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COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE CIVILE – TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX
EXPÉDITIONS le : 04/09/2023
COPIES aux PARTIES
[U] [S]
[A] [W]
[Z] [V]
[F] [V] épouse [L]
la SCP REFERENS
Me Alain CHAUMIER
ARRÊT du : 04 SEPTEMBRE 2023
N° : : N° RG 22/02397 – N° Portalis DBVN-V-B7G-GVEW
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de TOURS en date du 20 Septembre 2022
PARTIES EN CAUSE
APPELANT
Monsieur [U] [S]
né le 17 novembre 1975 à [Localité 20] (37)
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par Me Michel ARNOULT de la SCP REFERENS, avocat au barreau de TOURS, substitué par Me BORDE, avocat au barreau de TOURS
D’UNE PART
INTIMÉS :
Monsieur [A] [W]
né le 13 juillet 1974 à [Localité 20] (37)
[Adresse 2]
[Localité 8]
représenté par Me Alain CHAUMIER, avocat au barreau de BLOIS
Monsieur [Z] [V]
né le 24 mai 958 à [Localité 8] (37)
[Adresse 1]
[Localité 7]
représenté par Me Marie MANDEVILLE de la SELAS TERRAJURIS AVOCATS, avocat au barreau de BOURGES, substitué par Me WAUTIER
Madame [F] [V] épouse [L]
née le 28 septembre 1956 à [Localité 8] (37)
[Adresse 15]
[Localité 9]
comparante
assistée de Me Marie MANDEVILLE de la SELAS TERRAJURIS AVOCATS, avocat au barreau de BOURGES
D’AUTRE PART
DÉCLARATION D’APPEL en date du 13 Octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du 06 Juin 2023, à 14 heures, devant Madame Laure-Aimée GRUA, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles en vertu de l’ordonnance N° 92/2020, Magistrat Rapporteur, par application de l’article 786 et 910 alinéa 1 du Code de Procédure Civile.
Lors du délibéré :
Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier :
Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et Madame Karine DUPONT, Greffier lors du prononcé.
Prononcé le 4 SEPTEMBRE 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte authentique du 13 décembre 2004, Mme [F] [V] épouse [L] a donné à bail rural à M. [U] [S], pour une durée de neuf ans à compter du 1er novembre 2004, des parcelles situées commune de [Localité 8], lieux dits [Adresse 19] et [Adresse 18] d’une contenance totale de 14ha 12a 30ca. Ce bail renouvelé par tacite reconduction venait à expiration le 31 octobre 2022.
Par acte authentique du même 13 décembre 2004, M. [Z] [V] a donné à bail rural à M. [U] [S], pour une durée de neuf ans à compter du 1er novembre 2004, des parcelles situées commune de [Localité 8], [Localité 8], lieu dit [Adresse 17] d’une contenance totale de 8ha 96a 56ca. Ce bail renouvelé par tacite reconduction venait à expiration le 31 octobre 2022.
Selon acte authentique du 2 février 2021, Mme [F] [V] épouse [L], d’une part, et M. [Z] [V], d’autre part, ont cédé l’ensemble des parcelles à M. [A] [W].
Par acte d’huissier du 16 février 2021, M. [W] a délivré à M. [S] un congé aux fins de reprise personnelle des parcelles.
Par acte d’huissier remis au greffe le 20 juillet 2021, M. [S] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Tours pour voir convoquer Mme [V], M. [V] et M. [W] en annulation de la vente.
Après tentative de conciliation du 16 novembre 2021, M. [S] a demandé au tribunal de :
– dire la vente nulle et de nul effet,
– débouter Mme [V], M. [V] et M. [W] de l’ensemble de leurs demandes,
– les condamner in solidum à lui payer des dommages-intérêts de 5 000 euros,
– ordonner la publication du jugement au service de la publicité foncière de [Localité 21],
– condamner in solidum Mme [V], M. [V] et M. [W] à lui payer une indemnité de procédure de 5 000 euros.
Par jugement rendu le 20 septembre 2022, le tribunal a :
– débouté M. [S] de sa demande d’annulation de la vente,
– rejeté sa demande de dommages-intérêts,
– rejeté les demande de Mme [V], M. [V] et M. [W] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [S] aux dépens.
Pour débouter M. [S] de sa demande d’annulation de la vente, le tribunal a retenu que si les dispositions de l’article L. 412-8 du code rural et de la pêche maritime n’ont pas été respectées, il a été destinataire d’une offre de vente détaillée et a, dès le 10 février 2020, fait état au notaire de sa connaissance des conditions de la vente et de son refus d’acquérir les parcelles et a, par ailleurs, confirmé ce refus à l’acte de vente du 2 février 2021 et il a considéré qu’il était parfaitement informé des intentions de Mme [V] et de M. [V] quant à la vente projetée et a, expressément renoncé à exercer son droit de préemption en toute connaissance de cause.
Selon déclaration au greffe du 13 octobre 2022, M. [S] a relevé appel de la décision.
Les parties ont été convoquées à l’audience du 6 juin 2023 par des lettres recommandées dont elles ont accusé réception les 24 et 25 novembre 2022. Elles ont déposé des conclusions.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [S] demande de :
– infirmer le jugement, en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
– juger qu’il bénéficie d’un bail rural, a la qualité de preneur en place au moment de la vente et disposait d’un droit de préemption sur les parcelles,
– juger que Mme [V] et M. [V] n’ont pas purgé le droit de préemption du preneur avant la vente du 2 février 2021,
– prononcer la nullité de la vente,
– débouter Mme [V] et M. [V] de l’ensemble de leurs demandes,
– débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner in solidum Mme [V], M. [V] et M. [W] à lui payer des dommages-intérêts de 5 000 euros,
– ordonner la publication de la décision au service de la publicité foncière de [Localité 21],
– condamner Mme [V], M. [V] et M. [W] à lui verser une indemnité de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Mme [V] et M. [V] demandent de :
A titre principal,
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– débouter M. [S] de ses demandes,
En toutes hypothèses,
– condamner M. [S] à leur verser une indemnité de procédure de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner aux dépens de première instance et d’appel.
M. [W] demande de :
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– débouter M. [S] de ses demandes,
– le condamner à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et le condamner aux dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
M. [S] fait plaider que la notification par le notaire des conditions de la vente projetée, prévue à l’article L. 412-8 du code rural et de la pêche maritime, constitue une formalité substantielle dont l’absence doit entraîner l’annulation de la vente.
Mme [V] et M. [V] prétendent que M. [S] a régularisé deux procurations le 10 février 2020 par lesquelles il reconnaît être au courant du projet de vente ainsi que du prix et des conditions demandées et avoir dispensé le bailleur de lui adresser les notifications prévues à l’article L. 412-8 du code rural et de la pêche maritime, déclaré réitérer qu’il n’est pas acquéreur et renoncer purement et simplement au droit de préemption. Ils considèrent qu’il ne peut faire valoir que son droit de préemption n’a pas été purgé. Ils précisent qu’il a réitéré sa renonciation expresse à l’exercice de son droit de préemption en participant à l’acte de vente.
Selon l’article L. 412-8, alinéa 1er, du code rural et de la pêche maritime, le propriétaire qui entend aliéner le fonds loué doit en informer le notaire qu’il a chargé de recevoir l’acte de vente. Le même texte fait en effet obligation au notaire ‘chargé d’instrumenter’ de notifier au preneur les conditions de la vente projetée.
Il en résulte que la renonciation du preneur à son droit de préemption, qui est d’ordre public, suppose que celui-ci ait été préalablement destinataire d’une offre adressée par le notaire chargé d’instrumenter la vente, ainsi que le juge d’ailleurs la Cour de cassation (voir par exemple 3e Civ., 19 novembre 2020, pourvoi n° 19-20.252). Or en l’espèce, le notaire n’a pas envoyé à M. [S] un tel document dans les formes et contenu impératifs prévus par l’article L. 412-8 du code rural et de la pêche maritime et la simple intervention du fermier en place à l’acte de vente n’est pas suffisante pour qu’il puisse efficacement renoncer à son droit de préemption en l’absence de notification préalable du projet de vente (Cass. 3e civ., 5 avr. 2018, n° 16-23.742).
En conséquence, infirmant le jugement, il convient de prononcer l’annulation de la vente des parcelles intervenue le 2 février 2021 entre Mme [F] [V] épouse [L], d’une part, et M. [Z] [V], d’autre part, vendeurs, et M. [A] [W], acquéreur, déboutant ainsi tant les vendeurs que l’acquéreur de leurs demandes.
La publication de la décision au service de la publicité foncière de [Localité 21] sera ordonnée.
Pour solliciter le paiement par les intimés d’une indemnité de 5 000 euros, M. [S] se prévaut de l’article L. 412-12 du code rural et de la pêche maritime et soutient que ceux-ci voulaient avant tout l’évincer des parcelles qu’il exploite puisque 14 jours après l’acte de vente du 2 février 2021, il lui a été délivré le 16 février 2021 un congé à fin de reprise. Il précise que le droit du preneur à des dommages-intérêts n’est pas lié à l’exploitation des parcelles ou à ses capacités financières mais au non respect par les bailleurs et leur notaire de leurs obligations légales.
Mme [V] et M. [V] font plaider la mauvaise foi de M. [S], lequel n’a jamais eu ni l’intention ni la capacité de préempter les parcelles puisqu’il fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, son action en nullité étant destinée à contrer les effets du congé à fin de reprise délivré par le nouveau propriétaire, décision à laquelle ils sont étrangers.
M. [W] soutient que si l’action en nullité a été engagée, c’est uniquement en raison du congé délivré.
L’article L. 412-12, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime prévoit, notamment qu’au ‘cas où le droit de préemption n’aurait pu être exercé par suite de la non-exécution des obligations dont le bailleur est tenu en application de la présente section, le preneur est recevable à intenter une action en nullité de la vente et en dommages-intérêts devant les tribunaux paritaires dans un délai de six mois à compter du jour où la date de la vente lui est connue, à peine de forclusion.’
Les dommages-intérêts sont donc dus en raison de l’atteinte au droit de préemption du preneur et du préjudice qui en résulte pour lui.
En conséquence, il convient de condamner Mme [V] et M. [V], in solidum, à payer à M. [S] des dommages-intérêts de 1000 euros, en le déboutant de sa demande contre M. [W] dont la complicité avec les bailleurs n’est pas démontrée.
Les intimés qui succombent seront condamnés, in solidum, au paiement des dépens tant de première instance que d’appel et d’une indemnité de procédure de 4 000 euros à M. [S] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Toute autre demande sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe ;
Infirme le jugement, en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau ;
Prononce l’annulation de la vente intervenue le 2 février 2021 selon acte reçu par Maître [Y], notaire administrateur de l’étude de Maître [C], notaire à [Localité 16] (36) entre Mme [F] [V] épouse [L], d’une part, et M. [Z] [V], d’autre part, vendeurs, et M. [A] [W], acquéreur, portant sur diverses parcelles agricoles de terres et de pré figurant au cadastre sous les références suivantes :
Commune de [Localité 8] (37) :
– Section XS n°[Cadastre 10], lieudit ‘[Adresse 19]’, d’une contenance de 6ha 79a 30ca,
– Section XS n°[Cadastre 11], lieudit ‘[Adresse 18]’, d’une contenance de 2ha 70a 90ca,
– Section XS n°[Cadastre 12], lieudit ‘[Adresse 18]’, d’une contenance de 3ha 26a 00ca,
– Section XS n°[Cadastre 13], lieudit ‘[Adresse 18]’, d’une contenance de 72a 10ca,
– Section XS n°[Cadastre 14], lieudit ‘[Adresse 18]’, d’une contenance de 64a 00ca,
Contenance totale : 14ha 12a 30ca,
– Section XS n°[Cadastre 4], lieudit ‘[Adresse 17]’, d’une contenance de 3ha 60a 00ca,
– Section XS n°[Cadastre 5], lieudit ‘[Adresse 19]’, d’une contenance de 5ha 36a 56ca,
Contenance totale 8ha 96a 56ca ;
Ordonne la publication de la présente décision au service de la publicité foncière de [Localité 21] ;
Déboute Mme [F] [V] épouse [L] et M. [Z] [V] de l’ensemble de leurs demandes ;
Déboute M. [A] [W] de l’ensemble de ses demandes ;
Condamne Mme [F] [V] épouse [L] et M. [Z] [V], in solidum, à payer à M. [U] [S] des dommages-intérêts de 1 000 euros ;
Condamne Mme [F] [V] épouse [L], M. [Z] [V] et M. [A] [W], in solidum, au paiement des dépens tant de première instance que d’appel et d’une indemnité de procédure de 4 000 euros à M. [U] [S] ;
Rejette toute autre demande.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président à la Cour d’Appel d’ORLEANS et Madame Karine DUPONT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT