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ARRÊT DU
20 Septembre 2023
AB/CTE
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N° RG 22/00516
N° Portalis DBVO-V-B7G -DAJD
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SA SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE
C/
[O] [T] [C]
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 370-23
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
SA SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
RCS de NANTERRE N° 341 785 632
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Irène ALEXOPOULOS, SARL ALEXOPOULOS, avocate postulante au barreau du LOT
et Me Xavier PERINNE, CABINET AFFINA LEGAL (AARPI), substitué à l’audience par Me Vincent BOURGOIN, avocat plaidant au barreau de PARIS
APPELANTE d’un jugement du Tribunal Judiciaire de CAHORS en date du 27 Mai 2022, RG 21/00141
D’une part,
ET :
Madame [O] [T] [C]
née le 03 juillet 1938 à [Localité 7] (75)
de nationalité française
domiciliée : [Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Guy NARRAN, membre de la SELARL GUY NARRAN, avocat postulant au barreau d’AGEN
et Me Christian CHARRIERE-BOURNAZEL, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉE
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 14 juin 2023 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre, qui a fait un rapport oral à l’audience
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Jean-Yves SEGONNES, Conseiller
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
‘ ‘
‘
EXPOSÉ DU LITIGE
Vu l’appel interjeté le 24 juin 2022 par la SA SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE à l’encontre d’un jugement du tribunal judiciaire de CAHORS en date du 27 mai 2022, signifié le 14 juin 2022.
Vu les conclusions de la SA SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE en date du 17 mai 2023.
Vu les conclusions de Mme [O] [C] en date du 30 mai 2023.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 24 mai 2023 fixant l’audience de plaidoirie au 14 juin 2023.
——————————————
Madame [O] [C] née le 3 juillet 1938 a épousé le 18 août 1978,
[K] [D] né le 25 mars 1923. Aucun enfant n’est né de cette union.
Par acte du 15 octobre 1981, [K] [D] a fait donation à son épouse de la propriété de l’universalité des biens composant sa succession à défaut d’enfant ou de descendant.
Par jugement en date du 30 mai 1989, le tribunal de grande instance de VERSAILLES a homologué le changement de régime matrimonial des époux qui ont opté pour le régime matrimonial de la communauté universelle.
Le 23 décembre 1994, [K] [D], âgé de 71 ans, a souscrit une assurance vie ING CROISSANCE auprès des Assurances du Griffon, associées avec la Société ING BOURSE aux droits de laquelle vient la société SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE, par l’intermédiaire de Monsieur [S] [W], courtier en assurance et a versé la somme de 50.000,00 francs.
[K] [D] est décédé le 2 mai 2011 laissant pour lui succéder sa seule veuve Mme [C].
Par lettres des 16 août et 19 septembre 2016, Mme [C] a demandé à la société SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE le rachat du contrat susvisé. Par lettre du 21 septembre 2016, la société UBS France établissement de gestion de fortune a accusé réception de cette demande.
Par lettre du 9 juin 2017, la société refuse le rachat au motif que Mme [C] est désignée en tant qu’assurée au contrat et non en tant que bénéficiaire.
Mme [C] a saisi le médiateur proposé par la société qui lui a répondu le 14 septembre 2018 que sa réclamation était infondée, le décès de l’assuré soit celui de Mme [C] et non celui du souscripteur devant permettre le versement du capital au bénéficiaire désigné.
Par acte d’huissier du 15 octobre 2019, Mme [C] a assigné SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE et M. [W] devant le tribunal de grande instance de PARIS en paiement de la prime d’assurance vie à concurrence de 19.033,78 euros outre dommages et intérêts à concurrence de 50.000,00 euros. Par ordonnance en date du 21 janvier 2021 le juge de la mise en état s’est déclaré incompétent au profit de celui de [Localité 5].
Par jugement réputé contradictoire en date du 27 mai 2022, le tribunal judiciaire de CAHORS a :
– déclaré le jugement opposable à M. [W] ;
– jugé que Mme [C] veuve [D] a qualité pour agir et que son action en paiement de l’épargne due et son action en responsabilité dirigée à l’encontre de la SA SWISSLIFE Assurance et Patrimoine ne sont pas prescrites ;
– condamné la SA SWISSLIFE Assurance et Patrimoine à payer à
Mme [C] veuve [D] la somme de 19 033,78 euros au titre du capital du contrat d’assurance vie souscrit le 23 décembre 1994, avec intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2016 ;
– dit que les intérêts des sommes dues seront capitalisés par périodes annuelles conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;
– condamné la S.A. SWISSLIFE à payer à Mme [C] veuve [D] la somme de 7 000,00 euros à titre de dommages et intérêts ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement ;
– condamné la SA SWISSLIFE Assurance et Patrimoine à payer à
Mme [C] veuve [D] la somme de 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SA SWISSLIFE Assurance et Patrimoine aux entiers dépens de l’instance comprenant ceux de la procédure devant le tribunal judiciaire de Paris.
Tous les chefs du jugement sont expressément critiqués dans la déclaration d’appel à l’exception de celui ayant déclaré le jugement opposable à M. [W].
La SA SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE demande à la cour :
– à titre principal, infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
– déclarer irrecevable car prescrites les demandes de Mme [C] veuve [D] en règlement du bénéfice du contrat et en dommages-intérêts, Mme [D] n’ayant en outre pas qualité à agir en règlement du bénéfice en tant qu’assurée du contrat et l’en débouter,
– déclarer en toute hypothèse mal fondées les demandes de Mme [C] veuve [D] en règlement du bénéfice du contrat et en dommages-intérêts et l’en débouter,
– à titre subsidiaire, infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la S.A. SWISSLIFE Assurance et Patrimoine à payer à Mme [C] veuve [D] les sommes de :
2 mai 2011 soit 16.747,58 euros,
– en tout état de cause condamner Mme [C] veuve [D] à payer à SWISSLIFE Assurance et Patrimoine la somme de 896,08 euros à titre de dommages-intérêts,
– déclarer Mme [C] veuve [D] irrecevable et mal fondée en son appel incident et l’en débouter intégralement,
– débouter Mme [C] veuve [D] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner Mme [C] veuve [D] au paiement de la somme de
5.000 euros à SWISSLIFE Assurance et Patrimoine au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction au profit de
Maître Irène Alexopoulos.
Elle fait valoir que :
– sous prétexte d’interprétation le premier juge a modifié les parties au contrat, Mme [C] étant expressément désignée en qualité d’assurée et non de bénéficiaire, lequel est tiers au contrat.
– l’action de Mme [C] est prescrite : que l’on prenne le jour de la conclusion du contrat 23 décembre 1994 ou celui du décès de [K] [D] le
2 mai 2011, l’action introduite le 15 octobre 2019 est tardive quel que soit le délai applicable de 2 ou 5 ans.
– le contrat est toujours en cours et Mme [C] assurée -qualité qui lui est reconnue dans les précédentes instances- n’a pas qualité pour demander le bénéfice du contrat ; l’erreur avancée est sans emport sur la validité du contrat, et les parties au contrat n’ont pas réagi alors qu’elles avaient connaissance du contrat dès le
23 avril 1996.
– l’existence d’une communauté universelle entre époux est sans emport, les primes versées n’entrent pas dans le patrimoine du souscripteur et le contrat n’est pas dénoué
– le contrat n’est pas dénoué l’assuré étant toujours en vie.
– à titre subsidiaire, le montant réclamé doit être celui dû au 2 mai 2011, jour du décès de [K] [D]
– elle n’a commis aucune faute, n’étant pas tenue d’un devoir de conseil qui repose sur le seul courtier, et ne commet aucune faute en exécutant le contrat en cours.
– la saisie exécutée par Mme [C] est abusive.
Mme [C] veuve [D] demande à la cour de :
– confirmer partiellement le jugement notamment en ce qu’il a :
– recevoir Mme [D] en son appel incident, y faire droit, statuant à nouveau,
– faire injonction à la Société SWISSLIFE de communiquer à Mme [D] l’intégralité du dossier correspondant au bulletin de souscription du 23 décembre 1994, en ce compris outre la convention, les relevés annuels du compte avec indication des éventuels versements effectués par M. [D] et des intérêts engendrés par ce compte, cette communication devant avoir lieu dans les 15 jours de la signification de la décision à intervenir et ce sous astreinte non comminatoire de 200 euros par jour de retard ;
– condamner la Société SWISSLIFE à payer à Mme [D] la somme minimale de 49.294 euros au titre du capital dû,
– dire que cette somme sera évidemment à parfaire et qu’elle devra notamment être augmentée des participations et autres versements ;
– ordonner que soit appliqué un intérêt a minima à 4,50% avec anatocisme au capital dû ;
– ordonner une astreinte définitive et non comminatoire de 1.000 euros par jour de retard en cas d’inexécution, ladite astreinte commençant à courir à compter du 8ème jour après la signification du jugement ;
– condamner SWISS LIFE à verser à Mme [D] la somme de 9.878 euros avec anatocisme, au titre des intérêts sur la commission dus au 30 avril 2023.
– condamner en outre SWISS LIFE à verser à Mme [D] la somme de 150.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
– condamner enfin la Société SWISSLIFE à payer à Mme [D] la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– donner acte à Mme [D] de ce qu’elle réserve toute demande envers
M. [S] [W], appelé en la cause, dans l’attente des conclusions que sera amenée à signifier la Société SWISSLIFE.
Elle fait valoir que :
– elle est la bénéficiaire du contrat, selon la commune intention des parties confirmée par le courtier rédacteur de la souscription ; les termes du contrat sont obscurs ; que [K] [D] voulait subvenir aux besoins de sa veuve, l’acte s’inscrivant dans la continuation des actions entreprises en ce sens, donation entre époux, adoption de la communauté universelle.
– la position de la compagnie est absurde qui fait courir le contrat sur 99 ans, ou au profit d’éventuels héritiers qui n’existent pas, et que la compagnie a recherchés en vain.
– la compagnie a manqué à son devoir d’information en enregistrant un contrant privé de tout effet et permettant à l’assureur de conserver les fonds indéfiniment.
– le contrat est affecté d’anomalies, outre de nombreuses ratures : il prévoit que Mme [C] âgée de 84 ans ne pourra en percevoir le bénéfice qu’en 2093 à l’âge de 155 ans. En cas de décès il désigne le conjoint de l’assuré soit [K] [D] qui aurait souscrit pour lui-même spéculant sur le décès de son épouse, et des enfants nés ou à naître alors que les époux n’avaient pas d’enfants.
– les dispositions particulières n’ont été connues qu’au seuil de l’instance : elles ne font l’objet d’aucun renvoi sur le bulletin de souscription ; elles mentionnent ‘vie entière’ où le bulletin de souscription mentionne ’99 ans’ ; elles n’ont pas été signées des époux [D] ; elles ne visent que le conjoint de l’assuré en qualité de bénéficiaire.
– le délai de prescription applicable est de 10 ans et l’action a interrompu ce délai qui courrait à compter du décès de [K] [D]
– les frais de saisie ne sont pas abusifs alors que l’assureur ne s’exécutait pas, et il n’a pas saisi le JEX.
– aucun élément n’a été communiqué sur le rapport de ce contrat depuis 2015 que ce soit sur le taux de rendement nécessairement supérieur ou égal à 4,5 % ou sur la participation aux bénéfices. Elle réclame la production du dossier entier à défaut une valorisation du contrat sur la base d’un rendement de 7,5 % sur 28 ans.
– si le taux minimal de 4,5 % était appliqué, il lui reviendrait une somme de 24.707,00 euros arrêtée en juillet 2022.
– au vu des pièces que lui a communiquées la compagnie, elle s’estime victime d’un abus de confiance et ne saurait voir la responsabilité rejetée sur le seul courtier. Son préjudice moral a été sous-estimé.
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les éléments essentiels de la demande de souscription en date à [Localité 6] le
23 décembre 1994, sont rédigés dans les termes suivants :
– souscripteur M [K] [D] né le 25 mars 1923. (Raturé Mme [C] [O] née le 3 juillet 38 mariée) ; adresse : tampon : M. [D] [N] [Localité 6] [Localité 2]
– assuré : Mme [D] [C] [O] née le 3 juillet 1938 à [Localité 7] mariée ; adresse : même tampon : M. [D] [N] [Localité 6] [Localité 2]
– prescripteur : tampon : ING BOURSE…
– bénéficiaire :
– versement libre 50.000,00 francs ; 100 % sur le support B en francs français. Suit une mention équivoque : les cases du mode de règlement ne sont pas cochées, est noté prélèvement automatique à partir du 56091 francs.
– durée du contrat : 99 ans ;
– la demande de souscription est signée de M. [D], souscripteur, de
Mme [C] sous la mention ‘assuré’.
Les conditions particulières en date du 23 janvier 1995 reprennent le versement brut de 50.000,00 euros, précisent le montant des frais de 4,5 % ; mentionnent une durée du contrat ‘vie entière’, et le rapport attendu pour les huit premières années.
Par courriers en date des 16 août et 19 septembre 2016 Mme [C] sollicite le rachat du contrat dont elle est la bénéficiaire. La faculté de rachat d’un contrat d’assurance vie est réservée au seul souscripteur, il convient de considérer que
Mme [C] réclame le versement des fonds en sa qualité de bénéficiaire.
Le litige résulte de la mention de Mme [C] dans la rubrique ‘assuré’. Il en résulte que :
– au terme du contrat, soit en 2093, l’assuré, soit Mme [C] alors âgée de 155 ans perçoit le bénéfice de l’assurance vie.
– en cas de décès, nécessairement de l’assuré désigné, Mme [C], le bénéfice de l’assurance vie est versé : au conjoint de l’assuré soit [K] [D], à défaut à ses enfants nés ou à naître -enfants de [K] [D]- à défaut ses héritiers, héritiers de [K] [D].
Il ressort d’un courrier de Mme [H], généalogiste, en date du
6 novembre 2018 que cette dernière était mandatée pour rechercher les héritiers de [K] [D] bénéficiaires d’un contrat d’assurance vie en déshérence, en vain ; il n’est justifié de l’existence d’aucun héritier du souscripteur.
1- Sur la qualité de bénéficiaire de l’assurance vie :
En application des dispositions des articles 1156 et 1162 du code civil dans leur version applicable au jour de la conclusion du contrat, le juge doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes. Dans le doute la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation.
Les mentions de la souscription ont été rappelées ci-dessus, elles manifestent la commune intention des époux [D] [C] de souscrire une assurance vie : ils signent tous deux la demande de souscription. Elles manifestent la mauvaise maîtrise du formulaire : ratures, tampons portant non seulement l’adresse mais l’identité de [K] [D] en qualité de souscripteur et d’assuré.
Elles manifestent la mauvaise maîtrise du fonctionnement du contrat s’il est pris à la lettre : l’assurée alors âgée de 56 ans doit attendre d’avoir 155 ans pour percevoir le bénéfice du contrat à son terme, étant relevé que les dispositions particulières mentionnent une durée du contrat ‘vie entière ‘ ; le bénéficiaire en cas de décès est le conjoint de l’assuré soit le souscripteur à défaut ses héritiers, alors que le souscripteur n’a pas d’héritiers. Le premier juge relève justement qu’il faudrait que Mme [C] se remarie pour que son nouveau mari bénéficie du contrat de son précédent mari décédé ou qu’elle donne naissance à des enfants après 56 ans.
Cette souscription d’une assurance vie s’inscrit dans une suite d’actes juridiques qu’un mari, sans descendance et âgé de plus de 15 ans que son épouse, a conclus aux fins d’assurer la protection des intérêts de sa veuve : donation en pleine propriété de l’universalité des biens composant sa succession en 1981, changement de régime matrimonial optant pour la communauté universelle en 1989. Les fonds employés pour la souscription de l’assurance vie en litige sont des fonds communs, et le courtier atteste que l’objectif de la demande était d’assurer à Mme [C] un capital au décès de son mari, reconnaissant qu’il y a eu confusion entre le souscripteur, l’assuré et le bénéficiaire. Ainsi pourrait s’expliquer la signature de Mme [C] en qualité de bénéficiaire fermant toute faculté de rachat.
Au vu de ces éléments c’est à bon droit que le premier juge a considéré que l’inscription de Mme [C] en tant qu’assurée procède d’une erreur matérielle et que l’intention de [K] [D] en sa qualité de souscripteur et d’assuré était de faire de son épouse la bénéficiaire du capital de son assurance décès.
Le jugement est confirmé sur ce point.
2- Sur la prescription :
2.1 – Sur la prescription de l’action en paiement du capital de l’assurance vie :
Aux termes de l’article L 114-1 du code des assurances dans sa rédaction applicable à l’espèce, toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance.
Toutefois, ce délai ne court : 2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s’ils prouvent qu’ils l’ont ignoré jusque là…
La prescription est portée à dix ans dans les contrats d’assurance sur la vie lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur et, dans les contrats d’assurance contre les accidents atteignant les personnes, lorsque les bénéficiaires sont les ayants droit de l’assuré décédé.
Pour les contrats d’assurance sur la vie, nonobstant les dispositions du 2°, les actions du bénéficiaire sont prescrites au plus tard trente ans à compter du décès de l’assuré.
La saisine du médiateur a interrompu le délai de prescription.
[K] [D], souscripteur et assuré, est décédé le 2 mai 2011, Mme [C] a saisi le médiateur le 9 août 2017 qui a rendu un avis le 14 septembre 2018, l’assignation est en date du 15 octobre 2019, l’action n’est pas prescrite.
Le jugement est confirmé sur ce point.
2.2 – Sur la prescription de l’action en responsabilité :
Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Mme [C] a eu connaissance du refus de versement du capital de l’assurance vie le 9 juin 2017.
C’est à bon droit que le premier juge a retenu que :
– seul le souscripteur, aux termes de la demande de souscription, reconnaît avoir reçu les dispositions générales valant note d’information. Ces dispositions générales ne sont pas opposables à Mme [C].
– les dispositions particulières datées du 23 janvier 1995 sont postérieures à la souscription.
– il ne ressort pas d’un courrier adressé à ‘cher Monsieur’ en date d’avril 1996 par Mme [G] à l’en-tête CPR GESTION PRIVÉE (non rattachable aux intervenants au contrat) que le bulletin de souscription mentionné soit celui qui fait l’objet du présent litige.
La date à laquelle Mme [C] a eu connaissance du refus de versement du capital de l’assurance vie le 9 juin 2017, l’assignation est en date du 15 octobre 2019, l’action en responsabilité n’est pas prescrite.
Le jugement est confirmé sur ce point.
3- Sur la demande en paiement du capital du contrat d’assurance vie :
Le ‘rapport financier’ du contrat est précisé dans les conditions générales : support B : l’investissement est libellé en francs. Chaque versement net de frais est capitalisé mensuellement à un taux d’intérêts minimum garanti de 4,5 % l’an.
L’épargne constituée est égale au cumul des versements capitalisés selon les modalités ci-dessus, majorés de la participation aux bénéfices attribués au
31 décembre de chaque année. Les fonds investis dans ce support alimentent un actif cantonné. À la fin de chaque exercice, l’affectation au contrat d’au moins 90 % des résultats nets des placements réalisés sur cet actif détermine le montant de la participation aux bénéfices. Les montants ainsi obtenus dans chacun des supports sont diminués des frais sur épargne gérée (0,40 %) prélevés le 31 décembre de chaque année.
L’article ‘cessation d’une activité de l’unité de compte’ stipule que si l’unité de compte servant de support au contrat cessait son activité pour quelque motif que ce soit, il est convenu que ING CROISSANCE sera transformé en un contrat d’assurance sur la vie à capital variable basé sur une nouvelle unité de compte de même nature que celle retenue par les Assurances du Griffon. La transformation interviendra au premier jour qui suit la date de cessation d’activité.
L’article ‘garanties’ des conditions générales du contrat ING CROISSANCE, stipule que l’épargne constituée à la suite du décès de l’assuré ou au terme du contrat est versée au(x) bénéficiaire(s) désigné(s) et le paiement intervient dans les trente jours de la production des pièces justificatives, dispositions particulières, fiche d’état civil du bénéficiaire, et extrait de l’acte de décès.
Le règlement de la totalité de l’épargne constituée sous la forme d’un capital met fin au contrat.
[K] [D] est décédé le 2 mai 2011. SWISSLIFE justifie qu’au
31 décembre 2011 le contrat ING Croissance a atteint la valeur de 16.525,11 euros avec un rendement brut de 4,50 % le taux garanti de 1 % et une participation aux bénéfices de 3,50 %. Mme [C] produit un tableau reconstituant l’épargne acquise en application du contrat : au 31 décembre 2010 avec l’application du taux minimal garanti de 4,5 % elle obtient une somme de 13.807,00 euros. Ce tableau confirme que le taux minimal garanti a été appliqué et qu’une participation aux bénéfices a été versée.
Mme [C] produit la première page du relevé annuel de situation du contrat litigieux pour l’année 2015, sans produire les 4 pages suivantes détaillant l’évolution du contrat pour 2015. L’application du taux minimum contractuel garanti aboutit selon le tableau établi par Mme [C] à la somme de 16.865,00 euros et la valeur du contrat annoncée par la compagnie est de 19.033,78 euros avec un rendement de 2,79 % d’où ressort qu’un taux de participation aux bénéfices a été appliqué ainsi que précisé aux 2 à 4 de la lettre, non produites.
Mme [C] ne peut reprocher à la compagnie de ne pas lui avoir délivré l’information légale annuelle qui n’est délivrée qu’au seul souscripteur en application de l’article L 132-22 du code des assurances jusqu’à son décès ; en sa qualité revendiquée de bénéficiaire du contrat dénoué par le décès de [K] [D] elle ne peut réclamer une information qui n’est plus due. Il n’apparaît donc pas nécessaire à la solution du litige d’ordonner la production sous astreinte des informations légales réglementaires, les autres éléments du contrat étant connus de Mme [C] en présence d’un seul versement de 50.000,00 francs en 1994.
Mme [C] ne justifie pas avoir informé la compagnie d’assurance du décès de son mari avant le 16 août 2016. Le courrier d’UBS du 21 septembre 2016 établit que la compagnie avait reçu les informations permettant le versement du bénéfice du contrat.
Aux termes de l’article L 132-23-1 du code des assurances dans sa rédaction applicable à cette date, l’entreprise d’assurance dispose d’un délai de quinze jours, après réception de l’avis de décès et de sa prise de connaissance des coordonnées du bénéficiaire ou au terme prévu pour le contrat, afin de demander au bénéficiaire du contrat d’assurance sur la vie de lui fournir l’ensemble des pièces nécessaires au paiement.
A réception de ces pièces, l’entreprise d’assurance verse, dans un délai qui ne peut excéder un mois, le capital ou la rente garantis au bénéficiaire du contrat d’assurance sur la vie.
Plusieurs demandes de pièces formulées par l’entreprise d’assurance ne peuvent concerner des pièces identiques ou redondantes.
Au-delà du délai prévu au deuxième alinéa, le capital non versé produit de plein droit intérêt au double du taux légal durant deux mois puis, à l’expiration de ce délai de deux mois, au triple du taux légal. Si, au-delà du délai de quinze jours mentionné au premier alinéa, l’entreprise a omis de demander au bénéficiaire l’une des pièces nécessaires au paiement, cette omission n’est pas suspensive du délai de versement mentionné au présent article.
En application de ce texte, SWISSLIFE est condamnée à verser à
Mme [C] la somme de 16.525,11 euros avec les intérêts au taux légal du
21 octobre 2016 au 21 décembre 2016, au double du taux légal du 22 décembre 2016 au 22 février 2017 puis du triple du taux légal à compter du 23 février 2017.
Le jugement est réformé en ce sens.
Sur les commissions : Mme [C] demande la somme de 9.878,00 euros en soutenant que la somme de 56.091,00 francs a été versée et non celle de 50.000,00 francs.
La demande de souscription porte une mention manuscrite équivoque comme rappelé ci-dessus : l’encart relatif aux versements mentionne : versement libre frais inclus : 50.000,00 francs ; 100 % sur le support B en francs français. Suit une mention équivoque :
1) règlement effectué par chèque bancaire ou postal (non coché) ; virement (non coché) ; ou en espèces (non coché)
2) par prélèvement automatique à partir du 56091.
Aucun élément ne permet de considérer que le nombre 56091 correspond au montant effectivement versé alors que les conditions particulières qui récapitulent les versements mentionnent un versement unique de 50.000,00 francs dont 4,5 % de frais soit 2.250,00 francs. En outre le nombre litigieux est inscrit sur une ligne destinée à recevoir un numéro de compte bancaire et non une somme.
Il convient donc de débouter Mme [C] de sa demande de ce chef.
4- Sur la demande en dommages intérêts :
4.1- Sur le manquement au devoir d’information lors de la conclusion du contrat, c’est à bon droit et par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a retenu que le contrat a été souscrit par l’intermédiaire d’un courtier ING Bourse représenté par M. [W] sur lequel reposait l’obligation d’information précontractuelle.
Le jugement est confirmé sur ce point.
4.2- Sur Le dénouement du contrat :
Le premier juge a justement retenu que la saisine d’un généalogiste pour rechercher l’existence d’héritiers de [K] [D] ne suffit à caractériser la mauvaise foi compte tenu de la rédaction de la demande de souscription.
Par contre :
-la prise en compte sans demande de précisions d’une demande de souscription affectée de mentions équivoques sur l’identité de l’assuré et du bénéficiaire, prévoyant un mécanisme absurde (perception du capital à l’âge de 155 ans ; souscripteur de 71 ans bénéficiaire en cas de décès d’une assurée de 56 ans ; enfants à naître de personnes âgées ou héritiers inexistants) et contraire à la volonté communément admise de vieux époux sans descendance veillant à assurer les derniers jours du survivant
-le maintien pour éviter de payer le capital que le contrat est sans ambiguïté et que Mme [C] est l’assurée et qu’elle ne pourra bénéficier du capital qu’à 155 ans ou à son décès.
– le tracas subi pendant six ans depuis la tentative de conciliation jusqu’à la présente instance par une personne née en 1938
– ont causé à Mme [C] un préjudice moral justement réparé par le premier juge par l’octroi d’une somme de 7.000,00 euros.
Le jugement est confirmé sur ce point.
5- Sur les demandes accessoires :
Le jugement entrepris du 27 mai 2022, est assorti de l’exécution provisoire ; il a été signifié le 14 juin 2022, à personne habilitée ; la saisie attribution a été signifiée le 29 juin 2022. Il ne peut être considéré que la mesure d’exécution soit abusive.
SWISSLIFE, débiteur au titre du jugement et donc débiteur des frais d’exécution, est déboutée de sa demande de prise en charge des dits frais par Mme [C].
SWISSLIFE succombe principalement, elle est condamnée aux dépens d’appel augmentés d’une somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :
– condamné la SA SWISSLIFE Assurance et Patrimoine à payer à
Mme [C] veuve [D] la somme de 19 033,78 euros au titre du capital du contrat d’assurance vie souscrit le 23 décembre 1994, avec intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2016 ;
Le réforme sur ce point et statuant à nouveau,
Condamne la SA SWISSLIFE Assurance et Patrimoine à payer à
Mme [C] veuve [D] la somme de 16.525,11 euros avec les intérêts au taux légal du 21 octobre 2016 au 21 décembre 2016, au double du taux légal du 22 décembre 2016 au 22 février 2017 puis au triple du taux légal à compter du
23 février 2017,
Y ajoutant,
Déboute Mme [C] de sa demande de 9.878,00 euros au titre des commissions,
Déboute la SA SWISSLIFE Assurance et Patrimoine de sa demande relative aux frais d’exécution de la décision de première instance,
Condamne la SA SWISSLIFE Assurance et Patrimoine à payer à
Mme [C] veuve [D] la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA SWISSLIFE Assurance et Patrimoine aux entiers dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,