Tentative de conciliation : 4 octobre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/00278

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Tentative de conciliation : 4 octobre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/00278
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 4 OCTOBRE 2023

N° RG 23/00278

N° Portalis DBV3-V-B7H-VUVE

AFFAIRE :

[U] [M]

C/

SOCIETE TECHNIQUE ET COMMERCIAL AUTOMOBILE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 septembre 2017 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CERGY PONTOISE

N° RG : F16/00653

Copies exécutoires et certifiées conformesdélivrées à :

Me Oriane DONTOT

Me Martine DUPUIS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

DEMANDEUR devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation (n° J21-21.411) du 14 décembre 2022 cassant et annulant l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles le 9 juin 2021

Monsieur [U] [M]

né le 26 Avril 1951 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 617- Me Tristan SOULARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: D793

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

SOCIETE TECHNIQUE ET COMMERCIAL AUTOMOBILE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – Me Sylvie LARGER-LANNELONGUE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1251

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 23 juin 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marine MOURET,

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [M] a été engagé par la Société technique et commercial automobile (ci-après la société STCA), en qualité de directeur, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er janvier 2007, avec reprise d’ancienneté au 5 janvier 1998.

Cette société est spécialisée dans la maintenance et la réparation automobile et la vente de véhicules neufs et d’occasion. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 10 salariés. Elle applique la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle du motocycle et des activités connexes.

De février 2007 à novembre 2010, la société a confié à M. [M] un mandat social de président.

Il percevait une rémunération brute mensuelle de 9 095 euros au titre de son contrat de travail.

M. [M] a été placé en arrêt de travail pour maladie du 1er janvier 2011 jusqu’à la fin du mois de janvier 2012.

Il a alors repris son emploi dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique jusqu’en août 2012.

Par lettre du 19 janvier 2013, M. [M] a fait valoir ses droits à la retraite.

Le 11 mai 2015, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise qui a prononcé la caducité de l’affaire le 4 juin 2015 lors de la séance du bureau de conciliation.

Le 10 juin 2015, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise pour contester la validité de son départ à la retraite et subsidiairement demander sa requalification en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et solliciter la condamnation de la société STCA à lui payer diverses sommes à titre notamment d’indemnités de rupture et de rappel de salaire pour heures complémentaires.

Selon jugement du 14 septembre 2017, le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise (section encadrement) a :

– débouté M. [M] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la Société Technique et commercial automobile de sa demande reconventionnelle formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– mis les éventuels dépens de la présente instance à la charge de M. [M].

Suivant arrêt du 9 juin 2021, la 19ème chambre de la cour d’appel de Versailles a :

– confirmé le jugement entrepris, sauf en ce qu’il statue sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

– condamné M. [U] [M] à payer à la Société technique et commercial automobile les sommes suivantes :

. 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance,

. 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné M. [U] [M] aux dépens d’appel.

Par arrêt du 14 décembre 2022 (pourvoi n° 21-21.411), la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il déboute M. [M] de ses demandes au titre des heures complémentaires, des congés payés et de l’indemnité pour travail dissimulé et à titre de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité résultant du non-respect du mi-temps thérapeutique, des durées maximales de travail et du repos journalier et hebdomadaire, et en ce qu’il statue sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens, l’arrêt rendu le 9 juin 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles, et remis, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles autrement composée.

Les motifs de l’arrêt de cassation sont les suivants :

« 5. Selon [l’article 455 du code de procédure civile], tout jugement doit être motivé.

6. Pour rejeter les demandes au titre des heures complémentaires et du travail dissimulé, l’arrêt retient que la production par le salarié d’un décompte qui fait ressortir des chiffres différents et qui ne contient pas de calcul des heures revendiquées par semaine civile mais par mois, ne permet pas d’étayer la demande par des éléments suffisamment précis et cohérents quant aux horaires prétendument réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

7. En statuant ainsi, sans examiner, même sommairement, le relevé de pointage, le décompte journalier des heures de travail, le tableau récapitulatif des horaires individuels des salariés de l’entreprise et l’attestation d’un autre salarié, que le salarié produisait au soutien de sa demande au titre des heures travaillées et non rémunérées, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Vu l’article L. 3121-35, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, interprété à la lumière de l’article 6 b) de la directive n°2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 :

9. Il résulte de ce texte que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation.

10. Pour débouter le salarié de sa demande en dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité résultant du non-respect du mi-temps thérapeutique, des durées maximales de travail et du repos journalier et hebdomadaire l’arrêt retient que le salarié ne justifie en tout état de cause d’aucun préjudice à ce titre, se bornant à invoquer un préjudice nécessaire.

11. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

M. [M] a saisi la présente cour d’appel de renvoi par déclaration de saisine du 24 janvier 2023.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 20 juin 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 juin 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [M] demande à la cour de :

– le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes,

y faisant droit,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise du 14 septembre 2017 en toutes ses dispositions,

– fixer son salaire de référence à la somme de 9 095 euros bruts mensuels,

à titre principal,

– juger qu’il apporte la preuve de la réalisation d’heures complémentaires non rémunérées entre février et juillet 2012,

– juger que l’employeur ne rapporte par la preuve contraire,

– juger qu’il n’avait pas le statut de cadre dirigeant, ni la qualité de cadre soumis à un forfait régulier et valable mais qu’il était soumis à un décompte horaire de travail,

en conséquence,

– condamner la Société technique et commercial automobile au paiement de la somme de 36 167,30 euros et 3 616,73 euros de congés payés y afférent à son bénéfice à titre de rappels de salaire pour les heures complémentaires effectuées et non rémunérées,

– condamner la Société technique et commercial automobile au paiement de la somme de 27 285 euros à titre de dommages et intérêts distinct pour non-respect des obligations légales et contractuelles,

– condamner la Société technique et commercial automobile au paiement de la somme de 9 095 euros et 909 euros de congés payés y afférent à son bénéfice à titre d’indemnité pour les heures supplémentaires effectuées et non rémunérées,

– juger que les éléments matériel et intentionnel de l’infraction de travail dissimulé sont rapportés par M. [M] sur le fondement de l’article L. 8223-1 du code du travail,

en conséquence,

– condamner la Société technique et commercial automobile au paiement de la somme de 54 570 euros, soit 6 mois de salaire, à son bénéfice,

– juger que la Société technique et commercial automobile a manqué à son obligation de préservation de la santé de son salarié et plus largement à ses obligations légales contractuelles sur le fondement des dispositions des articles L. 4121-1 du code du travail et 1103 du code civil,

en conséquence,

– condamner la société Société technique et commercial automobile au paiement de la somme de 54 570 euros, soit 6 mois de salaire, à son bénéfice,

– condamner la société Société technique et commercial automobile à payer les intérêts sur les intérêts dus au taux légal (anatocisme), à son bénéfice, conformément à l’article 1343-2 du code civil,

– condamner la société Société technique et commercial automobile au paiement de la somme de 3 000 euros à son profit au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance, 3 000 euros pour la première procédure de d’appel, et 3 000 euros pour la seconde procédure d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens et éventuels frais d’exécution.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 juin 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la Société technique et commercial automobile demande à la cour de :

– déclarer irrecevable la demande de M. [M] portant sur les dommages et intérêts pour non-respect des obligations légales et contractuelles et en tout état de cause l’en débouter,

– déclarer irrecevable la demande nouvelle de rappel d’heures supplémentaires à hauteur de 9 095 euros, outre les congés payés 909 euros et en tout état de cause l’en débouter,

à titre principal,

– juger que M. [M] a le statut de cadre dirigeant,

en conséquence,

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Pontoise en date du 14 septembre 2017 en ce qu’il a débouté M. [M] de l’ensemble de ses demandes,

– débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

subsidiairement,

– juger que M. [M] n’apporte pas la preuve des heures complémentaires et supplémentaires alléguées,

en conséquence,

– débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

à titre encore plus subsidiaire,

– juger que les éléments matériel et intentionnel de travail dissimulé ne sont pas rapportés par le salarié,

– juger qu’elle n’est pas tenue des obligations incombant au précédent employeur,

en conséquence, encore plus subsidiairement si par impossible la cour devrait la condamner,

– juger que les indemnisations éventuelles ou rappel d’heures complémentaires accordées devront être réduites proportionnellement à la période du 11 mai 2012 au 31 juillet 2012,

en tout état de cause,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de frais irrépétibles,

statuant à nouveau,

– condamner M. [M] aux entiers dépens et à 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance, 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel et 4 000 euros au titre l’article 700 du code de procédure civile pour la présente procédure.

MOTIFS

Sur l’étendue de la cassation

La cour relève que les parties continuent à être en discussion sur la qualité de cadre dirigeant du salarié, qui reste invoquée par l’employeur, ce qui implique donc pour la cour qu’elle précise l’étendue de la cassation.

L’article 624 du code de procédure civile prévoit que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce. Elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

En l’espèce, la cour d’appel de Versailles dans son arrêt du 9 juin 2021, a considéré que le salarié n’avait pas le statut de cadre dirigeant et, après avoir estimé qu’il n’étayait pas suffisamment sa demande de rappel d’heures complémentaires, a confirmé la décision des premiers juges qui le déboutaient de cette demande ainsi que des demandes subséquentes (demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé et dommages-intérêts pour non respect des obligations afférentes au mi-temps thérapeutique).

Sur le pourvoi formé par le salarié, la Cour de cassation a cassé cette décision, mais seulement en ce qu’elle déboute le salarié de ses demandes au titre des heures complémentaires, des congés payés et de l’indemnité pour travail dissimulé et à titre de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité résultant du non-respect du mi-temps thérapeutique, des durées maximales de travail et du repos journalier et hebdomadaire, et en ce qu’il statue sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens, pour un motif disciplinaire tiré de l’absence d’examen même sommaire des pièces produites par le salarié.

L’employeur n’a pas formé de pourvoi incident contre l’arrêt qui, ainsi qu’il a été dit précédemment, a retenu dans ses motifs que « la société intimée n’est pas fondée à soutenir que M. [M] avait la qualité de cadre dirigeant exclusive d’une demande de paiement d’heures complémentaires pendant la période de mi-temps thérapeutique » et a dans son dispositif, débouté les parties du surplus de leurs demandes, en ce compris donc la demande de l’employeur de voir juger que le salarié avait la qualité de cadre dirigeant.

Dès lors, en cassant, sur le pourvoi du salarié, l’arrêt de la cour d’appel de Versailles pour le motif susvisé, la Cour de cassation n’a pas entendu remettre en cause la décision critiquée en ce qu’elle a jugé que le salarié n’avait pas la qualité de cadre dirigeant.

Il s’ensuit que la question de la qualité de cadre de dirigeant de M. [M], qui est définitivement tranchée, n’entre pas dans le champ de la cassation. Par conséquent, il est acquis aux débats que M. [M] n’a pas la qualité de cadre dirigeant.

Sur les heures complémentaires et supplémentaires et sur la demande de dommages-intérêts pour « non respect des obligations légales et contractuelles »

Le salarié soutient, en réplique aux fins de non-recevoir qui lui sont opposées, que toutes ses demandes sont recevables. S’agissant de sa demande de dommages-intérêts pour non respect des obligations légales et contractuelles, il estime pouvoir la formuler en ce qu’elle est la conséquence directe des heures supplémentaires et complémentaires qu’il a effectuées. S’agissant de sa demande d’heures supplémentaires, il expose qu’il est inexact de prétendre que la Cour de cassation a entendu limiter la cassation aux heures complémentaires.

Au fond, le salarié conteste sa qualité de cadre dirigeant et expose qu’il a toujours été soumis à une durée du travail de 35 heures. Il estime démontrer qu’il a largement dépassé cette durée et donc a fortiori la limite prévue par son mi-temps thérapeutique de 17,5 heures à compter du mois de février 2012 et ce :

. au moyen d’un relevé de pointage

. par la preuve de ce que l’employeur ne respectait pas ses temps de repos,

. au moyen de son tableau d’horaires collectifs,

. au moyen de deux attestations.

En réplique, l’employeur oppose d’abord au salarié une fin de non-recevoir. Il expose, au visa de l’article 624 du code de procédure civile que la cassation ne concerne que les heures complémentaires et non les heures supplémentaires. Il soutient en effet que le salarié a, par erreur, qualifié d’heures supplémentaires ce qui était en réalité des heures complémentaires ce qui a limité le champ de la cassation et interdit désormais au salarié de prétendre au paiement d’heures supplémentaires et que cette demande est en tout état de cause nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile. Il fait en outre valoir que la demande de dommages-intérêts pour non respect des obligations légales et contractuelles n’est pas non plus incluse dans le périmètre de la cassation de telle sorte qu’il n’est pas permis au salarié de soutenir cette demande devant la cour d’appel de renvoi.

Au fond, l’employeur affirme que le salarié avait le statut de cadre dirigeant. Il soutient que le salarié n’apporte pas le moindre commencement de preuve des heures complémentaires alléguées ni a fortiori du prétendu travail dissimulé, soulevant des incohérences et imprécisions dans les pièces communiquées par le salarié.

***

Sur la recevabilité des demandes relatives à un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et de dommages-intérêts pour non respect des obligations légales et contractuelles

Il ressort de l’article 564 du code de procédure civile qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

A l’époque à laquelle le salarié a saisi le conseil de prud’hommes, le 11 mai 2015, l’article R. 1452-6 (abrogé au 1er août 2016) prévoyait : « Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur, l’objet d’une seule instance. Cette règle n’est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes. »

L’article R. 1452-7 (abrogé au 1er août 2016) prévoyait quant à lui que « Les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel. L’absence de tentative de conciliation ne peut être opposée. Même si elles sont formées en cause d’appel, les juridictions statuant en matière prud’homale connaissent les demandes reconventionnelles ou en compensation qui entrent dans leur compétence. »

Par application du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 (article 45), l’abrogation des deux articles susvisés ne concerne pas les instances introduites devant les conseils de prud’hommes avant le 1er août 2016.

En l’espèce, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de 11 mai 2015 c’est-à-dire avant le 1er août 2016. Les dispositions des articles R. 1452-6 et R. 1452-7 susvisés restent donc applicables à l’espèce, même si le salarié a interjeté appel du jugement du conseil de prud’hommes après leur abrogation.

Les demandes relatives à un rappel d’heures supplémentaires et de dommages-intérêts pour non respect des obligations légales et contractuelles formées par le salarié pour la première fois en cause d’appel sont recevables de ce chef.

L’employeur soulève un deuxième moyen d’irrecevabilité tiré de l’article 624 du code de procédure civile.

Comme rappelé plus haut, l’arrêt de la Cour de cassation casse et annule mais seulement en ce qu’il déboute M. [M] de ses demandes au titre des heures complémentaires, des congés payés et de l’indemnité pour travail dissimulé et à titre de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité résultant du non-respect du mi-temps thérapeutique, des durées maximales de travail et du repos journalier et hebdomadaire, et en ce qu’il statue sur les demandes au titre de l’article 700 du code

de procédure civile et sur les dépens, l’arrêt rendu le 9 juin 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles.

Les demandes formées par le salarié du chef des heures supplémentaires et du chef du non respect des obligations légales et contractuelles n’ont pas été évoquées dans le dispositif qui précède.

Mais il s’agit de demandes nouvelles, lesquelles n’avaient été présentées ni devant le conseil de prud’hommes ni devant la cour d’appel lorsqu’elle a été amenée à statuer la première fois. Dès lors d’une part que l’affaire a été remise en l’état où elle se trouvait avant l’arrêt cassé et, d’autre part, que le salarié a saisi le conseil de prud’hommes avant le 1er août 2016 et peut donc présenter des demandes nouvelles en cause d’appel, ces demandes sont recevables.

Sur le fond

Sur les heures complémentaires et supplémentaires

L’article L. 3171-4 du code du travail dispose qu’« en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »

La charge de la preuve ne pèse donc pas uniquement sur le salarié. Il appartient également à l’employeur de justifier des horaires de travail effectués par l’intéressé.

Il revient ainsi au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre l’instauration d’un débat contradictoire et à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Après appréciation des éléments de preuve produits, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance des heures complémentaires et/ou supplémentaires et fixe en conséquence les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, au soutien de sa demande de rappel d’heures complémentaires et supplémentaires entre les mois de février 2012 et juillet 2012, le salarié produit :

. un relevé de pointage entre avril et décembre 2012 révélant d’une part l’heure à laquelle l’alarme est mise en service ou désactivée et d’autre part le nom de la personne ayant activé ou désactivé l’alarme (par exemple « [O] » ou « MENAGE »). Le nom de « [O] » y apparaît plusieurs fois :

. avril 2012 : dix-huit fois (le 4 avril désactivation à 7h23 et activations à 19h35 puis 19h36 puis de nouveau deux désactivations à 19h37 ; le 5 avril désactivation à 7h38 ; le 10 avril : deux désactivations à 7h37 ; le 11 avril : deux désactivations à 7h38 ; le 12 avril : deux désactivations à 7h27 ; le 17 avril : désactivation à 7h34 ; le 18 avril : désactivation à 7h27 ; le 24 avril : désactivation à 7h12 ; le 30 avril : désactivation à 7h23)

. juin 2012 : deux fois (le 14 juin pour deux mises hors service à 7h47 puis à 7h48)

. octobre 2012 : quatre fois (le 3 octobre : activation à 19h16, le 8 octobre : désactivation à 7h33, le 9 octobre : désactivation à 7h26 et le 10 octobre : activation à 19h29)

. novembre 2012 : deux fois (le 25 novembre : désactivation à 10h56 et activation à 11h02)

. décembre 2012 : deux fois (désactivation à 7h44 le 3 décembre et activation à 19h44 le 5 décembre)

. des tableaux de présence couvrant la période comprise entre le 1er février 2012 et le 30 juillet 2012 (pièces 13-1 et 13-2) mentionnant ses heures de prise de poste et de fin de journée et son temps de pause permettant donc un calcul à la semaine ainsi qu’un récapitulatif global.

. un tableau des horaires de travail des salariés de la société (pièce 40) mentionnant les horaires du salarié (du lundi au vendredi de 8h30 à 12h00 puis de 14h00 à 17h30),

. deux attestations, l’une de M. [D] (pièce 37) et l’autre de Mme [R] (pièce 60), tous deux salariés de l’entreprise. Le premier témoigne de ce que le salarié « malgré son mi-temps thérapeutique travaillait à plein temps car celui-ci était déjà présent avant ma prise de fonctions le matin à 8h et que le soir même lorsque je partais plus tard il était encore au bureau au-delà de 18h30, de plus il organisait au minimum une fois par mois une réunion après vente pendant l’heure du déjeuner (‘) ». La seconde, secrétaire assistante du salarié, atteste ainsi : « (‘) Malgré son accident, M. [O] [W] est resté très présent et a continué à travailler presque « normalement ». Lorsque j’arrivais le matin vers 9h il était déjà là depuis longtemps et le soir nous repartions ensemble le plus souvent vers 19h. (‘) J’ai quitté l’entreprise en juillet 2011 ». Le premier des deux témoignages est suffisamment précis et circonstancié pour lui conférer le crédit que lui dénie l’employeur. En revanche, à raison l’employeur expose que le témoignage de Mme [R] est dépourvu de caractère probant, s’agissant d’une collaboratrice qui ne peut témoigner que de faits antérieurs à juillet 2011, alors que la demande du salarié est postérieure à cette date.

Les éléments fournis par le salarié et décrits ci-dessus sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répliquer.

L’employeur met en avant ses difficultés pour fournir des explications et critiques heure par heure du nombre d’heures alléguées dans les tableaux produits par le salarié alors que, par définition, il n’y a pas de contrôle du temps passé pour un cadre dirigeant et qu’elle ne pouvait anticiper une éventuelle réclamation du salarié. L’employeur ajoute que de plus, le rachat de la société STCA par M. [I] le 11 mai 2012 ne lui permet plus d’avoir la moindre information sur les heures réalisées. Il déduit de ces éléments un déséquilibre manifeste dans l’administration de la preuve contraire à l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Néanmoins, l’article L. 3171-4 du code du travail dont il découle un partage de la charge de la preuve relative aux heures de travail accomplies ne crée pas de déséquilibre dans l’administration de la preuve. Il rétablit au contraire un équilibre entre l’employeur et le salarié.

L’employeur relève par ailleurs des incohérences et imprécisions. S’il est vrai que le tableau présenté par le salarié en pièce 13-1 et son récapitulatif en pièce 13-2 ne coïncident pas exactement et que le salarié ne peut, ainsi qu’il le fait, procéder à un calcul quotidien de ses heures supplémentaires au lieu d’un calcul hebdomadaire, la cour dispose cependant d’éléments suffisants pour évaluer le volume d’heures complémentaires et supplémentaires réalisées.

Le salarié devait, durant la période au cours de laquelle est sollicité un rappel de salaire (février ‘ juillet 2012), travailler dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique (pièces 6-4 et 6-5 du salarié) soit 17h30 par semaine.

Compte tenu de ce mi-temps thérapeutique, la cour dispose d’éléments suffisants pour évaluer à 369h27 les heures complémentaires et à 113h37 les heures supplémentaires réalisées par le salarié.

Les bulletins de paie du salarié montrent qu’entre février 2012 et juillet 2012, il a été payé sur la base d’un mi-temps thérapeutique sans jamais être payé de ses heures complémentaires ni supplémentaires.

Le salaire horaire du salarié s’établit à 58,35 euros. Il s’ensuit que les heures complémentaires doivent lui être payées à hauteur de 64,185 euros par heure (58,35+10%) et que les heures supplémentaires doivent ‘ dans les limites de la demande ‘ lui être rétribuées à hauteur de 72,937 euros par heure (58,35+25%).

Par voie d’infirmation du jugement, l’employeur sera condamné à payer au salarié les sommes suivantes :

. 23 713,15 euros à titre de rappel de salaire sur les heures complémentaires ,

. 2 371,31 euros au titre des congés payés afférents,

. 8 287,10 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires,

. 828,71 euros au titre des congés payés afférents.

Sur le travail dissimulé

L’article L. 8221-5 du code du travail dispose qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L’article L. 8223-1 dispose qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, l’importance et la pérennité de l’écart existant entre les heures effectivement réalisées par le salarié, lequel était en mi-temps thérapeutique, et celles figurant sur les bulletins de salaire et payées suffisent à établir l’élément intentionnel.

Le salarié bénéficiait d’une rémunération mensuelle de 8 850 euros outre 245 euros au titre d’un avantage en nature, soit une rémunération totale de 9 095 euros.

Il convient en conséquence, infirmant le jugement, de condamner l’employeur à payer au salarié une indemnité de 54 570 euros pour travail dissimulé.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non respect des obligations légales et contractuelles

Le salarié expose que l’employeur l’a fait travailler pour une durée bien supérieure à celle prévue par son mi-temps thérapeutique, lequel n’a jamais été respecté par l’employeur ce qui caractérise un grave manquement à ses obligations légales et contractuelles justifiant une indemnisation distincte, ce que conteste, au fond, l’employeur, qui expose que le salarié ne développe aucun moyen à l’appui de sa demande, laquelle fait au surplus double emploi avec l’indemnité que le salarié sollicite au titre de l’obligation de sécurité.

Pour établir le manquement de l’employeur le salarié invoque les mêmes éléments que ceux qu’il invoque à l’appui de sa demande au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, en l’occurrence le « non-respect du mi-temps thérapeutique, des durées maximales de travail et du repos journalier et hebdomadaire », qui sera étudiée plus loin.

Ajoutant au jugement, le salarié sera en conséquence débouté de cette demande.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de l’obligation de sécurité

Le salarié se fonde sur l’article L. 4624-1 et expose que l’employeur est tenu de suivre les préconisations du médecin du travail concernant le temps partiel thérapeutique. Il soutient que consécutivement à son arrêt de travail entre le 1er janvier 2011 et le 31 janvier 2012, il lui a été prescrit un mi-temps thérapeutique à raison de deux à trois jours par semaine à compter de février 2012, mais que l’employeur n’a fait aucune tentative d’aménagement de son temps de travail. Le salarié ajoute que l’employeur a éludé ses obligations en matière de respect des durées maximales de travail ainsi que des temps de repos journaliers et hebdomadaires.

En réplique et indépendamment des moyens ‘ déjà tranchés ‘ qu’il soulève du chef de l’article

L. 1224-2 et de la qualité de cadre dirigeant du salarié, l’employeur conteste tout manquement, expose que le salarié ne s’est jamais plaint de ses conditions de travail et ne prouve pas de surcharge de travail.

***

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité qui s’analyse en une obligation de moyen renforcée, l’employeur pouvant s’exonérer de sa responsabilité s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles

L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Ces articles disposent :

Article L. 4121-1 : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. »

Article L. 4121-2 : « L’employeur met en ‘uvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Éviter les risques ;

2° Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. »

Par ailleurs, l’article L. 4624-1, dans sa version applicable au présent litige, dispose que le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs.

L’employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite.

En cas de difficulté ou de désaccord, l’employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l’inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail.

En ce qui concerne la durée du travail :

. l’article L. 3121-35 alinéa 1 prévoit qu’au cours d’une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures ;

. l’article L. 3131-1 prescrit que tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d’urgence, dans des conditions déterminées par décret,

. l’article L. 3132-2 dispose que le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu au chapitre Ier.

Il résulte de l’article L. 3121-35, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprété à la lumière de l’article 6 b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation.

En l’espèce, le salarié établit que le médecin du travail a préconisé pour le salarié la mise en ‘uvre d’un mi-temps thérapeutique selon un rythme alternant 2 jours par semaine puis 3 jours par semaine. Il n’est pas contesté que cette mesure a été préconisée entre février 2012 et juillet 2012.

Cette préconisation n’a pas été mise en ‘uvre par l’employeur.

Par ailleurs, les tableaux établis par le salarié en pièce 13 montrent que l’employeur a ‘ alors que le salarié était supposé travailler à mi-temps ‘ méconnu à deux reprises son obligation issue de l’article L. 3121-35 du code du travail, le salarié ayant accompli pendant deux semaines plus de 48 heures de travail. Ils montrent aussi que le salarié n’a pas bénéficié de son repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives, à deux reprises, mais que le salarié a pu bénéficier d’un repos hebdomadaire d’au moins vingt-quatre heures.

Pour l’ensemble des manquements retenus, il est résulté, pour le salarié, un préjudice qui n’a pas été réparé par les rappels de salaire qui lui ont été accordés au titre des heures complémentaires et supplémentaires et au titre du travail dissimulé, et qui sera donc réparé par une indemnité de 2 000 euros, somme au paiement de laquelle l’employeur sera condamné.

Sur l’inapplication de l’article L. 1224-2 du code du travail

L’employeur se fonde sur l’article L. 1224-2 du code du travail et expose que la société STCA est une filiale à 100 % de la société AGI. Il ajoute que la vente à 100 % des actions de STCA au profit de M. [B] [I] a été autorisée par le tribunal de commerce de Pointe à Pitre par ordonnance du 11 mai 2012 dans le cadre d’une procédure de sauvegarde de la société AGI et qu’il en résulte que la société STCA a été cédée dans le cadre d’une procédure collective ce qui entraîne l’application de l’article L. 1224-2. Il en déduit que si des condamnations devaient être prononcées contre lui du chef des rappels de salaire qu’il réclame ou du chef de l’article L. 8223-1 du code du travail, son éventuelle condamnation devrait être limitée proportionnellement à la période du 11 mai au 31 juillet 2012.

En réplique, le salarié soutient que l’employeur ne saurait sérieusement invoquer les dispositions de l’article L. 1224-2 du code du travail pour tenter de réduire ses obligations dans la mesure où la cession du 11 mai 2012 constitue un simple changement d’actionnaire sans aucune modification juridique de la personne morale qu’est l’employeur à l’égard de ses salariés.

***

Inscrit dans le chapitre que le code du travail consacre au transfert du contrat de travail, l’article L. 1224-2 dispose que le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants :

1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;

2° Substitution d’employeurs intervenue sans qu’il y ait eu de convention entre ceux-ci.

Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s’il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux.

Cet article suit immédiatement l’article L. 1224-1 du code du travail qui dispose que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.

En l’espèce, ainsi que le relève à juste titre le salarié, la société STCA n’a, indépendamment du changement d’actionnaire autorisé par le juge commissaire le 11 mai 2012, pas connu de modification dans sa situation juridique. Il n’y a pas, au cas d’espèce, de « nouvel employeur » au sens de l’article L. 1224-2 de sorte que le contrat de travail du salarié s’est poursuivi sans qu’ait eu lieu de transfert de son contrat de travail.

Par conséquent, le moyen de l’employeur tiré de l’article L. 1224-2 du code du travail est inopérant.

Sur la demande tendant à la capitalisation des intérêts

L’article 1343-2 du code civil, dans sa nouvelle rédaction, dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise. La demande ayant été formée par le salarié et la loi n’imposant aucune condition pour l’accueillir, il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts.

Celle-ci portera sur des intérêts dus au moins pour une année entière.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, l’employeur sera condamné aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris ceux de l’arrêt cassé.

Il conviendra de condamner l’employeur à payer au salarié une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe, la cour :

VU l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 9 juin 2021 (RG 17/04636)

VU l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 14 décembre 2022 (pourvoi n°21-21.411) et statuant dans les limites de la cassation prononcée par cet arrêt,

INFIRME le jugement mais seulement en ce qu’il déboute M. [M] de ses demandes au titre des heures complémentaires, des congés payés et de l’indemnité pour travail dissimulé et à titre de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité résultant du non-respect du mi-temps thérapeutique, des durées maximales de travail et du repos journalier et hebdomadaire,

STATUANT à nouveau des seuls chefs infirmés, et y ajoutant,

DIT recevables les demandes de M. [M] relatives à un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et de dommages-intérêts pour non respect des obligations légales et contractuelles,

CONDAMNE la Société technique et commercial automobile à payer à M. [M] les sommes suivantes :

. 23 713,15 euros à titre de rappel de salaire sur les heures complémentaires,

. 2 371,31 euros au titre des congés payés afférents,

. 8 287,10 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires,

. 828,71 euros au titre des congés payés afférents,

. 54 570 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

. 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

DÉBOUTE M. [M] de sa demande de dommages-intérêts pour non respect des obligations légales et contractuelles,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

CONDAMNE la Société technique et commercial automobile à payer à M. [M] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société STCA aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris ceux de l’arrêt cassé.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Marine Mouret, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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