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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/02339 – N° Portalis DBVH-V-B7F-ICUM
EM/DO
POLE SOCIAL DU TJ DE PRIVAS
14 mai 2021
RG :19/00450
COLANGE
C/
Association ADAPEI DE L’ARDECHE
Grosse délivrée le 19 OCTOBRE 2023 à :
– Me
– Me
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5e chambre Pole social
ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de PRIVAS en date du 14 Mai 2021, N°19/00450
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l’audience publique du 30 Mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 12 Octobre 2023 et prorogé ce jour.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANT :
Monsieur Bruno COLANGE
né le 07 Octobre 1969 à ANNONAY (07100)
868 ROUTE DE LA CHAUX
07340 PEAUGRES
Représenté par Me Pascale REVEL de la SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Association ADAPEI DE L’ARDECHE
863 Route de la Chomotte
07100 ROIFFIEUX
Représentée par Me Laurence JUNOD-FANGET de la SELARL ALYSTREE AVOCATS, avocat au barreau de LYON
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 19 Octobre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
M. Bruno Colange a été engagé par l’association Adapei 07 (Association Départementale des Amis et Parents de Personnes Handicapées Mentales) dans le cadre d’un contrat d’avenir à durée déterminée à temps partiel du 12 janvier au 11 juillet 2009, en qualité d’agent d’entretien.
Au cours des relations contractuelles, M. Bruno Colange a déclaré plusieurs risques professionnels – accident de travail et maladie professionnelle – :
– le 08 février 2011, il a été victime d’un accident du travail pris en charge par la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) le 22 février 2011 au titre de la législation professionnelle ; le 05 juillet 2012, M. Bruno Colange a été reçu par la médecine du travail qui a conclu à son aptitude avec les restrictions suivantes : ‘éviter les travaux trop empoussiérés et le port de charges lourdes (inférieur à 20 kg). Si travail empoussiéré de courte durée ,port du masque obligatoire’,
– le 21 mars 2013, M. Bruno Colange a été victime d’un accident du travail pris en charge par la CPAM le 03 juin 2013 au titre de la législation professionnelle,
– le 15 avril 2013, il a été placé en arrêt de travail pour un syndrome bilatéral du canal carpien, pris en charge au titre de la maladie professionnelle; le 25 octobre 2013, suite à une visite médicale de reprise, M. Bruno Colange a été déclaré apte avec comme restriction une limitation du port de charges,
– en suite d’une période d’arrêt de travail courant du 13 novembre 2013 au 22 juillet 2014, M. Bruno Colange a bénéficié d’une visite médicale de reprise le 18 août 2014 à l’issue de laquelle il a été déclaré ‘Apte à la reprise: pas de position accroupie prolongée, port de charges limité à 10 kgs, pas d’utilisation d’outils vibrants – pour 2 mois’.
Par décision du 16 octobre 2014, la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées a décidé d’attribuer à M. Bruno Colange la qualité de travailleur handicapé pour la période courant du 16 octobre 2014 au 31 octobre 2019.
Le 16 août 2016, M. Colange a établi une déclaration de maladie professionnelle au titre d’une ‘lésion du bourrelet gléoïdien + lésion du tendon long biceps + coiffe’. Le certificat médical initial établi le 16 novembre 2015 fait état d’une ‘lésion intra tendineuse du longs biceps droit. Lésion de type SLAP 2″.
Le 11 octobre 2016, la CPAM de l’Ardèche a pris en charge la pathologie déclarée par M. Bruno Colange au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles comprenant les ‘Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail’.
L’état de santé de M. Bruno Colange a été déclaré consolidé le 24 septembre 2017 avec un taux d’incapacité permanente partielle de 5%.
Par courrier du 14 mars 2019, M. Bruno Colange a saisi la CPAM de l’Ardèche en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, concernant la maladie déclarée le 16 août 2016.
La tentative de conciliation ayant échoué, le 18 juin 2019, M. Bruno Colange a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Privas.
Parallèlement, le 08 janvier 2020, M. Bruno Colange a été victime d’une rechute prise en charge par la CPAM.
Suivant jugement du 14 mai 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Privas a :
– débouté M. Bruno Colange de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l’association départementale des amis et parents d’enfants inadaptés (Adapei) de l’Ardèche du Nord, concernant la maladie déclarée le 16 août 2016, au titre d’une ‘lésion du bourrelet gléoïdien + lésion du tendon long biceps + coiffe’,
– dit qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. Bruno Colange au paiement des dépens,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par courrier recommandé du 10 juin 2021, M. Bruno Colange a régulièrement interjeté appel de cette décision dont il n’est pas justifié de la date de notification dans le dossier.
L’affaire a été fixée à l’audience du 30 mai 2023 à laquelle elle a été retenue.
Par conclusions écrites, déposées et développées oralement à l’audience, M. Bruno Colange demande à la cour de :
– juger recevables et bien fondées ses demandes,
– infirmer le jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Privas le 14 mai 2021,
En conséquence,
– juger que la maladie professionnelle dont il a été victime le 16 novembre 2015 est due à la faute inexcusable de l’Association Adapei de l’Ardèche,
– porter la rente versée par la Caisse primaire d’assurance maladie à son taux maximum.
– désigner avant dire droit l’expert qu’il plaira à la Cour afin de déterminer l’ensemble des préjudices qu’il a subis avec pour missions, pour chacune des deux maladies professionnelles, de :
* après avoir recueilli les éléments nécessaires sur l’identité de la victime et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son niveau scolaire, son statut et/ou sa formation, son mode de vie antérieur à l’accident et sa situation actuelle,
* après avoir recueilli les déclarations et les doléances de la victime, au besoin de ses proches et de tout sachant,
* après avoir interrogé la victime sur les conditions d’apparition des lésions, l’importance des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences,
* après avoir consulté l’ensemble des documents médicaux fournis,
* après avoir procédé, en présence des médecins mandatés par les parties avec l’assentiment de la victime, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,
Il conviendra de :
– déterminer les dépenses de santé actuelle, restées à charge,
– évaluer les frais divers, (les frais administratifs, frais de trajets par exemple)
– évaluer les pertes de gains professionnels actuels : indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été du fait de son déficit fonctionnel temporaire dans l’incapacité d’exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle et en cas d’incapacité partielle, préciser le taux et la durée,
– évaluer les dépenses de santé futures, le cas échéant,
– dire s’il existe des frais de logement adaptés à venir,
– dire si la victime va devoir avoir besoin d’un véhicule adapté et déterminer les frais engendrés par cet aménagement,
– dire s’il est nécessaire que la victime dispose d’une assistante par tierce personne et en évaluer le coût,
– fixer la perte de gain professionnelle future : indiquer notamment si le déficit fonctionnel permanent entraîne l’obligation pour la victime de cesser totalement ou partiellement son activité professionnelle ou/et changer d’activité professionnelle,
– déterminer l’incidence professionnelle : indiquer notamment si le déficit fonctionnel permanent entraîne d’autres répercutions sur son activité professionnelle actuelle ou future (obligation de formation pour un reclassement professionnel, pénibilité accrue dans son activité, dévalorisation sur le marché du travail’),
– déterminer s’il existe un préjudice scolaire, universitaire ou de formation,
– fixer le déficit fonctionnel temporaire en indiquant les périodes pendant lesquelles la victime a été du fait de son déficit fonctionnel temporaire dans l’incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles, en cas d’incapacité partielle, préciser le taux et la durée,
– fixer les souffrances endurées : décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales découlant des blessures subis pendant la maladie traumatique, les évaluer distinctement dans une échelle de un à sept,
– fixer le préjudice esthétique temporaire,
– fixer le déficit fonctionnel permanent : indiquer si après la consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel permanent défini comme une altération permanente d’une ou plusieurs fonctions physiques sensorielles, mentales ainsi que des douleurs permanentes ou tout autre trouble de santé entraînant une limitation d’activité ou une restriction de participation à la vie en société subie au quotidien par la victime dans son environnement, en évaluer l’importance et en chiffrer le taux,
– fixer le préjudice d’agrément : indiquer notamment que la victime est empêchée en tout ou partie de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisirs,
– déterminer le préjudice esthétique permanent : donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique en attribuant une note fixée de 1 à 7,
– déterminer le préjudice sexuel,
– déterminer le préjudice d’établissement,
– déterminer s’il existe des préjudices permanents exceptionnels,
– ordonner la désignation d’un expert la réalisation d’un pré rapport permettant aux parties de s’exprimer sur les premières conclusions de l’expert,
– lui allouer la somme de 5 000 euros à titre d’indemnité provisionnelle,
– condamner l’Association Adapei de l’Ardèche la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à lui verser exposés en première instance,
– condamner l’Association Adapei de l’Ardèche à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile exposés en cause d’appel,
– condamner l’Association Adapei de l’Ardèche aux entiers dépens de l’instance,
– juger opposable et commune à la Caisse primaire d’assurance maladie la décision à intervenir.
Il soutient que :
– il fait l’objet de plusieurs accidents du travail, que le médecin du travail a émis plusieurs avis d’aptitude avec restriction, qu’une réunion a été organisée le 24 juin 2015 avec l’employeur, et le médecin du travail afin de définir les tâches à proscrire et à adapter ; là encore, les préconisations du médecin du travail n’ont pas été respectées, puisqu’il lui était régulièrement demandé de porter des charges lourdes, de peindre en hauteur, de scotcher des protections avant peinture au plafond ou même de réaliser l’entretien des filtres et hottes aspirantes en hauteur ; à aucune moment, l’ADAPEI a fait le choix de mettre en ‘uvre les mesures nécessaires afin de préserver son état de santé, pourtant déjà fragilisé ; aucun aménagement de poste n’a été réalisé;
– nombreux sont ses collègues de travail qui ont pu constater qu’il a toujours porté des charges lourdes et réalisé des travaux en hauteur de grande ampleur qui correspondaient à des tâches qui contrevenaient aux préconisations du médecin du travail ; il estime qu’un manquement caractérisé à l’obligation de sécurité peut être imputé à l’ADAPEI , ce qui est sans nul doute à l’origine de la rupture de la coiffe des rotateurs de son épaule droite ;
– contrairement à ce que soutient l’association, l’affection qu’il a déclarée ne résulte pas de travaux effectués lors de ses précédents emplois ; il avait été déclaré apte sans aucune réserve
lors de son embauche au sein de l’ADAPEI et ce, durant plus de deux années; l’ADAPEI n’établit pas, contrairement à ce qu’elle prétend et alors que la charge de la preuve lui incombe, avoir respecté les préconisations du médecin du travail, étant rappelé que le 16 mai 2018, un nouvel avis médical avait été rendu dans le même sens que les précédents ; l’employeur n’établit pas non plus qu’il disposait des outils préconisés pour l’aider dans l’accomplissement de ses tâches ; enfin, l’association liste tous les avis médicaux qui ont été rendus par la médecine du travail alors même que ces derniers contribuent à venir établir la détérioration de son état de santé et l’absence de respect des préconisations médicales par l’employeur,
– l’employeur avait parfaitement connaissance des risques encourus et n’a pourtant pas mise en place les mesures adéquates, la faute inexcusable est dès lors avérée,
– l’ADAPEI verse le document unique d’évaluation des risques qui a été mis à jour bien après la survenance de sa maladie professionnelle, de sorte que son contenu ne saurait venir éclairer les débats ; est défaillant à démontrer qu’il a bien procédé à l’évaluation des risques comme il en a l’obligation, ce qui participe à la caractérisation de sa faute inexcusable ; l’association ne lui a jamais prodigué la moindre formation relative aux gestes et postures ou bien encore à la manutention qui se serait pourtant avérée nécessaire pour les tâches qu’il effectuait avec une manutention manuelle quotidienne de charges ; à ce titre, l’association se contente de prétendre que « la violation d’un règlement en matière de sécurité au travail ne serait pas constitutive à elle seule d’une faute inexcusable de l’employeur », alors que tel est bien le cas, la violation d’un règlement en matière de sécurité au travail participe à la caractérisation de la faute inexcusable ; il n’a bénéficié, en dix années de présence au sein de l’ADAPEI, que d’une seule formation (habilitation électrique BO) et d’aucune adaptation à l’emploi,
– son préjudice notamment moral est très important ; il a été reconnu travailleur handicapé, il garde aujourd’hui des douleurs séquellaires et une limitation fonctionnelle ; depuis son licenciement, il n’a pas retrouvé d’emploi; il perçoit une allocation mensuelle versée par pôle emploi inférieure à 900 euros, ce qui ne lui permet pas de vivre dignement ; sa recherche d’emploi est très compliquée compte-tenu de son état physique ; même inscrit à Cap emploi, aucun poste n’a pu lui être proposé jusqu’à maintenant ; il est aujourd’hui privé de nombreux plaisirs de la vie ; il a été victime d’une rechute de sa maladie professionnelle le 08 janvier 2020.
Par conclusions écrites, déposées et développées oralement à l’audience, l’association Adapei de l’Ardèche demande à la cour de :
A titre principal,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé qu’elle n’a commis aucune faute inexcusable, au sens de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale ayant concouru à la maladie professionnelle constatée le 16 novembre 2015,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a, en conséquence, débouté M. Colange de l’intégralité de ses demandes,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il dit qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. Colange aux dépens,
– condamner à titre reconventionnel M. Colange au paiement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. Colange aux entiers dépens,
A titre subsisidiaire,
– statuer ce que de droit sur la demande de majoration de la rente servie à M. Colange à son taux maximum,
– constater qu’elle formule des réserves sur l’expertise médicale sollicité,
– juger que les préjudices allégués par M. Colange ne pourront être évalués que dans le cadre d’une expertise contradictoire portant uniquement sur les souffrances endurées, le préjudice esthétique et le déficit fonctionnel temporaire, la perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelles, le préjudice d’agrément,
– juger que la Caisse primaire d’assurance maladie fera l’avance des honoraires d’expert,
– débouter M. Colange de sa demande de provision ou, à tout le moins, réduire à de plus justes proportions le montant qui lui sera le cas échéant alloué,
– juger que la provision le cas échéant allouée à M. Colange sera intégralement avancée par la Caisse primaire d’assurance maladie,
– débouter M. Colange de sa demande de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile exposés en première instance,
– débouter M. Colange de sa demande de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile exposés en cause d’appel,
– à défaut, réduire à de plus justes proportions les montants alloués à M. Colange au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
– débouter M. Colange de sa demande relative aux dépens, la procédure étant gratuite et sans frais.
Elle fait valoir que :
– il appartient à M. Bruno Colange de démontrer d’une part, qu’elle avait conscience du danger, d’autre part, qu’elle n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver,
– M. Bruno Colange a été embauché compte tenu de son expérience dans la maçonnerie – 4 années en tant qu’entrepreneur individuel de 2004 à 2008 -; dans le cadre de sa fonction d’agent technique, M. Bruno Colange avait en charge l’entretien des équipements de l’association par la mise en ‘uvre de travaux ; les trois autres agents techniques étaient affectés à d’autres domaines de compétence, également en lien avec leurs formations et/ou leurs expériences professionnelles antérieures à leur embauche ; suite à une réunion qui s’est tenue le 24 juin 2015 avec MM Colange et Morel, ce dernier en qualité de responsable de l’équipe technique et le Dr Fontaine, médecin du travail, les tâches pouvant être réalisées par M. Bruno Colange ont été listées avec une grande précision ; elle a été très scrupuleuse dans la mise en application des préconisations médicales ; M. Bruno Colange ne lui a d’ailleurs jamais reproché dans ses courriers que la survenance des accidents du travail et la reconnaissance d’une maladie professionnelle étaient dues à une dégradation de ses conditions de travail ou à un défaut de l’employeur à son obligation de sécurité ; ainsi, M. Bruno Colange ne démontre pas que la maladie professionnelle serait due à une faute inexcusable qu’elle aurait commise,
– le médecin du travail a toujours déclaré apte M. Bruno Colange à son poste, même si ses avis étaient assortis de réserves ; par courrier du 17 avril 2015, elle a rappelé à M. Bruno Colange la nécessité de respecter scrupuleusement les restrictions et ce jusqu’à la définition précise des tâches qu’il pouvait effectivement réaliser avec le médecin du travail ; elle a été particulièrement diligente pour définir le périmètre de ces tâches compte tenu de sa pathologie à l’épaule droite ; le pôle social du tribunal judiciaire de Privas a très exactement constaté que le compte-rendu du 24 juin 2015 montrait qu’une étude avait été réalisée aux fins de déterminer avec précision les tâches aménageables et les tâches réalisables pour le salarié au regard des prescriptions émises le 15 avril 2015 ; M. Bruno Colange n’a jamais apporté le moindre élément de preuve du fait qu’elle lui aurait confié des tâches contrevenant aux travaux non listés à l’issue de cette réunion ;
– alors les tâches demandées étaient en parfaite conformité avec les préconisations du médecin du travail, M. Bruno Colange a refusé de les réaliser au motif que selon lui elles n’étaient pas compatibles avec son état de santé et il s’était vu reproché son refus injustifié le12 février 2015 de creuser des trous pour poser des panneaux de signalisation alors même que ce travail était compatible avec les préconisations du médecin du travail, le 15 janvier 2019, il a refusé de poncer deux tables de pique nique afin de les repeindre alors qu’il avait été validé avec le médecin du travail qu’il pouvait procéder à cette tâche avec une ponceuse vibrante « mais pas plus d’une demi-journée d’affilée;
– M. Bruno Colange ne démontre pas qu’elle n’aurait pas respecté les restrictions édictées par le médecin du travail, soit il se contente d’allégations sans justifier de leur véracité ou en dénaturant les écrits du médecin du travail, soit il se réfère à des attestations dont la valeur probante peut être remise en cause,
– concernant les attestations que M. Bruno Colange a produites, il apparaît que les tâches réalisées visées par ses collègues, contrairement à ce que prétend l’appelant, étaient autorisées par le médecin du travail avec des aménagements le cas échéant et qu’elle a mis à sa disposition du matériel pour transporter des charges lourdes,
– le médecin du travail n’a jamais prononcé aucune restriction quant à la conduite de véhicule ; les déplacements dans le nouvel établissement situé au TEIL ont été rares et ne sauraient être à l’origine d’une pathologie ; M. Bruno Colange ne démontre dès lors pas en quoi elle aurait commis un manquement à son obligation de sécurité,
– concernant le suivi médical, M. Bruno Colange a bénéficié de 7 examens de nature médicale d’octobre 2014 à 2018, avec une périodicité qui n’a jamais été supérieure à 24 mois ; le médecin du travail qui connaissait le statut de M. Bruno Colange et le fait qu’il bénéficiait d’une surveillance médicale renforcée, considérait que son suivi médical était suffisant ; elle ne pouvait dès lors pas avoir conscience d’un quelconque danger encouru par M. Colange et qu’elle avait pris toutes les précautions pour préserver sa santé en s’appuyant sur les préconisations du médecin du travail, seul habilité à déterminer les restrictions nécessaires pour ce faire ;
– contrairement aux affirmations erronées de M. Bruno Colange, un document unique d’évaluation des risques visant les risques liés à la manutention a été établi au sein de l’association en 2010, puis mis à jour en dernier lieu le 24 septembre 2018 ; il est établi qu’il existait un DUERP au sein de l’association au moment de la survenance de sa maladie professionnelle ; ce document est particulièrement complet et vise l’ensemble des risques qui auraient pu concerner M. Bruno Colange ; le seul fait que le DUERP n’ait pas été mis à jour annuellement ne saurait caractériser à lui seul l’existence d’une faute inexcusable ; tout comme en première instance, M. Bruno Colange n’apporte toujours aucun élément, en appel, permettant de démontrer en quoi la prétendue tardiveté dans l’élaboration du document unique ou l’absence de mise à jour annuelle constitue une faute inexcusable à son égard,
– concernant l’absence de formation sur les gestes et postures, la violation d’un règlement en matière de sécurité au travail n’est pas constitutive à elle seule d’une faute inexcusable de l’employeur ; M. Bruno Colange avait déjà une expérience professionnelle de plusieurs années en maçonnerie et en tant qu’entrepreneur individuel, démontrant nécessairement la maitrise des gestes et postures,
– s’agissant de la fourniture des outils adaptés, comme l’a relevé le pôle social du tribunal judiciaire de Privas, les attestations des collègues de travail de M. Bruno Colange démontrent qu’elle mettait effectivement à sa disposition les outils nécessaires notamment pour le port de charge et qu’il pouvait toujours solliciter de l’aide, de sorte qu’il ressort de l’ensemble de ces éléments qu’aucune faute inexcusable ne saurait lui être imputée,
– M. Bruno Colange a eu, avant son embauche, des activités professionnelles qui expliquent que son état de santé n’est pas lié qu’à sa seule activité au sein de l’ADAPEI 07; en ce qui concerne la maladie professionnelle du 16 novembre 2015, elle ne saurait être imputée qu’au dernier emploi et encore moins à une prétendue faute inexcusable de l’association,
– à titre subsidiaire, si la faute inexcusable était reconnue, la mission d’expertise ne pourra porter que sur les postes de préjudices suivants : souffrances endurées, préjudice esthétique, perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle, préjudice d’agrément, déficit fonctionnel temporaire,
– il y a lieu de débouter M. Bruno Colange de sa demande de provision ou à tout le moins de réduire le montant à de plus justes proportions, étant rappelé que l’avance de l’éventuelle provision sera réglée par la caisse primaire d’assurance maladie.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l’audience.
MOTIFS
La cour constate que dans le cadre de la présente action en reconnaissance de la faute inexcusable engagée par M. Bruno Colange à l’encontre de son employeur, l’ADAPEI de l’Ardèche, la Caisse primaire d’assurance maladie de l’Ardèche n’a pas été mise en cause alors qu’aucun accord amiable n’est intervenu entre la caisse et la victime, d’une part, et l’employeur, d’autre part, tant sur le principe de la reconnaissance de la faute inexcusable que sur les montants de la majoration et des indemnités mentionnées à l’article L452-3 du code de la sécurité sociale, et alors, par ailleurs, que la caisse avait été mise en cause au cours de la première instance.
Il convient de rappeler que la caisse, qui est partie liée, est susceptible d’avancer les sommes qui pourraient être fixées au titre de l’indemnisation des préjudices subis par le salarié pour le cas où la faute inexcusable serait reconnue.
L’affaire n’est donc pas en état d’être jugée ce jour, et il convient de rouvrir les débats et d’ordonner la mise en cause de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ardèche en déclaration de jugement commun.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort;
Avant dire droit,
Ordonne la réouverture des débats,
Renvoie l’affaire à l’audience du 16 janvier 2024 à 14 heures, pour mise en cause de la Caisse primaire d’assurance maladie de l’Ardèche,
Dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation des parties à cette audience,
Sursoit à statuer sur l’ensemble des demandes formées par les parties
Réserve les dépens de la procédure d’appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,