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ARRET
N°883
S.A.S.U. [7]
C/
[E] [N]
CPAM DE L’OISE
COUR D’APPEL D’AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 24 OCTOBRE 2023
*************************************************************
N° RG 22/02500 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IONU – N° registre 1ère instance : 20/00025
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS EN DATE DU 21 avril 2022
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.S.U. [7] VENANT AUX DROITS DE LA SARL [9] Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me DINIS GONCALVES, avocat au barreau de PARIS substituant Me Christine ARANDA de la SELRL LF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS et ayant pour avocat postulant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS
ET :
INTIMEES
Madame [S] [E] [N]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée et plaidant par Me Guillaume DESJARDINS de la SCP DESJARDINS – LE GAC – PACAUD, avocat au barreau de SENLIS
CPAM DE L’OISE Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée et plaidant par Mme [I] [P] dûment mandatée
DEBATS :
A l’audience publique du 06 Juillet 2023 devant M. Pascal HAMON, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2023.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Diane VIDECOQ-TYRAN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
M. Pascal HAMON en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Mme Graziella HAUDUIN, Président,
M. Pascal HAMON, Président,
et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 24 Octobre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, Mme Graziella HAUDUIN, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.
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* *
DECISION
Vu le jugement en date du 21 avril 2022 auquel il convient de se référer pour l’exposé des faits, procédure et prétentions initiales des parties par lequel le pôle social du tribunal judiciaire de Beauvais, saisi par Mme [S] [E] [N] d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la SARL [9] aux droits de laquelle vient la société [7], a notamment :
– dit que l’accident du travail dont a été victime Mme. [E] le 23 janvier 2018 est dû à la faute inexcusable de la société [7] ;
– fixé au maximum le montant de la majoration de l’indemnité en capital de Mme [E] sur la base d’un taux d’incapacité permanente partielle de 8% ;
– dit que la majoration de l’indemnité en capital devra suivre l’évolution de son taux d’incapacité permanente partielle ainsi fixé ;
– avant dire droit sur la réparation des préjudices, ordonné une expertise médicale et commis, pour y procéder, le docteur [K] [G] ;
– fixé à la somme de 2 500 euros l’indemnité provisionnelle due à Mme [E] à valoir sur la réparation de ses préjudices ;
– dit que la caisse primaire d’assurance maladie de l’Oise versera directement à Mme [E] les sommes dues au titre de l’indemnité en capital majorée, de l’indemnité provisionnelle susvisée ainsi que toute somme qui pourrait lui être due au titre de l’indemnisation complémentaire à venir ;
– condamné la société [7] à supporter les conséquences financières de la faute inexcusable ;
– dit que la caisse primaire d’assurance maladie de l’Oise pourra recouvrer auprès de la société [7] les frais d’expertise dont elle aura fait l’avance, le montant de l’ensemble des indemnisations accordées à Mme [E] ainsi que la somme versée au titre de l’indemnité en capital majorée ;
– rejeté les demandes plus amples ou contraires ;
– condamné la société [7] à payer à Mme [E] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– réservé les dépens dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise.
Vu l’appel interjeté le 19 mai 2022 par la société [7] de cette décision qui lui a été notifiée le 25 avril 2022.
Vu les conclusions visées par le greffe le 6 juillet 2023 et soutenues oralement à l’audience, par lesquelles la société [7] demande à la cour de :
– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Beauvais du 21 avril 2022 en ce qu’il a :
* dit que l’accident du travail dont a été victime Mme [E] le 23 janvier 2018 est dû à la faute inexcusable de la société [7] ;
* fixé au maximum le montant de la majoration de l’indemnité en capital de Mme [E] sur la base d’un taux d’incapacité permanente partielle de 8% ;
* dit que la majoration de l’indemnité en capital devra suivre l’évolution de son taux d’incapacité permanente partielle ainsi fixé ;
* ordonné une expertise médicale ;
* commis pour y procéder le docteur [K] [G] du chef de la mission de l’expert judiciaire ;
* condamné la société [7] à supporter les conséquences financières de la faute inexcusable ;
* dit que la caisse primaire d’assurance maladie de l’Oise pourra recouvrer auprès de la société [7] les frais d’expertise dont elle aura fait l’avance, le montant de l’ensemble des indemnisations accordées à Mme [E] ainsi que la somme versée au titre de l’indemnité en capital majorée ;
* rejeté les demandes plus amples ou contraires de la société [7], du chef des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
À titre principal,
– constater que l’accident de Mme [E] n’aurait pas dû être présumé comme étant professionnel ;
En conséquence,
– constater l’absence d’accident du travail de Mme [E] ;
– débouter, en l’absence d’accident du travail, Mme [E] de sa demande de reconnaissance d’une faute inexcusable prétendument commise par la résidence [9] et de ses demandes afférentes ;
– débouter Mme [E] de l’intégralité de ses demandes ;
À titre subsidiaire,
– constater que les conditions de la faute inexcusable ne sont pas remplies ;
En conséquence,
– débouter Mme [E] de sa demande de reconnaissance d’une faute inexcusable prétendument commise par la résidence [9] et de ses demandes afférentes ;
– débouter Mme [E] de l’intégralité de ses demandes ;
À titre infiniment subsidiaire,
– rejeter la demande d’expertise de Mme [E] ;
– débouter Mme [E] de sa demande de condamnation de la résidence [9] à payer la provision à valoir sur la rémunération de l’expert ;
En tout état de cause,
– condamner Mme [E] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.
Vu les conclusions visées par le greffe le 26 juin 2023 et soutenues oralement à l’audience par lesquelles Mme [E] demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a retenu que son accident du travail résultait de la faute inexcusable de la société [7] ;
En conséquence,
– confirmer la majoration de rente ;
– confirmer la désignation du docteur [K] [G] et la mission qui lui a été assignée ;
– confirmer la condamnation de la CPAM aux dépens, et à lui verser une provision de 2 500 euros à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices ;
– condamner la société [7] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel, en confirmant la somme allouée en première instance de ce chef ;
– renvoyer l’affaire devant le tribunal judiciaire de Beauvais pour le volet tendant à fixer l’indemnisation des préjudices.
Vu les conclusions visées par le greffe le 6 juillet 2023 et soutenues oralement à l’audience par lesquelles la CPAM de l’Oise demande à la cour de :
– lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice sur le principe de la reconnaissance de la faute inexcusable ;
En cas de confirmation de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur,
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, en ce compris qu’elle pourra récupérer auprès de l’employeur, la société [7], les frais d’expertise avancés, le montant de la majoration de l’indemnité en capital et de la provision sur l’indemnisation des préjudices avancés par la CPAM de l’Oise.
SUR CE, LA COUR :
Mme [S] [E], employée en qualité d’auxiliaire de vie de jour par la société [9], aux droits de laquelle vient la société [7], a été victime d’un accident le 23 janvier 2018 dans les circonstances suivantes, tirées de la déclaration d’accident du travail établie le même jour : « soin de nursing dans une chambre – la salariée en relevant un résident s’est coincé le dos ».
Par courrier du 23 février 2018, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Oise a pris en charge cet accident au titre de la législation sur les risques professionnelles. Le taux d’incapacité permanente partielle de 8% à la date du 16 août 2020 a été attribué à Mme [E] au titre des séquelles d’une « hernie discale L4-L5 traitée médicalement, prise en charge en centre de réadaptation en janvier 2020, à type de raideur lombaire empêchant la station debout prolongée ».
Par requête du 16 janvier 2020 et après avoir engagé une tentative de conciliation, Mme [E] a saisi le tribunal judiciaire de Beauvais d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de l’accident du 23 janvier 2018.
Par jugement du 21 avril 2022, dont appel, le tribunal judiciaire de Beauvais a statué comme indiqué ci-dessus.
1. Les premiers juges ont, après avoir rappelé les dispositions de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, considéré qu’il était établi par la déclaration d’accident du travail, concordante avec le certificat médical initial dressé le même jour, que l’accident était survenu le 23 janvier 2018 à 9h30 à l’occasion de soins de nursing dans une chambre, soit au temps et au lieu du travail et bénéficiait par conséquence de la présomption d’imputabilité au travail.
En effet, il ressort de la déclaration d’accident du travail que l’accident a été connu de l’employeur à 10 heures, soit seulement trente minutes après sa survenance et au cours des horaires de travail de Mme [E], et que le certificat médical initial a été dressé le même jour au sein du centre hospitalier de [Localité 8].
Par ailleurs, si les parties s’opposent quant à la périodicité avec laquelle Mme [E] a pratiqué des soins de nursing et quant à la qualification professionnelle des activités quotidiennes de Mme [E], l’employeur reconnaît toutefois qu’elle était amenée à manipuler des résidents dans le cadre de ses fonctions, ce qui correspond à son activité au moment de l’accident du 23 janvier 2018.
Les premiers juges ont à bon droit fait application de la présomption d’imputabilité au travail de l’accident survenu à Mme [E] le 23 janvier 2018.
Cette présomption d’imputabilité n’étant pas remise en cause par l’employeur par la production d’un élément de nature à établir que la lésion avait une cause totalement étrangère au travail, il y a lieu de confirmer le jugement de ce chef.
2. Il ressort de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale que le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Les premiers juges ont, par une exacte appréciation des éléments de fait et de preuve du dossier, non utilement critiquée en cause d’appel, considéré que la société ne pouvait prétendre ignorer la difficulté afférente à cette opération de manutention des résidents dès lors qu’elle se prévalait de la mise en place de matériel adapté pour ce faire, et qu’il ressortait des attestations produites par Mme [E] un manque de matériel démontrant ainsi l’absence de mesures de protection, nonobstant la connaissance antérieure par Mme [E] d’un risque particulier issu d’une précédente expérience professionnelle.
Si l’employeur fait valoir en appel que le tribunal ne pouvait reconnaître l’existence de sa faute inexcusable dans la mesure où il mettait à disposition de ses salariés le matériel nécessaire pour effectuer la levée des malades sans se blesser, il ne fournit toutefois au soutien de cette allégation qu’une unique facture, datée de 2016, dont il ressort l’achat de deux lève-malades, laquelle n’est pas de nature à démontrer que ledit matériel a été mis à la disposition de Mme [E] le jour de son accident, ni qu’elle a été formée à son utilisation.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a retenu l’existence d’une faute inexcusable commise par la société [9] aux droits de laquelle vient la société [7].
3. Il sera également confirmé en ses dispositions relatives à la majoration de l’indemnité en capital au titre de l’accident du travail, dès lors que seule une faute inexcusable de la victime, non invoquée en l’espèce, peut entraîner la réduction de cette majoration prévue à l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale.
4. Ensuite, le recours à l’expertise médicale pour apprécier et évaluer les différents préjudices indemnisables subis par Mme [E] étant justifié, la mission de l’expert étant précise et complète et le montant de la provision étant en rapport avec l’importance des conséquences de l’accident décrites par les pièces médicales produites par Mme [E] pour l’indemnisation de ses préjudices personnels, les jugement sera confirmé de ces chefs.
5. Le jugement, non autrement et utilement contesté, sera confirmé pour le surplus de ses dispositions.
6. Il convient de condamner la société [7], aux dépens d’appel et de faire application en cause d’appel des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [E] et de condamner l’employeur à lui payer une indemnité de 1 500 euros.
7. La demande indemnitaire présentée sur ce même fondement par la société [7], qui succombe, ne sera pas accueillie.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement et publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne la société [7] venant aux droits de la société [9] aux dépens d’appel ;
Déboute la société la société [7] venant aux droits de la société [9] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
La condamne à verser à Mme [S] [E] [N] une indemnité procédurale de 1 500 euros.
Le Greffier, Le Président,