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Arrêt n° 23/00209
12 Juin 2023
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N° RG 21/02101 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FSGE
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Pole social du TJ de METZ
21 Juillet 2021
15/00570
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
Section 3 – Sécurité Sociale
ARRÊT DU
douze Juin deux mille vingt trois
APPELANTE :
SARL [6]
[Adresse 9]
[Localité 4]
représentée par Me Laura BUYNOWSKI, avocat au barreau de SARREGUEMINES substitué par Me ANTONIAZZI- SCHOEN, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS :
Monsieur [J] [H]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Sarah SCHIFFERLING-ZINGRAFF, avocat au barreau de SARREGUEMINES substitué par Me BONHOMME, avocat au barreau de METZ
CPAM DE MOSELLE
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par M. [C], muni d’un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Février 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre
Mme Carole PAUTREL, Conseillèr
Mme Anne FABERT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Jocelyne WILD, Greffier
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement après prorogation du 04.04.2023
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, et par Mme MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Né le 17 avril 1969, M. [J] [H], droitier, a été embauché le 10 décembre 1990 par la SARL [6], en qualité d’agent de production aux secteurs bobinage, tressage et extrusion, avant d’être affecté en 2008 au secteur assemblage-lyre.
Par formulaire du 8 novembre 2011, M. [J] [H] a déclaré à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM ou caisse) de Moselle une maladie professionnelle sous forme de ténosynovite du poignet gauche au titre du tableau 57C, attestée par certificat médical initial du 30 septembre 2011 établi par le docteur [P], médecin généraliste.
Après instruction de la demande, la caisse a décidé le 2 avril 2012 de prendre en charge cette pathologie déclarée au titre de la législation professionnelle. Suite au jugement prononcé par le tribunal du contentieux de l’incapacité de Nancy le 23 mai 2013, la caisse a reconnu à l’assuré un taux d’IPP de 3% et lui a alloué une indemnité de 962 euros à effet du 18 juin 2012, lendemain de la date de consolidation.
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Par formulaire du 8 novembre 2011, M. [J] [H] a également déclaré à la caisse une maladie professionnelle sous forme de tendinopathie de l’épaule gauche au titre du tableau 57A, attestée par le même certificat médical initial du 30 septembre 2011 établi par le docteur [P].
Lors du colloque médico-administratif du 13 mars 2012 :
– le médecin conseil a confirmé le diagnostic figurant sur le certificat médical initial et fixé la date de première constatation médicale de la maladie au 16 août 2011, date de réalisation d’une échographie ;
– l’agent administratif a confirmé l’exposition au risque jusqu’au 29 juillet 2011 mais décidé, en raison du dépassement du délai de prise en charge prévu au tableau 57A, de transmettre le dossier de l’assuré à un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP), en vue d’un examen dans le cadre du 3ème alinéa de l’article L461-1 du code de la sécurité sociale.
Le 31 août 2012, le CRRMP de [Localité 8] Alsace-Moselle a établi un lien direct entre l’activité professionnelle de l’assuré et l’affection déclarée, émettant ainsi un avis favorable à sa reconnaissance en maladie professionnelle.
Le 3 octobre 2012, la caisse a pris en charge la pathologie déclarée (57A) au titre de la législation professionnelle. Le médecin-conseil a fixé la consolidation des lésions de l’assuré au 15 juin 2014.
Le 17 septembre 2014, la caisse a reconnu à l’assuré un taux d’incapacité permanente partielle de 10% et lui a alloué une rente trimestrielle de 389,47 euros à effet au 16 juin 2014, lendemain de la date de consolidation, taux confirmé par décision du 5 octobre 2015 du tribunal du contentieux de l’incapacité de Nancy.
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Le 19 septembre 2014, M. [J] [H] a été licencié pour inaptitude médicale à son poste avec impossibilité de reclassement, licenciement faisant l’objet d’un recours pendant devant le conseil de prud’hommes de Forbach.
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Le 14 août 2014, M. [J] [H] a saisi la CPAM de Moselle d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur qu’il estime être à l’origine de l’apparition de ses deux maladies professionnelles du 30 septembre 2011.
Après échec de la tentative de conciliation notifiée le 5 mars 2015, M. [J] [H] a renouvelé sa demande le 13 avril 2015 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Moselle, devenu depuis le 1er janvier 2019 pôle social du tribunal de grande instance de Metz, et depuis le 1er janvier 2020 pôle social du tribunal judiciaire de Metz.
Par jugement mixte du 27 novembre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Metz a :
en premier ressort :
– déclaré le présent jugement commun à la CPAM de Moselle ;
– déclaré M. [J] [H] irrecevable en son action en reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur, s’agissant de sa ténosynovite du poignet gauche du 30 septembre 2011 inscrite au tableau 57C, pour cause de prescription;
– déclaré M. [J] [H] recevable en son action en reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur, s’agissant de sa tendinopathie de l’épaule gauche du 30 septembre 2011 inscrite au tableau 57A ;
– déclaré la SARL [6] irrecevable en sa demande d’inopposabilité des décisions de prise en charge rendues les 2 avril 2012 et 3 octobre 2012 par la CPAM de Moselle, portant reconnaissance du caractère professionnel des maladies du 30 septembre 2011 déclarées par M. [J] [H] au titre des tableaux 57A et 57C ;
avant dire droit :
– désigné le CRRMP de [Localité 7] avec mission de répondre à la question suivante : Existe-t-il un lien direct entre la tendinopathie de l’épaule gauche du 30 septembre 2011 déclarée par M. [J] [H] et son travail habituel ‘
– (‘) invité les parties à conclure et renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 25 juin 2020 sans comparution des parties et réservé les droits des parties dans l’attente du dépôt de l’avis du CRRMP de [Localité 7].
Le 23 juillet 2020, le CRRMP de [Localité 7] a émis un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, en concluant de la façon suivante : « le faible dépassement du délai de prise en charge (17 jours versus 7 jours) séparant la fin des activités professionnelles (le 29 juillet 2011) de la date de première constatation médicale ne [pouvait] pas être opposé à l’assuré du fait de la caractérisation de ses lésions ».
M. [J] [H] sollicitait aux termes de ses dernières conclusions de première instance :
– de juger que son employeur a commis une faute inexcusable de nature à engager sa responsabilité et de le déclarer entièrement responsable des préjudices subis ;
– d’ordonner la majoration de la rente versée par la CPAM de Moselle ou le doublement du capital ;
– d’ordonner la majoration au maximum de la rente en cas d’aggravation de son taux d’incapacité ;
– d’ordonner une expertise médicale et commettre tel expert qu’il plaira avec pour mission notamment de décrire en détail les lésions initiales, de recueillir ses doléances et d’analyser la réalité de ces lésions, de l’état séquellaire, de l’imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales, des pertes de gains professionnels actuels ou futurs, du déficit fonctionnel temporaire et permanent, de la consolidation, des besoins d’assistance tierce personne, des dépenses de santé futures, de l’incidence professionnelle, des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire et/ou définitif, du préjudice d’agrément ;
– de condamner la CPAM de Moselle à lui verser la somme de 1 500 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice définitif ;
– de condamner l’employeur à lui verser 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civil et statuer ce que de droit quant aux frais et dépens.
La CPAM de Moselle demandait au tribunal principalement de lui donner acte de ce qu’elle s’en remettait en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à la SARL [6], de ce qu’elle ne s’opposait pas à la fixation de la majoration de l’indemnité en capital, ni à la désignation d’un médecin expert afin de déterminer l’étendue des préjudices extra-patrimoniaux subis pas M. [J] [H]. Elle s’opposait aux demandes d’indemnisation relatives à l’incidence professionnelle, aux pertes de gains professionnels actuels et futurs, aux dépenses de santé, au déficit fonctionnel permanent et l’assistance tierce personne, déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale. La CPAM de Moselle demandait enfin la réserve de ses droits à conclure après expertise, et de déclarer les décisions de prise en charge des maladies professionnelles de M.[H] opposables à l’employeur, et, en tout état de cause, dans l’hypothèse où la faute inexcusable de l’employeur serait reconnue, la condamnation de celui-ci à lui rembourser les sommes qu’elle sera tenue de verser au titre de la majoration de la rente, de l’indemnité en capital ainsi qu’au titre des préjudices extra-patrimoniaux.
Dans ses dernières écritures devant la juridiction de première instance, la SARL [6] demandait au tribunal de dire qu’elle n’a commis aucune faute inexcusable à l’origine de la maladie professionnelle reconnue par la CPAM de Moselle au profit de M.[H], de débouter l’assuré et la CPAM de Moselle de leurs prétentions formées à son encontre et de condamner M. [H] à lui verser 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement prononcé le 21 juillet 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz :
EN PREMIER RESSORT,
. déclare recevable la demande de M. [J] [H] à l’égard de la SARL [6] ;
. déclare le présent jugement commun à la CPAM de Moselle ;
. dit que la maladie professionnelle « épaule douloureuse gauche » de M. [J] [H] résulte de la faute inexcusable de la SARL [6] ;
. ordonne la majoration maximale de la rente allouée à M. [J] [H], sans que la rente majorée ne puisse excéder la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité de l’intéressé ;
. dit que cette majoration sera versée à M. [J] [H] par la CPAM de Moselle ;
. déboute M. [J] [H] de sa demande de provision à valoir sur l’indemnisation de ses différents préjudices extra-patrimoniaux ;
. condamne la SARL [6] à rembourser à la CPAM de Moselle l’ensemble des sommes que cet organisme devra avancer à M. [J] [H] sur le fondement des articles L 452-1 à L 452-3 du code de la sécurité sociale, au titre de sa maladie professionnelle, dont la majoration de la rente et les frais d’expertise ;
. déboute M. [J] [H] de toutes ses demandes indemnitaires formulées au titre de frais ou dépenses déjà prévus et partiellement ou totalement pris en charge au titre du livre IV du code de la sécurité sociale, et notamment :
– les préjudices liés à la perte de gains professionnels ;
– les préjudices professionnels et de déclassement ;
– les préjudices liés aux dépenses de santé ;
AVANT DIRE DROIT, sur les préjudices personnels de M. [J] [H],
. ordonne une expertise médicale judiciaire ;
. désigne le docteur [J] [F] pour y procéder avec pour mission de :
1- étudier l’entier dossier médical de M. [H] ; examiner M.[H], décrire les lésions imputables à sa maladie professionnelle « épaule douloureuse gauche » diagnostiquée selon certificat médical initial du 30 septembre 2011 ; indiquer, après s’être fait communiquer tous les éléments relatifs aux examens, soins et interventions dont elle a fait l’objet, leur évolution et les traitements appliqués ;
2- déterminer l’existence et l’étendue des préjudices subis par M.[H] en relation directe avec sa maladie professionnelle « épaule douloureuse gauche » diagnostiquée selon certificat médical initial du 30 septembre 2011, au titre :
– du déficit fonctionnel temporaire ;
– des besoins d’assistance tierce personne avant consolidation ;
– des souffrances endurées avant consolidation ;
– du préjudice esthétique temporaire et/ou définitif ;
– du préjudice d’agrément définitif ;
3- dire si l’état de la victime est susceptible de modification en aggravation ;
. dit que la CPAM de Moselle avancera les frais d’expertise, qui seront récupérés auprès de l’employeur ;
. dit que la CPAM de Moselle devra consigner une provision de 800 euros à valoir sur les honoraires de l’expert dans le mois suivant le prononcé de la présente décision ;
. réserve les autres demandes des parties, le chiffrage des préjudices réparables, ainsi que la charge définitive des frais d’expertise ;
SUR LE TOUT,
. condamne la SARL [6] à verser à M. [J] [H], à ce stade de la procédure, la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
. condamne la SARL [6] aux entiers frais et dépens ;
. ordonne l’exécution provisoire du jugement.
Par acte enregistré au greffe le 20 août 2021, la SARL [6] a interjeté appel de cette décision à elle notifiée par lettre recommandée dont l’accusé de réception a été signé le 29 juillet 2021.
Par conclusions datées du 19 août 2021 et reçues au greffe le 9 septembre 2021, soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, la SARL [6] demande à la cour d’infirmer le jugement rendu le 21 juillet 2021 par le pôle social près le tribunal judiciaire de Metz et, statuant à nouveau , de:
– dire et juger qu’elle n’a commis aucune faute inexcusable à l’origine de la maladie professionnelle reconnue par la CPAM de Moselle au profit de M. [J] [H] ;
– débouter M. [J] [H] et la CPAM de Moselle de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions dirigées contre la SARL [6] ;
– condamner M. [J] [H] au paiement d’une indemnité de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [J] [H] en tous les frais et dépens.
Par conclusions datées du 28 septembre 2021 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, M. [J] [H] demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
. déclaré que la maladie professionnelle de l’épaule gauche était due à la faute inexcusable de l’employeur;
. déclaré l’employeur entièrement responsable des préjudices subis par M. [J] [H] ;
. ordonné la majoration de la rente versée par l’organisme social ;
. ordonné la majoration au maximum de la rente en cas d’aggravation de l’incapacité permanente partielle ;
. ordonné une expertise médicale de M. [J] [H] ;
. condamné l’employeur à verser à M. [J] [H] une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– infirmer le jugement sur le surplus et, statuant à nouveau ,
.condamner l’organisme social à verser à M. [J] [H] une somme de 1500 euros à titre de provision à faire valoir sur son préjudice définitif ;
. condamner la SARL [6] à verser à M. [J] [H] une somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour ;
. condamner la SARL [6] aux entiers frais et dépens, d’instance et d’appel.
Par conclusions datées du 3 février 2023 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de Moselle demande à la cour de :
– donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à la SARL [6] ;
Le cas échéant :
– donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de la rente réclamée par M. [J] [H] ;
– prendre acte que la caisse ne s’oppose pas à ce que la majoration de rente suive l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de M. [J] [H] ;
– constater que la caisse ne s’oppose pas à ce que le principe de la majoration de rente reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, en cas de décès de M. [J] [H] consécutivement à sa maladie professionnelle ;
– donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant de la provision à valoir sur les préjudices extra-patrimoniaux subis par M. [J] [H] ;
– si la faute inexcusable de l’employeur devait être reconnue, condamner la SARL [6] à rembourser à la caisse l’ensemble des sommes en principal et intérêts qu’elle sera tenue de verser sur le fondement des articles L 452-1 à L 452-3 du code de la sécurité sociale au titre de la pathologie professionnelle de M. [J] [H] inscrite au tableau n°57A ;
– le cas échéant, rejeter toute éventuelle demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle n°57A de M. [J] [H].
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise.
SUR CE,
SUR L’EXPOSITION AUX RISQUES DU TABLEAU N° 57A
La SARL [6] soutient que les tâches incombant à M. [J] [H] au titre de son emploi n’impliquaient pas des gestes répétés ou forcés de l’épaule gauche. Elle souligne également que M. [H] ne démontre pas que les dysfonctionnements de la machine sur laquelle il travaillait, qui ne pouvaient être qu’épisodiques, rendaient nécessaires des mouvements répétés ou forcés de l’épaule, M. [H] ne l’ayant jamais alerté en outre du lien de causalité entre les conditions de travail et ses problèmes de santé.
La SARL [6] critique notamment les témoignages produits, deux des témoins ayant un contentieux prud’homal avec l’employeur et les autres attestations présentant un caractère général et imprécis notamment en ce qui concerne les gestes accomplis par M.[H].
M. [H] estime que les conditions légales pour présumer l’origine professionnelle de la maladie se trouvent réunies, notamment par les attestations produites d’anciens collègues qui montrent les dysfonctionnements réguliers de la machine sur laquelle il travaillait, l’obligeant à forcer manuellement pour la débloquer.
La caisse s’en remet à la décision de la cour.
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Aux termes de l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions désignées dans ce tableau. Pour renverser cette présomption, il appartient à l’employeur de démontrer que la maladie est due à une cause totalement étrangère au travail.
Le tableau n°57A relatif aux affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail, dans sa version applicable au litige, désigne une épaule douloureuse simple (tendinopathie de la coiffe des rotateurs). Ce tableau prévoit un délai de prise en charge de 7 jours et la liste limitative suivante des travaux susceptibles de provoquer cette maladie : travaux comportant habituellement des mouvements répétés ou forcés de l’épaule.
En l’espèce, il n’est pas contesté que la maladie dont se trouve atteint M. [J] [H] répond aux conditions médicales du tableau n°57A, le délai de prise en charge de 17 jours au lieu de 7 jours n’étant pas contesté par l’employeur à ce stade de la procédure comme faisant obstacle à l’existence d’un lien direct entre la maladie et l’activité professionnelle de l’assuré.
Seule est contestée par la SARL [6] l’exposition professionnelle de M. [J] [H] aux risques du tableau n° 57A et l’accomplissement par celui-ci dans le cadre de son travail de mouvements habituels répétés ou forcés de l’épaule.
Il ressort de l’étude des postes et de leurs contraintes réalisée par la directrice des ressources humaines (DRH) de la SARL [6] le 20 décembre 2011 (pièce n°1 de l’employeur), s’agissant de M. [J] [H], que celui-ci a occupé les postes suivants :
agent de production (de décembre 1990 à septembre 1992),
agent de production au secteur bobinage (d’octobre à décembre 1992),
agent de production au secteur tressage (de janvier à novembre 1993),
agent de production aux extrudeuses (de décembre 1993 à décembre 1999),
agent de production aux extrudeuses enveloppes isolantes (depuis janvier 2000),
agent de production secteur assemblage conducteur- lyre (depuis 2008).
Si dans ce document la DRH de la SARL [6] précise que sur ces postes de travail il n’y a pas de mouvements répétés, de cadence particulière ni de travaux répétitifs, il résulte cependant de la lettre de licenciement pour inaptitude de M. [J] [H] établie le 19 septembre 2014 et signée par cette même DRH (pièce n°1 de l’assuré) que l’employeur a relevé :
« ‘ Plus précisément, le 1er certificat d’inaptitude établi le 16 juin et confirmé le 23 juin 2014 par le Médecin du Travail dans le cadre de votre visite médicale de reprise précisait : « serait apte à la reprise à un poste aménagé à la lyre ou au bobinage à l’essai. Pas de travaux répétés nécessitant des mouvements répétés du bras et du poignet gauche ou des travaux le bras gauche en élévation au-dessus de la ligne des épaules. Pas de manutention >à 5-8 kg de ces bras. Pas d’effort de traction (déroulage des tourets à traction répétitive sur les câbles) donc inapte à la reprise à la lyre à un poste non aménagé. Serait apte à un travail respectant les restrictions. Poste administratif, bobinage aménagé, gardiennage pour exemple. A revoir le 08/07/2014 ».
Le second avis médical, établi le 08 juillet 2014 après étude de poste, des conditions de travail et à la suite de divers échanges avec le Médecin du Travail sur les possibilités de reclassement éventuel, appuyait le premier avis en ces termes : « Confirmation de l’avis du 23/06/2014 ‘ Inapte à la reprise à la lyre, à un poste non aménagé ‘ serait apte à un travail ne nécessitant pas de mouvements répétés du bras et du poignet gauche ou des travaux le bras gauche en élévation au-dessus de la ligne des épaules. Pas de manutention >5-8 kg de ce bras ni d’effort de traction (déroulage des tourets à traction répétée sur les câbles. Serait apte à un travail respectant les restrictions, poste administratif, gardiennage, bobinage aménagé par exemple ».
Fort des recommandations faites par le Médecin du Travail, nous avons entrepris différentes démarches dans le strict respect des restrictions médicales communiquées (‘).
Même si de nombreuses améliorations sont actuellement en cours pour le confort des salariés du bobinage, aucune d’entre elles ne permet d’éviter les mouvements décrits dans vos restrictions médicales.
En effet, en cas d’affectation au bobinage, vous auriez le bras au-dessus de la ligne des épaules lors de la manipulation du palan, des flyers, et lors de l’ouverture et de la fermeture de la bobineuse 4.
De plus, le chargement/déchargement des bobines se ferait toujours avec le poignet gauche en extension (supination), le nombre de manipulations ne serait pas diminué (entre 300 et 500 mouvements sur un poste).
Par ailleurs, le déroulage des bobines pour les vider se faisant en partie par l’opérateur au bobinage, les efforts de traction seraient présents ».
Dans ses quatre derniers paragraphes, l’employeur reconnaît que l’affectation à un poste au bobinage, même aménagé, implique des gestes répétés et la position du bras régulièrement au dessus de la ligne des épaules, ainsi que des mouvements de tractions.
Par ailleurs, M. [J] [H] verse aux débats quatre témoignages d’anciens collègues (Mrs [T], [N], [I] et [D]- pièces n°5 à 8 de l’assuré), précisant que la machine sur laquelle M. [J] [H] travaillait dysfonctionnait de façon récurrente (plusieurs fois par postes ‘ M. [N]), obligeant M. [J] [H] à intervenir manuellement, avec son bras gauche, pour remettre la poulie en marche.
S’il est justifié par l’employeur que Mrs [T] et [I] ont été en litige prud’homal avec l’employeur, aucun élément ne permet de remettre en cause la partialité des deux autres témoins, et les quatre attestations révèlent les mêmes éléments s’agissant des constatations de pannes régulières de la machine-lyre utilisée par M. [J] [H], pendant de nombreux mois, avant que l’employeur n’intervienne pour mettre fin aux dysfonctionnements.
Dès lors, le caractère probant de ces attestations ne peut être valablement contesté, étant précisé que les 4 témoins apportent des précisions sur les circonstances dans lesquelles ils ont pu constater les gestes accomplis par M. [J] [H] (dates, lieu, poste de travail), ce qui vient renforcer la force de ces témoignages.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de constater que M. [J] [H] a accompli de façon habituelle des mouvements répétés ou forcés de l’épaule gauche dans le cadre de son travail, de sorte qu’il a été exposé habituellement aux risques prévus au tableau n°57A des maladies professionnelles.
SUR LA FAUTE INEXCUSABLE DE L’EMPLOYEUR
La SARL [6] sollicite l’infirmation du jugement entrepris ayant considéré comme établie la faute inexcusable de l’employeur. La société fait valoir qu’elle n’a jamais été alertée par M. [J] [H] que ses conditions de travail et notamment la panne de la machine pouvaient avoir des conséquences sur son état de santé. Elle ajoute que les dysfonctionnements de la machine ne pouvaient être qu’épisodiques de sorte que cela ne lui permettait pas d’appréhender le risque encouru par son salarié.
M. [J] [H] réplique principalement que l’employeur était au courant des dysfonctionnements de la machine, que l’inertie de celui-ci l’a contraint à accomplir des mouvements forcés plusieurs fois par poste pour réarmer la machine, et que l’obligation de résultat de sécurité de l’employeur n’est pas respectée.
La caisse s’en remet à l’appréciation de la cour.
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L’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale dispose que lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants-droit ont droit à une indemnisation complémentaire.
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat.
Les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l’employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur.
Dans le cadre de son obligation générale de sécurité, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
Le manquement à son obligation de sécurité et de protection de la santé de son salarié a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Il incombe au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve de ce que celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et de ce qu’il n’avait pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Il ressort des attestations des quatre collègues de M. [J] [H] que la machine à lyre sur laquelle travaillait M. [J] [H] dysfonctionnait de façon régulière, obligeant M. [J] [H] à accomplir fréquemment des gestes forcés du bras gauche pour réarmer manuellement la machine, et que ce dysfonctionnement était connu de la direction de la société employeur depuis des années avant qu’il ne soit résolu.
La connaissance du dysfonctionnement de la machine par l’employeur, et donc de la nécessité par l’opérateur de la réarmer manuellement, est suffisamment démontrée par ces témoignages, la SARL [6] ne produisant aucun élément de nature remettre en cause l’authenticité et la sincérité des faits relatés par les témoins, suffisamment précis et circonstanciés .
La SARL [6] ne prétend pas par ailleurs, ni ne justifie, avoir mis en ‘uvre les mesures nécessaires pour préserver M. [J] [H] des risques liés à l’accomplissement de mouvements répétés ou forcés induits par les manipulations supplémentaires liés au dysfonctionnement de la machine.
La cour confirme dès lors le jugement entrepris qui a dit que la maladie professionnelle de M. [J] [H] inscrite au tableau 57 A est due à la faute inexcusable de son employeur, la SARL [6].
SUR LES AUTRES DEMANDES SUBSEQUENTES
– Sur la majoration de la rente
Aucune discussion n’existe à hauteur de cour concernant la majoration au maximum de la rente revenant à la victime, conformément à l’alinéa 3 de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale.
Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la majoration maximale de la rente allouée à M. [J] [H], sans que celle-ci ne puisse excéder la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité de l’intéressé.
En cas d’aggravation de son état de santé, cette majoration suivra le taux d’IPP et en cas de décès résultant des conséquences de sa maladie professionnelle, le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant.
Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé sur ces points.
Sur les préjudices personnels de M. [J] [H]
Il résulte de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale qu’« indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. […] La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur. »
M. [J] [H] sollicite l’organisation d’une expertise médicale destinée à déterminer l’étendue de ses préjudices, ainsi que le versement d’une provision de 1 500 euros à valoir sur son préjudice définitif.
La SARL [6] ne prend pas position sur cette prétention, tout comme la CPAM de Moselle.
Le principe et les modalités de l’expertise médicale tels qu’ordonnés par le tribunal ne font l’objet d’aucune discussion.
Il ressort du dossier de première instance que l’expert judiciaire, le docteur [J] [F], a déposé son rapport, Monsieur [H] ayant conclu, après expertise, sur les préjudices extrapatrimoniaux subis ,devant le pôle social, lequel reste saisi des points non jugés.
La cour n’étant pas saisie de ces éléments et en l’absence de tout autre, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [J] [H] de sa demande de provision dirigée contre l’organisme de sécurité sociale.
SUR L’ACTION RECURSOIRE DE LA CAISSE
Aucune discussion n’ayant lieu à hauteur de cour concernant l’action récursoire de la caisse, il y a lieu de confirmer cette action, selon les dispositions de l’article L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale, et des articles L.452-2, et L.452-3 du code de la sécurité sociale.
SUR LES DEPENS ET L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE
La SARL [6], partie succombante, est, en conséquence, condamnée à payer à M. [J] [H] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’instance d’appel, les frais irrépétibles de première instance étant confirmés.
La SARL [6] est également condamnée aux dépens d’appel, ceux de première instance mis à sa charge étant confirmés, sous réserve de préciser qu’il s’agit des dépens dont les chefs sont nés postérieurement au 31 décembre 2018, la procédure étant gratuite et sans frais jusqu’à cette date.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement entrepris du pôle social du tribunal judiciaire de Metz du 21 juillet 2021 avec la précision que les dépens mis à la charge de la société [6] sont ceux dont les chefs sont nés postérieurement au 31 décembre 2018.
Y ajoutant,
CONDAMNE la SARL [6] à payer à M. [J] [H] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’instance d’appel.
CONDAMNE la SARL [6] aux dépens d’appel.
RENVOIE l’affaire devant le pôle social du tribunal judiciaire de Metz pour qu’il soit statué sur les points non jugés.
Le Greffier Le Président