Tentative de conciliation : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/04930

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Tentative de conciliation : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/04930
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRET DU 06 JUILLET 2023

(n° , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04930 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZHG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Février 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRÉTEIL – RG n° F20/00516

APPELANTE

S.A.S. MGTI

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Soazig PRÉTESEILLE-TAILLARDAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0161

INTIMEE

Madame [F] [N]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Philippe ACHACHE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 238

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Justine FOURNIER

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue le 25 mai 2023 et prorogé au 6 juillet 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et par, Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [F] [N] a été embauchée en contrat à durée indéterminée du 21 décembre 2016 à effet du 3 janvier 2017 par la société MGTI, ci-après la société, en qualité de chargée de clientèle export.

L’entreprise occupait au moins 11 salariés lors de la rupture des relations contractuelles. La convention collective applicable est celle de l’union des industries et métiers de la métallurgie de la région parisienne.

Mme [N], qui bénéficiait en dernier lieu d’une rémunération brute mensuelle de 2 489 euros, a été placée en arrêt de travail pour maladie à partir du 16 avril 2019, son arrêt ayant été renouvelé sans interruption jusqu’au 16 octobre 2019.

Le 4 septembre 2019, Mme [N] a fait l’objet à sa demande d’une visite par le médecin du travail.

Elle a été convoquée à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement fixé au 18 septembre 2019 par lettre datée du 9 septembre 2019, lequel entretien a été reporté au 25 septembre suivant par lettre du 16 septembre 2019.

Le 25 septembre 2019, elle a fait l’objet d’une visite de pré-reprise à la demande du médecin traitant.

Mme [N] a été licenciée par lettre du 1er octobre 2019 du fait de son absence prolongée entraînant des perturbations sur le fonctionnement de la société et nécessitant son remplacement définitif.

Le 16 octobre 2019, le médecin du travail a émis un avis d’inaptitude avec dispense de l’obligation de reclassement.

Contestant notamment son licenciement, Mme [N] a saisi le 15 mai 2020 le conseil de prud’hommes de Créteil, lequel par jugement du 15 février 2021 auquel la cour renvoie pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties , a :

– dit que le licenciement intervenu le ler octobre 2019 à l’encontre de Mme [N] est un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamné la société à payer à Mme [N] les sommes suivantes :

* 20 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 1 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné à la société de remettre à Mme [N] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes au jugement sous astreinte de 15 euros par jour de retard, pour l’ensemble des documents, à compter du quinzième jour suivant la notification du jugement, le conseil se réservant le droit de liquider1’astreinte ;

– débouté Mme [N] du surplus de ses demandes ;

– mis les dépens éventuels à la charge de la société ;

– rappelé que l’intérêt légal est applicable de droit, avec anatocisme, conformément aux articles

1231-6, 1231-7 et 1343-2 du code civil :

* à partir de la saisine du conseil pour les salaires et accessoires de salaires ;

* à partir de la notification du jugement en ce qui concerne les dommages et intérêts.

Par déclaration transmise par voie électronique le 2 juin 2021, la société a relevé appel de ce jugement notifié par lettre datée du 7 mai 2021.

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 14 février 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :

à titre principal :

– constater qu’il n’y a pas eu de respect du contradictoire et du droit à un procès équitable et que la société n’a pas bénéficié du premier degré de juridiction ;

par conséquent,

– prononcer la nullité du jugement entrepris ;

– renvoyer les parties devant le conseil de prud’hommes de Créteil ;

à titre subsidiaire :

si par l’impossible la cour considérait que le jugement n’avait pas à être annulé et décidait de statuer sur le fond :

– infirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement intervenu le 1er octobre 2019 à l’encontre de Mme [N] est un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu’il l’a condamnée à lui payer les sommes de 20 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 1 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il lui a ordonné de lui remettre divers documents sous astreinte, en ce qu’il a mis les dépens éventuels à sa charge et en ses dispositions relatives à l’intérêt légal avec anatocisme ;

et, statuant de nouveau, :

– juger que le licenciement de Mme [N] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

par conséquent,

– débouter Mme [N] de l’intégralité de ses demandes ;

à titre infiniment subsidiaire :

si par l’impossible, la cour venait à confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse :

– réduire le montant des dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 7 469 euros ;

en tout état de cause,

– condamner Mme [N] à verser à la société la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions transmises par le RPVA le 17 novembre 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [N] demande à la cour de :

– déclarer la société irrecevable et mal fondée en son appel ;

– rejeter la demande de nullité du jugement entrepris formée par la société ;

à titre principal,

– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande au titre de la nullité du licenciement ;

et statuant de nouveau,

– dire que le licenciement est nul et condamner la société à la somme de 24 890 euros à titre d’indemnité pour nullité du licenciement ;

à titre subsidiaire,

– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a dit que le licenciement est un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société à lui payer les sommes suivantes :

o 20 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

o 1 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

dans tous les cas,

– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande de dommages et intérêts pour dégradation des conditions de travail et exécution déloyale du contrat de travail ;

et statuant de nouveau, condamner la société la somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts pour dégradation des conditions de travail et exécution déloyale du contrat de travail ;

– ordonner à la société de lui remettre un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes à l’arrêt à intervenir sous astreinte de 15 euros par jour de retard et par document ;

– déclarer irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions la société et l’en débouter purement et simplement ;

– condamner la société à la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Mme [N] demande à la cour de déclarer la société irrecevable en son appel mais ne soulève aucun moyen d’irrecevabilité de sorte que cette prétention sera rejetée.

Sur la nullité du jugement

La société prétend ne pas avoir eu connaissance d’une saisine du conseil de prud’hommes et d’une convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation (BCO), ni avoir jamais reçu la requête et les pièces avant l’audience. Elle reproche au BCO de s’être transformé en bureau de jugement alors qu’elle ne pouvait justifier d’un motif légitime, faute d’avoir été informée de l’audience, et estime que ce bureau était tenu de renvoyer en bureau de jugement en la convoquant. Elle se plaint du non-respect du principe de la contradiction et d’une violation du droit à un procès équitable au visa des articles 14 et suivants du code de procédure civile, R. 1452-3, R. 1452-4, R. 1454-13 et R. 1454-17 du code du travail et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle ajoute qu’en violation des règles déontologiques, l’avocat de Mme [N] n’a pas adressé sa requête et ses pièces à son propre avocat, ni ne l’a contacté alors qu’il connaissait son intervention. Elle en déduit que le jugement doit être annulé et que la cour ne peut statuer sur le fond, le conseil de prud’hommes n’ayant pas été valablement saisi.

Mme [N] répond que le jugement est régulier car la société a été valablement convoquée.

L’article 6 de la Convention précitée relatif au droit à un procès équitable dispose :

1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans

une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.

2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

3. Tout accusé a droit notamment à :

a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;

c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge;

e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience.

L’article 14 du code de procédure civile dispose que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.

Aux termes de l’article 15 de ce code, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

L’article 16 du même code énonce que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement. (…)

L’article R. 1452-4 du code du travail dispose :

A réception des exemplaires de la requête et du bordereau mentionnés au deuxième alinéa de l’article R. 1452-2, le greffe convoque le défendeur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La convocation indique :

1° Les nom, profession et domicile du demandeur ;

2° Selon le cas, les lieu, jour et heure de la séance du bureau de conciliation et d’orientation ou de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée ;

3° Le fait que des décisions exécutoires à titre provisoire pourront, même en son absence, être prises contre lui et qu’en cas de non-comparution sans motif légitime il pourra être statué en l’état des pièces et moyens contradictoirement communiqués par l’autre partie.

La convocation invite le défendeur à déposer ou adresser au greffe les pièces qu’il entend produire et à les communiquer au demandeur.

Cette convocation reproduit les dispositions des articles R. 1453-1 et R. 1453-2 et, lorsque l’affaire relève du bureau de conciliation et d’orientation, celles des articles R. 1454-10 et R. 1454-12 à R. 1454-18.

Est joint à la convocation un exemplaire de la requête et du bordereau énumérant les pièces adressées par le demandeur. (…)

En l’espèce, il résulte du dossier de première instance que le greffe a convoqué la société à l’audience du 28 septembre 2020 devant le BCO par lettre recommandée avec demande d’avis de réception datée du 4 juin 2020, en joignant la requête et le bordereau de Mme [N]. La lettre de convocation a été envoyée à la société à l’adresse située [Adresse 1] et l’avis de réception mentionne que la destinataire en a reçu réception le 8 juin 2020, une signature figurant dans la case réservée à cet effet.

La cour observe d’abord que la société ne sollicite pas la nullité de cette notification, ni n’invoque une irrégularité précise de celle-ci, se bornant à prétendre ne pas avoir été destinataire de la requête et des pièces et ne pas avoir été informée de la convocation devant le BCO.

Ensuite, selon l’article 690 du code de procédure civile, la notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial est faite au lieu de son établissement.

A défaut d’un tel lieu, elle l’est en la personne de l’un de ses membres habilité à la recevoir.

Il résulte de l’alinéa 1er de ce texte que la notification destinée à une personne morale de droit privé, lorsqu’elle est faite au lieu de son établissement, est régulière, sans qu’il y ait lieu de vérifier si l’avis de réception a été signé par une personne habilitée à recevoir l’acte.

Par ailleurs, pour une personne morale, la signature figurant sur l’avis de réception est réputée avoir été apposée par le représentant légal ou une personne habilitée.

En l’occurrence, la lettre de notification de la convocation a été envoyée à l’adresse qui, selon les conclusions de la société, est celle de son siège social et l’avis de réception est signé. La convocation est conforme aux dispositions de l’article R. 1452-4 susvisé.

En conséquence, la cour retient que la société a été régulièrement convoquée devant le BCO et que le conseil de prud’hommes a été régulièrement saisi, le non-respect éventuel des règles déontologiques s’appliquant aux avocats étant sans incidence au regard de la régularité de cette convocation et de la saisine de la juridiction prud’homale.

Aux termes de l’article R. 1454-13 du code du travail, lorsque au jour fixé pour la tentative de conciliation, le défendeur ne comparaît pas sans avoir justifié en temps utile d’un motif légitime, il est fait application de l’article L. 1454-1-3.

L’article L. 1454-1-3 du même code dispose que si, sans motif légitime, une partie ne comparaît pas, personnellement ou représentée selon des modalités prévues par décret en Conseil d’Etat, le bureau de conciliation et d’orientation peut juger l’affaire, en l’état des pièces et moyens que la partie comparante a contradictoirement communiqués.

Dans ce cas, le bureau de conciliation et d’orientation statue en tant que bureau de jugement dans sa composition restreinte mentionnée à l’article L. 1423-13.

L’article R. 1452-3 de ce code dispose que le greffe avise par tous moyens le demandeur des lieu, jour et heure de la séance du BCO ou de l’audience lorsque le préalable de conciliation ne s’applique pas.

Cet avis par tous moyens invite le demandeur à adresser ses pièces au défendeur avant la séance ou l’audience précitée et indique qu’en cas de non-comparution sans motif légitime, il pourra être statué en l’état des pièces et moyens contradictoirement communiqués par l’autre partie.

En l’espèce, ainsi que l’énonce le jugement, la faculté prévue à l’article L. 1454-1-3 a été utilisée, le BCO ayant jugé l’affaire en tant que bureau de jugement dans sa composition restreinte.

Il est constant que la société n’a pas comparu devant le BCO alors que comme indiqué ci-dessus, elle y a été régulièrement convoquée et qu’aucun motif légitime n’explique son absence à cette occasion.

Cependant, alors que la société invoque ne pas avoir reçu communication des pièces de Mme [N] avant l’audience du BCO, cette dernière ne justifie pas avoir procédé à cette communication telle que prévue à l’article R. 1452-3 qui l’impose. En outre, il résulte des termes de l’article L. 1454-1-3 du code du travail que pour pouvoir juger l’affaire en l’absence de l’une des parties, le BCO doit vérifier que les pièces de la partie comparante ont été communiquées à l’autre.

Or, en l’occurrence, il ne ressort ni du dossier de première instance, ni du jugement que le BCO se soit assuré de cette communication préalable et Mme [N] n’en justifie pas.

Partant, la société est fondée à se plaindre à ce titre d’une violation du principe de la contradiction et à invoquer que le BCO ne pouvait juger l’affaire. Le jugement doit pour cette raison être annulé.

Il résulte de l’article 562 du code de procédure civile que la cour d’appel qui annule un jugement, pour un motif autre que l’irrégularité de l’acte introductif d’instance, est, en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, tenue de statuer sur le fond de l’affaire.

En l’espèce, l’annulation du jugement procédant non de l’irrégularité de l’acte introductif d’instance mais du non-respect du principe de la contradiction dans la communication des pièces, l’effet dévolutif de l’appel s’applique de sorte que la demande de renvoi devant le conseil de prud’hommes est rejetée et qu’il incombe à la cour de juger l’affaire au fond.

Sur les dommages et intérêts pour dégradation des conditions de travail et exécution déloyale du contrat de travail

Appelante incidente de ce chef, Mme [N] invoque, au visa des articles L. 1152-1, L. 1252-4 et L. 4121-1 du code du travail, qu’elle a été exposée à un stress permanent dans un contexte de restructuration conduite avec des pratiques managériales critiquables et préjudiciables à sa santé, que consécutivement, elle a été placée en arrêt de maladie et qu’elle a été conduite à exécuter des tâches étrangères à ses fonctions. Elle prétend que des objectifs inatteignables lui ont été fixés alors qu’elle occupait des postes qui n’étaient pas les siens. Elle expose que surmenée, elle a été placée en arrêt de travail. Elle réclame la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour dégradation des ses conditions de travail et exécution déloyale du contrat de travail.

La société réplique que Mme [N] se plaint d’un harcèlement moral mais sans preuve et d’un manquement à l’obligation de sécurité mais sans en préciser le contenu. Elle fait valoir que dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur peut modifier les tâches confiées à son salarié et que le reproche d’une modification temporaire de celles-ci, intervenue à l’occasion de la réorganisation de la société, est d’autant plus malvenu que Mme [N] a accepté dans son contrat une modification de ses missions en cours d’exécution. Elle note que Mme [N] n’a d’ailleurs pas engagé de procédure en reconnaissance de maladie professionnelle. Elle observe que le préjudice lié à son état de santé est déjà invoqué par Mme [N] au titre du licenciement et que le même préjudice ne peut être indemnisé deux fois.

– sur le harcèlement moral :

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1154-1 du même code prévoit que lorsque survient un litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il en résulte que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral et dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, Mme [N], qui prétend avoir été exposée à un stress permanent dans un contexte de restructuration conduite avec des pratiques managériales critiquables, placée en arrêt de maladie par voie de conséquence et conduite à exécuter des tâches étrangères à ses fonctions, verse aux débats :

– un mail qu’elle a adressé le 11 janvier 2019 à sa nouvelle directrice, Mme [I], dans lequel elle indique que les objectifs définis le 7 janvier 2019 pour le premier trimestre sont des objectifs pour un temps plein à l’export alors qu’elle n’occupe son poste à l’export qu’à hauteur de 30%, son temps imparti lui permettant difficilement d’atteindre les objectifs fixés, et interroge sa supérieure sur la date à laquelle elle sera réintégrée sur son poste à 100% et sur les objectifs qui seront les siens au deuxième trimestre ;

– les compte rendus de visite de la médecine du travail des 24 mai, 31 juillet et 4 septembre 2019 mentionnant chacun une poursuite indispensable de l’arrêt de travail ;

– le compte rendu détaillé des visites médicales, dont celle du 4 septembre 2019 mentionnant son traitement (Seroplex, Stilnox, et Seretide), sa pathologie (troubles du sommeil, syndrome dépressif) et les déclarations de la salariée relatives à la restructuration de l’entreprise, l’existence de nombreux départs depuis janvier 2019, l’arrivée d’une nouvelle direction chargée de procéder à la restructuration qui emploie tous les moyens pour faire démissionner le personnel (objectifs très élevés non atteignables, pression, propos humiliants) ;

– des courriers de sa part de septembre 2019 adressés à la médecine du travail et à la DIRECCTE dans lesquels elle dénonce que Mme [I] a été détachée pour réduire massivement le personnel, qu’elle a mis en place un climat de terreur (pression, fixation d’objectifs irréalistes, propos vexatoires et humiliants…). Elle cite à titre d’exemple un litige avec un client anglais pour lequel Mme [I] lui a reproché d’avoir mal traité le dossier alors que cette dernière en était responsable et lui a supprimé une partie de ses primes en arguant qu’elle n’avait pas le niveau d’un chargé de clientèle senior ;

– une attestation de M. [D] dactylographiée et non accompagnée d’un document d’identité faisant part d’un climat de terreur répandu par Mme [I] ;

– une attestation de M. [O], non accompagnée d’un document d’identité, indiquant qu’il a travaillé au service export avec Mme [N], qu’il a constaté une dégradation des conditions de travail depuis mars 2018 avec des objectifs irréels, beaucoup de pression et de stress, que plusieurs collègues sont partis et que lui-même n’a eu le choix qu’entre le licenciement et la rupture conventionnelle ;

– une attestation de Mme [X] qui a travaillé au service export avec Mme [N] pendant plus de deux ans, attestation dactylographiée et non accompagnée d’un document d’identité, qui indique que la direction a demandé à Mme [N] de réaliser des tâches comme répondre au standard téléphonique toute la journée, gérer la boîte mail générique marketing et aider au service commercial France, que Mme [N] se plaignait d’une surcharge de travail et de la difficulté d’atteindre les objectifs commerciaux imposés par la nouvelle direction et que la dernière fois où elle a vu Mme [N], elle sortait d’un entretien avec la direction commerciale en pleurant et ne pouvant parler ;

– une attestation de Mme [V] [P] dactylographiée et non accompagnée d’un document d’identité, qui a été recrutée comme intérimaire au sein de MGTI jusqu’au 17 juin 2019 pour un changement d’organisation, et relate avoir constaté dès son arrivée une ambiance pesante, une pression constante, des objectifs imposés par la direction impossibles à atteindre, l’isolement physique de Mme [N] après le départ de M. [D], et le fait que Mme [N] lui avait confié être chargée de la tenue du standard, de la boîte marketing, du backup service commerce France, missions sans rapport avec le service export ;

– différents arrêts maladie et certificats médicaux lui prescrivant son traitement médicamenteux et justifiant d’un suivi par un psychiatre depuis le 30 août 2019.

Les mails et courriers de Mme [N] et déclarations qu’elle a faites lors de ses rencontres avec le médecin du travail sont insuffisants en eux-mêmes à établir la matérialité des faits qu’elle invoque. En violation de l’article 202 du code de procédure civile, aucune des attestations produites n’est accompagnée d’un document officiel justifiant de l’identité de son auteur. La cour relève aussi qu’elles manquent de précision quant à la date des événements qu’elles relatent et quant aux faits évoqués. Elles sont en partie indirectes, les témoins mentionnant des plaintes de Mme [N] ou des faits évoqués par elle. Dès lors, elles ne sont pas probantes. Il reste les pièces de nature médicale (arrêts de travail, certificats médicaux, compte rendus de la médecine du travail) qui justifient d’une dégradation de l’état de santé de Mme [N].

Au vu de ce qui précède, hormis sur le dernier point portant sur l’évolution de l’état de santé de la santé, les faits allégués ne sont matériellement pas établis et les éléments précités pris dans leur ensemble ne laissent pas supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° des actions de prévention des risques professionnels y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;

2° des actions d’information et de prévention,

3° la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adapatation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des mesures existantes.

Selon l’article L. 1252-4 du code du travail, l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

En l’espèce, Mme [N] n’invoque pas de faits distincts de ceux déjà examinés au titre du harcèlement moral, sauf à se prévaloir de l’article L. 1252-4 du code du travail. Or, il a été retenu que ces faits n’étaient matériellement pas établis. S’agissant de l’article L. 1252-4 précité, Mme [N] n’expose pas en quoi l’employeur aurait manqué à l’obligation découlant de cette disposition. La cour ne retient pas de manquement à l’obligation de sécurité.

En application de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Mais Mme [N] n’invoquant à nouveau aucun fait distinct et ceux déjà invoqués n’étant pas matériellement établis, aucun manquement à l’article L. 1222-1 susvisé n’est avéré.

Il convient de débouter Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour dégradation des conditions de travail et exécution déloyale du contrat de travail.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

‘Vous avez été embauchée par la société MGTI par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 janvier 2017 en qualité de Chargée de clientèle Export, affectée au service commercial.

Votre poste est primordial pour la société puisqu’il est le point de contact central avec les clients et fait l’interface avec les services de la Société. Il s’agit d’une fonction essentielle dans l’entreprise dont la bonne tenue a des conséquences sur les autres collaborateurs de la Société.

Malheureusement, depuis le 16 avril 2019, vous ne vous êtes pas présentée à votre poste, en renouvelant successivement des arrêts maladie pour des périodes relativement courtes, à savoir :

. Du 16 avril 2019 au 8 mai 2019 ;

. Du 9 mai au 31 mai 2019 ;

. Du 31 mai au 30 juin 2019 ;

. Du 1er juillet au 1er août 2019 ;

. Du 1er août au 1er septembre 2019 ;

. Du 2 septembre au 25 septembre 2019 ;

. Du 25 septembre au 16 octobre 2019.

Dans un premier temps, ne sachant pas si vos arrêts allaient être prolongés, nous avons tenté de pallier à votre absence en répartissant vos tâches auprès de vos collègues. Cependant, cette solution ne pouvait qu’être temporaire et n’était pas viable sur le long terme. Votre longue absence est devenue d’autant plus difficile à gérer que nous avons eu à subir des départs dans votre équipe de telle sorte que nous ne pouvons même plus répartir vos tâches auprès d’autres collègues dans l’attente de votre retour. Votre absence prolongée perturbe fortement le bon fonctionnement de l’entreprise et nous devons envisager votre remplacement définitif .

Dans ces conditions, nous sommes contraints de vous notifier par la présente, votre licenciement pour motif personnel du fait de votre absence prolongée entraînant des perturbations sur le fonctionnement de la Société et nécessitant votre remplacement définitif’.

Mme [N] invoquant au titre de la nullité du licenciement l’absence de preuve des perturbations causées par son absence et de la nécessité de la remplacer, il convient d’examiner d’abord si le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

La société souligne que Mme [N] a été absente près de 7 mois, qu’elle n’avait aucune visibilité sur son retour, qu’elle a été d’autant plus perturbée que les fonctions de Mme [N] de chargée de clientèle export étaient primordiales dans la gestion des clients, alors qu’il n’existait que deux autres employés occupant les mêmes fonctions et que le service commercial était réduit. Elle prétend qu’elle a fait gérer les attributions de Mme [N] par ses collègues mais que cette répartition s’est révélée inefficace puis impossible, les deux autres salariés ayant quitté les effectifs en juillet et septembre 2019. Elle affirme que compte tenu de la spécificité du poste, elle ne pouvait remplacer Mme [N] par un salarié en contrat provisoire dans l’attente de son retour et qu’elle a d’abord embauché M. [A] puis M. [C].

Mme [N] réplique que le dysfonctionnement est allégué sans être établi et que son remplacement n’est pas intervenu dans les délais prescrits. Elle demande de confirmer le jugement qui a constaté que ni la perturbation engendrée par son absence, ni son remplacement définitif et effectif par une embauche en contrat à durée indéterminée concomitamment à son licenciement ne sont justifiés.

Les perturbations causées dans le fonctionnement de l’entreprise par l’absence prolongée du salariée du fait de la maladie peuvent constituer une cause de licenciement si elles rendent nécessaire le remplacement définitif de l’intéressée.

En l’espèce, au soutien des perturbations alléguées, la société se prévaut comme éléments de preuve des divers arrêts de travail de Mme [N] du 16 avril au 16 octobre 2019 et de la composition de l’équipe export du pôle commerce et marketing comprenant outre Mme [N] deux autres salariés. Néanmoins, si l’absence de Mme [N] a duré plusieurs mois et si celle-ci ne conteste pas le départ de ses deux collègues (qu’elle impute d’ailleurs à la volonté de l’entreprise pour l’un d’entre eux), ces éléments ne justifient pas de perturbations effectives de l’entreprise causées par son absence prolongée.

La société prétend aussi que pour pallier l’absence de Mme [N], elle a d’abord engagé M. [A] comme chargé de clientèle et assistant commercial pour assurer le back office mais ne produit aucune pièce étayant cette allégation. Elle invoque encore et justifie avoir embauché M. [C] sous contrat de travail à durée indéterminée en février 2020. Cependant, cette embauche n’est pas intervenue dans un délai raisonnable après le licenciement puisqu’elle n’a été effective que le 10 février 2020, près de quatre mois après le licenciement de Mme [N], et que l’employeur ne prouve pas les démarches préalables faites en vue de ce recrutement dont il n’est pas démontré qu’il présentait des difficultés ne s’agissant pas d’un emploi hautement qualifié. La cour note au surplus que la fonction mentionnée dans le contrat de travail de M. [C] est celle de magasinier/assistant commercial affecté au service achats et logistique alors que Mme [N] était chargée de clientèle au service export. N’est ainsi pas rapportée la preuve de la nécessité d’un remplacement définitif de la salariée.

Il suit de là que la preuve des perturbations causées dans le fonctionnement de l’entreprise par l’absence prolongée de la salariée du fait de la maladie et de la nécessité de la remplacer définitivement n’est pas établie, rendant son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la nullité du licenciement

Appelante incidente de ce chef et au visa des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail, Mme [N] demande à la cour de prononcer la nullité de son licenciement reposant selon elle sur son état de santé. Au soutien de cette demande, elle invoque que son licenciement constitue une réaction brutale de l’employeur à l’intervention de la médecine du travail pour envisager une étude de poste, que la lettre de licenciement n’est pas motivée, que l’employeur ne démontre ni la perturbation du fonctionnement de l’entreprise causée par son absence, ni la nécessité pour lui de la remplacer de manière définitive par un recrutement en contrat de travail à durée indéterminée et que l’altération de son état de santé a été provoquée par la dégradation de ses conditions de travail.

La société répond n’avoir jamais fait de reproche à la salariée sur son état de santé, que le motif de licenciement clairement exprimé est lié à ses absences prolongées ayant désorganisé le bon fonctionnement de l’entreprise, que l’imputabilité des arrêts maladie à une dégradation de ses conditions de travail ne repose sur aucun élément et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse mais pas nul si le salarié n’est pas remplacé ou si la preuve d’une désorganisation de l’entreprise n’est pas rapportée.

L’article L. 1132-1 du code du travail prohibe le licenciement d’un salarié en raison de son état de santé et en application de l’article L. 1132 -4 de ce code, est nul le licenciement prononcé en violation du principe de non-discrimination. Il résulte de L. 1134-1 du code du travail que lorsque le salarié se plaint d’une discrimination, il doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Il appartient alors au juge d’apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination et dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Mme [N] invoque d’abord que son licenciement constitue une réaction brutale de l’employeur à l’intervention de la médecine du travail pour envisager une étude de poste.

Il résulte des pièces versées aux débats que :

– Mme [N] a été placée en arrêt de travail pour maladie de manière ininterrompue du 16 avril au 16 octobre 2019 ;

– le 4 septembre 2019, elle a fait l’objet à sa demande d’une visite par le médecin du travail. Celui-ci a établi une attestation de suivi accompagnée d’un document faisant état de proposition de mesures individuelles après échange avec l’employeur, lequel document mentionne que Mme [N] est orientée pour soins et prolongation de son arrêt ainsi que pour examens complémentaires et qu’elle doit être revue en visite médicale de reprise ;

– Mme [N] a été convoquée à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement fixé au 18 septembre 2019 par lettre datée du 9 septembre 2019, reçue le 12 septembre suivant, lequel entretien a été reporté au 25 septembre 2019 par lettre du 16 septembre 2019 afin de respecter le délai de prévenance ;

– le 25 septembre 2019, Mme [N] a fait l’objet d’une visite de pré-reprise à la demande du médecin traitant, le document signé du médecin du travail relatif à cette visite évoquant une inaptitude définitive au poste de travail dès la reprise et indiquant qu’une étude de poste doit être réalisée avant le 16 octobre 2019, date prévue de la reprise, et que des propositions de date ont été faites à l’entreprise (le 11 septembre 2019) ;

– Mme [N] a été licenciée par lettre du 1er octobre 2019 du fait de son absence prolongée entraînant des perturbations sur le fonctionnement de la société et nécessitant son remplacement définitif ;

– la visite de reprise à l’issue de laquelle Mme [N] a été déclarée inapte à son poste avec dispense de l’obligation de reclassement a eu lieu le 16 octobre 2019, après étude de poste, des conditions de travail et échanges avec l’employeur le 9 octobre précédent.

Ainsi, alors que la salariée a fait l’objet d’une visite par le médecin du travail le 4 septembre 2009, que ce jour-là, le médecin du travail a émis une proposition de mesures individuelles après échange avec l’employeur et que la médecine du travail a proposé une date, le 11 septembre 2019, pour réaliser l’étude de poste, la société a convoqué Mme [N] à un entretien préalable à un éventuel licenciement par une première lettre expédiée à une date inconnue et reçue par la salariée le 12 septembre 2019, puis par une seconde lettre du 16 septembre suivant et enfin l’a licenciée par une lettre du 1er octobre 2019 pour absence prolongée entraînant des perturbations sur le fonctionnement de la société et nécessitant son remplacement définitif.

Mme [N] invoque ensuite que la lettre de licenciement n’est pas motivée. Mais la lettre de licenciement mentionnant les perturbations de la société résultant de l’absence prolongée de la salariée et la nécessité de son remplacement définitif, elle est suffisamment motivée.

Mme [N] invoque encore que l’employeur ne démontre ni la perturbation du fonctionnement de l’entreprise causée par son absence, ni la nécessité de la remplacer de manière définitive par un recrutement en contrat de travail à durée indéterminée. Or, il a été retenu ci-dessus que cette preuve n’est pas rapportée et que les faits invoqués dans la lettre de licenciement ne constituent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Mme [N] allègue enfin que l’altération de son état de santé a été provoquée par la dégradation de ses conditions de travail. Mais il résulte de ce qui précède que l’existence d’un harcèlement moral et d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité n’est pas établie et que la dégradation de ses conditions de travail dont se prévaut Mme [N] ne repose pas sur des pièces suffisamment probantes.

Il reste que la chronologie des événements mise en exergue ci-dessus et le défaut de preuve des perturbations générées par l’absence prolongée de la salariée ainsi que de la nécessité de la remplacer définitivement constituent des éléments qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une discrimination en raison de son état de santé.

La société fait valoir qu’en septembre 2019, elle était dans l’incapacité d’anticiper le retour de Mme [N] qui a été à nouveau arrêtée du 2 septembre au 25 septembre 2019, puis de cette dernière date au 16 octobre 2019 alors que les deux autres chargés de clientèle export ont quitté les effectifs de l’entreprise respectivement le 3 juillet 2019 et en septembre 2019.

La société produit l’arrêt de travail de Mme [N] du 30 août au 25 septembre 2019 et celui du 25 septembre 2019 au 16 octobre 2019. Cependant, l’employeur ne justifie pas que lors de l’engagement de la procédure de licenciement et de la notification de celui-ci, il n’avait aucune visibilité sur la situation de la salariée puisque des propositions lui avaient été faites pour une étude de poste et qu’une visite de reprise était envisagée. La société prouve que le service export était composé de trois salariés, dont Mme [N]. Mais le départ de l’un des autre chargés de clientèle export, admis par Mme [N], à la date du 3 juillet 2019 ne peut expliquer la décision subite d’engager la procédure de licenciement en septembre 2019 puis de licencier la salariée, ce départ étant antérieur de plus de deux mois et alors que dans l’intervalle, le 1er août 2019, l’arrêt de travail de Mme [N] avait déjà été renouvelé. Celui de l’autre chargée de clientèle en septembre 2019 est aussi reconnu par Mme [N] mais la société ne justifie ni de sa date précise, ni de son caractère soudain. Par ailleurs, il a été retenu qu’aucune perturbation résultant de l’absence prolongée de Mme [N] n’est démontrée.

Dès lors, l’employeur ne prouve pas que sa décision de licencier Mme [N] est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination à raison de son état de santé. Le licenciement est donc nul.

Sur les conséquences du licenciement nul

– sur l’indemnité pour nullité du licenciement :

En application de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, lorsque que le juge constate que le licenciement est entaché d’une nullité afférente à un licenciement discriminatoire et lorsque comme en l’espèce, le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois .

Eu égard à l’ancienneté de Mme [N] de plus de deux ans et demi, à son âge au moment du licenciement (50 ans), au montant de ses salaires des six derniers mois, à sa capacité à retrouver un emploi et au fait qu’elle ne justifie pas de sa situation postérieure au licenciement, la cour condamne la société à lui verser la somme de 18’000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul suffisant à réparer son entier préjudice.

– sur l’application d’office de l’article L. 1235’4 du code du travail :

Il est fait d’office application de l’article L 1235-4 du code du travail et la société doit rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [N] depuis son licenciement jusqu’au jour du présent arrêt dans la limite de six mois.

Sur les autres demandes

Il convient de rappeler que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

Il sera ordonné à la société de remettre à Mme [N] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt dans le mois de sa notification, une astreinte n’apparaissant pas nécessaire.

La société, qui succombe, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel et doit indemniser Mme [N] à hauteur de la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens, la société étant déboutée de sa propre demande en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe :

ANNULE le jugement déféré à la cour ;

Statuant sur le fond sans renvoi de l’examen de l’affaire aux premiers juges :

DIT que le licenciement de Mme [N] est nul ;

CONDAMNE la société MGTI à payer à Mme [N] les sommes suivantes :

– 18’000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul,

– 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations indemnitaires sont dus à compter de la décision qui les prononce ;

ORDONNE à la société MGTI de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [N] depuis son licenciement jusqu’au jour du présent arrêt dans la limite de six mois ;

ORDONNE à la société MGTI de remettre à Mme [N] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt dans le mois de sa notification ;

DÉBOUTE les parties de toute autre demande ;

CONDAMNE la société MGTI aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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