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ARRÊT N°
BUL/SMG
COUR D’APPEL DE BESANÇON
ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2023
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 6 juin 2023
N° de rôle : N° RG 22/01656 – N° Portalis DBVG-V-B7G-ESCS
S/appel d’une décision
du Pole social du TJ de VESOUL
en date du 9 septembre 2022
Code affaire : 89B
A.T.M.P. : demande relative à la faute inexcusable de l’employeur
APPELANTE
S.A.S. [6], sise [Adresse 2]
représentée par Me Anne LAGARRIGUE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE, présente
INTIMES
Madame [Z] [D] veuve [M], agissant en son nom personnel et en sa qualité d’ayant droit de feu son fils [L] [M] (né le 6 mai 1992 et décédé le 22 novembre 2020) demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Sarah BECHARI, avocat au barreau de BESANCON, présente
Monsieur [X] [M] agissant en son nom personnel et en ses qualités d’ayant droit de :
– feu son frére M. [L] [M] né le 6 mai 1992 et décédé le 22 novembre 2020
– feu son pére M. [P] [M] né le 3 septembre 1932 et décédé le 19 janvier 2022
et en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur [A] [M]
demeurant [Adresse 5]
représentés par Me Sarah BECHARI, avocat au barreau de BESANCON, présente
[7], sise [Adresse 1]
représentée par Me Charline BONNOT, avocat au barreau de HAUTE-SAONE, présente
CPAM DE LA HAUTE SAONE, sise [Adresse 4]
représentée par Mme [E] [Y] présente selon pouvoir signé le 6 février 2023 par M. [S] Directeur de la CPAM de HAUTE-SAONE
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats du 6 Juin 2023 :
Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre
Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller
Mme Florence DOMENEGO, Conseiller
qui en ont délibéré,
Mme MERSON GREDLER, Greffière lors des débats
Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 12 Septembre 2023 par mise à disposition au greffe.
**************
FAITS ET PROCEDURE
Monsieur [K] [M], salarié de la SARL [6], est décédé le 8 octobre 2018 sur son lieu de travail alors qu’il évoluait sur le toit d’un hangar en réfection, suite à une chute de 8 mètres.
Par jugement aujourd’hui définitif du 24 septembre 2020 du tribunal judiciaire de Vesoul, l’employeur a été condamné pour homicide involontaire et violation des règles de sécurité.
Par courrier du 20 octobre 2021, la SARL [6] a été convoquée par la Caisse primaire d’assurance maladie de Haute-Saône (ci-après la Caisse) aux fins de participer à une réunion de conciliation, dans le cadre d’une procédure de faute inexcusable, qui a donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal de non conciliation le 12 novembre 2021.
Par requête du 16 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Vesoul a été saisi par les ayants droit de Monsieur [K] [M] aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur dirigée à l’encontre de la SAS [6] ([Adresse 2]) et l’assureur [7], ‘venant aux droits de la SARL [6]’.
Suivant jugement du 9 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Vesoul a
– dit que l’accident du travail dont M. [K] [M] a été victime le 8 octobre 2018 est dû à la faute inexcusable de la SARL [6], devenue la SAS [6], son employeur
– dit que la rente servie par la caisse primaire d’assurance maladie de Haute-Saône en application de l’article L.452-2 du code de la sécurité sociale sera majorée au montant maximum
– fixé l’indemnisation des ayants droit de M. [K] [M] comme suit :
‘ 25 000 euros pour Mme [Z] [D] (veuve)
‘ 13 000 euros pour M. [X] [M] (fils)
‘ 13 000 euros aux ayants droit de M. [L] [M] (fils, décédé peu après la victime)
‘ 1 000 euros à M. [X] [M], es qualité d’administrateur légal de son fils mineur [A] [M] (petit-fils)
‘ 15 000 euros aux ayants droit de M. [P] [M] (père)
– condamné solidairement la société SARL [6], devenue SAS [6], et son assureur, la société [7], au paiement de l’ensemble de ces sommes
– rejeté toute demande à l’encontre de M. [T] [H]
– dit que la Caisse primaire d’assurance maladie de Haute Saône assurera le paiement des indemnisations et pourra recouvrer à l’encontre de la SARL [6], devenue SAS [6] et de son assureur, la société [7], le montant de ces indemnisations ainsi que la majoration de la rente
– condamné solidairement la société SARL [6], devenue SAS [6], et son assureur, la société [7] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure
civile
– condamné in solidum la SARL [6], devenue SAS [6], et son assureur, la société [7] aux dépens
Par déclaration du 26 octobre 2022, la SAS [6], qui soutient ne pas venir aux droits de la SARL [6], a relevé appel de cette décision et aux termes de ses derniers écrits visés le 23 mai 2023 demande à la cour de :
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré
– débouter Mme [Z] [D], M. [X] [M] en son nom personnel et ès qualités de représentant légal de son fils [A], les ayants droit de M. [L] [M] et les ayants droit de M. [P] [M] de toutes leurs demandes dirigées à son encontre
– débouter la CPAM de toutes ses demandes dirigées à son encontre
– dire qu’elle doit être mise hors de cause
– condamner Mme [Z] [D], M. [X] [M] en son nom personnel et ès qualités de représentant légal de son fils [A], les ayants droit de M. [L] [M], les ayants droit de M. [P] [M] et la Société [7] au paiement de la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Par ultimes écrits visés le 22 mai 2023, Mme [Z] [D], en son nom personnel et ès qualités d’ayant droit de son fils [L] [M], et M. [X] [M], en son nom personnel et ès qualités de représentant légal de son fils mineur [A] et d’ayant droit de son frère [L] [M] et de son grand-père [P] [M], demandent à la cour de :
– confirmer le jugement déféré à l’exception des sommes allouées en réparation de leurs préjudices
– fixer l’indemnisation des préjudices d’affection comme suit :
* 30 000 € pour Mme [Z] [D] (veuve de feu [K] [M])
* 15 000€ pour M. [X] [M] (fils de feu [K] [M])
* 15 000 € pour les ayants droit de feu [L] [M] (fils de feu [K] [M])
* 7 000 € pour M. [X] [M], ès qualités de représentant légal de son fils mineur [A] [M] (petit-fils de feu [K] [M]),
* 20 000 € pour les ayants droit de feu [P] [M] (père de feu [K] [M]),
– condamner solidairement la SARL [6], devenue la SAS [6], et la société [7] à payer à Mme [Z] [D] veuve [M] et à M. [X] [M] chacun la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamner les mêmes, in solidum, aux dépens
– débouter la SAS [6] de sa demande d’indemnité de procédure
A titre subsidiaire,
– condamner la société [7] à les garantir de toute condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile qui pourrait être prononcée à leur encontre
Suivant dernières conclusions visées le 11 mai 2023, la société [7] demande à la cour de :
– infirmer le jugement déféré
– juger que la SAS [6] doit être mise hors de cause
– juger que M. [K] [M] a commis une faute, qui entraîne un partage de responsabilité à hauteur de 50%, lequel est opposable à ses ayant-droits
A titre principal,
– dire que seule Mme [Z] [D] veuve [M] a la qualité d’ayant droit
– fixer à 12 500 € la somme qu’elle devra verser à celle-ci en réparation de son préjudice moral
– dire que les autres parties ne justifient pas de leur qualité d’ayants droit au sens de la législation sociale et les débouter de leurs demandes
A titre subsidiaire, si la qualité d’ayants-droit était reconnue,
– fixer le préjudice des ayants droit ainsi qu’il suit :
* 6 500 € au titre du préjudice moral de M. [X] [M]
* 6 500€ au titre du préjudice moral de feu [L] [M]
* 7 500 € au titre du préjudice moral de feu [P] [M]
* 0 € pour [A], petit-fils du défunt
– réduire dans de notables proportions la somme allouée à la SAS [6], à Mme [Z] [M] et à M. [X] [M] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
– statuer ce que de droit sur les dépens
Par des écritures visées le 27 avril 2023, la Caisse primaire d’assurance maladie de Haute-Saône demande à la cour de lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte sur les données de l’affaire et de dire qu’elle récupèrera toutes les sommes éventuellement avancées (majoration de la rente, préjudices moraux…), auprès de l’employeur et de la société [7].
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour l’exposé des moyens des parties, à leurs conclusions susvisées, auxquelles elles se sont rapportées lors de l’audience de plaidoirie du 6 juin 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la mise hors de cause de la SAS [6]
La SAS [6] et la société [7] font valoir que l’employeur de la victime, la SARL [6], représentée par M. [T] [H], a certes cédé à la SAS [6] son fonds artisanal comprenant uniquement les éléments corporels, incorporels et les contrats en cours mais qu’elle n’en a pas repris le passif, de sorte que la SAS [6] doit être mise hors de cause.
L’appelante précise à ce titre que la société [7], assureur de la SARL [6], a pris la direction du procès et désigné elle-même un avocat, qui n’a pas contesté devant la juridiction de première instance que la SAS [6] venait aux droits de l’employeur .
Mme [Z] [D] et M. [X] [M], tant en leur nom personnel qu’ès qualités, estiment au contraire que la SAS [6] était représentée par son conseil en première instance et n’a soulevé aucune difficulté en se présentant comme venant aux droits de la SARL [6].
Ils estiment donc, sur le fondement de la théorie de l’apparence, qu’elle ne peut désormais nier sa responsabilité en la cause.
Néanmoins, les ayants droit de feu [K] [M], qui ne pouvaient ignorer que l’employeur de ce dernier était la SARL [6], laquelle avait d’ailleurs été pénalement condamnée par jugement du tribunal judiciaire de Vesoul du 24 septembre 2020, instance dans laquelle ils se sont constitués partie civile, et appelée à se présenter en vue d’une tentative de conciliation portant sur la reconnaissance de sa faute inexcusable, ne peuvent valablement se prévaloir d’une croyance légitime et commune de la qualité de la SAS [6], en tant que société venant aux droits de la précédente supposée assumer les conséquences financières d’une faute inexcusable du cédant.
En effet, il résulte des pièces communiquées que la SARL [6] a fait l’objet d’une dissolution anticipée à compter du 31 mai 2021 et d’une liquidation amiable sans disparition de la personne morale, de sorte qu’à la date du 16 novembre 2021, la requête déposée au greffe de la juridiction de première instance aurait dû viser celle-ci en qualité de partie défenderesse et en aucun cas la SAS [6].
Cette dernière apporte à cet égard la démonstration que, par procès-verbal du 20 mai 2021, la SARL [6] lui a cédé son fonds artisanal de ‘couverture, zinguerie, chauffage, sanitaire’ sis [Adresse 2] ainsi que les contrats en cours mais en aucun cas le passif de la cédante.
Or s’il est admis qu’en cas de transfert d’un contrat de travail et de reconnaissance d’une faute inexcusable, l’ancien employeur demeure responsable en l’absence d’accord concernant la substitution d’employeurs (Civ. 2ème 17 septembre 2015 n°14-24.534), la SAS [6] est d’autant moins tenue d’une quelconque obligation qu’elle n’a signé aucune convention de ce type et que le contrat de travail de feu [K] [M], rompu antérieurement à la cession du fait du décès du salarié, ne lui a pas été transféré.
Les ayants droit, auxquels il appartenait de faire les vérifications nécessaires afin de s’assurer de la qualité à défendre de la SAS [6], ne peuvent se prévaloir de leur propre carence ou encore de l’absence d’opposition exprimée en première instance par le conseil de l’assureur de la SARL [6], pour voir juger que la SAS [6] doit être condamnée solidairement à les indemniser de leur préjudice d’affection.
C’est donc à bon droit que la SAS [6] sollicite sa mise hors de cause et il sera fait droit à sa demande, après infirmation du jugement déféré en ce qu’il est entré en voie de condamnation à son encontre.
II – Sur le partage de responsabilité à raison de la faute de la victime
Les premiers juges ont retenu en l’espèce que la faute inexcusable de l’employeur de feu [K] [M] était avérée, dès lors que les dispositifs de sécurité mis à disposition par la société étaient soit inexistants soit non conformes soit inadaptés au risque de chute.
Ils ont en outre relevé que la victime n’étant pas chef d’équipe contrairement aux affirmations contraires des parties, elle n’a commis aucune faute justifiant un partage de responsabilité, rappelant que l’employeur a été pénalement sanctionné pour violation des règles de sécurité et homicide involontaire.
La société [7], si elle ne remet pas en cause la faute de l’employeur, fait grief aux premiers juges d’avoir ainsi statué et soutient au contraire qu’en tant que chef d’équipe salarié depuis 33 ans dans l’entreprise, la victime aurait dû utiliser le harnais et le filet de sécurité mis à sa disposition par l’employeur et retrouvés dans la camionnette pour évoluer en hauteur et qu’en s’abstenant de le faire, il a commis une faute atténuant la responsabilité de son assurée.
Les ayants droit affirment pour leur part que feu [K] [M] n’était pas chef d’équipe, que les équipements à disposition étaient périmés depuis 7 ans, qu’aucune formation à la sécurité n’avait été dispensée et qu’aucune protection collective en sous face du toit n’était installée.
En application de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident du travail est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.
Il est de jurisprudence constante que le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
En application de l’article L.4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, lesquelles mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’article L.4121-2 précise que l’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L.4121-1 en particulier sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités et combattre les risques à la source.
S’il incombe au salarié ou à ses ayants droit de démontrer que l’employeur avait conscience du danger auquel il était exposé et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires afin de l’en préserver, la cour relève qu’à hauteur de cour la faute inexcusable de l’employeur n’est pas remise en cause et est d’ailleurs mise en exergue de façon éloquente par les éléments communiqués en particulier le rapport de l’inspection du travail (pièce n°15), son assureur ne critiquant le jugement entrepris qu’en ce qu’il a rejeté le partage de responsabilité qu’il entend voir fixer à hauteur de 50% en raison de la faute de la victime.
Selon l’article L.453-1 alinéa 1er du code de la sécurité sociale invoqué par l’assureur, ‘Ne donne lieu à aucune prestation ou indemnité, en vertu du présent livre, l’accident résultant de la faute intentionnelle de la victime. Celle-ci peut éventuellement prétendre à la prise en charge de ses frais de santé prévue au titre VI du livre Ier, sous réserve des dispositions de l’article L. 375-1″.
A cet égard, feu [K] [M], si ce n’est l’usage impropre par le collègue de la victime, M. [N] [M] dans son audition par les services de gendarmerie le 7 novembre 2018 de la qualité de ‘chef d’équipe’ au seul motif qu’il était le plus ancien salarié de l’entreprise, n’a jamais exercé cette fonction, comme en attestent son certificat de travail du 8 octobre 2018 et son bulletin de salaire de septembre 2018 mentionnant un emploi/statut professionnel d’ouvrier de niveau III position 2 coefficient 230, alors que selon l’article 12.2 de la convention collective du bâtiment applicable aux entreprises de plus de 10 salariés, un chef d’équipe bénéficie du niveau IV.
Dans ces conditions, nonobstant l’ancienneté de la victime au sein de l’entreprise, c’est à tort que la société [7] prétend qu’il lui incombait de s’assurer de l’usage des équipements de sécurité par lui-même et ses collègues alors qu’il incombe au contraire à l’employeur de s’assurer que des équipements adaptés sont mis à la disposition de ses salariés, que ces derniers les utilisent de façon effective et qu’ils sont formés à la prévention des risques auxquels ils sont exposés. Tel n’était manifestement pas le cas en l’espèce d’après les résultats de l’enquête pénale et de la DIRRECTE ainsi que les déclarations des collègues de feu [K] [M] selon lesquels le filet de nappe, censé éviter la chute d’un homme évoluant sur un toit, était rarement mis en place car contraignant, de même que les harnais de sécurité, dont l’enquête effectuée a mis en évidence qu’ils étaient périmés depuis plusieurs années.
C’est donc avec raison que les premiers juges ont écarté tout partage de responsabilité.
III – Sur la qualité d’ayant-droits et la liquidation du préjudice d’affection
La société [7] prétend que seule Mme [Z] [D], en qualité de veuve, a qualité d’ayant droit au regard des dispositions des articles L.434-7 à 14 du code de la sécurité sociale.
Elle estime au surplus que l’enfant [A] né 7 mois après le décès de son grand père n’a pas de préjudice d’affection.
La SAS [6] et la société [7] considèrent enfin que le lien de famille de M. [P] [M], de M. [X] [M] et de M. [L] [M] avec la victime n’est pas justifié.
En premier lieu c’est à tort que l’assureur se prévaut des articles L.434-7 à 14 précités, qui ne traitent que des ayants droit éligibles à la rente viagère servie en cas d’accident du travail suivi de mort, pour priver les autres ayants droit de la victime de leur droit à réparation de leur préjudice d’affection.
En vertu des dispositions de l’article L.452-3, alinéa 2 du code de la sécurité sociale, la faute inexcusable de l’employeur ayant entraîné le décès du salarié ouvre en effet aux ayants droit de la victime ‘mentionnés aux articles L.434-7 et suivants ainsi qu’aux ascendants et descendants qui n’ont pas droit à une rente en vertu de ces articles’ le bénéfice de la réparation de leur préjudice moral.
Il en résulte que les préjudices d’affection de Mme [Z] [D], veuve de la victime, de M. [X] [M], son fils, de M. [P] [M], son père et de M. [L] [M], son fils, tous deux décédés postérieurement à la victime, sont indemnisables.
De même, le jeune [A] [M] conçu à la date du décès de son grand-père et né postérieurement, est légitime à solliciter par la voie de son représentant légal, M. [X] [M], son préjudice d’affection consistant à avoir été privé d’un grand-père âgé de 56 ans au jour de l’accident mortel (Civ 2ème 14 décembre 2017 n°16-26-687).
Contrairement aux allégations de l’appelante et de l’assureur de l’employeur, il est communiqué aux débats les éléments d’état civil propres à établir le lien familial unissant les intéressés à la victime.
Le préjudice d’affection est le préjudice moral subi par les proches à la suite du décès de la victime directe de l’accident du travail, lequel est d’autant plus important qu’il existait une communauté de vie avec la victime.
S’agissant du conjoint survivant, il indemnise la douleur d’avoir perdu son compagnon de vie mais encore le préjudice résultant de l’atteinte à son intégrité psychique, consécutive à l’accident (Civ. 2ème 23 mars 2017, n° 16-13.350).
Au cas particulier, feu [K] [M] est brutalement décédé à l’âge de 56 ans, après une vie commune d’environ 30 ans avec son épouse, ayant donné lieu à la naissance de deux enfants, laissant seule son épouse, qui aurait pu espérer vivre avec celui-ci de nombreuses années encore.
Les circonstances du décès et la situation personnelle de l’épouse justifient l’indemnisation du préjudice de celle-ci par l’allocation d’une somme de 25 000 euros.
C’est encore par une exacte appréciation des faits de la cause que les premiers juges ont fixé le préjudice d’affection des deux fils de la victime à la somme de 13 000 euros, celui de son père à 15 000 euros et enfin celui du petit-enfant à naître à la somme de 1 000 euros.
Le jugement déféré mérite par conséquent confirmation de ces chefs, sauf à en modifier la formulation dans les termes du dispositif ci-après.
VI- Sur les demandes accessoires
L’appelante, qui avait été régulièrement convoquée par le greffe de première instance à son adresse [Adresse 2], n’a pas fait valoir devant les premiers juges les moyens qui lui auraient permis d’être mise hors de cause, de sorte qu’elle sera déboutée de sa demande d’indemnité de procédure d’appel formée à l’encontre de Mme [Z] [D] et de M. [X] [M].
La société [7], ès qualités d’assureur de la SARL [6], sera condamnée à verser à Mme [Z] [D] et à M. [X] [M] chacun la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.
La société [7], ès qualités d’assureur de la SARL [6], supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il est entré en voie de condamnation à l’encontre de la SAS [6].
Statuant à nouveau de ce chef,
MET hors de cause la SAS [6].
CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à dire que seule la société [7], ès qualités d’assureur de la SARL [6], est condamnée aux sommes, frais irrépétibles et dépens et à fixer comme suit la liquidation du préjudice d’affection des ayants droit de la victime :
‘ 25 000 euros pour Mme [Z] [D] (veuve)
‘ 13 000 euros pour M. [X] [M] (fils)
‘ 13 000 euros pour M. [L] [M] (fils, décédé peu postérieurement à la victime)
‘ 1 000 euros pour l’enfant [A] [M] (petit-fils de la victime), pris en la personne de M. [X] [M], son représentant légal
‘ 15 000 euros pour M. [P] [M] (père, décédé postérieurement à la victime)
Y ajoutant,
DEBOUTE la SAS [6] de sa demande au titre des frais irrépétibles.
CONDAMNE la société [7], ès qualités d’assureur de la SARL [6], à verser à Mme [Z] [D] et à M. [X] [M] chacun la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.
CONDAMNE la société [7], ès qualités d’assureur de la SARL [6], aux dépens d’appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le douze septembre deux mille vingt trois et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,