Tentative de conciliation : 15 septembre 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/02679

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Tentative de conciliation : 15 septembre 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/02679
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15/09/2023

ARRÊT N°23/347

N° RG 22/02679 – N° Portalis DBVI-V-B7G-O4ZI

CB/AR

Décision déférée du 14 Août 2020 – Pole social du TJ de CAHORS (16/00218)

POLE SOCIAL DE CAHORS – M.[B]

S.A.S. [9]

C/

[P] [E]

CPAM DU LOT

CONFIRMATION PARTIELLE

grosse délivrée le 15 9 23

Me Claire MANGHOLZ Me Laurence DUPUY-JAUVERT

CPAM / LRAR

CCC / LRAR à

S.A.S. [9]

Monsieur [P] [E]

1CCC DRASS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2 – Chambre sociale

***

ARRÊT DU QUINZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

S.A.S. [9]

prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 5]

représentée par Me Florence MILAN de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE substituée par Me Claire MANGHOLZ, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [P] [E]

[Adresse 8]

[Localité 4]

représenté par Me Laurence DUPUY-JAUVERT, avocat au barreau de TOULOUSE

CPAM DU LOT

Service Contentieux

[Adresse 1]

[Localité 3]

partie non comparante, dispensée en application des dispositions de l’article 946 alinéa 2 du code de procédure civile, d’être représentée à l’audience

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945.1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Juin 2023, en audience publique, devant C. BRISSET, présidente chargée d’instruire l’affaire, les parties ne s’y étant pas opposées. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

C. BRISSET, présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

E.BILLOT, Vice-Présidente Placée

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre.

RG 22/02679 SAS [9]

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [P] [E] a été embauché selon un contrat de travail à durée indéterminée du 15 septembre 1975 par la SAS [9] en qualité d’ajusteur, puis technicien d’essai.

Le 12 mars 2013, M. [E] a été victime d’un accident sur son lieu de travail consécutif à la manipulation d’une bonbonne sous pression sur un banc d’essai, provoquant une fracture ouverte P1 annulaire droit.

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Lot (CPAM) a pris en charge l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels par décision du 27 mars 2013 et a déclaré l’état de santé de M. [E] consolidé au 17 août 2014.

Le 25 septembre 2014, la CPAM a notifié à M. [E] un taux d’incapacité permanente de 5% avec attribution d’une indemnité en capital.

M. [E] a contesté cette décision devant le tribunal du contentieux de l’incapacité de Toulouse qui a fixé le taux à 11% dont 3% d’incidence professionnelle par jugement du 2 juin 2015. Ce jugement a été réformé par la CNITAT qui, sur appel de la CPAM, a réduit le taux à 5% par arrêt du 21 janvier 2021.

En parallèle, M. [E] ayant été déclaré inapte à tout poste au sein de l’établissement, la société [9] a procédé à son licenciement pour inaptitude selon lettre du 20 avril 2015.

Par jugement du 22 décembre 2017, le conseil de prud’hommes de Cahors a déclaré le licenciement régulier et bien fondé mais a condamné l’employeur à verser à M. [E] un complément d’indemnité de licenciement de 41 645,87 euros eu égard à l’origine professionnelle de l’inaptitude.

Par un arrêt du 10 septembre 2019, la cour d’appel d’Agen a confirmé ce jugement.

Le 22 décembre 2015, M. [E] a saisi la CPAM du Lot aux fins de constater la faute inexcusable de son employeur à l’origine de son accident.

Après échec d’une tentative de conciliation constatée par procès verbal du 16 février 2016, M. [E] a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Lot (TASS) le 27 juillet 2016 en reconnaissance de faute inexcusable.

Par jugement en date du 14 août 2020, le tribunal judiciaire de Cahors, pôle social, a :

– jugé que l’accident est imputable à la faute inexcusable de l’employeur,

– ordonné la majoration de la rente au taux maximal en fonction du taux d’IPP qui sera définitivement retenu,

– rejeté la demande de l’employeur de limiter l’opposabilité du taux d’IPP au taux de 5% initialement retenu par la caisse,

– alloué à M. [E] la somme de 2 500 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices.

Avant dire droit:

– ordonné une expertise médicale pour déterminer les préjudices subis,

– désigné pour ce faire le docteur [O] [N] chirurgien, expert en chirurgie orthopédique et traumatologique – Centre hospitalier de [Localité 6] – [Adresse 2] – [Courriel 7], avec pour mission de :

– entendre contradictoirement les parties et leurs conseils dans le respect des règles de déontologie médicale ou relatives au secret professionnel,

– recueillir les renseignements nécessaires sur l’identité de la victime et sa situation familiale, son niveau d’études ou de formation, sa situation professionnelle antérieure et postérieure à l’accident, les conditions de son activité professionnelle, son statut exact, son mode de vie antérieure à l’accident et sa situation actuelle,

– se faire communiquer par la victime tous documents médicaux la concernant notamment ceux consécutifs à l’accident du 12 mars 2013 et à son état de santé antérieur,

– à partir des déclarations de la victime et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d’hospitalisation et, pour chaque période d’hospitalisation, la nature et le nom de l’établissement, le ou les services concernés et la nature des soins,

– décrire un éventuel état antérieur en interrogeant la victime et en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles,

– procéder dans le respect du contradictoire à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,

– décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l’autonomie et, lorsque la nécessité d’une aide temporaire est alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nécessité et son imputabilité ; indiquer si des dépenses liées à la réduction de l’autonomie sont justifiées, si le logement ou le véhicule de la victime ont nécessité une adaptation et si l’assistance constante ou occasionnelle d’une tierce personne (étrangère ou non à la famille) a été nécessaire avant la consolidation,

– déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine et directe avec les lésions occasionnées par l’accident, la victime a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou habituelles ; si l’incapacité fonctionnelle n’a été que partielle, en préciser le taux,

– lorsque la victime allègue une répercussion dans l’exercice de ses activités professionnelles, recueillir les doléances et les analyser,

– dégager, en les spécifiant, les éléments propres à justifier une indemnisation au titre des souffrances physiques et morales endurées résultant des lésions, de leur traitement, de leur évolution et des séquelles de l’accident, en distinguant avant et après la consolidation, en évaluant ces préjudices selon l’échelle de 7 degrés,

– déterminer, dans les mêmes conditions les éléments constitutifs d’un préjudice esthétique tant avant qu’après consolidation; l’évaluer selon l’échelle de sept degrés,

– lorsque la victime allègue l’impossibilité de se livrer à des activités spécifiques sportives ou de loisir, donner un avis médical sur cette impossibilité en distinguant avant et après la consolidation et son caractère définitif, en donnant les éléments propres à constituer ce chef de préjudice, sans prendre position sur l’existence ou non d’un préjudice afférent à cette allégation,

– dire s’il existe un préjudice sexuel ; le décrire en précisant s’il recouvre l’un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l’acte sexuel proprement dit (impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction),

– dire si des soins postérieurs à la consolidation seront nécessaires ; dans l’affirmative en indiquer la nature, la quantité, la nécessité éventuelle de leur renouvellement et sa périodicité (frais occasionnels ou frais viagers),

– dire si l’état de la victime semble susceptible d’aggravation ou d’amélioration, dans le cas où un nouvel examen lui paraîtrait nécessaire, indiquer le délai dans lequel il devra y être procédé,

– dire s’il existe sur le plan médical un préjudice exceptionnel, lequel est défini comme un préjudice atypique directement lié aux séquelles de l’accident dont reste atteint M. [E],

– établir un état récapitulatif de l’ensemble des postes énumérés dans la mission,

– dit que l’expert désigné pourra, en cas de besoin, s’adjoindre le concours de tout spécialiste de son choix, dans un domaine distinct du sien, après en avoir simplement avisé les conseils des parties et le magistrat chargé du contrôle des expertises,

– dit que l’expert adressera un pré rapport aux conseils des parties qui, dans les quatre semaines de la réception, lui feront connaître leurs observations auxquelles il devra répondre dans son rapport définitif,

– dit que l’expert devra déposer son rapport au greffe du tribunal dans les quatre mois à compter de l’acceptation de sa mission, sauf prorogation dûment sollicitée auprès du président du pôle social du tribunal judiciaire de Cahors, et en adresser une copie aux conseils des parties,

– dit que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Lot fera l’avance des frais d’expertise,

– dit que l’expert devra accompagner le dépôt de son rapport de sa demande de rémunération dont il devra adresser un exemplaire aux parties par tout moyen permettant d’en établir la réception,

– dit qu’en cas d’empêchement, l’expert sera remplacé par ordonnance sur requête du président de ce tribunal,

– réservé les demandes de la société [9] sur l’indemnisation des préjudices,

– condamné la société [9] aux entiers dépens,

– condamné la société [9] à verser 2 500 euros à M. [E] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 17 septembre 2020, la société [9] a interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision et intimant M. [E] ainsi que la CPAM du Lot.

Par arrêt du 17 juin 2022, la cour d’appel de Toulouse a ordonné la radiation de l’affaire et son retrait du rang des affaires en cours. L’affaire a été réinscrite après dépôt de nouvelles écritures à cette fin.

Dans ses dernières écritures, visées au greffe le 15 juin 2023, au soutien de ses observations orales, la société [9] demande à la cour de :

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :

– jugé que l’accident de travail du 12 mars 2013 de M. [P] [E] est imputable à une faute inexcusable de la SAS [9],

– ordonné en conséquence la majoration au taux maximal des indemnités qui seront servies à l’assuré, soit en capital, soit sous la forme d’une rente, en fonction du taux d’IPP qui sera définitivement retenu et dit que ce montant sera avancé par la Caisse primaire d’assurance maladie du Lot à charge de recours pour elle à l’encontre de l’employeur, la société [9],

– rejeté la demande de la société [9] de limiter à son égard l’opposabilité du taux d’IPP au taux de 5% initialement retenu par la CPAM,

– alloué à M. [E] la somme de 2 500 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices et dit que cette somme sera avancée par la Caisse primaire d’assurance maladie du Lot à charge de recours pour elle à l’encontre de l’employeur,

– réservé les demandes de M. [E] sur l’indemnisation des préjudices,

– condamné la société [9] aux entiers dépens,

– condamné la société [9] à verser 2 500 euros à M. [E] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné une expertise judiciaire pour déterminer les préjudices subis par M. [E].

A titre principal:

dire et juger que la société [9] n’a pas commis de faute inexcusable à l’origine de l’accident litigieux,

débouter en conséquence M. [E] de l’ensemble de ses demandes,

condamner M. [E] en paiement d’une indemnité de 1 500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

A titre subsidiaire:

juger que le montant de la majoration auquel peut prétendre M. [E] en application de l’article L452 2 du code de la sécurité sociale, ne peut dépasser le montant de l’indemnité en capitale qu’il lui a été versée au titre de son taux d’IPP de 5%,

– débouter M. [E] de sa demande d’expertise relative au préjudice d’agrément et au préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle,

– débouter M. [E] de sa demande de provision.

Elle soutient que la preuve n’est pas rapportée par le salarié d’une faute inexcusable alors qu’il disposait d’une grande expérience et avait bénéficié de formations. Elle ajoute que si un doute existe sur certaines caractéristiques techniques, les circonstances de l’accident sont indéterminées, ce qui est exclusif d’une faute inexcusable de sa part. Subsidiairement, elle discute la mission d’expertise et considère qu’à défaut pour le salarié de démontrer l’existence de préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, la mission ne peut porter sur ces éléments. Elle ajoute que seul le taux de 5% lui est opposable au titre de la rente.

Par conclusions visées au greffe le 2 juin 2023, au soutien de ses observations orales, auxquelles il est expressément fait référence, M. [E] demande à la cour de :

– infirmer le jugement du tribunal judiciaire pôle social du 14 août 2020 en ce qu’il a alloué à M. [P] [E] une provision de 2 500 euros.

Statuant à nouveau et y ajoutant:

– allouer à M. [E] une provision de 10 000 euros à valoir sur son préjudice,

– confirmer pour le surplus,

– condamner la SAS [9] à payer à M. [E] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société [9] aux entiers dépens.

Il soutient que la faute inexcusable est établie et s’explique sur les documents qu’il utilisait pour réaliser son essai. Il ajoute que ce n’est qu’après l’accident que l’employeur a mis en place des mesures de sécurité.

Dans ses dernières écritures, visées au greffe le 12 juin 2023, la CPAM du Lot demande à la cour de :

– Trancher le litige concernant la faute inexcusable ;

– Le cas échéant, confirmer la décision du tribunal judiciaire quant aux conséquences qui découleraient de cette reconnaissance.

Elle indique s’en remettre à justice.

La CPAM a demandé par courrier séparé à être dispensée de comparution. Il y a été fait droit.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La faute inexcusable telle qu’elle résulte des dispositions de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale qui découle de l’obligation de sécurité à laquelle l’employeur est tenu est caractérisée lorsque celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

C’est, sauf présomption particulière inapplicable dans le présent litige, sur la personne qui revendique la qualification de faute inexcusable que repose la charge de la preuve.

En l’espèce, il est constant que l’accident du 12 mars 2013 s’est produit alors que M. [E] procédait aux tests du dispositif d’ouverture de secours du vérin amortisseur des portes d’avions A 350. Plus précisément alors que la procédure prévoit 200 tests par quatre séries de 50 tests chacune, il entamait la dernière série de tests. Ce dispositif est destiné à faciliter l’ouverture de la porte de l’aéronef en cas d’urgence par la percussion d’une bouteille d’azote sous pression devant actionner le piston. L’essai portait ainsi sur l’endurance du système de percussion. Les blessures subies par M. [E] et caractérisées par une fracture ouverte de la phalange d’un doigt ont été la conséquence de l’éjection de la bouteille d’azote laquelle a été percutée par l’aiguille alors que M. [E] la replaçait.

De tels essais supposant l’usage d’une bouteille d’azote sous pression pour actionner un vérin et ce dans une procédure de tests exposaient bien le salarié à un danger dont l’employeur avait conscience. Outre que la manipulation d’une bouteille d’azote sous pression à 210 bars dans le cadre de procédures destinées à s’assurer de la performance d’un système emporte en soi un risque, il résulte des déclarations du représentant de l’employeur lors du CHSCT du 18 mars 2013 qu’il avait bien conscience de l’existence du danger et que la cour constate en toute hypothèse à la seule lecture de ses déclarations qu’il ne pouvait l’ignorer.

La question est donc de savoir si l’employeur, conscient de ce risque, avait pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié. Les parties s’opposent sur la documentation qui lui avait été remise. Cependant, au titre des éléments constants, la cour constate tout d’abord qu’une partie de cette documentation était exclusivement en anglais. Or, il apparaît que le salarié ne maîtrisait pas cette langue. Ceci procède à la fois des attestations qu’il produit en ce sens et des éléments qu’il a transmis à l’employeur lors de la recherche de reclassement. Pour s’opposer à cette constatation, l’employeur s’appuie uniquement sur la fiche de poste certes visée par M. [E] et mentionnant au titre des connaissances requises l’anglais technique lu et parlé. Toutefois, cette fiche visée en février 2007 visait des connaissances requises de manière générale mais ne donnait aucun élément concret sur le niveau réel du salarié, embauché en 1975 avec un BEP de mécanicien monteur et dont la fiche de formations suivies depuis 2001 n’en mentionne aucune en langue étrangère. Dès lors, le seul fait que M. [E] ait pratiqué habituellement les essais avec une documentation en langue anglaise est insuffisant à caractériser sa véritable compréhension de la langue, ce dont l’employeur aurait dû s’assurer véritablement et autrement que par le seul émargement de la fiche de poste décrite ci-dessus.

Mais en toute hypothèse, la difficulté à laquelle M. [E] a indiqué s’être trouvé confronté à savoir la déformation du levier permettant de déclencher les percussions d’essai, ne figurait pas dans les documents techniques tels que remis, traduits, à la cour.

Et surtout, il résulte des déclarations du représentant de l’employeur devant le CHSCT du 18 mars 2015 (pièce 5 de l’appelante) et du résumé des actions mises en place après l’accident (pièce 29 de l’intimé) que toutes les mesures n’avaient pas été prises avant l’accident pour préserver la santé du salarié.

Ainsi, alors même que si on suit l’employeur dans son argumentation c’est uniquement dans le cours de l’instance en reconnaissance de faute inexcusable qu’il lui aurait été invoqué une mauvaise connaissance de l’anglais par le salarié et que l’employeur persiste à soutenir que sa connaissance était suffisante, il résulte de la pièce 29 que dès le 11 avril 2013 et pour la reprise de l’endurance percussion, la documentation technique avait été mise à jour avec les paragraphes liés à la sécurité rédigés en français. De même, il était mentionné la création d’un document en français pour les procédures avec bouteille rechargeable et la création d’une liste d’actions avec les opérations pas-à-pas à mener pour le test d’endurance de percussion. Enfin, il était créé deux outillages spécifiques dont un était destiné à limiter la course du percuteur.

Lors de la réunion du CHSCT, le représentant de l’employeur avait fait valoir que l’équipement allait être modifié pour que le déclenchement se fasse avec la main à l’extérieur et non à l’intérieur du banc et qu’il était envisagé un équipement moulé venant empêcher le mouvement de levier pour constituer une double sécurité.

De ces simples constatations, il résulte que les mesures nécessaires pour préserver le salarié du risque auquel il était exposé n’avaient pas été prises antérieurement à l’accident au regard du nombre de mesures à prendre immédiatement après l’accident, lesquelles ne s’analysaient pas comme un simple supplément de sécurité face à un événement imprévu mais bien comme des mesures relevant de l’obligation de sécurité de l’employeur. La remise de documents sur la sécurité comme l’équipement complémentaire sur le banc d’essai étaient largement anticipables. Les circonstances de l’accident, exactement décrites par l’employeur lors du CHSCT, sont par ailleurs exclusives de circonstances indéterminées.

Il est dans ces conditions établi l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur. Celui-ci invoque les erreurs qui ont été celles du salarié lors de la phase d’essai et les récapitule dans sa pièce 5 bis. Cependant, il convient de rappeler qu’il est indifférent que la faute inexcusable de l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident et il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée alors même que d’autres fautes comprenant celle du salarié ont pu concourir au dommage. Seule la faute inexcusable du salarié, c’est-à-dire celle d’une exceptionnelle gravité l’exposant sans raison valable à un danger dont il aurait dû avoir conscience, peut être exonératoire par application de l’article L.453-1 du code de la sécurité sociale. L’employeur ne soutient pas une telle faute inexcusable et le récapitulatif qu’il présente ne revêt en aucun cas une telle qualification puisqu’il s’agit tout au plus d’erreurs commises par le salarié en face d’une situation imprévue, erreurs qu’in fine l’employeur qualifie lui-même d’inattention, c’est-à-dire précisément ce qui rend nécessaire des mesures de sécurité, insuffisantes en l’espèce.

En conséquence, c’est pour le surplus par des motifs pertinents que les premiers juges ont retenu que la faute inexcusable de l’employeur était établie. Il y a donc lieu à confirmation de ce chef.

Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a ordonné la majoration à son taux maximal de la rente ou de l’indemnité en capital. La question du taux d’IPP opposable à l’employeur est désormais sans portée puisque par arrêt du 21 janvier 2021 de la CNITAT ce taux a été fixé à 5% à la date de consolidation. Or, ce taux est celui dont l’employeur admet, dans le cadre de son subsidiaire, qu’il lui est opposable. Le jugement sera infirmé en ce qu’il a rejeté la demande tendant à limiter à 5% l’opposabilité du taux puisqu’il s’agit désormais du taux unique.

C’est également à bon droit que les premiers juges ont ordonné une expertise médicale pour quantifier les préjudices subis par M. [E]. C’est à tort que l’employeur critique la mission confiée à l’expert alors que s’il est exact que l’énoncé des postes pouvant être indemnisés est insuffisant pour démontrer leur existence, il n’en demeure pas moins qu’il est statué de ce chef avant dire droit et que l’expert a uniquement pour mission d’apporter des éléments médicaux. En particulier sur le préjudice d’agrément, les réponses de l’expert ne modifieront en rien le régime probatoire quant à l’existence d’un tel préjudice, seul étant demandé à l’expert son avis médical sur l’impossibilité qui serait alléguée de se livrer à certaines activités dont la réalité devra toujours être démontrée. De même sur l’indemnisation des souffrances physiques et morales subies après consolidation, l’employeur ne saurait se prévaloir d’un état du droit antérieur. Les autres observations de l’appelante sur la mission de l’expert tiennent en réalité à l’indemnisation du préjudice et sont donc prématurées puisqu’il est statué avant dire droit de ce chef.

C’est enfin à tort que M. [E] sollicite une majoration de la provision qui lui a été allouée alors qu’il ne donne pas d’élément permettant de majorer la somme de 2 500 euros qui lui a été allouée.

Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions comprenant le sort des frais et dépens en première instance.

L’appel étant mal fondé, la société [9] sera condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ainsi qu’aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Cahors du 14 août 2020 sauf en ce qu’il a rejeté la demande tendant à voir limiter à 5% le taux d’IPP opposable à l’employeur,

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Constate que le taux d’IPP a été définitivement fixé par la CNITAT à 5%,

Y ajoutant,

Condamne la SAS [9] à payer à payer à M. [E] la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS [9] aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Arielle RAVEANE Catherine BRISSET

 


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