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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
2ème CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 21 SEPTEMBRE 2023
N° RG 20/01090 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LPLK
[C] [N]
[J] [N] épouse [N]
[D] [N]
c/
[K] [W] (décédé)
[R] [W]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 33063/02/21/11667 du 20/05/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 28 janvier 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (chambre : 7, RG : 19/01051) suivant déclaration d’appel du 24 février 2020
APPELANTS :
[C] [N]
né le 10 Novembre 1928 à [Localité 8]
de nationalité Française
Retraité
demeurant [Adresse 1]
[J] [N] épouse [N]
née le 22 Mars 1940 à [Localité 10]
de nationalité Française
Retraitée,
demeurant [Adresse 1]
[D] [N]
né le 19 Novembre 1979 à [Localité 9] (TEXAS)
de nationalité Française
Profession : Chef d’entreprise,
demeurant [Adresse 1]
Représentés par Me Nathalie TARAVEL-HAVARD de la SELARL CABINET TARAVEL FOGLIA, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
[K] [W]
né le 19 Juin 1939 à [Localité 8]
décédé
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 5]
[R] [W]
né le 01 Septembre 1944 à [Localité 8]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 5] et [Adresse 2]
agissant en son nom personnel et agissant es qualité d’ayant-droit de Monsieur [K] [W], décédé le 1er janvier 2021 à [Localité 8]
Représenté par Me MOULINET substituant Me Valérie ARMAND-DUBOURG de la SELASU AD AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été examinée le 12 juin 2023 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Paule POIREL, Président
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller
Madame Christine DEFOY, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Audrey COLLIN
Le rapport oral de l’affaire a été fait à l’audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Messieurs [K] et [R] [W] sont propriétaires d’une parcelle située [Adresse 5] à [Localité 11], cadastrée n°[Cadastre 7] et sur laquelle se trouve implanté un atelier dans lequel les consorts [W] exerçaient une activité de tôliers.
Ils ont envisagé de céder la nue propriété de cette parcelle en viager et se sont rapprochés au cours de l’année 2015 de M. [C] [N] et de son épouse Mme [J] [N], propriétaires de la parcelle voisine située au [Adresse 6] à [Localité 11], intéressés par cette acquisition en qualité de nu-propriétaires au profit de leur fils [D] [N].
Une première somme de 10 000 euros en numéraire ‘ pour l’achat de la nue propriété de notre bien’ a été versée par M. et Mme [N] aux consorts [W] ainsi qu’ils en ont attesté 1er juin 2017, suivie d’un autre écrit signé de M.M [W] en date du 16 juin 2017 portant réception d’une nouvelle somme de 10 000 euros.
Un chèque non daté de 20 000 euros a été émis par M.M [W] au profit de M. Et Mme [N] correspondant selon écrit non daté signé des consorts [W] ‘ au montant des espèces de tous les prêts consentis par M. Et mme [N] depuis 2016 concernant la possible cession en viager occupé de notre atelier situé [Adresse 5] à [Localité 11] qui devait se concrétiser en 2018″
Le 25 avril 2018, M. [Y] [X], géomètre-expert, a adressé à Messieurs [W] [R] et [K] un devis afin de réaliser un bornage de la parcelle située [Adresse 5].
Au cours de l’été 2018, la société Axa France Iard a adressé des devis pour assurer la parcelle sus-visée.
Le 25 juillet 20 l8, M. et Mme [N] ont manifesté le souhait d’encaisser le chèque de 20 000 euros à eux remis par les consorts [W].
Par un courrier du 18 décembre 2018, Maître [V] Notaire de M. [N], s’est rapproché de Maître [U], Notaire des consorts [W], pour la signature d’un compromis de vente.
Par acte d’huissier en date du 4 février 2019, M. et Mme [N] et leur fils M.[D] [N] ont assigné les consorts [W] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, se prévalant d’un accord sur la chose et sur le prix portant sur le bien immobilier situé [Adresse 5] à [Localité 11], afin de constater la perfection de la vente et d’ordonner la réitération forcée en la forme authentique, à leur profit moyennant le prix de 250 000 euros en pleine propriété soit 135 000 euros en viager nue-propriété, occupé (à hauteur de 70%); de les condamner à leur communiquer les renseignements nécessaires; de les condamner à leur verser une somme de 20 000 euros à titre de résistance abusive, outre une condamnation fondée sur l’action 700 du code de procédure civile et les dépens.
Par jugement rendu le 28 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– écarté la nullité pour défaut de tentative de conciliation ;
– s’est déclaré incompétent pour statuer sur la recevabilité des conclusions signifiées le 14 octobre 2019 par les demandeurs ;
– débouté les consorts [N] de l’intégralité de leurs demandes ;
– accordé l’aide juridictionnelle provisoire aux consorts [W] ;
– laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ;
– condamné les consorts [N] aux entiers dépens ;
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.
Par déclaration électronique en date du 24 février 2020, les consorts [N] ont relevé appel de cette décision limité aux dispositions ayant :
– débouté les consorts [N] de l’intégralité de leurs demandes ;
– laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ;
– condamné les consorts [N] aux entiers dépens ;
Par ordonnance rendue le 23 juin 2021, le conseiller de la mise en état a :
– constaté la reprise d’instance par M. [R] [W] en qualité d’ayant-droit de [K] [W] décédé le 1er janvier 2021.
– déclaré les demandes formées par M. [R] [W] devant le conseiller de la mise en état irrecevables et les a rejetées.
– condamné M. [W] à verser aux consorts [N] la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamné M. [W] aux dépens de l’incident.
Les consorts [N], dans leurs dernières conclusions d’appelants en date du 26 mai 2023, demandent à la cour, au visa des articles 1583 et suivants, 1104, 1112 et 1240 du code civil, de :
– reporter l’ordonnance de clôture au jour des plaidoiries ;
– déclarer les consorts [N] recevables et bien-fondés en leur appel,
Infirmer le jugement déféré rendu le 28 janvier 2020 en ce qu’il a :
– débouté les consorts [N] de l’intégralité de leurs demandes ;
– laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ;
– condamné les consorts [N] aux entiers dépens.
– rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions formulées par M. [R] [W] à l’encontre des Consorts [N] ;
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
– constater l’existence d’un accord sur la chose et sur le prix intervenu entre les acquéreurs, M. [C] [N], Madame [J] [N], M. [D] [N] et les vendeurs, Messieurs [K] et [R] [W], portant sur la bien immobilier situé [Adresse 5] à [Localité 11],
– constater la perfection de la vente,
– ordonner la réitération forcée de la vente en la forme authentique au profit de M. [C] [N], Madame [J] [N] et M. [D] [N], moyennant le prix de 119.000 euros en viager nue-propriété, occupé (à hauteur de 70%),
– constater que les époux [N] ont d’ores et déjà versé un acompte de 20.000 euros au titre de la vente,
– condamner M. [R] [W], tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’ayant-droit, à communiquer tous les renseignements, titres et diagnostics sur le bien vendu en nue-propriété, à Maître [A] [V], notaire des consorts [N], domicilié [Adresse 3] à [Localité 8],
– condamner M. [R] [W], tant en son nom personne qu’en sa qualité d’ayant-droit, à verser à M. [C] [N], Madame [J] [N] et M. [D] [N] la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
A titre subsidiaire,
– condamner M. [R] [W], tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’ayant-droit, à verser à M. [C] [N], Madame [J] [N] et M. [D] [N] 40.000 euros au titre de la perte des arrhes versés du fait de la non réalisation de la vente,
A titre infiniment subsidiaire,
– condamner M.[R] [W], tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’ayant-droit, à rembourser à M. [C] [N], Madame [J] [N] et M. [D] [N] la somme de 20.000 euros versés à perte,
– condamner M. [R] [W], tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’ayant-droit, à verser à M. [C] [N], Madame [J] [N] et M. [D] [N] la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive des pourparlers,
En tout état de cause,
– condamner M. [R] [W], tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’ayant-droit, à verser à M. [C] [N], Madame [J] [N] et M. [D] [N] une indemnité de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– condamner M. [R] [W], tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’ayant-droit, aux entiers dépens de première instance et d’appel.
M. [R] [W], agissant à titre personnel et en sa qualité d’ayant-droit de M.[K] [W], dans ses dernières conclusions d’intimé en date du 29 septembre 2021, demande à la cour, au visa des articles 1583 du code civil, 370 et suivants, 564 et suivants du code de procédure civile, ainsi que du décret n°55-22 du 4 janvier 1955, de :
– constater que M. [R] [W], ayant-droit de M. [K] [W], décédé le 1er janvier 2021 à [Localité 8], reprend volontairement la présente instance conformément aux dispositions de l’article 373 du Code de procédure civile ;
A titre principal,
– constater l’absence de justification de l’accomplissement des formalités de publicité requises par les articles 28 et 30 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955,
– constater que les demandes formulées en cause d’appel par les consorts [N] sont nouvelles,
En conséquence :
– déclarer irrecevable l’ensemble des demandes, fins et prétentions formulées par les consorts [N],
Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 28 janvier 2020 en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire,
– constater l’absence d’accord sur les modalités de la cession de la parcelle sise [Adresse 4] à [Localité 11], et notamment sur le prix de vente et la qualité des acquéreurs;
– constater que la preuve de la résistance abusive de Messieurs [K] et [R] [W] n’est pas rapportée ;
– constater que la somme de 20.000 euros versée en juin 2017 par les consorts [N] ne peut être qualifiée d’arrhes ;
– constater que les consorts [N] ne justifient nullement d’un préjudice résultant du retard pris pour finaliser la vente ;
– constater que le retard pris pour finaliser la vente n’est pas imputable à Messieurs [K] et [R] [W] ;
En conséquence :
– débouter les consorts [N] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, et notamment s’agissant de la demande de réitération forcée de la vente de la parcelle sise [Adresse 5] à [Localité 11],
– confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Bordeaux le 28 janvier 2020 en toutes ses dispositions ;
A titre infiniment subsidiaire, si la vente forcée devait être ordonnée,
– préciser dans l’arrêt à intervenir que les consorts [N] feront leur affaire personnelle :
– des résultats des diagnostics techniques à intervenir,
– des difficultés résultant du bornage de la parcelle, et notamment des conséquences de la procédure actuellement en cours et opposant les concluants à la ville de [Localité 11],
– de manière générale, de toutes difficultés relatives au bornage, aux servitudes et alignements intéressant la parcelle sise [Adresse 4] à [Localité 11].
En toute hypothèse,
– débouter les consorts [N] de leur demande de voir Messieurs [K] et [R] [W] condamnés à leur verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum les consorts [N] à verser à M. [R] [W] la somme de 3.000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum les consorts [N] aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 mai 2023.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient de donner acte à M.[R] [W] de son intervention volontaire en reprise d’instance en qualité d’ayant droit de M. [K] [W], décédé en cours d’instance.
Il sera observé préalablement que si dans le corps de ses dernières conclusions M.[W] met en avant l’absence de démarches préalables à l’assignation accomplies par les consorts [N] en vue de parvenir à un règlement amiable du litige, force est de constater que dans le dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour, il ne demande à la cour de déclarer les demandes des consorts [N] irrecevables qu’en raison de l’absence d’accomplissement des formalités de publicité légale et comme constituant des demandes nouvelles en appel.
I – Sur la recevabilité de la demande principale :
M. [W] soulève à la fois l’irrecevabilité des demandes des consorts [N] du fait de l’absence d’accomplissement des formalités de publicité légale et comme constituant des demandes nouvelles en appel. Par ailleurs il soulève ces irrecevabilités tant s’agissant de la demande principale en réalisation forcée de la vente que la demande subsidiaire en remboursement des arrhes versés.
-Sur la demande d’irrecevabilité du fait du défaut de justification de l’accomplissement des formalités de publicité requise par les articles 28 et 30 du décret du 04 janvier 1955 :
Le conseiller de la mise en état a considéré sur ce point, par ordonnance du 23 juin 2021, que la fin de non recevoir soulevée devant lui par les consorts [W] relevait du pouvoir de la cour d’appel saisie du fond du litige et force est de constater que cette décision, qui n’a pas été déférée à la cour dans les délais impartis par les dispositions de l’article 916 du code de procédure civile, a acquis autorité de chose jugée.
M. [W] fait valoir que les demandes formulées à titre subsidiaire par les consorts [N], en versement de la somme de 40 000 euros au titre des arrhes du fait de la non réalisation de la vente, sont en lien avec la résolution d’une convention portant sur des droits réels immobiliers, de sorte que les dispositions des articles 28-4 et 30-5 du décret du 4 janvier 1955 trouvent à s’appliquer, mais il convient d’observer qu’il conclut dans le dispositif de ses conclusions à l’irrecevabilité de l’ensemble des demandes fins et prétentions des consorts [N], en sorte qu’il vise également de ce chef l’irrecevabilité de la demande principale en réitération forcée de la vente.
Les consorts [N] soutiennent que la jurisprudence considère qu’une assignation en réalisation d’une vente n’a pas à être publiée aux hypothèques, de sorte qu’en l’espèce, il ne pesait sur eux aucune obligation de publicité de leur assignation et que la demande de M. [W] doit être rejetée.
Il convient en conséquence de statuer prioritairement sur la recevabilité de la demande principale des consorts [N] et seulement, en tant que de besoin, sur la recevabilité de la demande subsidiaire en restitution des arrhes versées.
Selon l’article 28 du Décret n°55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ‘Sont obligatoirement publiés au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles : […]
4° Les actes et décisions judiciaires, énumérés ci-après, lorsqu’ils portent sur des droits soumis à publicité en vertu du 1° :
c) Les demandes en justice tendant à obtenir, et les actes et décisions constatant, la résolution, la révocation, l’annulation ou la rescision d’une convention ou d’une disposition à cause de mort;’
Selon l’article 30 ‘1. Les actes et décisions judiciaires soumis à publicité par application du 1° de l’article 28 sont, s’ils n’ont pas été publiés, inopposables aux tiers qui, sur le même immeuble, ont acquis, du même auteur, des droits concurrents en vertu d’actes ou de décisions soumis à la même obligation de publicité et publiés, ou ont fait inscrire des privilèges ou des hypothèques. Ils sont également inopposables, s’ils ont été publiés, lorsque les actes, décisions, privilèges ou hypothèques, invoqués par ces tiers, ont été antérieurement publiés’.
Il s’ensuit que l’action des consorts [N] en réalisation forcée de la vente à leur profit n’est pas soumise à publicité et qu’en tout état de cause, la sanction du défaut de publicité n’en serait pas l’irrecevabilité de leur demande, en sorte que la fin de non recevoir soulevée par M. [W] est écartée.
Sur la recevabilité de la demande nouvellement formulée en cause d’appel :
M. [W] conclut à l’irrecevabilité des demandes des consorts [N] en ce qu’à titre principal ils demandent désormais à la cour de la réitération de la vente ‘ moyennant le prix de 119.000 euros en viager nue-propriété, occupé (à hauteur de 70%)’ alors qu’en première instance ils sollicitaient la réitération forcée de la vente ‘pour un montant de 250 000 euros en pleine propriété soit 175 000 euros en viager nue-propriété (à hauteur de 70%)’
Cependant, le principe de la prohibition des demandes nouvelles en appel posé par l’article 564 du code de procédure civile a notamment pour limite les dispositions de l’article 565 selon lesquelles les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, ce dont il ressort que la demande par laquelle les consorts [N] ont abaissé leur demande chiffrée, ne constitue pas une demande nouvelle en appel et partant irrecevable, dès lors qu’elle tend aux mêmes fins que celle qui était soumise aux premiers juges, à savoir, acquérir la nue propriété de la parcelle de M. [W].
Il convient d’écarter en conséquence l’exception d’irrecevabilité de cette demande.
II – Sur le bien fondé des demandes :
– Sur la demande des consorts [N] en réitération forcée de la vente :
Ayant relevé que les parties n’avaient signé aucun compromis de vente, le tribunal a retenu que les relations entre elles s’étaient limitées à des simples pourparlers précontractuels, étant précisé que les acquéreurs ne pouvaient acquérir sans connaître les diagnostics techniques préalables obligatoires, ni l’inventaire des bien mobiliers composant le lot et qu’un litige concernant le bornage de la parcelle opposant les propriétaires et la municipalité était toujours en cours, pour écarter l’existence d’un accord sur la chose et sur le prix intervenu entre les parties.
Au contraire, les consorts [N] soutiennent que le jugement doit être réformé dans la mesure où les relations des parties ne se sont pas limitées à des pourparlers précontractuels, l’absence de signature d’un compromis de vente n’empêchant en aucun cas que la vente soit parfaite entre les parties; qu’en effet, dès le 1er juin 2017, les consorts [N] et [W] étaient d’accord sur la chose et le prix de vente, ainsi que cela ressort des pièces versées aux débats caractérisées par le versement de deux acomptes de 10 000 euros en espèces à valoir sur le prix de vente, qui empêchait toute rétractation de la part des parties.
Selon l’article 1582 du code civil, ‘La vente est une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer.
Elle peut être faite par acte authentique ou sous seing privé’.
Et selon l’article 1583 : ‘Elle est parfaite entre les parties et la propriété acquise est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès que l’on est convenu de la chose et du prix quoi que la chose n’est pas encore été livrée et le prix payé.’
Selon l’article 1589 du même code, ‘ La promesse de vente vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix.
Si cette promesse s’applique à des terrains déjà lotis ou à lotir, son acceptation et la convention qui en résultera s’établiront par le payement d’un acompte sur le prix, quel que soit le nom donné à cet acompte, et par la prise de possession du terrain.
La date de la convention, même régularisée ultérieurement, sera celle du versement du premier acompte’.
Il résulte de ces dispositions que la vente est un contrat consensuel qui ne nécessite pas nécessairement la rédaction d’un compromis, son existence étant induite du seul accord des parties sur la chose et sur le prix dès lors que les parties n’avaient pas fait de tout autre élément et notamment de la passation de l’acte authentique un élément déterminant de leur consentement.
Il résulte des pièces versées aux débats que le 1er et le 16 juin 2017, les consorts [N] ont versé aux consorts [W] deux fois 10 000 euros en espèces qui ont donné lieu à deux reçus établis sur la même feuille (leur pièce n°6). Le premier en date du 1er juin 2017 signé de [K] et [R] [W], mentionnant : ‘ [K] [W] né à [Localité 8] le 19 septembre 19′ et [R] [W] né à [Localité 8] le 1er septembre 19′, reconnaissent avoir reçu de Mme [N] [J], [Adresse 1] à [Localité 11], la somme de dix mille euros pour l’achat de la nue propriété de notre bien (terrain de 625 m2 plus hangar) estimé à cent dix neuf mille euros 119 000 euros situé à [Adresse 5].’ et le second comportant reçu par M.M [W] d’une somme de dix mille euros en date du 16 juin 2017.
Aucune des parties ne tire argument à ce stade de l’émission d’un chèque non daté tiré sur le compte des consorts [W] pour un montant de 20 000 euros et établi au profit des consorts [N].
Il apparaît ainsi que les consorts [W] faisaient état d’une somme reçue pour l’achat de ‘la nue propriété de notre bien (625 m2 avec hangar) estimée à 119 000 euros’ quand dans leur assignation les consorts [N] visaient la réalisation de la vente ‘pour un montant de 250 000 euros en pleine propriété soit 175 000 euros en viager nue-propriété (à hauteur de 70%)’, ce dont il ne s’évinçait aucun accord sur la chose, nue propriété/ou viager- nue propriété (70%), pour finalement solliciter devant la cour la réalisation de la vente ‘moyennant le prix de 119.000 euros en viager nue-propriété, occupé (à hauteur de 70%)’ , ce qui, n’étant pas davantage conforme à la mention émanant des consorts [W] qui visait pour le même prix l’acquisition de la seule nue propriété, ne permet pas de retenir un accord des parties sur la chose et sur le prix emportant vente au profit des consorts [N].
Les consorts [N] font encore valoir qu’il ressortait des mentions mêmes de l’écrit du 1er juin 2017 qu’ils ont versé un acompte de 20 000 euros ‘à valoir sur la vente’, ce qui attestait l’impossibilité pour les parties de se rétracter.
Cependant, si les deux sommes de 10 000 euros dont le reçu est attesté sur la même feuille apparaissent bien procéder de la même cause, le dit écrit ne mentionne pas le reçu d’une somme de 10 000 euros ‘à valoir sur la vente’ mais simplement ‘pour l’achat de la nue propriété de notre bien’, ne mentionnant qu’un engagement de la part des consorts [N].
De même, aucun élément ne permet de retenir qu’au moment du versement des deux acomptes les parties s’étaient entendues sur une vente ‘en viager occupé 70%’, seul l’achat de la nue-propriété y étant visé.
En outre, il a été justement relevé par le tribunal qu’il demeurait de nombreuses incertitudes concernant cette vente et notamment un contentieux en cours concernant le bornage de la propriété.
Dans ce contexte, il ne peut être considéré que les deux sommes de 10 000 euros versées par les consorts [N] s’apparentaient à un acompte ferme et définitif sur l’achat du bien, alors que le reçu ne contenait aucune mention d’un engagement de cet ordre, que les parties qui étaient en pourparlers depuis de nombreux mois n’étaient pas d’accord sur l’objet même de la vente et son prix n’ayant d’ailleurs toujours pas concrétisé leurs discussions par la signature d’un compromis de vente qui aurait permis de figer tous les éléments de leur accord.
Le jugement entrepris est en conséquence confirmé en ce qu’il a retenu que les parties n’étaient entrées qu’en pourparlers et a en conséquence débouté les consorts [N] de leur demande d’ordonner la réitération forcée de la vente en la forme authentique.
– Sur la demande indemnitaire pour procédure abusive :
Rappelant qu’ils ont versé un acompte de 20 000 euros, qu’ils n’ont pu encaisser le chèque remis par les consorts [W] et que ceux ci refusent la restitution de leur acompte et, dans le même temps, la réitération de la vente laquelle aurait dû intervenir dans le courant de l’année 2018, les consorts [N] soutiennent qu’ils doivent être indemnisés à hauteur de la somme de 20 000 euros en raison de la résistance abusive des consorts [W].
Cependant la vente forcée n’étant pas ordonnée et le chèque de 20 000 euros remis par les époux [W] n’apparaissant pas avoir eu pour cause la vente litigieuse alors qu’il résulte de l’acte signé des époux [W] en même temps que la remise du chèque que celui ci était émis ‘en remboursement de tous les prêts consentis’ par M.et Mme [N] depuis 2016, (pièce n° 7 des appelants) ce qui est explicitement confirmé dans un courrier émanant des consorts [N] (leur pièce n° 11) où ils rappellent à [R] [W] qu’ils ont ‘prêté à vous et à votre frère [K] de l’argent sans intérêts, vous nous avez signé tous les deux des reconnaissances de dette correspondantes et votre frère nous signé un chèque bancaire totalisant l’ensemble de ces prêts’, il n’apparaît pas que la résistance des consorts [W] puis de M. [R] [W] puisse être qualifiée d’abusive et donner lieu à dédommagement pour les appelants, ce en quoi les consorts [N] seront également déboutés.
III – Sur la demande subsidiaire de restitution du double de la somme versée (2 x 20 000 euros):
Les consorts [N] sollicitent à titre subsidiaire, dès lors qu’il serait considéré que la vente n’était pas définitive, la restitution du double de la somme de 20 000 euros versée, estimant qu’il s’agissait d’arrhes à valoir sur la vente.
-Sur la recevabilité de la demande pour défaut de publication :
M. [W] considère que la demande en restitution d’arrhes du fait de la non réalisation de la vente s’apparente à la résolution d’une convention portant sur des droits réels immobiliers soumis à publicité emportant en conséquence obligation de publicité de la demande conformément aux dispositions des articles 28-4 et 30-5 du décret du 4 janvier 1955.
Cependant il a été retenu qu’il n’y avait pas eu vente entre les parties en sorte la demande en restitution d’une somme de 40 000 euros qui ne fait que tirer les conséquence d’une absence de tout engagement de vente ne constitue qu’une action personnelle et mobilière en paiement de sommes mais en aucun cas une action en résolution, révocation, annulation ou rescision de droits résultant d’actes soumis à publicité.
La demande des consorts [N] est donc recevable à ce titre.
– Sur la recevabilité de la demande formulée pour la première fois devant la cour:
M. [W] soutient que cette demande qui n’avait pas été formulée en première instance est irrecevable devant la cour comme parfaitement nouvelle.
Les appelants le contestent faisant valoir que leur demande constitue, au sens de l’article 566 du code de procédure civile, un accessoire, une conséquence ou encore un complément nécessaire à la demande initiale en réalisation de la vente forcée et qu’elle est en conséquence recevable en cause d’appel.
Selon l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Selon l’article 565, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Et, selon l’article 566, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Enfin, selon l’article 567, les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.
Il appartient à la cour saisie d’une fin de non recevoir tirée de l’interdiction des demandes nouvelles en cause d’appel de vérifier si sont applicables les exceptions à ce principe résultant des dispositions sus visées.
Or, en aucun cas, la demande en restitution des sommes versées en vue de la réalisation de la vente ne peut être regardée, ainsi que le soutiennent les consorts [N], comme la conséquence, l’accessoire ou le complément nécessaire de la demande de passation forcée de la vente, alors qu’elle est au contraire la conséquence du débouté de la demande en réitération forcée de la vente.
Elle ne tend aucunement à faire écarter des prétentions adverses alors que les consorts [W] et désormais M. [R] [W] n’ont jamais formulé aucune demande autre que le rejet des prétentions au fond des consorts [N].
Elle ne tend pas davantage aux mêmes fins que la demande initiale en vente forcée.
Les consorts [N], sans le formuler juridiquement, font valoir un élément nouveau dont ils justifient (leurs pièces 18 et 19) constitué par le refus de paiement pour compte clôturé, le 10 mars 2021, du chèque de 20 000 euros n°001189 que leur avaient remis les consorts [W], tiré sur le compte Société Générale de M. [K] [W] et qu’ils indiquent avoir porté à l’encaissement à la suite du jugement dont appel, estimant que cette somme leur était acquise dès lors que la vente ne devait pas se réaliser.
Cependant cet élément ne saurait constituer un élément nouveau s’agissant du seul litige dont la cour est saisie, à savoir, la passation forcée de l’acte de vente dès lors qu’il résulte des pièces versées aux débats tant par les appelants que l’intimé, ainsi qu’il a été sus retenu, que l’émission de ce chèque de 20 000 euros est sans lien avec le présent litige puisqu’il n’a été remis aux consorts [N] qu’en remboursement de prêts que les appelants auraient eux-mêmes consentis aux intimés.
Il ne s’agit pas davantage d’une demande reconventionnelle alors que les époux [N] sont demandeurs au litige et que M.[R] [W] ne conclut sur le fond qu’ au débouté des demandes des consorts [N].
La demande en restitution du double de la somme de 20 000 euros est en conséquence irrecevable présentée pour la première fois devant la cour.
IV – Sur la demande subsidiaire d’indemnisation pour rupture abusive des pourparlers
Devant la cour, les consorts [N] sollicitent à titre infiniment subsidiaire d’être indemnisés en raison de la rupture abusive des pourparlers.
M. [R] [W] conclut là encore à l’irrecevabilité de la demande comme nouvelle en appel.
Or, pas davantage que s’agissant de la demande en restitution du double de la somme versée à titre d’arrhes, la demande au titre de la rupture abusive des pourparlers qui ne constitue pas l’accessoire ou le complément de la demande initiale en réitération forcée de la vente, alors qu’elle ne tend pas aux mêmes fins, que la difficulté d’encaissement du chèque de 20 000 euros qui est sans lien avec la question de la vente ne peut constituer un élément nouveau justifiant cette nouvelle demande indemnitaire et qu’elle ne constitue pas une demande reconventionnelle, ne saurait être déclarée recevable en cause d’appel.
Succombant en leur recours, les consorts [N] en supporteront l’équité commandant de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Donne acte à M. [R] [W] de son intervention volontaire en qualité d’ayant droit de M. [K] [W], décédé.
Confirme le jugement entrepris en toute ses dispositions.
Y ajoutant:
Déclare irrecevables les demandes subsidiaires en restitution d’arrhes et en dommages et intérêts pour rupture abusive des pourparlers.
Rejette les demandes en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne M.[C] [N], Mme [J] [N] et M. [D] [N] aux dépens du présent recours.
Le présent arrêt a été signé par M. Rémi FIGEROU, conseiller en remplacement de Mme Paule POIREL, président légitimement empêché et par Mme Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Conseiller,