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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 4
ARRÊT DU 21/09/2023
N° de MINUTE : [Cadastre 12]/796
N° RG 21/01419 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TP6T
Jugement (N° 51-18-0010) rendu le 11 Février 2021 par le Tribunal paritaire des baux ruraux d’Arras
APPELANTS
Monsieur [P] [V] [B] [F]
né le 05 Mai 1956 à [Localité 19] – de nationalité Française
[Adresse 10]
[Localité 19]
Madame [C] [G] [F]
née le [Cadastre 11] Mars 1954 à [Localité 19] – de nationalité Française
[Adresse 18]
[Localité 25]
Madame [OC] [B] [Z] [F] épouse [J]
née le 28 Novembre 1957 à [Localité 19] – de nationalité Française
[Adresse 22]
[Localité 24]
Monsieur [I] [H] [W] [F]
né le 12 Février 1959 à [Localité 19] – de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 20]
Représentés par Me Philippe Meillier, avocat au barreau d’Arras
INTIMÉS
Monsieur [BB] [X]
né le 12 Juillet 1963 à [Localité 26] – de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 19]
Madame [E] [LE] épouse [X]
née le 09 Mars 1966 à [Localité 26] – de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 19]
GAEC [Localité 30]
[Adresse 9]
[Localité 19]
Représentés par Me Jean-Philippe Vérague, avocat au barreau d’Arras
DÉBATS à l’audience publique du 25 mai 2023 tenue par Véronique Dellelis et Emmanuelle Boutié magistrates chargées d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, ont entendu les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Véronique Dellelis, président de chambre
Emmanuelle Boutié, conseiller
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Par acte authentique en date du 20 octobre 1995, M. [A] [F] et son épouse, Mme [U] [S], ont donné à bail à ferme à M. [BB] [X] et son épouse, Mme [E] [LE] les parcelles suivantes d’une superficie totale de 14ha 62a 30ca :
– Commune de [Localité 19]
Parcelle ZC [Cadastre 8] pour une contenance de 80a 50ca,
Parcelle ZB[Cadastre 4] pour une contenance de 01a 30ca,
Parcelle ZA[Cadastre 3] pour une contenance de 02ha 63a 40ca,
Parcelle ZA[Cadastre 6] pour une contenance de 01ha 24a 10ca,
Parcelle ZA[Cadastre 21] pour une contenance de 07a 70ca,
Parcelle ZB[Cadastre 1] pour une contenance de 02ha 16a 10ca,
Parcelle ZB[Cadastre 2] pour une contenance de 01ha 70a 60ca,
Parcelle ZB[Cadastre 3] pour une contenance de 48a 20ca,
Parcelle ZB[Cadastre 5] pour une contenance de 01ha 17a 40ca,
Parcelle ZB[Cadastre 23] pour une contenance de 52a 30ca,
– Commune de Bienvillers au Bois :
Parcelle ZK[Cadastre 5] pour une contenance de 03ha 46a 40ca,
Parcelle ZK23 pour une contenance de 20a 30ca.
Ce bail a été consenti pour une période de neuf années entières et consécutives ayant commencé à courir le 1er octobre 1995 pour expirer à pareille époque en 2004 et s’est trouvé tacitement renouvelé depuis lors par périodes de 9 ans, la prochaine échéance étant le 30 novembre 2022.
M. [A] [F] est décédé, laissant son épouse, Mme [U] [S] veuve [F], commune en biens et bénéficiaire de l’usufruit sur l’intégralité des biens propres de son épouse.
Mme [U] [S] veuve [F] a été placée sous tutelle, exercée par ses enfants [P] [F] et [C] [F], désignés en qualité de tuteurs.
Estimant établir l’existence d’une sous-location d’une partie des terres dont s’agit, par requête en date du 5 avril 2018, enregistrée le 9 avril 2018, Mme [U] [S] veuve [F] représentée par ses tuteurs, M. [P] [F] et Mme [C] [F], a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d’Arras d’une demande de résiliation de bail sur le fondement des articles L.411-[Cadastre 13] et L.411-[Cadastre 15] du code rural et de la pêche maritime.
Il a été procédé à la tentative de conciliation lors de l’audience non publique du 11 juin 2018 et aucun accord n’a pu être trouvé. L’affaire a été renvoyée en audience de jugement.
Mme [U] [S] veuve [F] est décédée en cours d’instance. Par jugement en date du 25 mars 2019, le tribunal a constaté l’interruption d’instance du fait du décès de Mme [U] [S] veuve [F]. Ses héritiers, M. [I] [F], Mme [C] [F], M. [P] [F] et Mme [OC] [F] épouse [J] sont intervenus volontairement dans le cadre de la procédure pour reprendre l’instance initiée par Mme [U] [S] veuve [F].
Le Gaec [Localité 30] est également intervenu volontairement à la procédure.
Par jugement en date du 11 février 2021, auquel il est expressément renvoyé pour un exposé complet de la procédure antérieure au jugement et des demandes et moyens des parties, le tribunal paritaire des baux ruraux d’Arras a :
– pris acte de l’intervention volontaire de M. [I] [F], Mme [C] [F], M. [P] [F] et Mme [OC] [F] épouse [L] en qualité d’héritiers de Mme [U] [S] veuve [F],
– débouté M. [I] [F], Mme [C] [F], M. [P] [F] et Mme [OC] [F] épouse [J] de leurs demandes en résiliation du bail du 20 octobre 1995 dont bénéficient M. [BB] [X] et son épouse [E] [LE], d’expulsion et d’indemnité d’occupation,
– déclaré irrecevable la demande reconventionnelle en répétition de l’indu formulée à hauteur de [Cadastre 15] 978 euros par M. [BB] [X], son épouse Mme [E] [LE] et le Gaec [Localité 30], en l’absence de mise en cause de M. [R] [F] es qualité d’héritier de Mme [U] [S] veuve [F],
– condamné in solidum M. [I] [F], Mme [C] [F], M. [P] [F] et Mme [OC] [F] épouse [J] à payer à M. [BB] [X], à son épouse Mme [E] [LE] et au Gaec [Localité 30] une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
M. [P] [F], Mme [C] [F], M. [P] [F] et Mme [OC] [F] épouse [J] ont interjeté appel de cette décision, la déclaration d’appel visant les dispositions suivantes :
– déboute les consorts [F] de leur demande en résiliation du bail du 20 octobre 1995 dont bénéficient M. et Mme [X], d’expulsion et d’indemnité d’occupation,
– condamne in solidum les consorts [F] à payer à M. et Mme [X] une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Lors de l’audience devant cette cour, les consorts [F] soutiennent leurs conclusions déposées lors de l’audience et dûment visées par le greffe par lesquelles ils demandent à cette cour, de :
– dire et juger M. [P] [F], Mme [C] [F], Mme [OC] [F] épouse [L] et M. [I] [F] recevables et bien fondés en leur appel,
En conséquence,
– infirmer le jugement en date du 11 février 2021 du tribunal paritaire des baux ruraux d’Arras en ce qu’il a débouté M. [P] [F], Mme [C] [F], Mme [OC] [F] épouse [L], M. [I] [F] de leur demande de résiliation du bail dont sont titulaires M. et Mme [X],
– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné les consorts [F] à payer à M. et Mme [X] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Statuant à nouveau,
– résilier le bail en date du 20 octobre 1995 dont sont titulaires M. et Mme [X] sur les parcelles sises sur le territoire de [Localité 19] cadastrées:
Parcelle ZC [Cadastre 8] pour une contenance de 80a 50ca,
Parcelle ZB[Cadastre 4] pour une contenance de 01a 30ca,
Parcelle ZA[Cadastre 3] pour une contenance de 02ha 63a 40ca,
Parcelle ZA[Cadastre 6] pour une contenance de 01ha 24a 10ca,
Parcelle ZA[Cadastre 21] pour une contenance de 07a 70ca,
Parcelle ZB[Cadastre 1] pour une contenance de 02ha 16a 10ca,
Parcelle ZB[Cadastre 2] pour une contenance de 01ha 70a 60ca,
Parcelle ZB[Cadastre 3] pour une contenance de 48a 20ca,
Parcelle ZB[Cadastre 5] pour une contenance de 01ha 17a 40ca,
Parcelle ZB[Cadastre 23] pour une contenance de 52a 30ca,
Parcelle ZC [Cadastre 8] pour une contenance de 80a 50ca,
Parcelle ZB[Cadastre 4] pour une contenance de 01a 30ca,
Parcelle ZA[Cadastre 3] pour une contenance de 02ha 63a 40ca,
Parcelle ZA[Cadastre 6] pour une contenance de 01ha 24a 10ca,
Parcelle ZA[Cadastre 21] pour une contenance de 07a 70ca,
Parcelle ZB[Cadastre 1] pour une contenance de 02ha 16a 10ca,
Parcelle ZB[Cadastre 2] pour une contenance de 01ha 70a 60ca,
Parcelle ZB[Cadastre 3] pour une contenance de 48a 20ca,
Parcelle ZB[Cadastre 5] pour une contenance de 01ha 17a 40ca,
Parcelle ZB[Cadastre 23] pour une contenance de 52a 30ca,
– ordonner l’expulsion de M. [BB] [X] et de Mme [E] [LE] ainsi que de tout occupant de leur chef dans le mois de la notification de l’arrêt à intervenir et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard pendant un an,
– dit qu’à défaut d’exécution volontaire, ils pourront être contraints à libérer les parcelles au moyen de la force publique,
– dire que M. et Mme [X] demeureront redevables d’une indemnité d’occupation équivalente au montant du fermage augmentée des taxes jusqu’à parfaite libération des terres.
En tant que de besoin les y condamner.
– condamner solidairement M. et Mme [X] et le Gaec [Localité 30] à payer aux consorts [F] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– confirmer le jugement pour le surplus éventuellement par substitution de motifs.
Y ajoutant, condamner dans les mêmes termes les époux [BB] [X] et [E] [LE] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Les appelants soutiennent essentiellement que:
-l’échange de parcelles évoqué par le GAEC [Localité 30] n’aurait aucune logique dans la mesure où les parcelles prétendument échangées sont situées à 7 kms du corps de ferme du Gaec,
– la réalité de l’échange de parcelles intervenu avec la SCEA du Pigeonnier n’est pas démontrée.
– il n’est pas justifié que ces échanges aient pour objet d’améliorer la mise en culture des parcelles constituant l’exploitation du Gaec [Localité 30].
– l’attestation a été établie par leur préposé puisque le centre de gestion est payé par le Gaec [Localité 30],
– les époux [X] n’ont pas véritablement contesté que les terrains échangés avec la Scea Le Pigeonnier ont ensuite été loués par celle-ci à l’Earl Le Canada de [Localité 28] qui en est la véritable exploitante, cette sous-location constituant une violation de l’article L.411-[Cadastre 15] du code rural et de la pêche maritime;
– s’agissant de la demande des époux [X] au titre de la répétition de l’indu, cette dernière est irrecevable alors que le partage des successions des propriétaires initiaux n’est pas intervenu ) ce jour,
– le Gaec [Localité 30] est irrecevable en son intervention volontaire, n’ayant pas qualité de preneur à bail avec les héritiers des consorts [F],
– à les supposer établis, les versements sont intervenus depuis plus de cinq ans de sorte que les prétentions du Gaec [Localité 30] sont forcloses en application de l’article 2229 du code civil.
Lors de l’audience devant cette cour, M. [BB] [X] et Mme [D] son épouse,, représentés par leur conseil, soutiennent leurs conclusions déposées lors de l’audience et dûment visées par le greffe par lesquelles ils demandent à cette cour de:
– infirmer partiellement le jugement du chef des dispositions suivantes: ‘Déclare irrecevable la demande reconventionnelle en répétition de l’indu formulée à hauteur de [Cadastre 15] 978 euros par M. [BB] [X], son épouse Mme [E] [LE] et le Gaec [Localité 30] en l’absence de mise en cause de M. [R] [F] es qualité d’héritier de Mme [U] [S] veuve [F]’.
Statuant de nouveau de ces chefs,
– condamner M. [I] [F], Mme [C] [F], M. [P] [F] et Mme [OC] [F] au paiement chacun de la somme de 1/5ème de [Cadastre 15] 978 euros au profit de M et Mme [N] et subsidiairement au profit du Gaec [Localité 30],
– dire et juger que cette somme produira intérêts au taux légal sur une portion de
15 000 euros du 21 août 1995 au 13 octobre 2014 et sur une portion de 20 978 euros du 9 octobre 1995 au 13 octobre 2014,
– dire et juger que la somme de [Cadastre 15] 978 euros produira intérêts au taux légal majoré de 3 points pour la période postérieure au 13 octobre 2014,
– ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la date d’introduction de l’instance,
– confirmer le jugement pour le surplus de ses dispositions,
– débouter les consorts [F] de leurs demandes,
– condamner subsidiairement les consorts [F] au paiement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Les intimés font essentiellement valoir que:
– les parcelles litigieuses ont fait l’objet d’un échange en jouissance avec la Scea Le Pigeonnier, les pommes de terre emblavées par cette dernière figurant sur la déclaration Pac du Gaec [Localité 30] alors que les parcelles données en contre-échange pour la culture du mais au profit du Gaec [Localité 30] figurent sur la déclaration Pac de la Scea du Pigeonnier,
– l’absence de notification des échanges n’est pas de nature à entraîner la résiliation du bail sauf pour le bailleur à justifier d’un préjudice,
– ils justifient du versement de sommes qualifiées d’amélioration du fonds et arrières fumures par la production de deux reçus signés de la main de Mme [F] en date du 21 août 1995 au titre d’un acompte de 100 000 francs et du 9 octobre 1995 au titre du solde de la cession à hauteur de 136 000 francs,
– il résulte des dispositions de l’article 873 du code civil que chaque héritier est tenu des dettes de son auteur à proportion des droits qu’il détient dans la succession, l’action en répétition de l’indu étant recevable à l’égard de chaque ayant-droit à proportion des droits détenus dans la succession.
Il est pour le surplus renvoyé aux écritures des parties pour un exposé complet de leurs moyens et arguments.
SUR CE ,
Sur la demande de résiliation de bail
Il résulte des termes de l’attestation établie par Maître [K] [M], notaire, que sont habiles à se dire et porter héritiers de Mme [U] [S] veuve [F], Mme [C] [F] épouse [O], M. [P] [F], Mme [OC] [F] épouse [L], M. [I] [F] et M. [R] [F].
Il n’est pas contesté que M. [R] [F], héritier de Mme [U] [S] veuve [F], n’est pas partie au présent litige.
Alors qu’en application des dispositions de l’article 815-3 du code civil, des indivisaires, titulaires des deux tiers des droits indivis, sont recevables à intenter une action en résiliation d’un bail rural qui ressortit à l’exploitation normale des biens indivis, c’est à juste titre que le tribunal a déclaré recevable la reprise de l’instance portant sur la demande en résiliation de bail rural pour faute.
Aux termes des dispositions de l’article L.411-[Cadastre 15] alinéa 5 du code rural et de la pêche maritime que toute sous-location est interdite. Toutefois, le bailleur peut autoriser le preneur à consentir des sous-locations pour un usage de vacances ou de loisirs. Chacune de ces sous-locations ne peut excéder une durée de trois mois consécutifs. Dans ca cas, le bénéficiaire de la sous-location n’a aucun droit à son renouvellement ni au maintien dans les lieux à son expiration. En cas de refus du bailleur, le preneur peut saisir le tribunal paritaire. Le tribunal peut, s’il estime non-fondés les motifs de l’opposition du bailleur, autoriser le preneur à conclure la sous-location envisagée. Dans ce cas, il fixe éventuellement la part du produit de la sous-location qui pourra être versée au bailleur par le preneur(…)
L’article L411-39 du même code dispose que pendant la durée du bail, le preneur peut effectuer des échanges ou locations de parcelles qui ont pour conséquence d’assurer une meilleure exploitation.
Les échanges ne peuvent porter que sur tout ou partie de la surface du fonds loué. La commission consultative départementale des baux ruraux fixe et l’autorité administrative du département publie par arrêté, pour chaque région agricole, la part de surface de fonds loué susceptible d’être échangée. Cette part peut varier en fonction de la structure des exploitations mises en valeur par le preneur.(…)
Le preneur les notifie au propriétaire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le propriétaire qui entend s’y opposer doit saisir le tribunal paritaire dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis du preneur. A défaut, il est réputé avoir accepté l’opération.
Il résulte des termes du bail rural régularisé par acte authentique le 20 octobre 1995 entre M. [A] [F] et Mme [U] [S] épouse [F] d’une part, et M. [BB] [X] et Mme [E] [LE] son épouse, d’autre part, en page 3, que les parcelles seront ‘mises à disposition du Gaec [Localité 30] dont le siège est à [Localité 19]’.
Il résulte de ces dispositions que les bailleurs ne pouvaient ignorer la mise à disposition des parcelles litigieuses au profit du Gaec [Localité 30], le réglement des fermages étant par ailleurs directement réalisés par ce dernier.
Au soutien de leur demande en résiliation de bail, les consorts [F] font valoir que les parcelles ZA[Cadastre 17] et ZA[Cadastre 21], objets du bail rural, ont fait l’objet d’une sous-location au profit de l’Earl Le Canada de [Localité 28] et produisent aux débats un procès-verbal de constat établi le 29 juillet 2017 faisant état de l’emblavement des parcelles litigieuses en pommes de terre, culture que ne pratique pas le Gaec [Localité 30].
Alors que le Gaec [Localité 30] soutient avoir procédé à un échange des parcelles concernées avec la Scea du Pigeonnier, c’est à juste titre que le tribunal a retenu que la preuve de ce dernier résulte tant des termes des attestations du directeur de l’agence de gestion et de comptabilité Cerfrance Somme en date du [Cadastre 13] mai 2018 précisant que la SCEA du Pigeonnier a échangé en jouissance, pour l’année 2017, les ilots n°[Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 15] avec le Gaec [Localité 30] qui lui a échangé en jouissance pour l’année 2017 les ilots n°[Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 16] et l’attestation de Mme [Y], comptable du Gaec [Localité 30] confirmant ces éléments, que des déclarations PAC de la campagne 2017 de la SCEA du Pigeonnier, ainsi que les extraits du registre parcellaire, révélant qu’elle a déclaré avoir cultivé du mais ensilage sur les ilots n°[Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 15], le GAEC [Localité 30] ayant quant à lui déclaré avoir cultivé des pommes de terre de consommation sur les ilots n°[Cadastre 13],[Cadastre 14] et [Cadastre 16].
Si les appelants contestent les attestations produites aux débats, faisant état du lien de subordination existant entre le centre de gestion et le Gaec [Localité 30], force est de constater que ce dernier n’est pas de nature à remettre en cause la réalité des informations communiquées, ces dernières étant en outre confortées par les déclarations PAC.
Par ailleurs, alors que le GAEC [Localité 30] ne conteste pas ne pas avoir informé le bailleur de l’échange réalisé avec la SCEA du Pigeonnier à la différence d’un autre échange de parcelles notifié à Mme [S] épouse [F] le 17 août 2016, ce seul défaut d’information n’est pas de nature à justifier la résiliation du bail en l’absence de preuve d’un préjudice résultant de ce manquement.
En outre, si les consorts [F] soutiennent que l’échange réalisé avec la Scea du Pigeonnier serait dépourvu de tout intérêt pour le Gaec [Localité 30], les parcelles échangées n’étant pas situées à proximité du corps de ferme, le tribunal a justement relevé que ce procédé permet de réaliser une rotation culturale destinée à gérer la fertilité des sols et des bioagresseurs.
De plus, les consorts [F] ne produisent aucun élément de preuve au soutien de leurs allégations concernant l’exploitation des parcelles litigieuses par l’Earl Canada de [Localité 27] de sorte que la preuve de l’existence d’une sous-location n’est pas rapportée en l’espèce.
Enfin, les appelants ne justifient pas de l’existence d’un préjudice résultant de l’échange de parcelles réalisé avec la SCEA du Pigeonnier en l’absence de preuve d’un défaut de culture et d’entretien des terres concernées.
En conséquence, les consorts [F] seront déboutés de leur demande en résiliation du bail conclu avec les époux [X], le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
Sur la demande reconventionnelle en répétition de l’indu
L’article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime dispose que :
Sera puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 € ou de l’une de ces deux peines seulement, tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l’occasion d’un changement d’exploitant, soit obtenu ou tenté d’obtenir une remise d’argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé ou tenté d’imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci.
Les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition. Elles sont majorées d’un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux de l’intérêt légal mentionné à l’article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de trois points.
En cas de reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci, l’action en répétition peut être exercée dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur de plus de 10 %.
L’article 873 du code civil dispose que :
Les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession, personnellement pour leur part et portion virile, et hypothécairement pour le tout ; sauf leur recours soit contre leurs cohéritiers, soit contre les légataires universels, à raison de la part pour laquelle ils doivent y contribuer.
M et Mme [X] sollicitent à titre reconventionnel la condamnation des bailleurs à répéter la somme de 236 000 francs soit 35 978 euros correspondant aux sommes versées au titre d’améliorations du fonds et d’arrières fumures.
Il n’est pas contesté que M. [R] [F], qui figure en qualité d’héritier de Mme [U] [S] veuve [F] aux termes de l’attestation de dévolution successorale établie par Maître [M] le 29 novembre 2018, n’a pas repris volontairement l’instance initiée par Mme [S] veuve [F] et n’a pas été appelé en la cause par les époux [X].
Si les consorts [F] soulèvent l’irrecevabilité de la demande des époux [X] au motif que l’ensemble des héritiers de M et Mme [T] ne sont pas dans la cause, force est de constater que chaque héritier est tenu personnellement pour sa part et portion de sorte que la demande des époux [X], limitée à 4/5ème du montant total de leurs prétentions, doit être déclarée recevable.
Le jugement entrepris sera donc infirmée de ce chef.
Au soutien de leur demande, M. et Mme [X] produisent aux débats un reçu établi le 21 août 1995 indiquant: ‘Je soussigné [F] [A] déclare avoir reçu la somme de 100 000 francs à titre d’acompte sur la cession de terre et matériel qui sera réalisée au 30 septembre 1995. Cette somme a été payée par le GAEC [Localité 30] par le chèque n°7626559 sur le CRCA de [Localité 29]. Le preneur ‘[X]’, le cédant ‘Mme [F]”(pièce n°2 des intimés) ainsi qu’un autre reçu établi le 9 octobre 1995 au nom de Mme [U] [F] mentionnant: ‘Je soussignée Mme [F] [U] avoir cédé au Gaec [Localité 30] 14H 62a 30ca amélioration du fond et arrière fumure pour la somme de deux cent huit mille deux cent quatorze francs.
4ha 63a 30ca d’arrière fumure pour la somme de vingt sept mille sept cent quatre vingt six francs.
Montant total: Deux cent trente six mille francs
Réglé chèque n°762 6559 du 21.08.95
et chèque n°2334998 du 9.10.95.
Mme [F]’. (pièce n°3 des intimés)
Si les appelants font valoir que ces pièces sont dépourvues de toute valeur probante, en ce que la pièce n°3 a été surchargée ou corrigée et que la pièce n°2 a été ‘caviardée’, force est de constater qu’ils se contentent de procéder par voie d’affirmation sans produire aucun élément de preuve au soutien de leurs allégations alors que les documents critiqués ne comportent aucune surcharge ni correction.
En outre, alors que le document n°2 établi au nom de [A] [F] comporte la signature ‘Mme [F]’ au titre du cédant, cette seule mention ne suffit pas à écarter toute force probatoire à cette pièce, la signature y figurant étant similaire à celle figurant sur le reçu établi au nom de Mme [F].
De plus, il convient de relever que la simultanéité des deux actes et leur contenu font apparaître qu’ils ont été établis à l’occasion de la régularisation du bail rural par acte authentique le 20 octobre 1995.
Par ailleurs, M. et Mme [X] produisent aux débats une attestation de la société d’expertise comptable établie le 31 mai 2018 selon laquelle le GAEC [Localité 30] à [Localité 19] a bien réglé ‘en 1995 la somme de 236 000 francs pour la reprise de terre à M Mme [F] [A] et [U]:
23/08/2015 Crédit Agricole 7626559 100 000 francs
21/10/2015 Crédit Agricole 2334998 136 000 francs
Et la somme de 55 000 francs pour achat de matériel:
21/10/2015 Crédit Agricole 2334997 55 000 francs’.
Si cette attestation comporte la date de 2015 au lieu et place de 1995, la réalité des versements intervenus au profit des époux [F] est confortée par les relevés de compte du Gaec [Localité 30] produits aux débats, permettant de vérifier que la date de 2015 ne constitue qu’une irrégularité formelle correspondant à une simple erreur matérielle.
Il convient au terme de l’ensemble de ces motifs de conclure que la preuve des paiements faits en vertu de l’acte de cession est rapportée et il s’ensuit que la preuve du versement d’une somme de 236 000 francs soit 35 978 euros à M et Mme [F], somme qui ne trouve pas sa cause dans autre chose que l’existence d’un pas-de-porte prohibé, à l’occasion du bail consenti à M. et Mme [X] est rapportée et il convient donc pour la cour de faire droit sur le principe et par infirmation sur ce point du jugement entrepris à l’action en répétition de l’indû exercée par M et Mme [X].
Par ailleurs, M. [I] [F], Mme [C] [F], M. [P] [F] et Mme [OC] [F] épouse [J] seront condamnés chacun au paiement de la somme de 7 195,60 euros, ce qui correspond pour chacun d’eux à la fraction de ses droits dans la succession appliquée à la somme totale de 35 978 euros.
Sur les intérêts de retard :
Il sera précisé que les intérêts de retard sont soumis à la prescription quinquennale. Il s’ensuit que les intérêts de retard ne sont dus qu’à compter du 30 novembre 2015, ces derniers étant majorés de trois points.
L’anatocisme sera autorisé suivant les modalités reprises au présent dispositif à compter de l’introduction de l’action en justice.
Sur les dépens et sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Les consorts [F], parties perdantes, seront condamné à supporter les dépens d’appel en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
Il n’apparaît pas inéquitable de les condamner à verser à M. et Mme [X] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a déclaré l’action en répétition de l’indû irrecevable ;
Statuant à nouveau sur ce point,
Déclare recevable l’action en répétition de l’indû engagée par M. [BB] [X] et Mme [E] [LE] épouse [X],
Condamne M. [I] [F], Mme [C] [F], M. [P] [F] et Mme [OC] [F] épouse [J] à payer chacun à M. [BB] [X] et Mme [E] [LE] la somme de 7 195,60 euros avec intérêts au taux légal majoré de trois points à compter du 30 novembre 2015 ;
Autorise la capitalisation des intérêts dus depuis au moins une année entière conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil à compter du 9 avril 2018 ;
Condamne in solidum M. [I] [F], Mme [C] [F], M. [P] [F] et Mme [OC] [F] épouse [J] aux dépens de première instance et
d’appel ;
Condamne les mêmes et dans les mêmes termes à payer à M. [BB] [X] et Mme [E] [LE] épouse [X] la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Véronique DELLELIS