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MINUTE N° 23/402
Copie exécutoire à :
– Me Guillaume HARTER
– Me Claus WIESEL
Le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 02 Octobre 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/00467 – N° Portalis DBVW-V-B7G-HYJR
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 06 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG
APPELANTE :
Madame [L] [O] épouse [U]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat au barreau de COLMAR, avocat postulant, et Me Vincent MARTIN, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant
INTIMÉ :
Monsieur [W] [E]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Claus WIESEL, avocat au barreau de COLMAR, avocat postulant, et Me Myriam ALIMI, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 juin 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme MARTINO, Président de chambre, et Mme FABREGUETTES, Conseiller, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme MARTINO, Président de chambre
Mme FABREGUETTES, Conseiller
Mme KERIHUEL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme HOUSER
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Madame [L] [U] et Monsieur [W] [E] sont tous deux propriétaires de divers lots situés dans une copropriété sise au [Adresse 1] à [Localité 2].
Monsieur [W] [E] est notamment propriétaire d’une aire de stationnement au premier sous-sol de l’immeuble constituant le lot n°19 de la copropriété et qui est entourée de parties communes, à savoir une allée de circulation et un local à vélos.
Monsieur [W] [E] a installé un système de vidéosurveillance fixé sur une sous poutre en béton transversale du plafond située au-dessus du parking.
Suite à plusieurs mises en demeure de retirer l’installation adressées par le syndic de la copropriété, demeurées sans effet, Madame [U], qui n’entendait pas être filmée dans les parties communes de l’immeuble, a sollicité le conciliateur de justice du tribunal de Strasbourg et un constat d’accord a été établi le 26 juillet 2021 entre les parties en vue de la désinstallation par Monsieur [W] [E] des caméras de surveillance installées et ce, au plus tard le 31 juillet 2021.
Faisant valoir que cet accord n’a pas été respecté, Madame [L] [U] a, par requête reçue au greffe du tribunal judiciaire de Strasbourg le 7 septembre 2021, fait citer Monsieur [W] [E] devant ce tribunal en vue de le voir condamner à lui payer les sommes de 3 000 € en réparation de son préjudice moral et de 1 500 € à titre de dommages intérêts pour vol d’électricité, soutenant que le système de vidéo surveillance est branché sur les communs.
À l’audience, elle a oralement repris ses prétentions et a sollicité la condamnation du défendeur à retirer l’installation de vidéosurveillance litigieuse.
En défense, Monsieur [W] [E] a invoqué l’irrecevabilité de la demande en ce qu’elle n’a pas été précédée d’une tentative de conciliation. Au fond, il a expliqué s’être conformé à l’accord du 31 juillet 2021 en enlevant les caméras orientées vers le bas en direction des parties communes pour installer une caméra sur sa partie privative de façon à ce qu’elle ne surveille que son véhicule. Il a prétendu que la seconde caméra n’est qu’un leurre et a été également démontée.
Il a précisé que l’installation de vidéosurveillance n’est pas alimentée par l’électricité des communs.
Par jugement en date du 6 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Strasbourg a déclaré l’action recevable, a débouté Madame [L] [U] de toutes ses demandes, a condamné cette dernière aux dépens et a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Après avoir écarté la fin de non-recevoir, le premier juge a retenu que les conditions d’application de l’article 1240 du code civil n’étaient pas réunies.
Il a notamment relevé qu’il résulte des pièces et des explications des parties que la caméra litigieuse, décrite dans un rapport d’huissier de justice de 2017 comme visionnant des parties communes, avait bien été déplacée par Monsieur [W] [E] qui l’a positionnée sur un mât au milieu de la surface de son stationnement privatif ; que Monsieur [W] [E] n’a pas pris l’engagement de supprimer toute caméra sur sa partie privative ; que l’assemblée générale des copropriétaires ne lui a jamais fait interdiction d’installer une caméra sur son lot privatif et qu’il n’est pas démontré que la seconde caméra, à supposer qu’elle ne soit pas factice, permettait de filmer les parties communes.
Enfin, le tribunal a retenu que Madame [U] ne caractérise l’existence d’aucun préjudice personnel qui découlerait d’un vol d’électricité au surplus non démontré ni que l’installation des caméras aurait porté atteinte à son image ou lui aurait occasionné un préjudice moral.
Madame [U] a interjeté appel à l’encontre de cette décision suivant déclaration en date du 28 janvier 2022 et par dernières écritures notifiées le 31 janvier 2023, elle demande à la cour de :
Vu l’article 1240 du code civil
vu les articles 9, 25 et 26 de la loi du 10 juillet 1965,
vu l’article 8 de la CEDH,
Sur l’appel principal
-déclarer Madame [L] [U] recevable et bien fondée en son appel,
-confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré l’action recevable,
-infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de toutes ses demandes, l’a condamnée aux dépens et a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
En conséquence et statuant à nouveau,
-condamner Monsieur [W] [E] à retirer l’installation de vidéosurveillance litigieuse située sur son lot numéro 19 et en parties communes et à remettre les lieux en leur état antérieur aux travaux illicites, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
-le condamner aux dépens de la procédure de première instance et à lui payer la somme de 1 500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,
Sur l’appel incident :
-débouter Monsieur [W] [E] de l’intégralité de ses demandes,
En tout état de cause,
-condamner Monsieur [W] [E] aux frais et dépens de la procédure d’appel ainsi qu’à lui payer la somme de 5 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel.
Au soutien de son appel, Madame [U], énonce le droit des copropriétaires d’exiger la cessation d’une atteinte aux parties communes sans être astreint à démontrer qu’il subit un préjudice personnel et distinct de celui dont souffre la collectivité des membres du syndicat et sans avoir à justifier d’un préjudice personnel lorsqu’il se plaint d’une violation du règlement de copropriété.
Se prévalant des constatations relevées par procès-verbal d’huissier de justice en date du 26 janvier 2022, des conclusions d’un rapport technique privé réalisé par Monsieur [C], expert, à sa demande en date du 10 mars 2022, comme d’une note
technique de Madame [D], expert, mandatée par l’intimé, elle
affirme que, jusqu’au 8 juin 2022, l’installation de vidéosurveillance mise en place par Monsieur [W] [E], permettait d’observer les parties communes de l’immeuble, empiétait sur les communs et fonctionnait sur l’installation électrique des communs de l’immeuble.
Elle fait également grief à Monsieur [W] [E] d’avoir procédé à des travaux sur les parties communes sans autorisation préalable de l’assemblée générale.
Par dernières écritures notifiées le 10 mars 2023, Monsieur [W] [E] demande à la cour de :
Vu l’article 1240 du code civil,
Vu l’article 9 du code de procédure civile,
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,
-confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Madame [U] de l’intégralité de ses demandes,
recevant Monsieur [W] [E] en son appel incident et le jugeant bien fondé,
-réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles,
Statuant à nouveau,
-condamner Madame [L] [U] à lui payer les sommes de 1 500 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et de 2 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
-condamner Madame [L] [U] aux entiers dépens d’appel.
Monsieur [W] [E] fait valoir qu’ayant été victime de dégradations sur son véhicule, il avait initialement installé une caméra de surveillance fixée sur un encadrement dont il ignorait qu’il constituait une partie commune, ainsi qu’une caméra leurre. Il soutient que le parking est historiquement rattaché à l’alimentation électrique des communs de sorte qu’il aurait pu, de bonne foi, brancher son système de surveillance sur les communs de l’immeuble.
Il affirme avoir exécuté le procès-verbal de conciliation du 31 juillet 2021 en fixant désormais la caméra de vidéosurveillance sur un poteau en bois situé dans les limites de son aire de stationnement et n’empiétant pas sur les parties communes.
Il soutient que la pose d’une caméra sur une partie privative sans l’accord des autres membres du syndicat des copropriétaires ne constitue un trouble manifestement illicite qu’à la condition qu’elle permette de filmer les parties communes, ce qui ne serait pas le cas.
Il conteste les constatations de Monsieur [C] suivant lesquelles l’orientation de la caméra permettrait de filmer une partie des communs et suspecte la partie adverse d’avoir manipulé la caméra à cet effet.
Il se prévaut d’une note technique établie, à sa demande, par Madame [D], expert judiciaire, dont il ressort que le 24 mai 2022, la caméra de surveillance, qui est installée strictement en partie privative et fonctionne désormais sur batterie, est orientée exclusivement vers la place de stationnement de Monsieur [W] [E] ; qu’elle ne filme pas la zone de circulation mais seulement la place de stationnement et cela partiellement.
En tout état de cause, il soutient que Madame [L] [U] qui agit en son seul nom, ne rapporte pas la preuve d’une atteinte à son droit à l’image.
L’ordonnance de clôture est en date du 11 avril 2023.
MOTIFS
Vu les dernières écritures des parties ci-dessus spécifiées et auxquelles il est référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, en application de l’article 455 du code de procédure civile ;
Vu les pièces régulièrement communiquées ;
Sur le périmètre de l’appel
Il convient de relever que les dispositions du jugement déféré par lesquelles le premier juge a rejeté les demandes de dommages intérêts formées par Madame [U] ne sont pas remises en cause à hauteur d’appel.
Au fond
En vertu de l’article 25 b de la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété, ne sont adoptées qu’à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant l’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, et conforme à la destination de celui-ci.
Il en résulte que tous les travaux effectués par un copropriétaire sur des parties communes doivent être autorisés.
En l’espèce, il résulte clairement du procès-verbal de constat de Me [B], huissier de justice, en date du 26 janvier 2022, du rapport technique établi le 10 mars 2022 par Monsieur [I] [C], expert, et de la note technique établie par Madame [V] [D] en date du 8 juin 2022, que Monsieur [W] [E] a bien déplacé la caméra qui était initialement installée sur une partie commune ; qu’il a ensuite installé, sur sa partie privative, une caméra fixée sur un potelet posé au sol par l’intermédiaire d’une platine métallique comportant deux boulons fichés dans le dallage en béton et avait posé deux dalles en béton au pied du potelet dont l’une empiétait sur les parties communes d’environ quatre centimètres ; que ce dispositif était raccordé au système électrique par un câble, lui-même raccordé à un boîtier de dérivation alimenté par l’intermédiaire d’une goulotte, le courant électrique étant pris sur l’installation des communs de l’immeuble.
Si Monsieur [C] avait pu relever le 10 mars 2022 que l’inclinaison de la caméra permettait de filmer les usagers empruntant la porte du garage et l’allée de circulation jouxtant le parking privatif de Monsieur [W] [E], Madame [D] a été en mesure d’affirmer le 24 mai 2022 que la caméra de surveillance litigieuse était orientée exclusivement vers la place de stationnement de Monsieur [W] [E] qu’elle filmait partiellement et qu’elle ne filmait pas la zone de circulation commune.
Madame [D] a indiqué dans sa note technique, après vérification sur place, que Monsieur [W] [E] avait mis en ‘uvre les modifications qu’elle avait préconisées lors de la réunion du 24 mai 2022 à l’effet de supprimer les fixations dans le dallage béton, parties communes, de supprimer tout empiétement ou risque d’empiétement hors de la place de parking par des éléments appartenant à Monsieur [W] [E], de supprimer le raccordement électrique en provenance des communs,de poser une caméra dotée d’ une batterie autonome et de cantonner les éléments de cloisonnement strictement dans l’emprise de sa partie privative.
En effet, l’expert concluait à sa seconde visite que Monsieur [W] [E] a fait le nécessaire pour qu’aucun élément disposé sur sa place de stationnement n’empiète ou ne risque d’empiéter sur les zones de circulation communes, que les éléments destinés à baliser la place sont maintenus en place de façon autonome et qu’il n’y a plus de boulonnage dans le dallage en béton au sol, que la caméra mise en place par Monsieur [W] [E] filme exclusivement la place de stationnement et qu’aucune image des zones communes est prise ; qu’elle fonctionne sur une batterie autonome et n’est pas raccordée sur le courant électrique des communs ; qu’enfin les éléments mis en place par Monsieur [W] [E] sur
l’emplacement de son stationnement privatif sont totalement indépendants des parties communes.
L’emprise sur les parties communes que s’est autorisée Monsieur [W] [E] sans autorisation d’assemblée générale des copropriétaires a ainsi disparu et d’autre part Madame [L] [U] ne peut plus se prévaloir d’une atteinte à sa vie privée par captation d’images par la caméra installée sur la partie privative de Monsieur [W] [E].
Il n’ y a donc pas lieu de faire droit à la demande de l’appelante tendant à voir condamner Monsieur [W] [E] à retirer l’installation de vidéosurveillance litigieuse et à remettre sous astreinte les lieux en leur état antérieur aux travaux illicites.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Dans la mesure où il est établi que Monsieur [W] [E] avait sans autorisation exercé des emprises illicites sur les parties communes de l’immeuble et que la caméra qu’il a installée sur l’emprise de sa partie privative a pu capter des images des personnes circulant sur les parties communes, les dispositions du jugement déféré s’agissant des dépens seront infirmées de sorte que Monsieur [W] [E] sera condamné aux dépens de première instance.
Madame [L] [U] a comparu seule, sans être assistée ou représentée par avocat devant le juge des contentieux de la protection. Dans la mesure où elle n’explique pas quels seraient les frais irrépétibles exposés par elle, sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ne peut prospérer.
Partie perdante en cause d’appel, Monsieur [W] [E] sera condamné aux dépens d’appel, débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné à payer à Madame [L] [U] une somme de 2 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME la décision déférée en ce qu’elle a rejeté la demande de Madame [L] [U] tendant à voir condamner Monsieur [W] [E] à retirer l’installation de vidéosurveillance située sur son lot et en parties communes et à remettre les lieux en leur état antérieur et en ce qu’elle a condamné Madame [L] [U] aux dépens,
Statuant à nouveau de ce chef,
CONSTATE que la demande tendant à voir condamner Monsieur [W] [E] à retirer l’installation de vidéosurveillance située sur son lot et en parties communes et à remettre les lieux en leur état antérieur aux travaux illicites est devenue sans objet, Monsieur [W] [E] ayant supprimé toute emprise sur les communs et sa caméra ne filmant plus l’aire de circulation,
CONDAMNE Monsieur [W] [E] aux dépens de première instance,
CONFIRME la décision déférée pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour,
Et y ajoutant,
DÉBOUTE Monsieur [W] [E] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [W] [E] à payer à Madame [L] [U] la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [W] [E] aux dépens d’appel.
La Greffière La Présidente