019.
Le 22 août 2019, les services de l’inspection du travail ont procédé à un contrôle de l’association CEPE, à l’issue duquel lui a été adressé un courrier en date du 13 août 2019 présentant diverses observations concernant l’annualisation du temps de travail et la durée maximale de travail.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, datée du 23 septembre 2019, Madame [P] [R] a sollicité de l’association CEPE le paiement des heures supplémentaires effectuées au cours de l’exécution de son contrat de travail.
Le 10 février 2020, Madame [P] [R] a saisi le conseil des prud’hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins notamment de voir condamner l’association CEPE à lui verser un rappel de salaire sur heures supplémentaires.
L’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation s’est tenue le 22 juin 2020 et comme suite au constat de l’absence de conciliation, l’affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Par jugement contradictoire rendu le 18 janvier 2021 (audience du 12 octobre 2020), le conseil des prud’hommes de CLERMONT-FERRAND a :
– dit et jugé recevables et en bien partie bien fondées les demandes formulées par Madame [P] [R] ;
– dit et jugé que l’annualisation mise en place est illicite et donc inapplicable à Madame [P] [R] ;
– constaté que Madame [P] [R] n’a pas été remplie de la totalité de ses droits pour ce qui concerne les heures supplémentaires, les congés payés et les repos compensateurs ;
– condamné en conséquence l’Association CEPE, prise en la personne de son représentant légal, à payer et porter à Madame [P] [R] les sommes suivantes :
* 19.069,88 euros au titre des heures supplémentaires effectuées, outre 1.906,99 euros au titre des congés payés afférents,
* 5.000 euros, à titre de dommages et intérêts, pour le préjudice subi du fait du non-paiement d’une partie de son salaire,
* 500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et de résultat ;
* 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– débouté Madame [P] [R] de ses autres demandes ;
– débouté l’Association CEPE de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamné l’Association CEPE aux dépens.
Le 9 février 2021, l’Association CEPE a interjeté appel de ce jugement qui a été notifiée à la personne de son représentant légal le 21 janvier 2021.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 14 septembre 2021 par l’Association CEPE,
Vu les conclusions notifiées à la cour le 7 mai 2021 par Madame [P] [R],
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 27 février 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures, l’association CEPE demande à la cour de :
– réformer le jugement rendu en date du 18 janvier 2021 en ce qu’il l’a condamnée aux sommes suivantes :
* 19.069,88 euros au titre des heures supplémentaires effectuées outre,
* 1.906,99 euros au titre des congés payés afférents ;
* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du non-paiement d’une partie de son salaire ;
* 500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et de résultat ;
* 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Et, en conséquence,
– constater l’existence et l’application d’un accord d’annualisation depuis 2010, soit 5 ans avant l’embauche de Madame [R] ;
– dire et juger, qu’en conséquence, de cette annualisation du temps de travail, que les heures récupérées ;
Et si, par extraordinaire, la Cour ne tient pas compte de l’annualisation du temps de travail pratiqué depuis 2010 et applicable à tous ses salariés, de tenir compte des sommes déjà payées, et donc des erreurs commises sur les demandes de Madame [R], pour réduire les montants erronés sollicités ;
– dire et juger qu’elle devra régler la somme de 2.876,51 euros au titre des heures supplémentaires ;
– débouter Madame [R] de sa demande de paiement de la somme de 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait du non-paiement d’une partie de son salaire ; ainsi que de sa demande de paiement de la somme de 2.000 euros au titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et de résultat ;
– débouter Madame [P] [R] de sa demande de 1.600 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi que des dépens.
S’agissant de l’existence de l’accord collectif d’annualisation, l’association CEPE fait valoir qu’elle a négocié une convention collective qui prévoit la possibilité pour les employeurs d’aménager le temps de travail et ce, pour tenir compte de la nature et du caractère saisonnier de leur activité. Ainsi, depuis 2010, une modulation du temps de travail a été mise en place en accord avec les salariés au sein de l’association, salariés qui ont été informés précisément de toutes les modalités, notamment en ce qui concerne les heures supplémentaires.
L’appelante expose que l’existence de cet accord d’annualisation a été reconnue également par l’inspection du travail au terme de son contrôle puisque le seul élément qu’elle déplore concerne l’absence de programme indicatif transmis aux salariés. Sur ce point, l’association assure qu’elle n’avait pas connaissance de l’importance de ce programme puisque la convention collective ne le mentionne pas. En revanche, elle soutient avoir oeuvré, avec l’aide d’un dispositif d’accompagnement, pour se conformer aux préconisations de l’inspection du travail, de sorte qu’un accord d’entreprise a été signé par le président de l’association et tous les salariés le 14 décembre 2020 afin de préciser les modalités de l’annualisation.
En ce qui concerne l’application de l’accord collectif d’annualisation, l’association CEPE, rappelant que la durée de travail effective est de 35 heures par semaine, soit 7 heures par jour, relève que Madame [R] la remet en cause et sollicite le paiement de nombreuses heures supplémentaires, sans qu’aucune autorisation de l’employeur ne soit intervenue pour les réaliser. Elle fait valoir qu’à plusieurs reprises, il a été rappelé aux salariés de ne pas dépasser le temps de travail quotidien de 7 heures, mais que Madame [R], par le biais du système déclaratif des heures réalisées, a indiqué de façon mensongère des heures de travail non effectuées. Pour l’année 2016, l’association CEPE considère que la demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires est frappée par la prescription. Pour les années postérieures, l’association invoque des erreurs de Madame [P] [R] dans ses calculs.
Pour le surplus, l’appelante relève que Madame [R] n’apporte pas la preuve d’un préjudice subi.
S’agissant de l’obligation de sécurité, l’association CEPE soutient n’avoir jamais mis en danger Madame [R], mais, au contraire, insisté régulièrement sur le fait de ne pas dépasser les heures légalement prévues.
Dans ses dernières écritures, Madame [P] [R] demande à la cour de :
– voir, dire et juger recevable et bien fondée sa demande
– débouter l’Association CEPE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
En conséquence,
– confirmer le jugement du conseil des prud’hommes en ce qu’il a :
– dit et jugé recevables et en bien partie bien fondées les demandes formulées par Madame [P] [R] ;
– dit et jugé que l’annualisation mise en place est illicite et donc inapplicable à Madame [P] [R] ;
– constaté que Madame [P] [R] n’a pas été remplie de la totalité de ses droits pour ce qui concerne les heures supplémentaires, les congés payés et les repos compensateurs ;
– condamné en conséquence l’Association CEPE, prise en la personne de son représentant légal, à payer et porter à Madame [P] [R] les sommes suivantes :
* 19.069,88 euros au titre des heures supplémentaires effectuées outre,
* 1.906,99 euros au titre des congés payés afférents ;
* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du non-paiement d’une partie de son salaire ;
* 500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et de résultat ;
* 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– débouté Madame [P] [R] de ses autres demandes ;
– débouté l’Association CEPE de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et l’a condamné aux dépens ;
– condamner l’Association CEPE à lui payer et porter la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner l’Association CEPE aux entiers dépens.
S’agissant de l’accord d’annualisation, Madame [P] [R] demande à la cour de constater son inapplicabilité. Elle explique qu’aux termes de la convention collective invoquée par l’association, deux types de modulations existent et que, selon l’association, elle était en modulation de type B. Elle fait valoir que, pour ce type de modulation, un accord d’entreprise est nécessaire mais n’a pas été conclu, ainsi que l’a relevé l’inspection du travail. En outre, elle expose que l’annualisation n’est pas prévue par son contrat de travail à durée indéterminée ni par un avenant. Elle ajoute que la mise en place d’un programme indicatif telle qu’invoquée par l’inspection du travail n’a pas été respectée, alors même que la convention collective le prévoit expressément.
Madame [R] soutient que, l’accord d’annualisation ne lui étant pas applicable, le décompte des heures de travail à l’année n’est pas valable et doit être fait à la semaine, de sorte qu’elle s’estime bien fondée à solliciter le paiement de ses heures supplémentaires. Elle produit à l’appui de cette demande des feuilles d’heures mentionnant les heures supplémentaires réalisées, et soutient qu’elles font apparaître également l’absence de respect des jours de repos. Elle expose avoir subi un préjudice financier du fait de cette absence de paiement. Elle ajoute que l’association a manqué à son obligation de sécurité de résultat, par le dépassement de la durée légale de travail et le non-respect du droit au repos, de sorte qu’elle en sollicite la réparation.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
– Sur l’annualisation du temps de travail –
La fixation des modalités d’aménagement du temps de travail relève, en principe, de la décision unilatérale de l’employeur qui est tenu toutefois de respecter les règles imposées par le code du travail et les accords collectifs dont relève l’entreprise. Les prérogatives de l’employeur en la matière sont toutefois de plus en plus limitées dans la mesure où la plupart des modes d’organisation du temps de travail qui sortent du cadre hebdomadaire nécessitent la négociation d’un accord collectif. Le mode d’organisation du temps de travail est également très largement déterminé par les impératifs de l’activité. En tout état de cause, en l’absence d’un accord collectif, l’adoption d’un mode d’organisation du temps de travail, ou l’aménagement d’un mode existant, par l’employeur suppose, en principe, une consultation préalable des représentants du personnel.
S’agissant des aménagements pluri-hebdomadaires du temps de travail, la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 a simplifié leur régime en créant un dispositif unique nécessitant, en principe, la conclusion d’un accord collectif conforme aux dispositions des articles L. 3122-1 et suivants du code du travail. Ce dispositif unique se substitue aux dispositions antérieures relatives à la modulation, à l’annualisation par attribution de jours de RTT, au temps partiel modulé et à l’ancien cycle.
Toutefois, à titre d’exception, la loi ° 2008-789 du 20 août 2008 a maintenu en vigueur les accords collectifs ayant mis en place ces anciens types d’organisation lorsqu’ils ont été conclus antérieurement à son entrée en vigueur, soit le 22 août 2018. Ces accords collectifs antérieurs, s’ils sont sécurisés, c’est-à-dire conformes à législation antérieure (articles L. 3122-3 et suivants du code du travail), continuent à s’appliquer dans les conditions prévues par la législation antérieure. À défaut, l’employeur ne peut s’en prévaloir, de même si cet accord collectif antérieur se contente de renvoyer à des accords locaux pour la mise en place des aménagements pluri-hebdomadaires du temps de travail. La seule exception concerne le défaut de programme indicatif.
Depuis le 22 août 2008, un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut définir les modalités d’aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine (‘et au plus égale à l’année’ avant le 10 août 2016). (Articles L. 3122-2 et suivants du code du travail, devenus L. 3121-41 et suivants depuis la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 applicable à compter du 10 août 2016)
Par dérogation à l’article L. 3122-2 du code du travail (puis L. 3121-44 : principe de l’accord collectif ou des aménagements négociables), à défaut d’accord collectif, dans les entreprises qui fonctionnent en continu, l’organisation du temps de travail peut être effectuée sur plusieurs semaines par décision de l’employeur (L. 3122-3 devenu L. 3121-46). En outre, depuis le 10 août 2016, à défaut d’accord collectif, l’employeur peut, dans des conditions fixées par décret, mettre en place une répartition sur plusieurs semaines de la durée du travail, dans la limite de neuf semaines pour les entreprises employant moins de cinquante salariés et dans la limite de quatre semaines pour les entreprises de cinquante salariés et plus (article L. 3121-45) .
Ainsi, antérieurement à la loi n°2008-789 du 20 août 2008, les articles L. 3122-9 et suivants du code du travail avaient organisé un système de modulation comme mode d’aménagement collectif du temps de travail permettant de sortir du cadre hebdomadaire pour adopter une gestion annuelle du temps de travail. La modulation consiste, dans ce cadre, à faire varier la durée hebdomadaire de travail sur tout ou partie de l’année, de façon que les semaines de haute activité soient compensées par des semaines de moindre activité, les heures supplémentaires effectuées en période ‘haute’ étant en principe neutralisées par les périodes non travaillées en période ‘basse’.
L’article L. 3122-9 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi du 20 août 2008, comporte les dispositions suivantes :
‘Une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l’année à condition que, sur un an, cette durée n’excède pas un plafond de 1 607 heures.
La convention ou l’accord peut fixer un plafond inférieur.
La convention ou l’accord précise les données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation.
La convention ou l’accord doit respecter les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail définies au chapitre 1er’.
Dans le cadre d’une telle modulation :
– ‘les heures accomplies au-delà de la durée légale de trente-cinq heures dans les limites fixées par la convention ou l’accord ne constituent pas des heures supplémentaires’ (article L 3122-10) ;
– ‘ La convention ou l’accord de modulation fixe :
1° Le programme indicatif de la répartition de la durée du travail ;
2° Les modalités de recours au travail temporaire ;
3° Les conditions de recours au chômage partiel pour les heures qui ne sont pas prises en compte dans la modulation ;
4° Le droit à rémunération et à repos compensateur des salariés n’ayant pas travaillé pendant la totalité de la période de modulation et des salariés dont le contrat de travail a été rompu au cours de cette même période’ (article L 3122-11).
L’article L. 3122-12, dans sa version antérieure à la loi du 20 août 2008, précise :
‘ La convention ou l’accord de modulation fixe les règles selon lesquelles est établi le programme indicatif de la modulation pour chacun des services ou ateliers concernés et organise, le cas échéant, l’activité des salariés selon des calendriers individualisés.
Dans ce cas, la convention ou l’accord précise :
1° Les conditions de changement des calendriers individualisés ;
2° Les modalités selon lesquelles la durée du travail de chaque salarié sera décomptée;
3° La prise en compte et les conditions de rémunération des périodes de la modulation pendant lesquelles les salariés ont été absents’.
Il ressort de ces dispositions que la mise en place de la modulation du temps de travail n’est possible que moyennant la signature d’une convention ou d’un accord collectif étendu ou d’un accord d’entreprise ou d’établissement. En outre, l’accord doit contenir un certain nombre de clauses obligatoires (notamment les données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation, la période de référence, le programme indicatif de la répartition de la durée du travail, les règles selon lesquelles est établi le programme indicatif de la modulation pour chacun des services ou ateliers concernés).
En l’absence d’une convention ou d’un accord collectif étendu ou d’une convention ou d’un accord d’entreprise le permettant, l’employeur ne peut se prévaloir d’un régime de modulation du temps de travail. De même, lorsque les conditions requises pour l’application du dispositif de modulation ne sont pas réunies (stipulations non conformes aux dispositions légales, inexécution par l’employeur des dispositions de l’accord), le salarié est en droit de demander l’application des règles de droit commun en matière de durée du travail et, notamment, de demander le paiement des heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire.
La loi n°2008-789 du 20 août 2008 a abrogé les articles L. 3122-9 et suivants du code du travail pour instituer un autre système d’aménagement du temps de travail mais elle a prévu, en son article 20, que les accords conclus avant cette loi sur la base des dispositions antérieures resteraient en vigueur.
En l’espèce, il est constant que l’association CEPE est soumise aux dispositions de la convention collective nationale des métiers de l’éducation, de la culture, des loisirs et de l’animation, agissant pour l’utilité sociale et environnementale, au service des territoires (ECLAT) du 28 juin 1988 laquelle a créé deux types de modulation : une modulation type A et une modulation type B.
Selon l’article 5.7.1 de la convention collective précitée : ‘la mise en place de la modulation est effectuée par accord d’entreprise négocié et signé avec un délégué syndical (…). En l’absence de délégué syndical, l’employeur peut mettre en place une ou plusieurs des modalités ci-dessous (modulations types A et B), après information du comité d’entreprise ou des délégués du personnel lorsqu’ils existent. Dans ce cas, le dispositif choisi devra figurer au contrat de travail des salariés concernés. Dans tous les cas, le programme indicatif de la répartition de la durée du travail pour l’ensemble de la période de modulation sera soumis pour avis au comité d’entreprise ou, à défaut aux délégués du personnel s’il en existe’.
S’agissant de la modulation de type B (article 5.7.3), la convention collective dispose que la période de référence peut correspondre à l’année civile ou à une période quelconque de 12 mois et qu’à l’intérieur de cette période de référence, l’employeur doit fixer 2 périodes distinctes, dont chacune ne peut excéder 787,5 heures de travail. L’article 5.7.3 précise que
‘l’ensemble de ces dispositions devra figurer au contrat de travail du salarié concerné (…). La modulation est organisée dans le cadre d’une programmation indicative des horaires selon un calendrier transmis au salarié chaque année, pour l’ensemble de la période de modulation’.
Il ressort des dispositions susvisées que la mise en place d’un système de modulation doit être effectuée par accord d’entreprise négocié et signé avec un délégué syndical et qu’en l’absence de délégué syndical, l’employeur ne peut mettre en place une modulation de type A ou B qu’après information du comité d’entreprise ou des délégués du personnel lorsqu’ils existent. Dans cette hypothèse, le dispositif choisi doit figurer au contrat de travail. En outre, la modulation doit être organisée dans le cadre d’une programmation indicative des horaires selon un calendrier transmis au salarié chaque année pour l’ensemble de la période de modulation et la période de référence de 1575 heures doit être prévue au contrat de travail. A défaut, un régime de modulation instauré sans respecter ces modalités ne peut être opposable au salarié.
En l’espèce, les parties s’accordant sur le fait qu’un régime d’annualisation (modulation du temps de travail aménagé sur l’année) a été mis en place au sein de l’association en 2010, l’instauration d’un tel système de modulation ne pouvait intervenir que sur le fondement d’un accord collectif conclu avant l’entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008. Il s’ensuit que ce système de modulation doit respecter les dispositions des articles L. 3122-9 et suivants du code du travail dans leur version antérieure à cette loi et celles de la convention collective des métiers de l’éducation, de la culture, des loisirs et de l’animation du 28 juin 1988.
L’employeur affirme avoir ‘mis en place’ l’annualisation du temps de travail (modulation de type B) à compter du 1er janvier 2010 ‘en application d’un accord de branche complété par un accord d’entreprise’, mais si l’existence de la convention collective autorisant l’instauration d’un système de modulation est avérée, il ne ressort d’aucun des éléments versés aux débats qu’un accord d’entreprise, auquel renvoie la convention collective en présence de délégués syndicaux, aurait été conclu au sein de l’association CEPE. L’employeur ne se réfère, à l’appui de son affirmation, que sur son propre courrier adressé au conseil de la salariée le 30 septembre 2019, mais il ne justifie pas de l’existence d’un tel accord dont l’inspecteur du travail a d’ailleurs constaté l’inexistence lors de son contrôle du 22 août 2019. Il résulte, en effet, de ce rapport de l’inspection du travail, en date du 15 octobre 2019, qu’il n’a été constaté l’existence d’aucun accord d’entreprise venant compléter les dispositions de la convention collective de branche et qu’il n’a pas été constaté non plus la mise en place d’un programme indicatif.
L’employeur affirme avoir ‘convoqué tous les salariés’ le 5 janvier 2010 pour une ‘présentation de l’annualisation’ mais, outre qu’une ‘présentation’ ne saurait tenir lieu d’accord, aucun des éléments versés aux débats ne permet de vérifier cette affirmation. L’employeur invoque les dispositions du règlement intérieur sur les heures supplémentaires ainsi que différents courriels et notes de service destinés à rappeler aux salariés les consignes données mais aucun de ces documents n’est de nature à apporter la preuve de l’existence d’un accord d’entreprise au sein de l’association.
L’association CEPE n’est pas fondée à soutenir que la situation a fait l’objet d’une régularisation par la signature d’un accord d’entreprise intervenue le 14 décembre 2020. Cet accord d’entreprise conclu postérieurement à la rupture du contrat de travail de Madame [P] [R] ne saurait pallier l’absence de tout accord d’entreprise pouvant valablement instituer un régime de modulation pendant la période où Madame [P] [R] a été salariée de l’association CEPE.
L’association CEPE fait valoir que sa petite taille (moins de 10 salariés à la fin de l’année 2009) n’imposait pas la mise en place d’un accord de modulation mais, si, en l’absence de délégués syndicaux, l’employeur avait la faculté d’instaurer un système de modulation par décision unilatérale, il avait néanmoins l’obligation de faire figurer le dispositif ainsi que ses modalités dans le contrat de travail de Madame [P] [R].
Or, le contrat de travail du 16 décembre 2016 par lequel Madame [R] a été embauchée à durée indéterminée à temps complet prévoit seulement, en son article 5, que la salariée ‘effectuera un service total de 151,67 heures par mois’. Il ne comporte aucune stipulation relative à l’annualisation du temps de travail ou à une quelconque modulation et ne fait aucune référence à une durée annuelle du temps de travail. Il n’est, par ailleurs, justifié d’aucune programmation indicative des horaires qui aurait été transmise à Madame [P] [R].
Il est vrai que Madame [R] reconnaît avoir, antérieurement à son contrat de travail à durée indéterminée, conclu des contrats à durée déterminée prévoyant la modulation mais seul le contrat de travail du 16 décembre 2016, déterminant les nouvelles conventions intervenues entre les parties, peut être pris en considération pour vérifier si les conditions à la mise en place d’un régime de modulation du temps de travail ont été respectées pour la période postérieure à la conclusion de ce contrat. Or, il est établi que le contrat de travail de Madame [P] [R] ne comporte pas les stipulations exigées par la convention collective.
L’employeur n’est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l’article L. 3122-6 du code du travail (devenu l’article L. 3121-43 du code du travail en vertu de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016) selon lequel la mise en place d’un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine par accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail. Ce texte, issu de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, qui, modifiant l’état du droit existant, n’a ni caractère interprétatif, ni effet rétroactif, n’est applicable qu’aux décisions de mise en oeuvre effective de la modulation du temps de travail prises après publication de ladite loi. Au demeurant, en l’espèce, aucune modification du contrat de travail de Madame [R] n’est intervenue postérieurement à son embauche, matérialisée par un contrat de travail à durée indéterminée ne prévoyant une durée de travail que selon les règles du droit commun.
Dans ces conditions, comme l’employeur ne justifie pas avoir fait application de la convention collective, qu’il ne justifie d’aucun accord d’entreprise et que le contrat de travail ne fait figurer aucune stipulation permettant la mise en place d’une modulation du temps de travail, Madame [P] [R] est bien fondée à soutenir, même en l’absence de contestation pendant l’exécution du contrat de travail, que le système d’annualisation dont se prévaut l’association CEPE ne lui est pas opposable, de sorte qu’elle est en droit de prétendre au décompte de son temps de travail selon les dispositions légales et de revendiquer le paiement des heures supplémentaires exécutées au-delà de la durée légale du travail, soit 35 heures par semaine.
Le jugement déféré sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a dit et jugé que l’annualisation mise en place par l’association CEPE est illicite et donc inapplicable, ou inopposable, à Madame [P] [R].
– Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires –
L’accord de modulation ne lui étant pas opposable, Madame [P] [R] doit démontrer qu’elle a effectué des heures supplémentaires au-delà de la durée hebdomadaire de 35 heures, conformément aux dispositions de l’article L.3171-4 du Code du travail.
L’article L. 3171-4 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte de ce texte que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et qu’il appartient au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande mais il incombe aussi à l’employeur de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
En l’espèce, Madame [P] [R], dont les bulletins de salaire ne font pas état d’heures supplémentaires rémunérées par l’employeur, fait valoir, à bon droit, qu’en raison de l’inopposabilité à son égard de l’annualisation, le décompte de son temps de travail doit être fait à la semaine et non à l’année et que toutes les heures accomplies au-delà de 35 heures par semaine doivent être considérées comme des heures supplémentaires et payées comme telles.
A l’appui de ses prétentions, Madame [P] [R] verse aux débats les feuilles de temps de travail établies par l’association CEPE comptabilisant les heures de travail effectuées pour la réalisation des projets de l’employeur et ce, pour l’intégralité de la période écoulée entre le mois de janvier 2016 et le mois de juin 2019.
Il en résulte qu’entre 2016 et 2019, Madame [P] [R] a effectué des heures supplémentaires (au-delà de 35 heures par semaines) à de nombreuses reprises. Madame [P] [R] relève, dans ses écritures, à titre d’illustration et sans exhaustivité, un certain nombre de semaines où des heures supplémentaires ont été exécutées. Il en est ainsi, par exemple, de la semaine du 20 au 24 février 2017 où elle a accompli 58 heures de travail (4 jours de travail de 11,5 heures et un jour de travail de 12 heures).
Madame [P] [R] produit des tableaux sur lesquels elle a comptabilisé les heures supplémentaires accomplies pour chacune des semaines de la période considérée, telles qu’elles ressortent du nombre d’heures de travail figurant sur les feuilles de temps, en distinguant les heures devant être majorées à 25% et celles devant être majorées à 50%.
Madame [P] [R] verse, en outre, aux débats des comptes rendus d’entretien professionnel en date du 8 février 2019 et du 25 juin 2019 dans lesquels elle fait état des heures supplémentaires qu’elle a effectuées.
De tels documents qui comportent des éléments vérifiables quant aux heures de travail alléguées et permettent donc à l’employeur d’apporter une réponse dans les conditions normales du débat contradictoire, sont de nature à étayer les prétentions de la salariée quant à l’exécution des heures supplémentaires alléguées.
Il incombe, en conséquence, à l’association CEPE d’y répondre et d’apporter des éléments justificatifs des horaires effectués de manière à permettre à la juridiction d’apprécier la valeur probante des éléments apportés de part et d’autre, sans imposer au seul salarié la charge de la preuve.
Il y a lieu, d’abord, de relever que l’employeur est bien fondé à se prévaloir de la prescription prévue par l’article L. 3245-1 du code du travail (la demande ne peut porter que sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ou lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois dernières années précédant la rupture du contrat de travail). Comme la rupture du contrat de travail est intervenue le 30 juillet 2019 et que la salariée a saisi le conseil de prud’hommes le 10 février 2020, Madame [P] [R] n’est pas recevable à solliciter le paiement de salaires échus antérieurement au 30 juillet 2016.
Pour la période non prescrite, comme Madame [P] [R] a été embauchée, en l’absence de modulation opposable, pour exécuter une prestation de travail selon une durée mensuelle indiquée à son contrat de travail de 151,67 heures, soit la durée légale de travail à temps complet, l’employeur était tenu de lui fournir du travail pour cette durée et la salariée est en droit de prétendre au paiement des heures de travail effectuées au-delà de la durée légale à titre d’heures supplémentaires. En revanche, l’employeur est en droit d’apporter la preuve des horaires de travail de la salariée et de l’absence d’heures supplémentaires.
L’employeur fait valoir qu’il avait été rappelé aux salariés que ceux-ci ne devaient pas dépasser 7 heures de travail par jour sans autorisation, que Madame [P] [R] a déclaré avoir réalisé de nombreuses heures supplémentaires mais sans son accord et sans possibilité de contrôle. Il ajoute que Madame [P] [R] occupait le même poste qu’une autre salariée et que cette dernière déclarait un nombre d’heures de travail inférieur. Toutefois, dans la mesure où le nombre d’heures effectuées par Madame [P] [R] figure sur des documents internes à l’association que cette dernière ne conteste pas avoir eus chaque mois en sa possession puisqu’il s’agit de ‘feuilles de temps’ mensuels comportant un cadre pré-imprimé dont les rubriques sont renseignées au fur et à mesure de l’exécution du contrat de travail, il s’ensuit que l’employeur avait toute connaissance des heures de travail de Madame [P] [R] et que, par conséquent, ces heures ont été exécutées avec l’accord au moins implicite de l’employeur. Il doit être relevé que le nombre d’heures de travail figurant sur ces feuilles de temps concernant Madame [P] [R] n’est pas contesté.
L’association CEPE soutient, en se prévalant de l’attestation du gardien d’un centre de loisirs où intervenait l’association qui affirme avoir vu ‘rarement (Mme [R]) faire de vraies journées de travail’, que Madame [P] [R] ne travaillait pas suffisamment pendant les heures normales de travail, mais il ne s’agit que d’une simple affirmation. Au demeurant, il n’est justifié ni allégué d’aucune sanction disciplinaire ni même d’aucune simple remontrance ou remarque par laquelle l’employeur aurait fait grief à Madame [P] [R] de ne pas assurer correctement ses obligations contractuelles.
Dès lors, les éléments apportés par l’employeur ne permettent nullement de remettre en cause la réalité des heures supplémentaires dont fait état Madame [P] [R].
L’employeur soutient par ailleurs qu’en application de l’annualisation, la salariée a pu récupérer des heures de travail sous forme de repos et qu’elle aurait bénéficié de repos compensateurs de remplacement, tels que prévus par l’article L 3121-24 du code du travail, venant se substituer au paiement des heures supplémentaires. Les feuilles de temps comportent, certes, une rubrique ‘récupération horaire’ dans laquelle ont été décomptées des heures présentées comme des heures récupérées mais l’examen de ces documents révèle que l’employeur a considéré comme heures de récupération les heures de travail non exécutées les semaines où la salariée accomplissait un nombre d’heures inférieur à 7 par jour et ce, en application du régime d’annualisation. De telles heures de ‘récupération’, qui correspondent en réalité à un système de compensation entre les périodes de haute activité et les périodes de basse activité, ne peuvent être considérées comme des heures de récupération des heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale de travail alors qu’il incombait à l’employeur, en application des règles de droit commun, de fournir chaque semaine à Madame [P] [R] du travail à hauteur de la durée légale hebdomadaire.
Il s’ensuit, en l’absence de tout élément de preuve contraire, que les prétentions de Madame [P] [R] au paiement des heures de travail accomplies au-delà de la durée légale de 35 heures par semaine sont établies par les pièces produites et que, sous réserve de la prescription lui interdisant toute réclamation pour la période antérieure au 30 juillet 2016, son décompte qui fait apparaître, conformément aux dispositions applicables, les majorations dues, doit être retenu.
En conséquence, l’association CEPE doit payer à Madame [P] [R] la somme de 16.198,81 euros au titre des heures supplémentaires effectuées pour la période du 30 juillet 2016 au 30 juillet 2019, non réglées ni récupérées, ainsi que celle de 1.619,88 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante.
Le jugement sera infirmé en ce que le conseil de prud’hommes a alloué à Madame [P] [R] une somme supérieure.
En application des dispositions des articles 1231-6 du code civil et R. 1452-5 du code du travail, ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l’employeur à l’audience de tentative de conciliation valant mise en demeure, soit le 12 février 2020.
– Sur la demande de dommages-intérêts pour non paiement d’une partie du salaire –
En application de l’article 1231-6 du code civil, le préjudice résultant du retard apporté au paiement ne peut être réparé que par la condamnation de l’employeur aux intérêts au taux légal à compter de la demande. Le non paiement de sommes d’argent ne peut donc donner lieu à paiement de dommages-intérêts sauf à justifier d’un préjudice distinct de celui résultant du retard.
En l’espèce, le retard apporté au paiement des sommes dues au titre des salaires a causé un préjudice à Madame [P] [R] qui est réparé par la condamnation de l’employeur au paiement des intérêts au taux légal sur les sommes dues à compter du 12 février 2020, date de la convocation de l’employeur à l’audience du conseil de prud’hommes aux fins de tentative de conciliation, valant mise en demeure.
Madame [P] [R] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice distinct qui lui aurait été causé par le manquement de l’association CEPE et qui ne serait pas réparé par l’octroi des intérêts de retard.
Cette demande de dommages-intérêts pour retard apporté au règlement sera rejetée et le jugement sera infirmé en ce qu’il y a fait droit.
– Sur la demande de dommages-intérêts pour non respect de l’obligation de sécurité –
Il résulte des éléments versés aux débats que Madame [P] [R] a travaillé à plusieurs reprises au-delà de la durée maximale hebdomadaire de travail. Elle a ainsi travaillé 62,5 heures dans la semaine du 22 au 26 août 2016 et 51,5 heures dans la semaine du 17 au 23 octobre 2016. Au cours de l’année 2017, elle a effectué un nombre de travail hebdomadaire supérieur à 50 heures à 6 reprises. Il en a été de même en 2018 à 4 reprises.
Il apparaît, en outre, que Madame [P] [R] a travaillé du lundi au dimanche dans la semaine du 17 au 23 octobre 2016 et qu’elle a encore travaillé le lundi 24 octobre 2016.
L’association CEPE n’est pas fondée à faire valoir que la consigne était de ne pas dépasser 7 heures de travail par jour et que la salariée disposait d’une ‘autonomie’. Les dépassements ainsi constatés résultent des feuilles de temps établies chaque mois au sein de l’entreprise et étaient, par conséquent, connus de l’employeur lequel a ainsi donné son accord au moins implicite aux heures de travail accomplies et ne justifie pas de la moindre mesure pour y mettre fin. Il est donc établi que l’association n’a pas respecté ses obligations relatives à la durée maximale hebdomadaire du travail et au temps de repos hebdomadaire.
L’employeur ne peut non plus invoquer valablement l’absence de réclamation de la salariée pendant la durée d’exécution du contrat de travail, cette circonstance n’étant pas de nature à interdire à l’intéressée de faire valoir ses droits.
Madame [P] [R] est, en conséquence, bien fondée à se plaindre de ces manquements. Le dépassement répété de la durée maximale de travail hebdomadaire de même que la privation du repos hebdomadaire lui ont causé un préjudice certain en raison du trouble apporté dans sa vie personnelle et des risques engendrés pour sa santé et sa sécurité.
Compte tenu des éléments d’appréciation versés aux débats, le jugement sera confirmé en ce qu’il a été alloué à Madame [P] [R] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts.
– Sur les dépens et frais irrépétibles –
Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.
L’association CEPE, qui succombe au principal, sera condamnée aux entiers dépens d’appel ainsi qu’à verser à Madame [P] [R] une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
– Infirme le jugement en ses dispositions sur le montant des sommes allouées au titre du rappel de salaire sur heures supplémentaires et de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante, et, statuant à nouveau de ce chef, condamne l’association CEPE à payer à Madame [P] [R] la somme de 16.198,81 euros (brut) au titre des heures supplémentaires, non rémunérées ni compensées, effectuées pour la période du 30 juillet 2016 au 30 juillet 2019 (rappel de salaire), ainsi que celle de 1.619,88 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante ;
– Dit que les sommes précitées porteront intérêts au taux légal à compter du 12 février 2020 ;
– Infirme le jugement en ce qu’il a été alloué à Madame [P] [R] la somme de 5.000 euros, à titre de dommages et intérêts, pour le préjudice subi du fait du non-paiement d’une partie de son salaire, et, statuant à nouveau de ce chef, déboute Madame [P] [R] de sa demande de dommages-intérêts à ce titre ;
– Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions non contraires ;
Y ajoutant,
– Condamne l’association CEPE à verser à Madame [P] [R] une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
– Condamne l’association CEPE aux dépens d’appel ;
– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le Greffier, Le Président,
S. BOUDRY C. RUIN