Tentative de conciliation : 28 septembre 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/02848

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Tentative de conciliation : 28 septembre 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/02848
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Arrêt n° 23/00279

28 Septembre 2023

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N° RG 21/02848 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FUCP

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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social

17 Novembre 2021

17/01826

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 – Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt huit Septembre deux mille vingt trois

APPELANT :

Monsieur [R] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par l’association [7], prise en la personne de Mme [W] [I], salariée de l’association munie d’un pouvoir spécial

INTIMÉS :

Association ANGDM- Agence Nationale pour la garantie des droits des mineurs

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Cathy NOLL, avocat au barreau de MULHOUSE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE

[Adresse 3]

[Adresse 8]

[Localité 5]

représentée par Mme [F], munie d’un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Mai 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Carole PAUTREL, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Amarale JANEIRO, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Carole PAUTREL, Conseillère, faisant fonction de Présidente de Chambre et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Né le 6 novembre 1960, M. [R] [K] a travaillé du 10 octobre 1978 au 26 janvier 2004 au sein des Houillères du Bassin de Lorraine (HBL) devenues par la suite l’EPIC Charbonnages de France (CDF). Il a bénéficié d’un congé charbonnier de fin de carrière du 1er avril 2006 au 31 juillet 2012.

M. [K] a adressé à la CANSSM (caisse d’assurance maladie des mines) une déclaration de maladie professionnelle datée du 1er mars 2016, avec, à l’appui, un certificat médical initial établi le 1er décembre 2015 par le docteur [G], pneumologue, diagnostiquant une silicose.

Le 24 août 2016, à l’issue de son instruction, la Caisse a reconnu le caractère professionnel de la maladie dont souffre M. [K] (silicose chronique), comme étant inscrite au tableau 25A2 des maladies professionnelles.

Le 30 septembre 2016, l’assurance maladie des mines a fixé son taux d’incapacité permanente à 5% et il a été alloué à M. [K] une indemnité en capital de 1 950,38 euros à la date du 3 décembre 2015, lendemain de sa consolidation, en réparation de sa pathologie.

Par courrier du 15 septembre 2016, M. [K] a introduit une demande de reconnaissance de faute inexcusable de son ancien employeur devant la Caisse.

Après échec de la tentative de conciliation, par requête introductive d’instance du 27 novembre 2017, M. [K] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Moselle, devenu pôle social du tribunal de grande instance de Metz à compter du 1er janvier 2019 puis pôle social du tribunal judiciaire de Metz à compter du 1er janvier 2020, aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son ancien employeur sur le fondement de l’article L 452-1 du code la sécurité sociale, et a sollicité les indemnisations qui en découlent.

L’Agence Nationale pour la Garantie des Droits des Mineurs (ANGDM) est intervenue à l’instance aux lieu et place de l’EPIC Charbonnages de France suite à la clôture de sa liquidation.

Par courrier du 14 août 2019, M. [K] s’est désisté de ses demandes formées à l’encontre de l’AJE, ne maintenant ses prétentions qu’à l’encontre de l’ANGDM.

La caisse primaire d’assurance maladie de Moselle (CPAM) a en outre été mise en cause pour le compte de la CANSSM.

Par jugement du 17 novembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz, nouvellement compétent, a :

Jugé recevables mais non fondées les demandes de M. [K] en vue de reconnaître la faute inexcusable de l’employeur ;

Jugé que le caractère professionnel de la pathologie présentée par M. [K] est démontré ;

Jugé que la commission par l’employeur de M. [K] d’une faute inexcusable à l’origine de la maladie professionnelle qu’il a contractée n’est pas démontrée ;

Rejeté les demandes d’indemnisation complémentaire formée par M. [K] ;

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

Condamné M. [K] aux dépens exposés à compter du 1er janvier 2019.

Par acte reçu le 26 novembre 2021, M. [K] a interjeté appel total de cette décision qui lui a été notifiée le 24 novembre 2021.

Par conclusions datées du 4 juillet 2022, M. [K] demande à la cour de :

déclarer recevable et bien fondé son recours ;

infirmer le jugement entrepris ;

STATUANT A NOUVEAU,

juger que la maladie professionnelle inscrite au tableau 25 de M. [K] est due à la faute inexcusable de l’EPIC Charbonnages de France représenté par l’ANGDM ;

juger que M. [K] a droit à une majoration de sa rente en la portant au taux maximum conformément aux dispositions de l’article L 452-2 du code de la sécurité sociale ;

condamner la caisse à lui payer cette majoration ;

dire et juger :

. que cette majoration prendra effet à la date de reconnaissance de la maladie professionnelle ;

. en cas d’aggravation ultérieure que le taux de rente sera indexé au taux d’IPP ;

. en cas de décès imputable, que la rente de conjoint sera majorée à son taux maximum et que la caisse devra verser l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale, de même qu’en cas d’aggravation du taux d’IPP à 100% ;

condamner l’ANGDM à payer à M. [K] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir :

. 20 000 euros au titre du préjudice moral ;

. 5 000 euros au titre du préjudice physique ;

. 3 000 euros au titre du préjudice d’agrément ;

débouter l’ANGDM de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

condamner l’ANGDM à payer à M. [K] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner l’ANGDM aux entiers frais et dépens ;

déclarer la décision à intervenir commune à la Caisse.

Par conclusions datées du 4 novembre 2022, l’ANGDM demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL,

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Metz en date du 17 novembre 2021 en ce qu’il a jugé que la preuve d’une faute inexcusable commise par l’exploitant minier n’est pas rapportée ;

En conséquence,

– débouter M. [K] et la CPAM de Moselle de l’ensemble de leurs demandes dirigées à l’encontre de l’ANGDM ;

A TITRE SUBSIDIAIRE, si la faute inexcusable de l’employeur venait à être retenue, sur les préjudices personnels de M. [K] :

– débouter M. [K] de l’ensemble de ses demandes formulées au titre du préjudice physique, moral et d’agrément ;

– plus subsidiairement encore, réduire à de plus justes proportions les demandes de M.[K] au titre du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées ainsi qu’au titre du préjudice d’agrément ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

– débouter M. [K] de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ou tout au moins réduire toute condamnation prononcée à ce titre à la somme de 500 euros ;

– dire n’y avoir lieu à dépens.

Par conclusions établies en vue de l’audience du 15 mai 2023 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de Moselle intervenant pour le compte de la CANSSM ‘ l’Assurance Malade des Mines – demande à la cour de :

donner acte à la Caisse qu’elle s’en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à l’ANGDM;

Le cas échéant :

déclarer fondée la demande de mise en cause de l’ANGDM dans le présent recours ;

donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de l’indemnité en capital réclamée par M. [K] ;

en tout état de cause, fixer la majoration de l’indemnité en capital dans la limite de 1 950,38 euros ;

prendre acte que la caisse ne s’oppose pas à ce que la majoration de la rente suive l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de M. [K] ;

constater que la Caisse ne s’oppose pas à ce que le principe de la majoration de rente reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, en cas de décès de M. [K] consécutivement à sa maladie professionnelle ;

donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant des préjudices extra-patrimoniaux réclamés par M. [K] ;

condamner l’ANGDM à rembourser à la Caisse les sommes qu’elle sera tenue de verser à M. [K] au titre de la majoration de l’indemnité en capital et des préjudices extra-patrimoniaux ainsi que des intérêts légaux subséquents, en application de l’article L 452-3-1 du code de la sécurité sociale.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise.

SUR CE,

SUR LA FAUTE INEXCUSABLE DE L’EMPLOYEUR

M. [K] sollicite l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a estimé que la faute inexcusable n’était pas établie à l’encontre des Charbonnages de France au motif que la preuve de l’absence de mesures prises par les HBL concernant sa santé n’est pas apportée.

Il soutient que l’employeur s’est abstenu de mettre en ‘uvre les mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés, avec un défaut de formation et d’information, et une insuffisance des moyens de protection individuels et collectifs.

L’ANGDM expose que si les Charbonnages de France avaient bien conscience du risque encouru par ses salariés concernant les poussières de silice, ils ont mis en ‘uvre tous les moyens nécessaires pour protéger les salariés des risques connus à chacune des époques de l’exploitation, tant sur le plan collectif qu’individuel. L’ANGDM prétend que les Charbonnages de France ont parfaitement satisfait à leur obligation de prévention et de sécurité et qu’aucun défaut d’information ne peut leur être reproché. Elle remet en cause la qualité des quatre attestations des témoins ayant déposé en faveur de M. [K] relativement à son activité professionnelle en ce qu’ils sont imprécis, lacunaires, qu’ils ne donnent aucune information sur l’insuffisance des mesures individuelles et collectives, et qu’ils ne justifient pas avoir travaillé directement avec M. [K]. L’ANGDM estime enfin que les nombreuses pièces générales produites par ses soins viennent contredire les affirmations de l’appelant et de ses témoins.

La caisse s’en remet à l’appréciation de la cour.

********************

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat.

Les articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l’employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur.

Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

La preuve de la faute inexcusable de l’employeur incombe à la victime. La faute inexcusable doit s’apprécier en fonction de la législation en vigueur et des connaissances scientifiques connues ou susceptibles de l’avoir été par l’employeur aux périodes d’exposition au risque du salarié.

En l’espèce, le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [K] ainsi que les conditions du tableau 25 des maladies professionnelles ne sont pas contestées. L’ANGDM reconnaît en outre que les Houillères du Bassin de Lorraine, devenues Charbonnages de France, avaient conscience du danger constitué par l’inhalation de poussières de silice et revendique même cette conscience.

Seule sont discutées l’existence et l’efficacité des mesures de protection individuelle et collective prises par l’employeur afin de préserver la victime du danger auquel elle était exposée.

Ces mesures de protection sont déterminées par le décret n° 51-508 du 4 mai 1951 portant règlement général sur l’exploitation des mines, reprenant les dispositions générales des décrets du 10 juillet 1913 et du 13 décembre 1948 prévoyant l’évacuation des poussières ou, en cas d’impossibilité, la mise à disposition de moyens de protection individuelle.

L’article 187 dudit décret dispose que lorsque l’abattage, le chargement, le transport ou la manipulation du charbon peuvent entraîner la mise en suspension ou l’accumulation de poussières, des mesures efficaces doivent être prises pour s’y opposer ou y remédier.

L’instruction du 30 octobre 1956 prescrit des mesures de protection collective (arrosage et humidification des poussières) et individuelle (port du masque) précises et devant être efficaces.

S’agissant des masques, on peut lire dans l’instruction de 1956 que « seuls les masques à pouvoir d’arrêt élevé pour les particules de moins de 5 microns et à résistance faible à la respiration peuvent être pris en considération. La protection individuelle ne saurait être admise en remplacement d’une protection collective possible qui aurait été négligée. Elle ne doit être appliquée qu’en complément de la prévention collective qui doit toujours être poussée aussi loin que possible ».

En l’espèce, M. [K] indique le 1er mars 2016, dans le questionnaire assuré que lui a adressé la CPAM (pièce D de l’ANGDM), qu’il a été en contact avec des poussières en utilisant des outils tels qu’un marteau-piqueur et une perforatrice.

Il justifie par la production de son relevé de périodes et d’emplois établi par l’ANGDM le 9 décembre 2015 avoir travaillé au fond dès le 10 octobre 1978 et jusqu’au 26 janvier 2004 (à l’exception d’une période allant du 30 janvier 1979 au 24 octobre 1982) :

en tant qu’apprenti mineur compagnon puis apprenti mineur du 10/10/1978 jusqu’au 29/01/1979 ;

comme cantonnier à l’UE [Localité 10] du 25/10/1982 au 31/05/1987 ;

comme conducteur d’engin déblocage taille à l’UE [Localité 10] du 01/06/1987 au 31/12/1998 ;

comme conducteur d’engin déblocage taille à l’UE [Localité 9] du 01/01/1999 au 30/06/2000 ;

comme transporteur et aide installateur taille ou traçage du 01/07/2000 au 26/01/2004.

Les attestations de Mrs [M], [O] et [K] [H], sont suffisamment précises et circonstanciées pour démontrer que ces témoins ont bien travaillé directement avec M. [R] [K], dans la mesure où elles indiquent :

pour M.[M] : une période d’activité de 1982 à 1992, un poste de travail pour le témoin (haveur en taille), qu’il était son collègue de travail, et l’activité de la victime (au niveau de l’aérage principal) ;

pour M. [O] : un lieu d’activité où le témoin et la victime se croisaient dans le cadre de leurs fonctions au fonds (galeries et voies principales), et le fait qu’il ait vu directement M. [K] à plusieurs reprises en train d’effectuer des travaux de remise en état des galeries ;

pour M. [K] [H] : les tâches et manipulations précises confiées à l’assuré alors qu’il travaillait dans les principales voies de [Localité 11] et [Localité 10] ; le témoin justifie d’un relevé de carrière et d’emplois montrant qu’il a travaillé au cours d’une période commune avec M. [R] [K] à l’UE [Localité 9].

Le fait que ces trois témoins n’aient pas indiqué avoir occupé les mêmes postes ne porte pas atteinte à leur crédibilité à partir du moment où sur les chantiers les mineurs affectés au fond occupaient des fonctions différentes et complémentaires, nécessaires à l’accomplissement de leur mission.

Aussi le caractère probant de ces trois attestations sera-t-il retenu par la cour.

L’attestation du 26 janvier 2022 de M. [U] ne pourra pas en revanche être retenue comme étant suffisamment probante, dans la mesure où il ne fait état que des vêtements utilisés par M. [K] pour les travaux de la mine et de la fréquence de leur lavage, sans revenir sur les autres conditions de travail de M. [K] concernant notamment les moyens de prévention collectifs et individuels utilisés par l’employeur pour préserver la santé de l’appelant.

M. [K] indique, dans le questionnaire assuré fourni par la caisse, avoir été en contact direct et habituel avec la poussière, en ayant eu à sa disposition des masques à poussière. Il précise également qu’ « il y avait de la poussière partout ».

Les trois témoins cités précédemment par M. [K], et dont l’attestation a été jugée suffisamment probante, apportent les informations suivantes dans leurs attestations, s’agissant des moyens utilisés par l’employeur pour remplir son obligation de prévention et de sécurité :

M. [M] : « Le pire était pendant l’extraction du charbon et des creusements des galeries (roche, conglomérat, etc…) on y voyait pratiquement pas le bout de ses pieds (‘). L’aérage était en mode secondaire (ventilateur, ventube) et l’évacuation de celles-ci ne se passait pas toujours très bien. M. [K] et moi-même portions des masques en papier ridicules, les poussières de silice nous empêchaient de respirer convenablement, d’où les crachats noirs, respirations perturbées (‘). Les protections n’étaient pas vraiment efficaces, malgré les petites pulvérisations d’eau (minimes) me semblaient vraiment dérisoires vu le contexte et la situation abominable dans laquelle nous étions. En interventions ou en mode travail l’exposition était constante l’on ne pouvait pas y échapper. L’aérage secondaire rejetait les poussières vers nous et le principal rajoutait le reste en permanence dans l’atmosphère souillée » ;

M. [O] : «A plusieurs reprises j’ai vu M. [K] [R] effectuer des travaux de remise en état de galerie par des injections et pulvérisations de produits dangereux (‘) le tout dans un air vicié du en partie aux poussières venant des veines d’extractions, des fumées de tir ainsi que les poussières de roche dues au percement des galeries. Les protections (masques à poussières) étant très rares pour ne pas dire inexistantes, les ouvriers n’étant pas informés ou peu des risques et danger de ces inhalations, ignorant les dégâts causés à leur santé, effectuaient ces travaux sans protection » ;

M. [K] [H] : « Lors de l’exploitation charbon dans les principales voies on respirait toutes les poussières de tous les chantiers charbon et rocher, nous ignorions la dangerosité des poussières d’amiante et les conséquences sur la santé de l’inhalation, manque d’information, et manque de masque poussière ».

Il résulte de ces attestations, complétant et précisant les indications de M. [K], que celui-ci était muni de masques jetables ou en papier pas suffisamment résistants et nombreux pour qu’il puissent constituer une protection efficace pendant toute la durée de leur poste au fond. En outre, le système d’arrosage était insuffisant par endroit pour contrer l’empoussièrement très fréquent de l’air qu’il respirait.

Ces témoignages ne sont pas utilement contestés par l’ANGDM qui ne verse aux débats aucun élément de nature à élever des doutes sur la sincérité de ces témoins et sur le caractère authentique des faits qu’ils relatent.

Ces deux témoignages concordants confirment que les Houillères du Bassin de Lorraine, devenues Charbonnages de France, n’ont ainsi pas pris les mesures nécessaires pour protéger M. [K] des dangers que représentait l’inhalation des poussières de silice, dès lors qu’ils n’ont pas mis en place des mesures individuelles et collectives efficaces et suffisantes.

L’AGDM développant seulement des considérations d’ordre général qui ne contiennent aucun élément sur les conditions de travail précises de M. [K] et sur la qualité des moyens de protection mis à la disposition du salarié, il doit donc être retenu que les Charbonnages de France, qui avaient conscience du danger auquel l’assuré était exposé, n’ont pas pris les mesures de protection individuelle et collective nécessaires pour l’en préserver et ont ainsi commis une faute inexcusable à son égard.

Il s’ensuit que la maladie professionnelle inscrite au tableau 25 dont est victime M. [R] [K] doit être déclarée due à la faute inexcusable des HBL devenues Charbonnages de France et que le jugement du 17 novembre 2021 est donc infirmé.

SUR LES CONSEQUENCES FINANCIERES

-Sur la majoration de l’indemnité en capital

Aucune discussion n’existe à hauteur de cour concernant la majoration au maximum de l’indemnité en capital revenant à la victime, au fait que cette majoration sera versée directement par la caisse à M. [K], qu’elle suivra l’évolution du taux d’IPP en cas d’aggravation de son état de santé et qu’en cas de décès résultant des conséquences de sa maladie professionnelle, le principe de la majoration de la rente ou de l’indemnité en capital restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant.

L’assuré, ou ses ayant droit en cas de décès de celui-ci, conserveront par ailleurs le droit de demander respectivement l’indemnité forfaitaire et la réparation de leur préjudice moral dans les conditions prévues à l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale.

En conséquence, le jugement entrepris est infirmé sur ces points et il doit être fait droit à ces demandes formées par M. [K].

L’assuré, ou ses ayant droit en cas de décès de celui-ci, conserveront par ailleurs le droit de demander respectivement l’indemnité forfaitaire et la réparation de leur préjudice moral dans les conditions prévues à l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale.

-Sur les préjudices personnels de M. [K]

Il résulte de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale qu’« indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. […] La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur ».

Le jugement entrepris a débouté M. [K] de ses demandes d’indemnisation.

Sur les souffrances physiques et morales

M. [K] sollicite l’indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 20 000 euros, et de son préjudice physique à hauteur de 5 000 euros.

Il fait valoir qu’il résulte de la rédaction de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale que les préjudices indemnisés par le capital ou la rente majorés sont totalement distincts des préjudices visés à l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale.

Il invoque l’existence de souffrances physiques et d’un préjudice moral caractérisé par la spécificité de la situation des victimes de la silicose, amenées à constater le développement de la maladie et son évolution.

L’ANGDM fait valoir que les souffrances physiques et morales invoquées par la victime, ne sont pas démontrées par les pièces médicales produites, et ce en l’absence de période de maladie traumatique et à défaut d’élément de preuve pertinent au soutien de sa demande.

La caisse s’en rapporte à la sagesse de la cour.

*******************

ll résulte de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale que se trouvent indemnisées à ce titre l’ensemble des souffrances physiques et morales éprouvées depuis l’accident ou l’événement qui lui est assimilé.

En considération du caractère forfaitaire de la rente au regard de son mode de calcul tenant compte du salaire de référence et du taux d’incapacité permanente défini à l’article L.434-2 du code de la sécurité sociale, la cour de cassation juge désormais, par un revirement de jurisprudence, que la rente versée par la caisse à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Cour de cassation, Assemblée plénière 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23947). En conséquence, les souffrances physiques et morales de la victime peuvent être indemnisées.

En l’espèce, la victime, en application de l’article L.434-1 du code de la sécurité sociale, s’est vu attribuer une indemnité en capital, son taux d’incapacité permanente partielle étant inférieur à 10%. Il y a lieu d’admettre, eu égard à son mode de calcul, son montant étant déterminé par un barème forfaitaire fixé par décret en fonction du taux d’incapacité permanente, que cette indemnité ne répare pas davantage les souffrances physiques et morales.

Dès lors M. [K] est recevable en sa demande d’indemnisation des souffrances physiques et morales, sous réserve qu’elles soient caractérisées.

S’agissant des souffrances physiques, M. [K] justifie d’une décision de la caisse du 30 septembre 2016 ayant fixé son taux d’IPP à 5 %, faisant état des conclusions médicales suivantes : « silicose chronique sans retentissement fonctionnel respiratoire ».

Si les proches de l’intéressé (pièces n°12 à 14 de l’assuré) attestent de sa perte d’entrain et de moral (Mrs.[P] ; [L] [K] ; [Z] [K]), et du fait qu’il présente une perte de souffle et une toux ([L] [K] ; [Z] [K]), manifestés par M. [K] depuis le développement de sa maladie, aucune pièce médicale n’est versée aux débats justifiant les éventuelles souffrances subies par M. [K] du fait de sa maladie, à l’exception du certificat médical initial qui ne donne pas de précision à ce sujet.

En conséquence, au vu des seules pièces produites par les parties, M. [K] sera débouté de sa demande au titre des souffrances physiques endurées dont l’existence n’est pas démontrée.

S’agissant du préjudice moral, M. [K] était âgé de 55 ans lorsqu’il a appris qu’il était atteint de silicose.

Les attestations de son épouse, de son frère et de son beau-frère (pièces n°12 à 14 de l’assuré), montrent que M. [K] est affecté moralement par sa maladie, et manifeste une anxiété particulière, une perte de moral et d’entrain liées à celle-ci.

Ces éléments caractérisent l’anxiété indissociable du fait de se savoir atteint d’une maladie irréversible due à l’exposition aux poussières de silice et liée aux craintes de son évolution péjorative à plus ou moins brève échéance, qui sera réparée par l’allocation d’une somme de 18 000 euros de dommages-intérêts eu égard à la nature de la pathologie en cause, et à l’âge de M. [K] au moment de son diagnostic.

Sur le préjudice d’agrément :

L’indemnisation de ce poste de préjudice suppose qu’il soit justifié de la pratique régulière par la victime, antérieurement à sa maladie professionnelle, d’une activité spécifique sportive ou de loisir qu’il lui est désormais impossible de pratiquer.

M. [K] sollicite l’indemnisation d’un préjudice d’agrément à hauteur de 3 000 euros.

L’ANGDM s’oppose à cette prétention, indiquant que M. [K] n’apporte pas la preuve de ce qu’il aurait subi un préjudice, et que la survenance de sa maladie l’aurait empêché de poursuivre une activité sportive ou de loisirs spécifique.

Si les attestations des proches de M. [K] font état du fait que celui-ci ne pratique plus de sport, ni la cueillette des champignons, qu’il néglige son jardin ou que ses promenades sont réduites et se font seulement sur terrains plats, ces attestations manquent de précisions et sont ainsi insuffisantes à justifier de la régularité de la pratique par M. [K], avant le diagnostic de sa maladie professionnelle, d’une activité spécifique sportive ou de loisirs.

Dès lors, M. [K] ne justifiant pas suffisamment de l’existence de ce préjudice, il doit être débouté de sa demande formée à ce titre.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

SUR L’ACTION RECURSOIRE DE LA CAISSE

Il résulte des dispositions de l’article L 452-3-1 du code de la sécurité sociale, applicable aux actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur introduites devant les Tribunaux des affaires de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2013, que « quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l’obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L 452-1 à L 452-3 du même code ».

Les articles L 452-2, alinéa 6, et D 452-1 du même code, applicables aux décisions juridictionnelles relatives aux majorations de rentes et d’indemnités en capital rendues après le 1er avril 2013, prévoient en outre que le capital représentatif des dépenses engagées par la Caisse au titre de la majoration est, en cas de faute inexcusable, récupéré dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices mentionnés à l’article L 452-3, lequel prévoit en son troisième alinéa « que la réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur ».

En l’espèce, l’action ayant été introduite par M. [K] le 27 novembre 2017 et la Caisse se prévalant des dispositions de l’article L 452-3-1 du code de la sécurité sociale, la CPAM de Moselle est fondée à exercer son recours récursoire à l’encontre de l’ANGDM, intervenant pour le compte de Charbonnage de France dont la faute inexcusable est reconnue.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

En application de l’article 1153-1 du code civil ancien devenu 1231-7 du code civil, les sommes dues produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

L’issue du litige conduit la cour à condamner l’ANGDM à payer à M. [K] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, l’ANGDM, partie succombante, sera condamné aux dépens d’appel et de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement entrepris du 17 novembre 2021 du pôle social du tribunal judiciaire de Metz sauf en ce qu’il a :

jugé recevable la demande de M. [R] [K] en vue de faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur ;

jugé que le caractère professionnel de la pathologie présentée par M. [R] [K] est démontré ;

Statuant à nouveau,

DIT que la maladie professionnelle déclarée par M. [R] [K] et inscrite au tableau 25 des maladies professionnelles est due à la faute inexcusable de l’EPIC Charbonnages de France, venant aux droits des Houillères du bassin de Lorraine, son employeur, représenté par l’Agence Nationale pour la Garantie des Droits des Mineurs (ANGDM) ;

ORDONNE à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM, de majorer au montant maximum l’indemnité en capital versée en application de l’article L 452-2 alinéa 3 du code de la sécurité sociale ;

DIT que cette majoration sera versée directement par la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM ‘ l’Assurance Maladie des Mines, à M. [R] [K] ;

DIT que cette majoration pour faute inexcusable suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente de M. [R] [K], en cas d’aggravation de son état de santé ;

DIT qu’en cas de décès de M. [R] [K] résultant des conséquences de sa maladie professionnelle, le principe de la majoration de l’indemnité en capital restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant ;

DEBOUTE M. [R] [K] de sa demande au titre du préjudice causé par les souffrances physiques ;

DEBOUTE M. [R] [K] de sa demande au titre du préjudice d’agrément ;

FIXE l’indemnité en réparation des souffrances morales subies par M. [R] [K] du fait de la pathologie tableau 25 à la somme de 18 000 euros ;

DIT que la CPAM de Moselle, intervenant pour le compte de la CANSSM ‘ l’Assurance Maladie des Mines devra avancer ces sommes à M. [R] [K] ;

DIT que l’ensemble des sommes allouées portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt conformément à l’article 1231-7 du code civil ;

CONDAMNE l’Etat, représenté par l’ANGDM, à rembourser à la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM, l’ensemble des sommes, en principal et intérêts, que cet organisme sera tenu d’avancer sur le fondement des articles L. 452-1 à L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

CONDAMNE l’Etat, représenté par l’ANGDM, à payer à M. [R] [K] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l’Etat, représenté par l’ANGDM, aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier Le Président

 


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