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03/10/2023
ARRÊT N°
N° RG 21/00327
N° Portalis DBVI-V-B7F-N5XB
MD/ND
Décision déférée du 09 Décembre 2020
Tribunal de Grande Instance de
SAINT-GAUDENS – 19/00289
Mme VANNIER
[R] [B]
C/
[O] [V]
S.A. MMA IARD
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU TROIS OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
Madame [R] [B]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Romain SINTES, avocat au barreau de TOULOUSE
Représentée par Me David NABET-MARTIN de la SELEURL DNM AVOCAT, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEES
Maître [O] [V]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Georges DAUMAS de la SCP GEORGES DAUMAS, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A. MMA IARD
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Georges DAUMAS de la SCP GEORGES DAUMAS, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 22 Mai 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
M. DEFIX, président
C. ROUGER, conseiller
J.C. GARRIGUES, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : N.DIABY
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Dans le cadre de la procédure de divorce qui l’opposait à son ancien époux [E] [U], Mme [R] [B] a confié la défense de ses intérêts à Maître [O] [V], avocate inscrite au barreau de Tarbes (65).
Cette dernière a ainsi déposé la requête en divorce le 16 janvier 2015 laquelle a donné lieu à une ordonnance de non-conciliation rendue le 2 juin 2015.
Le Tribunal de grande instance de Tarbes a, par jugement contradictoire du 4 mai 2016 prononcé le divorce sur le fondement des articles 233 et suivants du Code civil et condamné M. [U] à payer à Mme [B] une prestation compensatoire d’un montant en capital de 50 000 euros.
M. [E] [U] ayant interjeté appel de cette décision, la Cour d’appel de Pau a rendu un arrêt en date du 30 octobre 2018 infirmant le jugement attaqué sur la prestation compensatoire, la cour d’appel ayant retenu que Mme [R] [B] avait abandonné cette demande dès lors qu’aucune demande de confirmation du jugement entrepris, sur ce point, ne figurait dans ses conclusions.
Par exploit en date du 16 mai 2019, Mme [R] [B] a fait assigner Maître [O] [V], ainsi que la société de courtage des barreaux, devant le Tribunal de grande instance de Saint Gaudens (31) aux fins d’engager sa responsabilité civile professionnelle et de voir indemniser les préjudices qu’elle estime avoir subis du fait d’avoir omis de présenter en appel une demande relativement à la prestation compensatoire et une demande en paiement de dommages et intérêts.
Mme [R] [B] a fait appeler à la cause la Sa Mma ard en sa qualité d’assureur de Maître [O] [V].
Par ordonnance du juge de la mise en état en date du 13 février 2020, la jonction des procédures a été ordonnée.
Par jugement contradictoire en date du 9 décembre 2020, le Tribunal judiciaire de Saint-Gaudens a :
– déclaré recevable l’action engagée par Mme [R] [B] ;
– mis hors de cause la société de courtage des barreaux ;
– condamné Maître [O] [V] sous la garantie de son assureur la Sa Mma iard, à payer à Mme [R] [B] la somme de 15 000 euros en réparation de la perte de chance;
– débouté Mme [R] [B] du surplus de ses demandes ;
– condamné Maître [O] [V] sous la garantie de son assureur la Sa Mma iard, à payer à Mme [R] [B] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile;
– condamné Maîre [O] [V] aux entiers dépens de l’instance ;
– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement.
Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré, pour mettre hors de cause la société de courtage des barreaux que celle-ci n’était intervenue qu’en qualité de courtier en assurances et que le véritable assureur de Maître [V] était la Sa Mma iard.
S’agissant de la responsabilité civile professionnelle de l’avocate, le tribunal a retenu ‘qu’il est établi que Me [O] [V] a, en omettant de solliciter la confirmation de la prestation compensatoire allouée, commis une faute dans l’exécution de sa mission susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle’.
Sur le préjudice, les premiers juges ont constaté que la somme de 50 000 euros en première instance avait été ‘allouée à l’épouse sans que ses demandes n’aient été contredites et sans que l’époux n’ait produit d’éléments sur sa situation financière et professionnelle’ et que ce n’était qu’en cause d’appel qu’il avait fourni des justificatifs. Le tribunal a alors considéré que la perte de chance d’obtenir le versement de la prestation compensatoire ‘ne saurait être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée’, une somme de 15 000 euros étant retenue pour l’indemnisation du préjudice. Rappelant par ailleurs que le divorce a été prononcé sur le fondement de l’article 233 du Code civil et non sur celui de l’article 266, le tribunal a relevé qu’il n’était établi aucun élément susceptible de fonder une demande de dommages et intérêts justifiant une perte de chance d’obtenir la somme de 2 000 euros que Mme [B] aurait souhaité voir obtenir devant la cour.
Sur le lien de causalité, le juge considère que le lien ‘entre la faute commise (omission de demander la confirmation du jugement attaqué sur la prestation compensatoire) et le préjudice subi (perte de chance d’obtenir l’allocation d’une prestation compensatoire) est établie de manière incontestable par la motivation de l’arrêt de la cour d’appel de Pau ayant infirmé le jugement de divorce sur la prestation compensatoire’.
I – Par déclaration en date du 18 janvier 2021, Mme [R] [B] a relevé appel de ce jugement en ce qu’il a :
– jugé que le montant de la condamnation de Me [V], sous la garantie de son assureur la Sa Mma iard, à payer à Mme [B] serait de 15 000 euros en réparation de la perte de chance, relative à l’oubli de formuler à nouveau la prestation compensatoire et l’absence de fondement juridique de la demande au titre des dommages et intérêts, Mme [B] souhaitant que ce montant total soit augmenté à la hauteur réelle du préjudice subi a minima de 52 000 euros ;
– jugé que Mme [B] devait être déboutée de sa demande de condamnation solidaire de Me [V] et de son assureur la Mma iard à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral subi en raison des fautes et omissions commises par la défende.
L’appelante a demandé la confirmation des autres chefs de jugement.
Cet appel n’intimait que Maître [V].
II – Par déclaration en date du 27 janvier 2021, Mme [R] [B] a relevé appel de ce même jugement en intimant cette fois-ci Maître [V] et la Sa Mma iard.
Les procédures ont été jointes par ordonnance du 26 février 2021.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 juillet 2021, Mme [R] [B], appelante, demande à la cour, au visa des articles 270 et s., 1142 et s. du Code civil, des articles 26 et 27 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires, de :
– Juger les présentes demandes recevables et bien-fondées ;
– Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :
* déclaré recevable l’action qu’elle a engagé est bien fondée, la responsabilité civile professionnelle de l’intimée Maître [V] devant être engagée et garantie par son assureur la Sa Mma iard régulièrement appelé dans la cause ;
* condamné Maître [V] sous la garantie de son assureur la Sa Mma iard à payer à Mme [B] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
* mis hors de cause la société de courtage des barreaux ;
– Réformer partiellement le jugement dont appel en ce qu’il a :
* condamné Maître [V] à verser à Mme [B] seulement 15.000 euros au titre de sa responsabilité civile professionnelle ;
* débouté Mme [B] du surplus de ses demandes ;
– Condamner en conséquence Maître [V] sous la garantie solidaire de son assureur la Sa Mma iard à payer à Mme [B] :
* 50 000 euros au titre de la perte de chance d’obtenir confirmation de la prestation compensatoire accordée, qui aurait pu être plus élevée qu’en première instance en raison de la démonstration de la mauvaise foi de M. [U] qui avait caché à la juridiction de nouveaux revenus, ou à défaut une perte de chance à hauteur de 90 % soit de 45 000 euros ;
* 2 000 euros au titre de la perte de chance d’obtenir la condamnation de M. [U] au titre du préjudice moral lié aux circonstances de la rupture en l’absence de fondement juridique et de motivation factuelle ;
* 10 000 euros en réparation de son nouveau préjudice moral subi en raison des fautes et omissions de son ancienne avocate ;
* 3 500 euros au titre des frais engagés sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Condamner Maître [V] solidairement avec son assureur la Sa Mma iard à payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, au surplus de la condamnation de 1 500 euros prononcée en première instance, ainsi qu’au paiement des dépens de l’instance.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 juin 2021, Mme [V] et Sa Mma iard, intimées, demandent à la cour, au visa de 1231-1, 270, 271 et 1353 du Code civil, de :
– ‘Démettre Mme [B] des fins de son injustifié appel’ ;
– Faisant droit à l’appel incident de Maître [V] ;
– Prononcer la réformation du jugement déféré ;
– Juger que Mme [B] ne rapporte pas la preuve d’une perte de chance d’obtenir le maintien d’une quelconque prestation compensatoire devant la cour d’appel, eu égard à la situation de détresse matérielle et physique de son ex-conjoint ;
– Débouter, en conséquence, Mme [B] de ses injustifiées demandes ;
– La condamner à payer à Maître [V] une indemnité de 3.000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– La condamner aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 mai 2023. L’affaire a été examinée à l’audience du 22 mai 2023.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
1. L’avocat est tenu dans le cadre de l’exercice de son mandat de représentation en justice d’accomplir efficacement les actes nécessaires à la conduite de la procédure dans l’intérêt de son client.
En l’espèce, il n’est pas discuté que Maître [O] [V], avocate chargée par Mme [R] [B] d’assurer sa représentation dans l’instance d’appel initiée par M. [U] du jugement de divorce qui l’avait condamné au paiement d’une prestation compensatoire, a omis de mentionner dans le dispositif des conclusions d’intimée devant la cour d’appel de Pau une quelconque demande en paiement d’une prestation compensatoire au profit de Mme [B].
Maître [V] ne discute pas l’existence d’une faute dans l’exercice de son mandat mais considère que celle-ci n’a généré aucun préjudice réparable dès lors que Mme [B] ne pouvait prétendre au maintien de cette prestation compensatoire devant la cour au regard de la motivation objective adoptée par la cour qui a supprimé toute obligation alimentaire de M. [U] tant à l’égard de son ex-épouse que des enfants communs.
2. Pour évaluer le préjudice résultant de la faute de l’avocat, la cour est tenue de rechercher quelles étaient les chances de succès des prétentions qu’il avait la charge de présenter dans l’intérêt de son client, spécialement en reconstituant fictivement la discussion qui aurait dû s’instaurer sur sa recevabilité et son bien fondé.
En l’espèce, Mme [B] doit démontrer la chance qu’elle avait d’obtenir satisfaction en cause d’appel.
3. Selon l’article 270 du Code civil, ‘Le divorce met fin au devoir de secours entre époux.
L’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge.
Toutefois, le juge peut refuser d’accorder une telle prestation si l’équité le commande, soit en considération des critères prévus à l’article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture’.
L’article 271 du Code civil qui énoncé les critères que le juge doit prendre en compte pour la fixation de la prestation compensatoire, précise à titre liminaire que celle-ci ‘est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible’.
Dans le cadre d’un appel général, comme en l’espèce ainsi que cela était encore possible à la date d’introduction de ce recours par M. [U], il convenait de se placer à la date à laquelle les juges d’appel statuaient pour apprécier l’existence et l’étendue du droit à la prestation compensatoire.
4. Force est de constater à la lecture de la motivation des conclusions développées devant la Cour d’appel de Pau comme des termes de l’arrêt rendu par cette juridiction que l’appelant demandait la réformation du jugement l’ayant condamné à payer une prestation compensatoire de même que les pensions alimentaires fixées tant au titre du devoir de secours qu’à celui de la part contributive à l’entretien et à l’éducation des enfants et qu’il était à tout le moins dans l’intérêt de l’intimée, ne discutant pas le montant qui lui avait été alloué en première instance au titre de la prestation compensatoire, de prétendre à tout le moins à la confirmation de la décision sur ce point.
Pour évaluer à la somme de 50 000 euros le montant de la prestation compensatoire mise à la charge de M. [U], le Tribunal de grande instance de Tarbes a retenu l’existence d’une disparité née de la rupture du lien conjugal en relevant que les époux étaient respectivement âgés de 40 et 44 ans, que la vie commune avait duré une quinzaine d’année environ, que deux enfants communs encore mineurs et respectivement âgés de 17 ans et demi et 13 ans étaient nés, que Mme [B] travaillait comme employée polyvalente dans une pizzeria en percevant un salaire net de 1 140 euros par mois en supportant un loyer mensuel de 500 euros et que M. [U] était agriculteur, percevant des primes non imposables à la TVA.
Le tribunal a constaté que le couple a édifié un immeuble sur un bien donné par le père du mari à la communauté et pour lequel M. [U] assurait le remboursement du prêt à titre d’avance sur la liquidation du régime matrimonial.
La Cour d’appel de Pau qui a jugé qu’elle n’était pas saisie d’une demande de confirmation de la décision relative à la prestation compensatoire ni d’augmentation de celle-ci, s’est fondée pour ordonner la suppression des pensions alimentaires fixées en première instance sur le fait que M. [U], reconnu en qualité de travailleur handicapé pour la période de 10 octobre 2016 au 31 octobre 2021, percevait des indemnités journalières servies par la MSA à hauteur de 785 euros par mois puis à compter de juin 2018 une pension invalidité de 365 euros par mois, considérant par ailleurs que l’imprécision sur la situation d’autonomie de l’enfant [P] qui travaillerait était sans conséquence en raison de ‘l’impécuniosité’ du débiteur de la pension.
Il était enfin ajouté, s’agissant des primes liées à la politique agricole commune (PAC), que M. [U] reconnaissait les avoir perçues en octobre et novembre 2016 (au total 27 665,38 euros) tout en affirmant sans preuve qu’il avait dû les rembourser, la juridiction constatant ainsi que l’appelant se trouvait jusqu’au mois de décembre 2017 inclus en mesure d’assumer ses obligations alimentaires.
5. Ce sont les seuls éléments dont dispose la cour saisie de l’action en responsabilité contre le conseil de Mme [B] pour reconstituer le procès porté devant la Cour d’appel de Pau, sur la base quasi exclusive des constatations faites par des décisions judiciaires devenues définitives, très peu de pièces pertinentes supplémentaires n’étant produites dans le cadre de la présente instance.
Les conclusions déposées dans l’intérêt de Mme [B] devant la Cour d’appel de Pau ont principalement soutenu que la déclaration de M. [U] par laquelle il avait soutenu l’absence de primes de la Pac relevait de ‘l’escroquerie au jugement’, qu’il avait dissimulé le solde créditeur de son compte professionnel qui s’élevait à la somme de 24 062,51 euros au 13 décembre 2016 et qu’il avait vendu un actif de communauté composé de 32 têtes de bétail pour un montant de 19 152,64 euros, considérant enfin qu’en tenant compte du montant des primes versées en 2016, M. [U] disposait d’un revenu mensuel de 2 791,20 euros.
6. Le Tribunal judiciaire de Saint-Gaudens a rappelé à juste titre que l’évaluation de la prestation compensatoire n’est pas exclusivement faite sur la seule appréciation des revenus de l’époux débiteur mais aussi sur bien d’autres critères visés à l’article 271 du Code de procédure civile qui ont été analysés par le Tribunal de grande instance de Tarbes dans la motivation de sa décision.
Il a été ainsi retenu avec pertinence que Mme [B] justifiait d’une vie commune d’une durée de 15 ans sans qu’il soit discuté que l’épouse avait participé à l’activité agricole de son mari qui est propriétaire de la plupart des terres et s’est consacrée également à l’éducation des enfants tout en assumant sans continuité et sans formation professionnelle significative une activité extérieure peu rémunératrice comme en atteste le relevé de la MSA sur la projection de la retraite de base de Mme [B].
Le résultat de la liquidation du régime matrimonial est en principe indifférent pour fixer le montant de la prestation compensatoire à défaut de justifier de circonstances particulières affectant la nature des biens communs à partager susceptibles de déterminer une baisse prévisible des droits de l’ex-épouse après la liquidation de la communauté.
La vente d’un cheptel présenté comme un bien commun, par ailleurs non documentée dans le présent dossier et ayant fait l’objet d’une demande d’allocation provisionnelle d’une somme de 9 576,32 euros à laquelle la Cour d’appel de Pau n’a pas fait droit, n’est pas de nature à caractériser une circonstance particulière propre à influer notablement sur l’évaluation du montant de la prestation compensatoire.
Toutefois, il est produit un relevé du patrimoine immobilier détenu en propre par M. [U], sans éléments justificatifs de leur valeur à la date de l’arrêt de la Cour d’appel de Pau, objectivant à tout le moins une dispartité certaine entre les patrimoines propres de chacun des deux époux à la date du divorce après quinze ans de vie commune.
La révélation par un courrier de l’assureur d’un prêt, daté du 27 novembre 2019, de la couverture à 100 % des échéances par le CNP depuis le 13 juin 2016 était postérieur à la décision de la Cour d’appel de Pau et n’aurait pu servir d’élément d’appréciation si cette cour avait été utilement saisie de la question de la prestation compensatoire.
7. Il résulte de l’ensemble de ces constatations que le premier juge a justement considéré que Mme [B], en contemplation des éléments qu’elle a apportés devant la juridiction saisie pour réparer le préjudice subi du fait de la faute de Maître [V], avait des chances sérieuses d’obtenir une somme au titre de la prestation compensatoire.
En revanche, en raison de la chute durable déjà acquise à la date où la Cour d’appel de Pau a statué, de la capacité physique de son ex-époux de poursuivre une activité professionnelle correspondant à celle exercée durant la vie commune, la perte de chance de voir maintenir le montant de la somme allouée à ce titre en première instance doit être évaluée à 60 % de telle sorte qu’il convient d’infirmer le jugement entrepris sur le montant du préjudice subi qui doit être chiffré à 30 000 euros, somme au paiement de laquelle seront condamnés in solidum Maître [V] et la Sa Mma iard.
8. Mme [B] a demandé dans le cadre de la présente procédure la condamnation de Maître [V] et de l’assureur de cette dernière à lui payer :
– la somme de 2 000 euros au titre de la perte de chance d’obtenir la condamnation de M. [U] au titre ‘du préjudice moral lié aux circonstances de la rupture en l’absence de fondement juridique et de motivation factuelle’,
– la somme de 10 000 euros ‘en réparation de son nouveau préjudice moral subi en raison des fautes et omissions de son ancienne avocate’.
8.1 Il sera prioritairement relevé que Mme [B] n’avait demandé aucune condamnation de M. [U] à titre de dommages et intérêts devant le Tribunal de grande instance de Tarbes saisi d’une demande en divorce sur le fondement de l’article 233 du Code civil, exclusif de toute référence à une faute des époux et qu’une demande en paiement de dommages et intérêts avait bien été présentée en appel sans avoir donné lieu à l’exposé d’une motivation spéciale dans les conclusions d’intimée mais pouvait faire écho à une critique virulente du comportement processuel de M. [U] qui aurait dissimulé des informations importantes sur sa situation financière réelle.
La Cour d’appel de Pau a rejeté cette demande en indiquant dans la motivation de son arrêt : ‘c’est vainement que l’on cherche dans les motifs de ses écritures le fondement juridique d’une telle demande ; elle ne croit devoir invoquer ou établir l’existence de conditions, ni de l’article 266, ni de l’article 1240 (ex 1382) du Code civil ; dans ces conditions, elle ne peut qu’être déboutée de sa réclamation’.
Mme [B] fonde donc sa demande non sur l’omission d’un chef de demande dans le dispositif mais sur celle d’une motivation susceptible de fonder sa demande.
Si la discussion dans le corps des conclusions des prétentions et moyens de la demande est une obligation mise à la charge d’une partie à l’instance par l’article 954 du Code de procédure civile, il convient de constater qu’en l’espèce la perte de chance d’obtenir satisfaction en partie ou en totalité est sur ce point nulle dès lors qu’il n’est pas allégué ni même démontré que Mme [B] ait donné une quelconque consigne pour transformer le fondement juridique du divorce pas plus qu’il n’est établi qu’elle pouvait solliciter des dommages et intérêts pour abus de M. [U] dans l’exercice de son droit de se défendre en justice quel que soit le ressenti qu’elle pouvait exprimer relativement aux affirmations de son ex-mari qu’elle contestait.
Le Tribunal judiciaire de Saint-Gaudens a donc rejeté à bon droit cette demande.
8.2 La demande en paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts est relative à la réparation d’un préjudice moral qu’elle impute particulièrement au contexte de la relation ‘avocat-client’ depuis le début de la procédure en soutenant que Maître [V] a commis les fautes suivantes :
– l’absence de soutien et la prise de position à son détriment,
– la perception d’aide juridictionnelle concomitante à des honoraires,
– les manquements au devoir de conseil.
Le tribunal a estimé pour rejeter cette prétention que Mme [B] n’expliquait pas en quoi ce préjudice serait distinct de la perte de chance invoquer et viendrait y ajouter.
Il résulte en effet de la lecture des griefs énoncés par l’appelante dans ses conclusions et reposant sur des faits antérieurs à l’omission litigieuse que son conseil avait commis un acte volontaire ou à tout le moins une négligence : ‘Ces éléments conduisant Madame [B] à considéré que ‘l’oubli’ n’en était pas un, ou était à minima une manifestation du désintérêt porté à la gestion de ses affaires’ (page 5 de ses conclusions en appel).
Il sera tout d’abord constaté que l’argument tiré du fait que Maître [V] a demandé à Maître [F] de la substituer à l’audience de tentative de conciliation avant que cette dernière n’assure en première instance sur le fond la défense des intérêts de M. [U] a donné lieu à une réponse du bâtonnier de l’Ordre des avocats de Tarbes par laquelle il considérait que la difficulté déontologique soulevée n’avait eu aucune conséquence sur le sort de la procédure en relevant que Maître [F] qui n’était pas encore le conseil de M. [U] était intervenue ‘pour être agréable à votre avocat indisponible pour raison de santé’ permettant ainsi d’éviter un renvoi.
La faute déontologique ne pourrait être envisagée qu’à l’égard de Maître [F] et qu’en tout état de cause, cette situation n’était nécessairement pas ignorée de Mme [B] dès la procédure engagée en première instance au fond qui s’inscrivait de surcroît dans le cadre d’une demande en divorce sur le fondement de l’article 233 du Code civil.
Il n’est donc pas démontré ni un manquement imputable à Maître [V] ni même un préjudice moral sur ce point.
Il sera ensuite constaté que Mme [B] était bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale dans le cadre de la procédure de divorce tant en première instance au fond qu’en appel mais que cette aide avait fait l’objet d’une décision de retrait en considération de la prestation accordée par le jugement prononçant le divorce, par la suite rapportée du fait de l’appel introduit par M. [U].
En tout état de cause, la facture d’honoraires de 600 euros réglée par Mme [B] en 2014 est antérieure à la décision initiale d’attribution de l’aide juridictionnelle datée du 25 février 2015 qui n’a pas légalement vocation à couvrir les frais intervenus antérieurement à cette décision.
Enfin, Maître [V] ne s’est certes pas étendue dans les échanges de courriel avec sa cliente sur la décision relative à la suppression de la prestation compensatoire et si elle a déconseillé le pourvoi en cassation, elle a insisté sur les effets partiellement suspensifs d’un tel pourvoi en matière de divorce en joignant un argumentaire visant les textes, la jurisprudence et ses observations de nature à permettre à sa cliente d’apprécier l’opportunité de l’exercice d’un tel recours de sorte que n’évoquant aucun échappatoire efficace à cette situation par la voie d’un pourvoi en cassation sur ce point, il n’est établi par Madame [B] à l’endroit de l’intimée aucune faute en relation avec le préjudice moral supplémentaire sollicité.
Le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Saint-Gaudens ayant rejeté ces demandes sera confirmé.
9. Mme [B] a aussi demandé devant la cour de ce siège la condamnation de Maître [V] et de l’assureur de cette dernière à lui payer la somme de ‘3 500 euros au titre des frais engagés sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile’ étant constaté qu’il est demandé par ailleurs une somme de 3 000 euros sur le même fondement au titre des frais irrépétibles d’appel dans le cadre de la présente procédure.
Il sera relevé en l’absence de justification explicite de cette demande, que Mme [B] n’a pas été condamnée à ce titre à l’égard de M. [U] dans le cadre de la procédure de divorce et qu’elle a bénéficié de l’aide juridictionnelle totale en appel qui ne lui pas été définitivement retirée et qu’elle ne justifie d’aucun frais non compris dans les dépens qu’elle aurait pu exposer à l’occasion de cette procédure devant la Cour d’appel de Pau.
Elle n’était pas demandée dans l’assignation introductive d’instance devant le Tribunal judiciaire de Saint-Gaudens autrement qu’au titre des frais irrépétibles relatifs à l’instance ouverte devant cette juridiction et que Mme [B] a sollicité la confirmation de la somme qui lui a été accordée à ce titre par les premiers juges.
Ajoutant au jugement entrepris, Mme [B] sera déboutée de cette demande.
10. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné Maître [O] [V] aux dépens de première instance en application du principe posé par l’article 696 du Code de procédure civile.
Il résulte de l’économie générale du litige en appel ayant justifié une infirmation partielle portant sur le montant du préjudice réparable, Maître [O] [V] et son assureur la Sa Mma iard seront tenus in solidum des dépens d’appel.
11. Mme [B] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens qu’elle a dû exposer en appel. Maîre [O] [V] et la Sa Mma iard seront condamnées à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans la limite de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 9 décembre 2020 par le Tribunal judiciaire de Saint-Gaudens en toutes ses dispositions frappées d’appel à l’exception de celle sur le montant de la réparation de la perte de chance.
Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,
Condamne in solidum Maître [O] [V] et la Sa Mma iard à payer à Mme [R] [B] la somme de 30 000 euros en réparation de la perte de chance.
Déboute Mme [R] [B] de sa demande en paiement de la somme de 3 500 euros ‘au titre des frais engagés sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile’ présentée dans le cadre de la réparation de son préjudice.
Condamne in solidum à Maître [O] [V] et la Sa Mma iard aux dépens d’appel.
Condamne in solidum la Maître [O] [V] et la Sa Mma iard à payer à Mme [R] [B] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Le Greffier Le Président
N. DIABY M. DEFIX
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