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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/00604 – N° Portalis DBVH-V-B7F-H6E5
CRL/DO
POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES
07 décembre 2020
RG : 17/00389
S.A.R.L. [11]
Compagnie d’assurance [9]
C/
[X]
CPAM DU GARD
Grosse délivrée le 06 Juillet 2023 à :
– Me SERGENT
– Me PRIVAT
– CPAM GARD
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5e chambre Pole social
ARRÊT DU 06 JUILLET 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 07 Décembre 2020, N°17/00389
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l’audience publique du 28 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 08 Juin 2023 et prorogé ce jour.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTES :
S.A.R.L. [11]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Sylvie SERGENT de la SELARL DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, avocat au barreau de NIMES
Compagnie d’assurance [9]
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représentée par Me Sylvie SERGENT de la SELARL DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Monsieur [E] [X]
né le 23 Août 1960 à [Localité 3]
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représenté par Me Jérôme PRIVAT, avocat au barreau de NIMES
CPAM DU GARD
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par M. [O] en vertu d’un pouvoir spécial
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 08 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [E] [X], salarié à compter du 18 octobre 2006 au sein de la S.A.R.L. [11], en qualité de boulanger, a présenté des demandes de reconnaissances de maladies professionnelles pour :
– un syndrome du canal carpien droit le 4 août 2009, pris en charge par la Caisse Primaire d’assurance maladie du Gard au titre de la législation relative aux risques professionnels et pour lequel il a été déclaré consolidé le 28 mai 2014. Une rechute de cette pathologie, en date du 16 novembre 2018 a été prise en charge par la Caisse Primaire d’assurance maladie du Gard,
– un syndrome du canal carpien gauche le 4 août 2009, pris en charge par la Caisse Primaire d’assurance maladie du Gard au titre de la législation relative aux risques professionnels et pour lequel il a été déclaré consolidé le 15 juin 2010. Une rechute de cette pathologie, en date du 16 novembre 2018 a été prise en charge par la Caisse Primaire d’assurance maladie du Gard,
– une névralgie cubitale du coude gauche le 10 février 2010, prise en charge par la Caisse Primaire d’assurance maladie du Gard au titre de la législation relative aux risques professionnels après avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles et pour lequel il a été déclaré consolidé avec séquelle le 16 août 2010. Une première rechute de cette pathologie, en date du 25 novembre 2013 a été prise en charge par la Caisse Primaire d’assurance maladie du Gard et déclarée consolidée le 31 juillet 2015, et une seconde en date du 16 novembre 2018
– une névralgie cubitale du coude droit le 26 avril 2010, prise en charge par la Caisse Primaire d’assurance maladie du Gard au titre de la législation relative aux risques professionnels après avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles et pour lequel il a été déclaré consolidé avec séquelle le 9 mars 2017. Une première rechute de cette pathologie, en date du 16 novembre 2018 a été prise en charge par la Caisse Primaire d’assurance maladie du Gard .
M. [E] [X] s’est vu attribuer les taux d’incapacité suivants :
– 3% pour 1e canal carpien gauche le l6 juin 2010, réévalué à 4% suivant jugement du tribunal du contentieux de l’incapacité de Montpellier du 17 mai 2013,
– 6 % pour le canal carpien droit le 4 août 2014, maintenu à 6% suivant jugement du tribunal du contentieux de l’incapacité de Montpellier du 14 octobre 2015,
– 3 % pour le nerf cubital gauche en 2010, réévalué à 8% suivant jugement du tribunal du contentieux de l’incapacité de Montpellier du 2 octobre 2013,
– 5 % pour le nerf cubital droit en 2017, réévalué à 10% dont 5% pour le taux professionnel suivant jugement du tribunal du contentieux de l’incapacité de Montpellier du 10 avril 2018.
Le 4 février 2011, M. [E] [X] a saisi la Caisse Primaire d’assurance maladie du Gard d’une demande d’organisation de tentative de conciliation dans la cadre d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur pour les trois pathologies de syndrome du canal carpien droit, syndrome du canal carpien gauche et névralgie cubitale du coude gauche. Suite à l’échec de cette tentative de conciliation, constatée par procès-verbal de carence du 23 juillet 2017, M. [E] [X] a saisi le 5 mai 2017 le tribunal des affaires de sécurité sociale du Gard d’une demande aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la S.A.R.L. [11].
Par jugement du 7 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Nîmes – Contentieux de la protection sociale, désormais compétent pour connaître de ce litige, a :
– dit n’y avoir lieu à recueillir l’avis d’un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles en ce qui concerne les pathologies de M. [E] [X] liées au canal carpien,
– rejeté la demande d’injonction à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Gard de désigner un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles formée par la S.A.R.L. [11], prise en la personne de sa gérante Mme [F] [L], dont le siège social est sis [Adresse 2] à [Localité 3] ;
– confirmé les décisions de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Gard en date des 27 octobre 2009, 2 février 201 l, l7 mai 2011, 18 août 2014 et 2 janvier 2019 relatives à la prise en charge des affections de M. [E] [X] concernant le canal carpien dans le cadre du 2ème alinéa de l’article L461-1 du code de la sécurité sociale,
– ordonné la désignation du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de [Localité 12] – [Adresse 10], afin qu’il se prononce sur le fait de savoir s’il existe un lien direct entre les pathologies de M. [E] [X] suivantes :
– syndrome de la gouttière épitrochléo-olécranienne du coude gauche,
– syndrome de la gouttiére épitrochléo-oléocranienne du coude droit,
– et la profession habituelle exercée par ce dernier,
– sursis à statuer dans l’attente des avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de [Localité 12],
– renvoyé l’examen de l’affaire a l’audience de mise en état du 17 juin 2021 à 9 h 30 afin de faire le point sur l’avancée de la mesure d’instruction ordonnée,
– rappelé aux parties que leur présence à l’audience de mise en état du 17 juin 2021 n’est pas requise,
– réservé les dépens,
– réservé les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté toute demande plus ample ou contraire.
Par déclaration par voie électronique adressée le 11 février 2021, la S.A.R.L. [11] a régulièrement interjeté appel de cette décision, la date de notification de la décision déférée ne figurant pas dans la copie du dossier de première instance adressé par le tribunal judiciaire de Nîmes. L’acte d’appel vise les éléments suivants du dispositif : ‘ Débouté la S.A.R.L. [11] de sa demande de voir enjoindre à la CPAM du Gard de saisir le CRRMP pour les deux affections du canal carpien droite et gauche, – Débouté la S.A.R.L. [11] de sa demande de voir en conséquence infirmer les décisions de prise en charge de la CPAM au titre de la maladie professionnelle, – Débouté la S.A.R.L. [11] de sa demande de voir à titre subsidiaire et à tout le moins dire et juger que les maladies n’ont pu être contractées et ne sauraient être imputées à [11], – Estimé qu’il résulte des éléments du dossier que l’ensemble des conditions du tableau n°57C sont remplies, de sorte qu’il n’y a pas lieu à avis d’un CRRMP en ce qui concerne les pathologies liées au canal carpien, – Dit n’y avoir lieu à recueillir l’avis d’un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles en ce qui concerne les pathologies de Monsieur [E] [X] liées au canal carpien, – Rejeté la demande d’injonction à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Gard de désigner un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies
Professionnelles formée par l’Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée [11], prise en la personne de sa gérante, Madame [F] [L], dont le siège social est sis [Adresse 5] à [Localité 3], – Confirmé les décisions de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Gard en date des 27 octobre 2009, 2 février 2011, 17 mai 2011, 18 août 2014 et 2 janvier 2019 relatives à la prise en charge des affections de Monsieur [X] concernant le canal carpien dans le cadre du 2ème alinéa de l’article L 461-1 du Code de la Sécurité Sociale’ ,Enregistrée sous le numéro RG21 00604, l’examen de cette affaire a été appelé à l’audience du 28 mars 2023.
Au terme de leurs conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l’audience, la S.A.R.L. [11] et la compagnie [9] demandent à la cour de :
A titre principal,
– recevoir l’appel interjeté,
– le dire recevable et bien fondé
– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes en ce qu’il a :
– débouté la S.A.R.L. [11] de sa demande de voir enjoindre à la CPAM du Gard de saisir le CRRMP pour les deux affections du canal carpien droite et gauche,
– débouté la S.A.R.L. [11] de sa demande de voir en conséquence infirmer les décisions de prise en charge de la CPAM au titre de la maladie professionnelle,
– débouté la S.A.R.L. [11] de sa demande de voir à titre subsidiaire et à tout le moins dire et juger que les maladies n’ont pu être contractées et ne sauraient être imputées à [11],
– estimé qu’il résulte des éléments du dossier que l’ensemble des conditions du tableau n°57C sont remplies, de sorte qu’il n’y a pas lieu à avis d’un CRRMP en ce qui concerne les pathologies liées au canal carpien,
– dit n’y avoir lieu à recueillir l’avis d’un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies
Professionnelles en ce qui concerne les pathologies de M. [E] [X] liées au canal carpien,
– rejeté la demande d’injonction à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Gard de désigner un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles formée par l’ EURL [11], prise en la personne de sa gérante, Mme [F] [L], dont le siège social est sis [Adresse 5] à [Localité 3],- Confirmé les décisions de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Gard en date des 27 octobre 2009, 2 février 2011, 17 mai 2011, 18 août 2014 et 2 janvier 2019 relatives à la prise en charge des affections de M. [E] [X] concernant le canal carpien dans le cadre du 2ème alinéa de l’article L 461-1 du Code de la Sécurité Sociale,
En conséquence et statuant à nouveau,
– enjoindre la CPAM du Gard de saisir le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles pour les deux affections,
– infirmer les décisions de prise en charge de la Caisse Primaire d’assurance maladie au titre de maladie professionnelle,
A titre subsidiaire, à tout le moins,
– statuer que les maladies n’ont pu être contractées chez elle et ne sauraient lui être imputées,
– condamner M. [E] [X], au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à son profit,
– le condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Au soutien de ses demandes, la S.A.R.L. [11] et la compagnie [9] font valoir que :
– leur appel ne porte que sur les dispositions relatives au refus de saisine du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles et à la reconnaissance du caractère professionnel des pathologies relatives au canal carpien droit et au canal carpien gauche,
– M. [E] [X] ne peut se prévaloir d’aucun effet dévolutif de l’appel, qu’il s’agisse de la saisine du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles pour les pathologies des coudes droits et gauche non visée par l’acte d’appel, la décision quant au caractère professionnel de ces deux pathologie ou pour la reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur pour les quatre pathologies en raison du sursis à statuer ordonné en première instance, lequel est insusceptible d’appel,
– la condition d’exposition au risque pour les deux pathologies du canal carpien n’est pas remplie puisque l’équipement de la boulangerie limite au maximum les mouvements de manutention,
-l’expertise qu’elle produit s’interroge sur le lien entre ces maladies professionnelles et l’activité de boulanger, ainsi que sur le nombre de maladies professionnelles déclarées en peu de temps,
– le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles doit être interrogé également sur l’origine professionnelle de ces deux pathologies,
– elle est en droit de contester le caractère professionnel de ces deux pathologies au stade de la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l’audience, M. [E] [X] demande à la cour de :
– confirmer le jugement en date du 7 décembre 2020 rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes,
En conséquence,
– dire n’y avoir lieu à recueillir l’avis d’un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles en ce qui concerne ses pathologies liées au canal carpien,
– rejeter la demande d’injonction à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Gard de désigner un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles,
– confirmer les décisions de la CPAM du Gard des 27 octobre 2009, 2 février 2011, 17 mai 2011, 18 août 2014 et 2 janvier 2019 relatives à la prise en charge de ses affections concernant le canal carpien dans le cadre du 2ème alinéa de l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale,
– condamner la S.A.R.L. [11] au paiement à son profit d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel .
Au soutien de ses demandes, M. [E] [X] fait valoir que :
– le tribunal ne s’est pas fondé sur le seul rapport de la Caisse Primaire d’assurance maladie pour reconnaître le caractère professionnel de ses pathologies du canal carpien sans qu’il soit nécessaire de recourir à l’avis d’un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles, et sa décision justement motivée doit être confirmée,
– pour remettre en cause la décision de prise en charge par la Caisse Primaire d’assurance maladie de ces pathologies du canal carpien, la SARL [11] se contente de produire une expertise non contradictoire réalisée plus de neuf ans après l’apparition des pathologies, qui remet en cause le lien entre le travail et ces pathologies,
– la description de son activité dans le rapport transmis par la SARL [11] à la Caisse Primaire d’assurance maladie au moment de la déclaration de maladie professionnelle décrit précisément quelle était son activité à ce moment là, ce qui caractérise l’exposition au risque décrite dans le tableau 57C des maladies professionnelles,
– dans le cadre de la contestation du licenciement pour inaptitude devant le conseil de prud’hommes d’Alès, la SARL [11] n’a pas contesté l’origine professionnelle de son inaptitude,
– les photographies produites par la SARL [11] témoignent des conditions de travail actuelles et non de celles de 2009, et les attestations de ses salariés sous lien de subordination sont de pure complaisance,
– l’objet du litige étant indivisible, la cour devra également statuer sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur en raison de l’effet dévolutif de l’appel,
– le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de Montpellier ayant statué sur les deux demandes relatives aux pathologies cubitales, il n’y avait pas lieu à faire droit à la demande de la SARL [11] d’une saisine d’un second Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles, ni de surseoir à statuer dans l’attente de ce second avis, puisque l’employeur n’avait pas contesté ces décisions lorsqu’elles ont été rendues en 2010,
– s’agissant de la faute inexcusable de l’employeur, elle résulte du fait que son employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat en l’exposant pendant des années à des conditions de travail pénibles, lesquelles sont directement à l’origine de ses pathologies,
– l’employeur n’a pas respecté la réglementation relative au port de charges lourdes puisqu’il était amené, plus de trois fois par jour à soulever des seaux de plus de 13 kg,
– la SARL [11] s’appuie sur sa nouvelle organisation du travail pour contester sa responsabilité, ce qui est inefficace, et qui démontre que suite à la déclaration de ses maladies professionnelles, elle a revu son organisation du travail,
– la SARL [11] ne justifie d’aucune mesure de prévention des risques avant 2009, les photographies qu’elle produit ne sont pas datées et ne correspondent pas aux descriptions d’activité effectuées dans le cadre de l’instruction des demandes de reconnaissance de maladie professionnelle.
Au terme de leurs conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l’audience, la Caisse Primaire d’assurance maladie du Gard demande à la cour de :
Sur le syndrome du canal carpien bilatéral :
– constater que les conditions de prise en charge des maladies professionnelles au titre du tableau 57C sont remplies,
– dire et juger qu’elle a, à bon droit, notifié une prise en charge des affections de M. [E] [X] dans le cadre du 2ème alinéa de l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale,
– rejeter la demande de l’employeur d’enjoindre la Caisse Primaire d’assurance maladie de saisir un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles,
– rejeter la demande de sursis à statuer,
Sur la névralgie cubitale du coude gauche et droit :
– dire et juger qu’elle a, à bon droit, notifié une prise en charge des affections invoquées après avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles,
– lui donner acte de ce qu’elle s’en remet à justice sur la désignation d’un nouveau Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles,
Sur la faute inexcusable :
– lui donner acte de ce qu’elle déclare s’en remettre à justice sur le point de savoir si les maladies professionnelles en cause sont dues à une faute inexcusable de l’employeur,
– si la cour retient la faute inexcusable :
1) fixer l’évaluation du montant de la majoration des capitaux et de la rente,
2) dire et juger que seuls les taux initiaux sont opposables à l’employeur,
3) limiter l’éventuelle mission de l’expert aux postes de préjudices visés à l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale et ceux non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale et mettre les frais d’expertise à la charge de l’employeur,
4) condamner l’employeur à lui rembourser sous quinzaine les sommes dont elle aura fait l’avance, assorties des intérêts légaux en cas de retard.
Au soutien de ses demandes, la Caisse Primaire d’assurance maladie du Gard fait valoir que :
– la prise en charge du syndrome du canal carpien bi-latéral a été validée par son médecin conseil dès lors que les conditions du tableau 57 C des maladies professionnelles étaient remplies, de même s’agissant des rechutes, l’employeur ne rapporte pas la preuve d’une cause étrangère au travail dans la survenue de ces pathologies,
– la prise en charge des névralgies cubitales est intervenue après saisine du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de Montpellier dont l’avis s’impose à elle, et l’employeur ne rapporte pas la preuve que le travail n’a aucun rôle dans la survenue de ces pathologies, elle s’en remet à justice sur l’application des dispositions de l’article R 142-24-2 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige quant à la saisine d’un second Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.
MOTIFS
* s’agissant de l’effet dévolutif de l’appel
Il résulte des dispositions de l’article 544 du code de procédure civile que les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d’instruction ou une mesure provisoire peuvent être immédiatement frappés d’appel comme les jugements qui tranchent tout le principal.
Selon l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Selon l’article 380 du code de procédure civile, la décision de sursis peut être frappée d’appel sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime.
La partie qui veut faire appel saisit le premier président, qui statue selon la procédure accélérée au fond. L’assignation doit être délivrée dans le mois de la décision.
S’il accueille la demande, le premier président fixe, par une décision insusceptible de pourvoi, le jour où l’affaire sera examinée par la cour, laquelle est saisie et statue comme en matière de procédure à jour fixe ou comme il est dit à l’article 948, selon le cas.
En l’espèce, le jugement du tribunal judiciaire de Nîmes en date du 7 décembre est un jugement mixte et l’EURL [11] dans son acte d’appel vise les éléments suivants du dispositif : ‘ Débouté la S.A.R.L. [11] de sa demande de voir enjoindre à la CPAM du Gard de saisir le CRRMP pour les deux affections du canal carpien droite et gauche, – Débouté la S.A.R.L. [11] de sa demande de voir en conséquence infirmer les décisions de prise en charge de la CPAM au titre de la maladie professionnelle, – Débouté la S.A.R.L. [11] de sa demande de voir à titre subsidiaire et à tout le moins dire et juger que les maladies n’ont pu être contractées et ne sauraient être imputées à [11], – Estimé qu’il résulte des éléments du dossier que l’ensemble des conditions du tableau n°57C sont remplies, de sorte qu’il n’y a pas lieu à avis d’un CRRMP en ce qui concerne les pathologies liées au canal carpien, – Dit n’y avoir lieu à recueillir l’avis d’un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles en ce qui concerne les pathologies de Monsieur [E] [X] liées au canal carpien, – Rejeté la demande d’injonction à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Gard de désigner un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles formée par l’Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée [11], prise en la personne de sa gérante, Madame [F] [L], dont le siège social est sis [Adresse 5] à [Localité 3], – Confirmé les décisions de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Gard en date des 27 octobre 2009, 2 février 2011, 17 mai 2011, 18 août 2014 et 2 janvier 2019 relatives à la prise en charge des affections de Monsieur [X] concernant le canal carpien dans le cadre du 2ème alinéa de l’article L 461-1 du Code de la Sécurité Sociale’, soit les dispositions relatives à la reconnaissance du caractère professionnel des pathologies du canal carpien droit et du canal carpien gauche.
En l’absence d’appel incident d’une autre partie dans les délais et formes impartis, seuls ces chefs de jugement sont dévolus à la cour, les demandes relatives à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur faisant l’objet d’un sursis à statuer dans l’attente de la décision du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de [Localité 12], dont la saisine n’est pas visée par l’acte d’appel, relativement aux deux pathologies cubitales dont souffre M. [E] [X].
Ceci étant, si dans ses écritures M. [E] [X] demande à la cour de statuer sur l’ensemble du litige tenant l’effet dévolutif de l’appel, force est de constater qu’il ne soutient dans son dispositif que des demandes relatives aux éléments tranchés au fond dans le jugement déféré, lesquelles sont par suite recevables.
* s’agissant du caractère professionnel des pathologies ‘ syndrome du canal carpien droit’ et ‘syndrome du canal carpien gauche’
L’employeur dans le cadre de l’action aux fins de reconnaissance de sa faute inexcusable peut remettre en cause le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, même s’il n’a pas contesté la décision de prise en charge par l’organisme social au titre de la législation relative aux risques professionnels.
Au terme de l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à la date de déclaration de la maladie professionnelle, issue de la loi du 98-1194 du 23 décembre 1998, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.
Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L’avis du comité s’impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l’article L. 315-1.
En l’espèce, les pathologies déclarées par M. [E] [X] dont il n’est pas contesté qu’elles sont un syndrome du canal carpien droit et un syndrome du canal carpien gauche ont été constatées par certificat médical initial du 3 juin 2009 établi par le Dr [W] qui a constaté ‘ canal carpien bilatéral. Gauche prédominant’.
Cette pathologie est visée au tableau 57 des maladies professionnelles ‘ Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail’. Les conditions posées par ce tableau de maladie professionnelle sont les suivantes :
‘ C- Poignet, main et doigt
Désignation des maladies : syndrome du canal carpien
Délai de prise en charge : 30 jours
Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies : travaux provoquant de façon habituelle soit des mouvements répétés ou prolongé d’extension du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, pour une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main’.
Les conditions relatives à la désignation de la maladie et au délai de prise en charge ne sont pas contestées par la SARL [11].
Pour démontrer que l’activité de boulanger exercée par M. [E] [X] entre dans la liste limitative des travaux ainsi rappelée, la Caisse Primaire d’assurance maladie et celui-ci se réfèrent aux éléments recueillis dans le cadre de l’instruction de la demande de reconnaissance du caractère professionnel de ces pathologies et notamment la réponse au questionnaire employeur qui mentionne que M. [E] [X] effectue un travail de boulanger consistant en la préparation des pâtes journalièrement le matin, et que la SARL [11] décrit dans les termes suivants :
‘ a) pétrissage : il met les ingrédients dans le pétrin, soit la farine qui est aujourd’hui conditionnée en sacs de 25kg, introduit l’eau qui sort du doseur ainsi que le levain et met le pétrin en marche.
b) une fois le temps de pétrissage terminé, il sort les pâtons de pâte du pétrin qui font maximum 11 kg et met la pâte dans la diviseuse qui divise, pèse et coupe les pâtons,
c) façonnage, chaque boule de pâte est façonnée par la façonneuse, le boulanger prend le pain, et le pose délicatement sur une grille revêtue d’une couche et une fois la grille remplie, la range sur l’échelle,
d) les chariots d’échelle sont placés en chambre de fermentation,
e) environ une fois par semaine sauf exceptionnellement en période de congés il cuit le pain, il prend la baguette avec une paline, la pose sur l’enfourneur et après l’avoir scarifiée, la pose sur le tapis du four et la cuit.
Monsieur [X] se sert donc de ses bras et de ses mains pour l’élaboration des pâtes. Le poids maximum soulevé par l’employé est de 25 kg ce qui correspond au sac de farine’.
Il ressort de cette description du travail de M. [E] [X] faite par son employeur qu’il est amené de manière répétitive, tout au long de sa journée de travail, à effectuer des mouvements de préhension de la main, lors des phases de pétrissage et essentiellement de façonnage. La condition relative à la liste limitative des travaux est donc remplie.
Pour remettre en cause ces éléments, la SARL [11] invoque le fait que le pétrissage est assuré par un pétrin électrique, ce qui toutefois ne remet pas en cause les éléments qu’elle a décrit dans le questionnaire précédemment rappelé.
Les attestations des différents salariés produites par la SARL [11] qui décrivent des conditions idéales de travail sont établies en termes généraux et n’ont pas d’éléments de date qui permettent de s’assurer de la présence de leurs auteurs comme collègues de travail de M. [E] [X].
Par ailleurs, les photographies produites, non datées, montrent des gestes de préhension, qu’il s’agisse de la manipulation de poches à douille, de la découpe et du façonnage de pâtons,
ou d’extension du poignet lors de la scarification des pains avant de les enfourner.
L’EURL [11] se prévaut également d’une expertise du Dr [B] qui fait référence à titre liminaire à une prise en charge de quatre pathologies après du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles au titre de maladie hors tableau.
Ces affirmations sont en contradiction avec les éléments de la procédure qui concerne une prise en charge, sans consultation du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles au titre du tableau 57 C des maladies professionnelles pour deux pathologies.
Les développements qui suivent sont hypothétiques et théoriques mais ne tiennent pas compte notamment de la description du travail de M. [E] [X] effectuée par l’employeur.
En conséquence, les conditions du tableau n°57C des maladies professionnelles se rapportant au syndrome du canal carpien étant remplies, et l’employeur ne rapportant pas la preuve que l’affection déclarée par M. [E] [X] n’a pas de relation avec son travail, la SARL [11] n’est pas parvenue à combattre utilement la présomption d’imputabilité qui s’applique donc au cas d’espèce, conformément à l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale.
La décision déférée ayant statué en ce sens et ayant rejeté la demande de saisine d’un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles sera confirmée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Statuant dans les limites de l’appel,
Confirme le jugement rendu le 7 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nîmes en ce qu’il a :
– dit n’y avoir lieu à recueillir l’avis d’un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles en ce qui concerne les pathologies de M. [E] [X] liées au canal carpien,
– rejeté la demande d’injonction à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Gard de désigner un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles formée par l’EURL [11], prise en la personne de sa gérante Mme [F] [L], dont le siège social est sis [Adresse 2] à [Localité 3] ;
– confirmé les décisions de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Gard en date des 27 octobre 2009, 2 février 201 l, l7 mai 2011, 18 août 2014 et 2 janvier 2019 relatives à la prise en charge des affections de M. [E] [X] concernant le canal carpien dans le cadre du 2ème alinéa de l’article L461-1 du code de la sécurité sociale,
Renvoie les parties devant le tribunal judiciaire de Nîmes pour la poursuite de l’instance relativement aux demandes pour lesquelles a été ordonné un sursis à statuer,
Condamne la SARL [11] à verser à M. [E] [X] la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Déclare le présent arrêt commun à la Caisse Primaire d’assurance maladie du Gard,
Condamne la SARL [11] aux dépens de la procédure d’appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,