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1ère Chambre
ARRÊT N°186/2023
N° RG 21/01571 – N° Portalis DBVL-V-B7F-RNTJ
M. [T] [G] [W] [K] [O]
C/
CRÉDIT AGRICOLE DU MORBIHAN
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 27 JUIN 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 13 juin 2023, tenue en double rapporteur avec l’accord des parties, par Mme Véronique VEILLARD, présidente de chambre entendue en son rapport, et Mme Caroline BRISSIAUD, conseillère,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 27 juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [T] [G] [W] [K] [O]
né le 07 Septembre 1962 à [Localité 5] (35)
‘[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Philippe GUINAULT, avocat au barreau de LORIENT
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/007538 du 11/06/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉ :
Le CRÉDIT AGRICOLE DU MORBIHAN – CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL, société coopérative à capital variable immatriculée au registre des intermédiaires en assurances sous le n°07.022.976, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Vannes sous le n°777.903.816, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Elsa GUENNO-LE PARC de la SELARL GUENNO-LE PARC CHEVALIER KERVIO LE CADET, avocat au barreau de VANNES
FAITS ET PROCÉDURE
Mme veuve [O] et son fils aîné M. [T] [O] étaient associés dans le Gaec de [Adresse 4] auquel le Crédit agricole du Morbihan (ci-après le Crédit agricole) a, entre 1987 et 1988, consenti, ainsi qu’à M. [O], plusieurs prêts et ouvertures de crédit pour lesquels ils se sont portés caution ainsi que les frères et s’ur de [T] [O].
Le Gaec de [Adresse 4] a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire en octobre 1993 suivi d’un plan de redressement qui a été résolu en mars 1997.
Mme veuve [O] est décédée le 7 novembre 2000 à [Localité 5] en laissant pour héritiers ses 4 enfants, à savoir :
– M. [T] [O],
– M. [X] [O],
– M. [R] [O],
– et Mme [C] [O].
Mme [C] [O] a renoncé à la succession de sa mère suivant déclaration du 1er juillet 2004.
Par exploit d’huissier du 31 août 2004, le Crédit agricole a fait citer les consorts [O] devant le tribunal de grande instance de Rennes en ouverture des opérations de partage de la succession de Mme veuve [O] à laquelle, par jugement du 18 janvier 2005, le tribunal a fait droit tout en rejetant la demande de licitation formulée par le Crédit agricole, estimant que le nombre et la taille des parcelles de terre permettait le partage en nature entre les trois héritiers.
Cette décision a été confirmée par arrêt de la cour d’appel de Rennes du 15 janvier 2008.
Parallèlement, par jugement du 5 avril 2005, le tribunal de grande instance de Vannes a condamné M. [T] [O] à payer au Crédit agricole les sommes de 29.290,65 € au titre du capital, 7025,90 € au titre des intérêts, 44.644,69 € au titre des intérêts sur échéances en retard, outre les intérêts au taux de 10 % l’an sur ces trois sommes à compter du 30 mai 2004 et les frais.
Le jugement a été signifié à M. [T] [O] le 13 avril 2005, qui n’a pas interjeté appel, la décision étant devenue définitive à son égard.
Dans le cadre des opérations successorales, un procès-verbal de difficultés a été établi le 6 novembre 2017 par maître [F] [V], désigné en remplacement de maître [H], parti en retraite.
Puis un procès-verbal de tentative de conciliation a acté qu’une offre d’acquisition devait être faite par M. [T] [O] dans un délai d’un mois à compter du 17 octobre 2018. En vain.
Par conclusions du 27 février 2019, le Crédit agricole a sollicité la licitation des immeubles dépendant de la succession de Mme veuve [O].
Par jugement du 26 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Rennes a :
– mis hors de cause Mme [C] [O], héritière renonçante,
– ordonné la licitation des immeubles sur la base des mises à prix ainsi fixées :
1er lot : 55.000 €
2ème lot : 15.250 €
3ème lot : 1.400 €
4ème lot : 4.550 €
5ème lot : 3. 500 €
6ème lot : 2.775 €
7ème lot : 9.000 €
– dit que l’ensemble des lots pourraient être vendus en un seul lot sur la mise à prix de 91.475 €,
– dit qu’en cas de carence d’enchère, il sera procédé à la vente successive des sept lots ou sous lots sur telle mise à prix pour chacun d’entre eux telle que fixée ci-dessus,
– condamné M. [T] [O] à verser au Crédit agricole du Morbihan la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné les dépens en frais privilégiés de partage et de succession.
[T] [O] a interjeté appel par déclaration du 10 mars 2021.
Par ordonnance du 7 février 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de nullité de la déclaration d’appel présentée par le Crédit agricole, motif pris de l’absence de grief.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
[T] [O] expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 3 juin 2021 auxquelles il est renvoyé.
Il demande à la cour de :
– dire et juger recevable son appel,
– débouter le Crédit agricole de ses demandes,
– réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
– dire et juger que la créance du Crédit agricole est à ce jour indéterminée,
– dire et juger que le Crédit agricole doit produire un décompte déterminé défalquant les intérêts moraux et de retard,
– condamner le Crédit agricole à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Le Crédit agricole expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 29 mars 2022 auxquelles il est renvoyé.
Il demande à la cour de :
– à titre principal,
– juger que la déclaration d’appel de M. [O] ne dévolue à la cour aucun chef critiqué du jugement attaqué, ce en violation de l’article 562 du code de procédure civile,
– en conséquence, juger que la cour n’est saisie d’aucune demande,
– confirmer purement et simplement le jugement,
– à titre subsidiaire,
– débouter M. [T] [O] de ses demandes,
– confirmer le jugement,
– en tout état de cause,
– condamner M. [T] [O] à lui payer la somme de 3.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner M. [T] [O] aux dépens.
MOTIFS DE L’ARRÊT
À titre liminaire, il convient de rappeler que l’office de la cour d’appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de ‘constater’, ‘dire’ ou ‘dire et juger’ qui, hors les cas prévus par la loi, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile lorsqu’elles sont seulement la reprise des moyens censés les fonder.
1) Sur l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel
Le Crédit agricole soutient que la seule indication d’un appel ‘total’ ou ‘général’ paralyse l’effet dévolutif, qu’en l’espèce, la déclaration d’appel de M. [T] [O] enregistrée le 10 mars 2021 porte seulement la mention ‘appel général’ sans indiquer expressément les chefs du jugement critiqués, qu’en conséquence, cette déclaration d’appel ne dévolue à la cour aucun chef critiqué du jugement attaqué en violation de l’article 562 du code de procédure civile et que la cour n’est par suite saisie d’aucune demande.
M. [O] ne conclut pas sur ce point.
En application de l’article 562 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, qui a prohibé l’appel total, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Ainsi, seule la déclaration d’appel, qui est un acte de procédure qui se suffit à lui seul, opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. Lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs du jugement critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas (Cass. 2ème civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, publié).
L’obligation de mentionner dans la déclaration d’appel les chefs de jugement critiqués, dépourvue d’ambiguïté, encadre les conditions d’exercice du droit d’appel dans le but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l’efficacité de la procédure d’appel.
Il en résulte que les mentions prévues par l’article 901 4° du code de procédure civile dans sa version applicable au litige doivent figurer dans la déclaration d’appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul.
Dans une série d’arrêts du 12 janvier 2023 (n° 21-16.804, n° 21-14.731, n° 21-14.732, n° 21-14.733, n° 21-14.734, n° 21-14.735, n° 21-14.736, n° 21-14.737, n° 21-14.738, n° 21-14.739), la cour de cassation a précisé au sujet de l’annexe qu’aucune disposition du code ne prévoit que l’acte d’appel est assorti d’un document annexe comprenant les chefs du jugement critiqué et que si la mention d’un tel document annexe apparaît dans la circulaire du 4 août 2017, celle- ci ne saurait ajouter valablement au décret (‘).
Cependant, en cas d’empêchement d’ordre technique, l’appelant peut compléter la déclaration d’appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer (Cass. 2ème civ., 13 janvier 2022, n° 20-17.516).
S’il n’est pas établi que la déclaration d’appel a dépassé sa taille maximale de 4080 caractères, les chefs de jugement critiqués doivent figurer sur la déclaration d’appel et non sur une annexe qui n’est pas la déclaration d’appel (Cass. 2ème civ., 2 mars 2023, n° 21-17.163).
Il est donc constant que, sauf cet empêchement technique et jusqu’à l’entrée en vigueur du décret du 25 février 2022 ayant modifié l’article 901 du code de procédure civile, seule la déclaration d’appel adressée au format XML énonçant les chefs du jugement critiqués, emportait l’effet dévolutif.
Enfin, l’absence d’effet dévolutif d’une déclaration d’appel peut être soulevée à tout moment de la procédure par les intimés ou par la cour d’appel.
En l’espèce, la déclaration d’appel du 10 mars 2021 mentionne que l’objet de l’appel est un ‘Appel total’.
Cette déclaration d’appel ne mentionne pas les chefs de jugement critiqués.
Aucun empêchement technique n’est caractérisé.
Cette irrégularité affectant la déclaration d’appel n’a pas été rectifiée par une nouvelle déclaration d’appel dans le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond contrairement aux exigences de l’article 910-4 alinéa 1 du code de procédure civile et ne peut plus être réparée à ce jour.
Aucune indivisibilité n’est caractérisée.
Enfin, le fait qu’un document annexe ait été transmis concomitamment à la déclaration d’appel est sans effet sur la portée de l’effet dévolutif de l’appel.
Sous le bénéfice de ces observations, la déclaration d’appel du 10 mars 2021 dépourvue de la mention des chefs de jugement critiqués sans que soit caractérisé un empêchement technique n’a opéré aucun effet dévolutif.
En conséquence, la cour, constatant que l’effet dévolutif n’a pas opéré, n’est saisie d’aucune demande par l’appelant.
2) Sur les demandes accessoires
Il n’y a pas lieu à faire droit à la demande des intimés au titre des frais irrépétibles d’appel.
Les dépens d’appel seront laissés en frais privilégiés de partage et de succession.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Constate que l’effet dévolutif de la déclaration d’appel n’a pas opéré,
Constate qu’elle n’est saisie d’aucune demande par l’appelant,
Ordonne l’emploi des dépens d’appel en frais privilégiés de partage et de succession,
Rejette le surplus des demandes.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE