Tentative de conciliation : 20 juin 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/00099

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Tentative de conciliation : 20 juin 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/00099
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C8

N° RG 22/00099

N° Portalis DBVM-V-B7G-LFW7

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Claire BOURGEOIS

Me Assia BOUMAZA

la SCP CABINET DENARIE

BUTTIN PERRIER GAUDIN

la CPAM DE LA SAVOIE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU MARDI 20 JUIN 2023

Appel d’une décision (N° RG 16/00912)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambery

en date du 13 décembre 2021

suivant déclaration d’appel du 04 janvier 2022

APPELANTE et intimée incidente :

La SASU [10] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité

[Adresse 1]

[Localité 8]

représentée par Me Claire BOURGEOIS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ et appelant incident :

M. [Y] [K]

[Adresse 2]

[Localité 7]

comparant en personne, assisté de Me Assia BOUMAZA, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEES :

La SASU [9], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Frédéric PERRIER de la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocat au barreau de CHAMBERY

La CPAM de Savoie, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité

[Adresse 3]

[Localité 6]

comparante en la personne de Mme [X] [E], régulièrement munie d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Assistés lors de l’appel des cause de M. Fabien OEUVRAY, greffier et lors des débats de Mme Kristina YANCHEVA, greffier,

DÉBATS :

A l’audience publique du 04 avril 2023,

Mme Isabelle DEFARGE, conseillère chargée du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, président et M. Pascal VERGUCHT, conseiller, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoirie,

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

Le 17 mai 2016 la SASU [9] [Localité 5] (69) a déclaré à la caisse primaire d’assurance maladie de Savoie (la caisse) l’accident dont son salarié M. [Y] [K] ouvrier qualifié employé en qualité de mineur conducteur d’engins a été victime sur le chantier de [Localité 16] (73) de l’entreprise [10] TP à la disposition de laquelle il était mis, survenu le 13 mai 2016 à 11h00 dans les circonstances ainsi décrites

‘Alors que M. [K] se trouvait sur une échelle afin d’enlever la bâche d’un conteneur, il déclare que l’échelle a basculé en arrière, entraînant une barre de fer. Il souffre d’une plaie à la tête (9 points de suture), de neuf côtes cassées et d’un hématome au poumon’.

Le certificat médical initial établi le 20 mai 2016 au centre hospitalier de [Localité 15] (73) fait état d’un traumatisme crânien, de multiples fractures costales et d’une subluxation cervicale C1-C2 et prescrit un arrêt de travail jusqu’au 10 juin 2016.

Le 3 juin 2016 la caisse a notifié sa décision de prise en charge de cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

Le 21 septembre 2016 après échec de la tentative de conciliation amiable M. [K] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Chambéry d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et de la société [10].

Son état de santé a été déclaré consolidé à la date du 1er octobre 2017 et le 22 décembre 2017 lui a été notifié un taux d’incapacité permanente partielle de 22 % dont 0 % pour le taux professionnel que l’employeur a contesté devant le tribunal du contentieux de l’incapacité de Villeurbanne le 20 février 2018.

Après réexamen de ses bulletins de salaires un nouveau calcul de sa rente lui a été notifié le 27 février 2018 sur la base d’un taux de 11 %.

Par jugement du 09 mars 2020 le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry a :

– dit que l’accident du travail dont M. [K] a été victime le 13 mai 2016 est dû à une faute inexcusable de la société [10] son employeur,

– ordonné à la caisse de majorer au taux maximum la rente versée en application de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale,

– dit que la majoration de la rente suivra l’évolution éventuelle du taux d’incapacité attribué,

– avant-dire-droit sur la liquidation des préjudices de M. [K], ordonné une expertise judiciaire confiée au Dr [Z] aux frais avancés de la caisse,

– alloué à M. [K] une provision d’un montant de 3 000 €,

– dit que la caisse pourra recouvrer le montant des indemnisations à venir, provision et majoration accordées à M. [K] à l’encontre de [9] et condamné cette dernière à ce titre, ainsi qu’au remboursement du coût de l’expertise,

– condamné la société [10] à rembourser à la société [9] le montant des indemnisations allouées sur le fondement de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ainsi qu’au titre des éventuels préjudices personnels non couverts par le livre IV du même code, et l’intégralité de la rente majorée,

– condamné la société [10] à verser à M. [K] une somme de

2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire,

– réservé les dépens

L’expert a déposé son rapport au greffe le 25 mars 2021 et par jugement du 13 décembre 2021 le tribunal a ensuite :

– fixé comme suit l’indemnisation de M. [Y] [K] :

– 142 327,84 € au titre de la perte/diminution de chance de promotion professionnelle,

– 2 000,00 € au titre de l’assistance temporaire par tierce personne,

– 2 110,00 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,

– 8 000,00 € au titre des souffrances endurées,

– 2 000,00 € au titre du préjudice esthétique permanent,

– 4 000,00 € au titre du préjudice sexuel,

– rejeté la demande d’indemnisation au titre du préjudice d’agrément,

– dit que la caisse lui versera directement les sommes dues au titre de l’indemnisation complémentaire après déduction de la provision déjà allouée de 3 000€,

– dit que les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

– dit que la caisse versera directement à M. [K] les sommes dues au titre du présent jugement,

– dit que la caisse pourra recouvrer le montant des sommes avancées au titre de l’indemnisation complémentaire allouée à M. [K] à l’encontre de [9] et condamné cette dernière à ce titre ainsi qu’au remboursement du coût de l’expertise d’un montant de 1 200 €,

– condamné la société [10] à rembourser à la société [9] le montant des indemnisations allouées au titre du présent jugement,

– condamné la société [10] à verser à M. [K] la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société [10] aux entiers dépens,

– rejeté les autres demandes,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision à hauteur de 12,5 % des sommes allouées.

Le 04 janvier 2022 la SASU [10] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 22 décembre 2021 et au terme de ses conclusions communiquées le 23 janvier 2023 soutenues oralement à l’audience elle demande à la cour :

– de réformer le jugement en ce qu’il :

– a fixé l’indemnisation complémentaire de M. [Y] [K] au titre de la perte/diminution de chance de promotion professionnelle à la somme de 142327,84€,

– l’a condamnée à rembourser cette somme à la société [9],

– a dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de sa décision,

Statuant à nouveau,

– de juger que ce poste de préjudice est indemnisé par la rente versée en fonction du taux d’IPP de 22 % dont 0 % à titre professionnel attribuée à M. [K] et ne peut faire l’objet d’une double indemnisation,

– de constater qu’il n’existe pas de préjudice en lien avec une diminution ou une perte de chance de promotion professionnelle,

– de rejeter purement et simplement la demande de M. [K] à ce titre,

– de rejeter purement et simplement les demandes de M. [K] au titre du préjudice d’agrément.

Au terme de ses conclusions déposées le 22 mars 2023 soutenues oralement à l’audience M. [Y] [K] demande à la cour :

– de confirmer le jugement à l’exception du refus d’indemniser le préjudice d’agrément,

Statuant à nouveau sur ce point,

– de lui accorder à ce titre la somme de 5 000 €,

– de déclarer l'(arrêt ) commun et opposable à la CPAM de Savoie,

– d’ordonner l’exécution provisoire de l’arrêt à intervenir,

– de dire que les sommes seront assorties d’un intérêt au taux légal à compter du jugement contesté en appel,

– de condamner la société [10] à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Au terme de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience la société [9] demande à la cour :

– de confirmer le jugement,

– de juger ce que de droit sur l’appel de la société [10],

En tout état de cause,

– de juger qu’elle dispose d’une action récursoire à l’encontre de la société utilisatrice,

– de condamner la société [10] à la relever et garantir de l’intégralité des conséquences financières de l’accident qui seraient mises à sa charge, n’ayant commis aucune faute,

– de déduire la provision déjà versée par la caisse à M. [K],

– de condamner M. [K] aux dépens.

Au terme de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience la caisse primaire d’assurance maladie de Savoie ( la caisse) demande à la cour :

– de débouter M. [K] de sa demande relative au préjudice professionnel en termes de perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle,

– de rejeter la demande d’indemnisation de M. [K] s’agissant du préjudice d’agrément,

– de prendre acte qu’elle s’en rapporte sur l’indemnisation du déficit fonctionnel partiel et du préjudice sexuel,

– d’allouer à M. [K] les sommes suivantes suite au rapport du Dr [Z] :

– 200 € au titre du déficit fonctionnel temporaire total,

– 6000 € au titre de la réparation des souffrances physiques et morales,

– une somme inférieure à 2000 € au titre du préjudice esthétique permanent,

– 1 610 € au titre de la tierce personne temporaire,

– de déduire la provision de 3000 € allouée par jugement rendu le 9 mars 2020,

– de condamner la société [9] à lui rembourser toutes les sommes dont elle sera tenue de faire l’avance majorée des intérêts légaux de retard ainsi que les frais d’expertise.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile il est expressément référé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE :

Selon l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. (…).

La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur.

Pour voir confirmer le jugement sur ce point, M. [K] soutient qu’il perdu une chance sérieuse et concrète de promotion professionnelle pour le poste de chef d’équipe de chantier pour lequel il venait d’être promu quelques jours avant l’accident.

En application de l’article 9 du code de procédure civile il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Pour retenir ‘qu’il existe indéniablement une diminution des possibilités de promotion professionnelle liée à l’événement traumatique’ l’expert judiciaire le Dr [Z] a noté à la toute fin des conclusions de son rapport d’expertise ‘concernant le préjudice professionnel, les séquelles neuropsychologiques retenues, en particulier les troubles de l’attention, sont responsables de difficultés pour effectuer les tâches complexes, ayant motivé d’ailleurs le changement d’activité professionnelle’.

Mais la perte de chance de promotion professionnelle, susceptible d’être indemnisée sur le fondement de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale précité, ne se confond pas avec le préjudice professionnel, ou incidence professionnelle, incluant même en l’absence de perte immédiate de revenu, une dévalorisation sur le marché du travail pouvant se traduire par une augmentation de la fatigabilité au travail fragilisant la permanence de l’emploi et la concrétisation d’un nouvel emploi éventuel, voire la perte d’emploi ultérieure ou l’obligation de rechercher un nouvel emploi même aussi bien rémunéré mais de moindre intérêt.

En effet, tous ces postes de préjudice sont déjà indemnisés par la rente majorée allouée à la victime d’un accident du travail calculée en fonction de son taux d’incapacité et qui varie en fonction de l’évolution de celui-ci.

Pour démontrer qu’il a du fait de l’accident survenu le 13 mai 2016 perdu une chance de promotion professionnelle, M. [K], salarié de l’entreprise de travail temporaire [9] depuis le 13 avril 2015 mis à la disposition de la SA [10] en qualité de conducteur d’engin et mineur, et, selon le relevé de carrière qu’il produit, depuis septembre 2008 par diverses entreprises de travail temporaire ([11], [13], [18], [9], [14]), pour des durées de 11 jours à 10 mois (société [12], en 2014 ) produit les attestations

– de M. [I] [W], mécanicien salarié de la société [17] aux termes de laquelle ‘M. [K] était chef de file arrière dans mon poste de l’équipe du conducteur de travaux de Monsieur [J] [H] et ce sans être reconnu officiellement ; après il a été muté sur la plateforme et il était chef d’équipe pour l’approvisionnement de l’avancement. Son nom figurait sur le planning avec deux autres personnes en dessous de lui (…)’

– de Mme [T] [M], cheffe d’équipe et mineure (qui n’a pas précisé pour quel employeur), aux termes de laquelle ‘lors de la relève d’équipe à l’avancement, j’ai vu M. [K] [Y] que j’ai salué qui m’a annoncé la nouvelle comme quoi il était enfin passé chef d’équipe ce qu’on entendait depuis quelque temps. Cette nouvelle ne m’a pas surprise car [Y] a les aptitudes pour pourvoir à ce poste’

– de M. [D] [C], chef de chantier (qui n’a pas non plus précisé pour quel employeur) aux termes de laquelle ‘j’ai croisé M. [K] [Y] à la relève, il était heureux de nous annoncer sa promotion de chef d’équipe ce qui était pour moi une évidence au vu de ses capacités au sein de l’entreprise’.

Ces attestations, répétant pour les deux dernières des propos tenus par l’intéressé, et émanant pour la première d’entre elles du salarié d’une autre entreprise intervenante sur le chantier auquel M. [K] avait été affecté, sont impuissantes à caractériser l’éventualité d’une évolution de carrière de celui-ci, que ce soit au sein de la SASU [10] à laquelle il était seulement mis à disposition, ou au sein de la SASU [9] son employeur juridique.

Le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point.

. Pour solliciter l’indemnisation de son préjudice d’agrément, M. [K] soutient qu’il a dû arrêter sa pratique de la montagne depuis l’accident du fait de son état séquellaire : vertiges, céphalées, acouphènes mais aussi risque de chute ; il allègue que sur le plan social il n’a plus la même vie sociale, vit reclus sur lui-même, souffre de dépression et de troubles de l’humeur en lien direct avec le traumatisme crânien subi qui influent sur ses relations sociales et familiales et qu’il ne supporte plus le bruit.

L’expert n’a pas retenu ce poste de préjudice.

Le préjudice d’agrément est constitué par l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs, incluant la limitation de la pratique antérieure.

M. [K] ne démontre pas une telle pratique par la production de quelques photographies non datées où il figure en famille en montagne.

Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.

. M. [Y] [K] qui succombe en son appel incident devra supporter les dépens de la présente instance.

. L’équité ne commande pas ici de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a alloué à M. [Y] [K] la somme de 142 327,84€ au titre de la perte/diminution de chance de promotion professionnelle.

Statuant à nouveau sur ce point,

Déboute M. [Y] [K] de sa demande à ce titre.

Y ajoutant,

Condamne M. [Y] [K] aux dépens de la présente instance.

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président

 


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