Tentative de conciliation : 26 octobre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/12524

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Tentative de conciliation : 26 octobre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/12524
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 26 OCTOBRE 2023

N° 2023/658

Rôle N° RG 22/12524 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKBF3

S.A.S. ODALYS RESIDENCES

C/

[SN] [D]

[OT] [D]

[YE] [U]

[KW] [U]

[B] [S]

[CF] [PU]

[IT] [R] [J]

[L] [A]

[OA] [V]

[F] [V]

[T] [N]

[G] [C]

[Y] [I]

[O] [I]

[M] [Z]

[YN] [Z]

[GZ] [WU]

[K] [KM]

[MP] [RD]

[UR] [DL]

[X] [WK]

[W] [WK]

[EW] [FF]

[AL] [FF]

[DC] [VJ]

[P] [GP]

[E] [GP]

[H] [MG]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me [Y] SASSATELLI

Me Francois MORABITO

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire d’Aix-en-Provence en date du 30 août 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/00414.

APPELANTE

S.A.S. ODALYS RESIDENCES

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 13]

représentée par Me Jean-Claude SASSATELLI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Aurélien MARAUX, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [SN] [D]

né le 19 juillet 1976 à [Localité 28], demeurant [Adresse 6]

Madame [OT] [D]

née le 13 avril 1978 à [Localité 46], demeurant [Adresse 6]

Monsieur [YE] [U]

né le 17 février 1965 à [Localité 33], demeurant [Adresse 10]

Madame [KW] [U]

née le 01 septembre 1974 à [Localité 46], demeurant [Adresse 10]

Madame [B] [S]

née le 22 juin 1989 à [Localité 22], demeurant [Adresse 18]

Monsieur [CF] [PU]

né le 07 juin 1986 à [Localité 41], demeurant [Adresse 18]

Madame [IT] [R] [J]

née le 02 janvier 1962 à [Localité 45], demeurant [Adresse 4]

Monsieur [L] [A]

né le 27 octobre 1985 à [Localité 26], demeurant [Adresse 19]

Monsieur [OA] [V]

né le 21 juillet 1935 à [Localité 38], demeurant [Adresse 7]

Madame [F] [V]

née le 07 septembre 1938 à [Localité 23], demeurant [Adresse 7]

Monsieur [T] [N]

né le 30 mai 1974 à [Localité 37], demeurant [Adresse 11]

Madame [G] [C]

née le 28 mars 1963 à [Localité 27], demeurant [Adresse 39] – MARTINIQUE

Monsieur [Y] [I]

né le 03 septembre 1959 à [Localité 34], demeurant [Adresse 16]

Madame [O] [I]

née le 4 octobre 1959 à [Localité 43], demeurant [Adresse 16]

Monsieur [M] [Z]

né le 24 février 1951 à [Localité 35], demeurant [Adresse 17]

Madame [YN] [Z]

née le 14 août 1960 à [Localité 44], demeurant [Adresse 17]

Monsieur [GZ] [WU]

né le 18 mai 1954 à [Localité 20], demeurant [Adresse 9]

Monsieur [K] [KM]

né le 30 mai 1973 en République d’Irlande, demeurant [Adresse 42]

Monsieur [MP] [RD]

né le 05 août 1951 à [Localité 32], demeurant [Adresse 5]

Monsieur [UR] [DL]

né le 11 novembre 1960 à [Localité 30], demeurant [Adresse 5]

Monsieur [X] [WK]

né le 18 mai 1961 à [Localité 29], demeurant [Adresse 8]

Madame [W] [WK]

née le 19 août 1984 à [Localité 29], demeurant [Adresse 14]

Monsieur [EW] [FF]

né le 04 avril 1971 à [Localité 25], demeurant [Adresse 12]

Madame [AL] [FF]

née le 31 janvier 1970 à [Localité 25], demeurant [Adresse 12]

Monsieur [DC] [VJ]

né le 18 août 1982 à [Localité 31], demeurant [Adresse 15]

Monsieur [P] [GP]

né le 22 juin 1959 à [Localité 21], demeurant [Adresse 2]

Madame [E] [GP]

née le 11 janvier 1962 à [Localité 24], demeurant [Adresse 2]

Madame [H] [MG]

née le 29 juillet 1977 à [Localité 40], CHINE, demeurant [Adresse 1]

représentés par Me François MORABITO, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 septembre 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

M. Gilles PACAUD, Président rapporteur,

et Mme Florence PERRAUT, Conseillère,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Angélique NETO, Conseillère

Mme Florence PERRAUT, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société par actions simplifiée (SAS) Odalys Résidences, qui exploite des résidences de tourisme, a conclu, en qualité de preneur, des baux commerciaux avec des propriétaires-bailleurs investisseurs, en vue de l’exploitation de leurs lots se trouvant dans la résidence [Adresse 36] située [Adresse 3]) dans laquelle ils ont investi, moyennant un loyer payable trimestriellement à terme échu.

Se prévalant de l’impact de la crise sanitaire sur son activité et des mesures prises par l’autorité publique pour y faire face, imposant notamment la fermeture des résidences de tourisme, la privant de toutes recettes durant les deux périodes de confinement allant du 14 mars au 2 juin 2020 et du 30 octobre au 15 décembre 2020, elle a suspendu le paiement de ses loyers.

Par acte d’huissier en date du 10 mars 2022, plusieurs propriétaires-bailleurs ayant acquis des lots immobiliers dans l’ensemble immobilier susvisé, à savoir M. [SN] et Mme [OT] [D], M. [YE] et Mme [KW] [U], Mme [B] [S] et M. [CF] [PU], Mme [IT] [R] [J], M. [L] [A], M [OA] et Mme [F] [V], M. [T] [N], Mme [G] [C], M. [Y] et Mme [O] [I], Mme [YN] et M. [M] [Z], M. [GZ] [WU], M. [K] [KM], M. [MP] [RD] et M. [UR] [DL], M. [X] [WK], Mme [W] [WK], M. [EW] et Mme [AL] [FF], M. [DC] [VJ], M. [P] et Mme [E] [GP] ainsi que Mme [H] [MG] ont fait assigner la société Odalys Résidences devant le juge des référés du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence aux fins de la voir condamner à leur verser une somme provisionnelle au titre d’arriérés locatifs, de l’enjoindre à leur communiquer, sous astreinte, différents documents comptables et de la condamner à leur verser une provision à valoir sur le préjudice subi.

Par ordonnance en date du 30 août 2022, ce magistrat a :

– déclaré recevables les demandes formulées à l’encontre de la SAS Odalys Résidences ;

– condamné la SAS Odalys Résidences à communiquer en domicile élu entre les mains de la SCP Gobert § Associés :

* les bilans et comptes d’exploitation de la résidence pour les années 2020 et 2021 ;

* les justificatifs des prêts garanties par l’Etat (PGE) obtenus, des aides au titre du fonds de solidarité et de l’aide complémentaire du décret du 24 mars 2020 ;

* tous justificatifs permettant d’établir de manière probante les périodes d’ouverture et de fermeture ;

– assortit cette obligation d’une astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance ;

– condamné la SAS Odalys Résidences à payer, à titre provisionnel, aux demandeurs les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2021 :

‘ 521,70 € à M. [SN] et Mme [OT] [D] ;

‘ 671,31 € à M. [YE] et Mme [KW] [U] ;

‘ 180,25 € à Mme [B] [S] et M. [CF] [PU] ;

‘ 2 637,04 € à Mme [IT] [R] [J] ;

‘ 3 202,65 € à M. [L] [A] ;

‘ 836,28 € à M [OA] et Mme [F] [V] ;

‘ 2 449,06 € à M. [T] [N] ;

‘ 826 € à Mme [G] [C] ;

‘ 2 394,42 € à M. [Y] et Mme [O] [I] ;

‘ 1 099,26 € à Mme [YN] et M. [M] [Z] ;

‘ 2 572,03 € à M. [GZ] [WU] ;

‘ 1 470,01 € à M. [K] [KM] ;

‘ 1 995,34 € à M. [MP] [RD] et M. [UR] [DL] ;

‘ 3 867,94 € à M. [X] [WK] ;

‘ 1 458,83 € à Mme [W] [WK] ;

‘ 2 585,21 € à M. [EW] et Mme [AL] [FF];

‘ 317,42 € à M. [DC] [VJ] ;

‘ 1 801,83 € à M. [P] et Mme [E] [GP] ;

‘ 3 444,10 € à Mme [H] [MG] ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

– condamné la SAS Odalys Résidences à payer à chacun des requérants la somme 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SAS Odalys Résidences aux dépens de l’instance.

Ce magistrat a estimé que :

– les demandes étaient recevables en application des article 750-1 et 35 alinéa 2 du code de procédure civile au motif que les provisions sollicitées étant toutes fondées sur le non-respect par la société défenderesse de ses obligations contractuelles, à savoir le non-paiement des loyers en raison de circonstances exceptionnelles découlant de la pandémie de Covid-19, les sommes réclamées devaient être cumulées et s’élevaient à plus de 34 000 euros ;

– la demande de production de pièces était en partie fondée s’agissant :

* des bilans et comptes d’exploitation de la résidence pour les années 2020 et 2021, lesquels devaient correspondre aux exigences de l’article L 321-2 du de tourisme qui impose un compte-rendu plus détaillé des charges fixes et variables ;

* des justificatifs des PGE obtenus et des aides au titre du fonds de solidarité et complémentaires du décret du 24 mars 2021 afin de permettre aux demandeurs de vérifier si ces aides avaient eu vocation à couvrir d’autres charges fixes que les loyers ;

* des justificatifs permettant d’établir de manière probante les périodes d’ouverture et de fermeture de la résidence étant donné qu’une incertitude demeurait quant aux périodes de fermeture dans la mesure où les décrets successifs avaient permis alternativement l’accueil et le refus du public sur la période de mars 2020 à mai 2021, de sorte que les demandeurs justifiaient d’un motif légitime à se voir communiquer des éléments leur permettant de savoir sur quelles périodes précises le preneur avait pu poursuivre son exploitation ;

* à l’inverse des justificatifs de la situation de trésorerie au titre des années 2020 et 2021, en ce que cette demande était imprécise et pouvait concerner des documents couverts par le secret bancaire de l’article L 151-1 du code de commerce, outre le fait qu’elle ne reposait sur aucun motif légitime, dès lors que la communication des bilans et comptes d’exploitation était suffisante pour évaluer la capacité de remboursement de la société défenderesse ;

* à l’inverse de la copie du contrat d’assurance pour la perte d’exploitation et, le cas échéant, les justificatifs d’indemnisation reçues ou des recours exercés, en ce que cette demande ne reposait sur aucun motif légitime en l’état d’une attestation datée du 27 février 2021 des commissaires aux comptes indiquant qu’aucune indemnisation n’avait été perçue ;

– les demandes de provisions ne se heurtaient à aucune contestation sérieuse tenant :

* aux stipulations contractuelles d’affectation exclusive des locaux loués dès lors que les demandeurs n’avaient pas rendu impossible la location de leurs lots et l’exercice par le preneur de son activité touristique, les circonstances exceptionnelles liées à la Covid-19 ne leur étant pas imputables ;

* à la révision du contrat pour imprévision au sens de l’article 1195 du code civil dès lors que la preuve d’une exécution excessivement onéreuse n’était pas démontrée, que la société défenderesse avait décidé de suspendre le paiement des loyers durant la renégociation et qu’elle n’avait pas demandé la résolution du contrat face au refus ou à l’échec de la renégociation ;

* à l’exécution de bonne foi en ce que la société défenderesse avait imposé aux demandeurs la suspension du paiement des loyers, sans concertation préalable, et qu’elle ne demande pas au juge de lui allouer des dommages et intérêts mais de porter atteinte à la substance même du contrat conclu entre les parties ;

* au défaut de jouissance, délivrance paisible et/ou perte de la chose louée dès lors que la Cour de cassation a estimé, dans un arrêt du 30 juin 2022, que l’effet des mesures gouvernementales générales et temporaires liées à la crise sanitaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne pouvait être imputable aux bailleurs ni être assimilé à la perte de la chose louée au sens de l’article 1722 du code civil.

Suivant déclaration transmise au greffe le 19 septembre 2022, la société Odalys Résidences a interjeté appel à l’encontre de cette ordonnance en toutes ses dispositions dûment reprises.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 6 septembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens soulevés, elle sollicite de la cour qu’elle infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions dûment reprises et statuant à nouveau qu’elle :

au titre des demandes de paiement de loyers et charges,

à titre liminaire,

– déclare l’ensemble des bailleurs irrecevables en leurs demandes de paiement de loyers et charges par application de l’article 750-1 du code de procédure civile dans sa version applicable au jour de l’assignation introductive d’instance ;

– eu égard à la franchise de loyers acceptée, déclare irrecevables en leurs demandes :

* les consorts [D] à hauteur de 937,66 euros ;

* les consorts [U] à hauteur de 940,64 euros ;

* les consorts [S] à hauteur de 1 161,23 euros ;

* les consorts [V] à hauteur de 1 503,03 euros ;

* Mme [C] à hauteur de 1 538,45 euros ;

* les consorts [Z] à hauteur de 1 538,45 euros ;

* M. [VJ] à hauteur de 2 055,52 euros ;

sur le fond, à titre principal,

– juge, à titre principal, que la juridiction des référés n’a pas le pouvoir de procéder à la condamnation des sommes réclamées ;

– juge qu’en raison de l’impossibilité pour elle de jouir des lieux du 14 mars au 1er juin 2020 et du 30 octobre au 15 décembre 2020, son obligation de payer les sommes sollicitées au titre de loyers impayés est sérieusement contestable ;

– juge que le quantum des sommes réclamées est sérieusement contestable ;

– juge, en conséquence, n’y avoir lieu à référé sur l’ensemble des demandes ;

sur le fond, à titre subsidiaire,

– juge, à titre subsidiaire, que les condamnations provisionnelles ne pourront excéder les sommes suivantes ;

‘ 521,70 € pour M. [SN] et Mme [OT] [D] ;

‘ 523,36 € pour M. [YE] et Mme [KW] [U] ;

‘ 180,25 € pour Mme [B] [S] et M. [CF] [PU] ;

‘ 2 397,23 € pour Mme [IT] [R] [J] ;

‘ 836,28 € à M [OA] et Mme [F] [V] ;

‘ 2 348,15 € à M. [T] [N] ;

‘ 530,82 € à Mme [G] [C] ;

‘ 855,96 € à Mme [YN] et M. [M] [Z] ;

‘ 2 345,45 € à M. [GZ] [WU] ;

‘ 1 818,41 € à M. [MP] [RD] et M. [UR] [DL] ;

‘ 3 243,31 € à M. [X] [WK] ;

‘ 2 348,15 € à M. [EW] et Mme [AL] [FF];

‘ 317,42 € à M. [DC] [VJ] ;

‘ 3 099,29 € à Mme [H] [MG] ;

– ramener à de plus justes proportions une éventuelle condamnation de la société Odalys Résidences au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

au titre des demandes de communication de documents,

sur le fond, à titre principal,

– juge que l’absence trouble manifestement illicite et l’existence de contestations sérieuses s’opposent aux demandes de communication de pièces ;

sur le fond, à titre subsidiaire,

– juge qu’elle a exécuté l’ordonnance entreprise sur ce point en date du 20 septembre 2022, suivant l’ordonnance du 30 août 2022 dont appel, signifiée le 6 septembre 2022, et sans contestation aucune de la part des bailleurs durant une année ;

– rejeter l’ensemble des contestations des bailleurs, émises au sein de leurs dernières conclusions, relatives à l’exécution de l’ordonnance dont appel, qui relèvent d’un débat devant le juge de l’exécution et/ou au fond, et non devant la cour de céans ;

en tout état de cause,

– débouter les bailleurs de l’ensemble de leurs demandes ;

– les condamner in solidum à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

S’agissant de l’irrecevabilité des demandes en application de l’article 750-1, elle expose, qu’outre le fait que les provisions sollicitées par chacun des intimés n’excédent pas 5 000 euros, aucune circonstance ne rendait impossible une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, de médiation ou de procédure participative. Elle indique que lorsque, dans une même instance, des prétentions sont émises par plusieurs demandeurs dépourvus de titre commun, comme c’est le cas en la cause en présence de baux distincts, le taux est déterminé à l’égard de chacun par la valeur de ses prétentions en application des articles 35 et 36 du code de procédure civile. Elle relève que les demandes de provisions formées par les bailleurs pour résistance abusive à hauteur de 2 000 euros chacun n’ont été faites que pour leur permettre d’échapper aux dispositions de l’article 750-1 susvisée, qu’elles ne peuvent être cumulées avec les demandes principales comme n’étant que l’accessoire et que ces demandent supposent un examen par le juge du fond compte des circonstances uniques et exceptionnelles liées à la pandémie de Covid-19. Elle souligne que la demande de communication de pièces ne peut être prise en compte comme étant indépendante de la demande de paiement de loyers. Elle indique que les échanges ayant eu lieu entre le conseil des intimés et elle-même ne peuvent être considérés comme une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice ou une tentative de médiation menée par un médiateur ou une procédure participative au sens de l’article susvisé.

S’agissant de l’irrecevabilité d’une partie de la demande de provision formée par sept bailleurs, elle relève que ces derniers ont accepté de la dispenser du paiement de 2,5 mois de loyers du 14 mars au 1er juin 2020.

S’agissant de la demande communication de pièces, elle expose :

– que les comptes d’exploitation portant sur les exercices 2018, 2019 et 2020 dressés conformément à l’article L 321-2 du code de tourisme ont été adressés le 4 mai 2021 et par voie officielle le 20 septembre 2022 ;

– que les autres pièces sollicitées ne reposent sur aucun fondement, légal ou contractuel, que ses commissaires aux comptes ont attesté l’absence d’indemnisation au titre de sa perte d’exploitation du 1er octobre 2019 au 31 mai 2021, que les éléments portant sur sa trésorerie n’ont aucun intérêt pour le litige en cours dès lors qu’il concerne le groupe et non la résidence, objet du litige, que la production des documents en question ne repose sur aucun motif légitime et que les documents sollicités sont couverts par le secret bancaire ou des affaires prévu par l’article L 151-1 du code de commerce ;

– avoir exécuté les termes de l’ordonnance entreprise en communiquant les pièces auxquelles elle a été condamnée le 20 septembre 2022 afin de pouvoir faire appel et éviter que l’astreinte soit liquidée ;

– ne pas comprendre les raisons pour lesquelles les intimés ont attendu leurs dernières conclusions transmises le 28 août 2023 pour remettre en cause les documents transmis en exécution de l’ordonnance entreprise ;

– qu’un tel débat relève de la compétence du juge de l’exécution voire du juge du fond, faisant observer que les bailleurs sont à 70 pages de conclusions et qu’il n’appartient pas au juge des référés d’analyser en profondeur les documents transmises, sachant que les comptes transmis respectent les critères et la ventilation posée par la loi, outre le fait qu’ils indiquent les données nécessaires aux bailleurs (CA, frais de personnel et taux d’effort), qu’elle a justifié les montants reçus au titre du PGE, du fonds de solidarité et de l’aide coûts fixes, sans que les bailleurs puissent exiger de justificatif de l’affectation de ces sommes et que son directeur général adjoint atteste de la fermeture de l’établissement ;

– que l’ensemble des mesures qui ont été prises ont eu pour conséquence la fermeture intégrale de la résidence [Adresse 36] du 14 mars au 2 juin 2020 et du 30 octobre au 15 décembre 2020 à l’origine d’une perte d’exploitation et de chiffre d’affaires, faisant observer que le résultat d’exploitation a atteint – 58 864 euros en 2019/2020 alors qu’il était en moyenne de 181 201 euros lors des exercices 2017/2018 et 2018/2019.

S’agissant des provisions sollicitées, elle se prévaut de contestations sérieuses portant sur le principe même de son obligation à régler les loyers réclamés tenant :

– aux dispositions contractuelles en ce qu’elle n’a pu exploiter la résidence, qui est une résidence exclusivement de tourisme, durant les deux confinements ;

– à son droit de se prévaloir de la révision du contrat pour imprévision en application de l’article 1195 du code civil pour ne pas être tenue aux loyers portant sur les deux périodes considérées dès lors qu’elle a été contrainte de fermer ses résidences de tourisme en raison des différentes mesures gouvernementales et que les conséquences économiques en résultant doivent être partagées entre les deux cocontractants ;

– au manquement des bailleurs à leur obligation d’exécuter les contrats de bonne foi en application de l’article 1104 du code civil sachant qu’elle a fait des propositions de franchise adaptées à ses bailleurs au regard de la situation engendrée par la Covid-19 ;

– au manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance et de jouissance paisible résultant de l’article 1719 du code civil, et ce, même si l’impropriété des appartements loués à leur destination contractuelle n’est pas due à la faute des bailleurs mais à des dispositions réglementaires exceptionnelles ;

– à la perte partielle de la chose louée en application de l’article 1722 du code civil en demandant à la cour de ne pas suivre les décisions de la Cour de cassation rendues le 30 juin 2022 et de considérer que l’interdiction d’accueil du public dans les lots donnés à bail, du 15 mars au 2 juin 2020 et du 30 octobre au 15 décembre 2020, doit être assimilée à une perte partielle justifiant qu’aucun loyer n’est dû durant ces deux périodes dans la mesure où elle a empêché l’exploitation des lots conformément à leur destination contractuelle et que, considérer que l’interdiction d’accueil du public dans des locaux donnés et pris à bail à usage de résidences n’a pas de lien direct avec la destination contractuelle de résidence de ces locaux est un paralogisme, alors que c’est bien cette destination contractuelle, et elle seule, qui a constitué le critère d’identification des locaux concernés par l’interdiction d’accueil du public.

Elle discute également les montants réclamés par les bailleurs au motif que certains d’entre eux n’ont pas pris en compte dans leur calcul la franchise acceptée relative à 2,5 mois de loyers, que beaucoup d’entre eux prennent en compte dans leurs calculs la participation forfaitaire aux charges déduite chaque année du loyer du dernier trimestre, et que Mrs [RD] et [DL] ont omis de prendre en compte des règlements déjà effectués.

S’agissant des sommes sollicitées pour les préjudices subis et la résistance abusive subie, elle relève que cette preuve n’est pas rapportée au regard de la situation exceptionnelle et de l’incertitude juridique qui règne autour de la pandémie de Covid-19, que le retard pris dans le paiement d’une somme d’argent est sanctionné par la capitalisation des intérêts au taux légal et que la preuve de sa mauvaise n’est pas rapportée, pas plus que la preuve de préjudices.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises le 28 août 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens soulevés, les intimés sollicitent de la cour qu’elle :

– confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a rejeté leurs autres demandes ;

– statuant à nouveau et ajoutant ;

– condamne la société Odalys Résidences à leur verser à chacun la somme de 2 000 euros à titre de provision à valoir sur le préjudice moral et financier subi ainsi qu’à la résistance abusive subie, toute tentative amiable pour obtenir un juge paiement du preneur étant restée vaine, leur faisant ainsi obligation d’ester en justice ;

– condamne la société Odalys Résidences à payer à chacun d’eux la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

– la condamne aux entiers dépens.

S’agissant de l’irrecevabilité des demandes pour non-respect de l’article 750-1 alinéa 1 du code de procédure civile, ils indiquent que l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime tenant à l’urgence manifeste à statuer sur la communication des pièces sollicitées du fait des loyers impayés, au fait que l’assignation a été précédée de plusieurs échanges ayant valeur de tentative de conciliation, que les échanges et mises en demeure ont révélé une opposition ferme et sans appel de la société Odalys Résidences à leurs demandes et, dès lors, l’impossibilité d’un résolution amiable du litige, que toute demande tendant à l’exécution d’une obligation de faire constitue une demande indéterminée, ce qui est le cas de leur demande de communication de pièces, et que le Conseil d’Etat a annulé ledit article par arrêt du 22 septembre 2022.

S’agissant de l’irrecevabilité de la demande en paiement de 7 bailleurs, ils soulignent que les montants sollicités au titre des loyers impayés sur 2020 tiennent compte des franchises qui ont été consenties.

S’agissant de leur demande de communication de pièces, ils exposent :

– qu’en application de l’article L 321-2 du code de tourisme, les bilans et comptes d’exploitation devant être communiqués par les exploitants de résidence de tourisme aux propriétaires doivent comporter un certain nombre d’éléments, et notamment un détail des charges variables et fixes, ce qui n’est pas le cas des simples extraits ou récapitulatifs des comptes d’exploitation, faisant observer que les tableaux communiqués le 20 septembre 2022 ne font pas ressortir le même CA hébergement que celui qui figurait dans les premiers tableaux transmis ;

– que l’attestation du commissaire aux comptes qui certifie que la société Odalys Résidences n’a bénéficié d’aucun prêt garanti par l’Etat (PGE) interroge dès lors que cette dernière avait indiqué dans un courrier en date du 4 mai 2022 en avoir bénéficié et que les tableaux fournis se réfèrent à une provision PGE, de sorte qu’ils soutiennent qu’elle a bénéficié d’un PGE de 57 millions d’euros qui aurait dû servir à couvrir ses besoins de trésorerie impactés par la crise sanitaire, en ce compris le paiement des charges fixes ayant trait aux loyers ;

– qu’alors même que le même commissaire aux comptes a certifié que la société Odalys Résidences avait bénéficié de 11,2 millions d’euros d’aides et de prêt au titre du fonds de solidarité de l’Etat, elle ne justifie pas de l’affectation de ces aides ;

– qu’alors même que le directeur général adjoint de la société Odalys Résidences, en se constituant une preuve à soi-même, a attesté de la fermeture de la résidence du 14 mars au 1er juin 2020 et du 30 octobre au 14 décembre 2020 en raison de la crise, le site Atout France mentionne comme périodes d’ouverture du 1er avril au 20 octobre, de sorte que le 2ème confinement n’a eu aucun impact sur l’exploitation de la résidence.

S’agissant des provisions sollicitées, ils soutiennent que l’obligation de l’appelante de régler les loyers dus ne se heurte à aucune contestation sérieuse en ce que :

– l’appelante, qui est tenue à titre d’obligation principale de payer le prix du bail aux termes convenus en application de l’article 1728 du code civil, ne pouvait suspendre, sans autorisation et unilatéralement, sans aucune concertation avec les bailleurs, le paiement des loyers des 1er, 2ème et 4ème trimestres 2020 correspondant à 34,13 % des loyers sur 2020 ;

– leur bonne foi et la mauvaise foi du locataire résulte des échanges qu’ils ont eu avant d’initier la procédure et du refus de la société Odalys Résidences de leur communiquer les éléments comptables et financiers demandés de manière à apprécier les difficultés de trésorerie alléguées ;

– la force majeure ne peut trouver application dans le cas d’une inexécution d’une obligation contractuelle de somme d’argent et des dispositions gouvernementales prises pour l’ensemble du territoire national, et ce, d’autant que l’appelante ne justifie aucunement des difficultés alléguées, que l’été 2020 a été très favorable pour le tourisme et qu’elle a reçu les fonds d’un PGE qui étaient censés couvrir sa trésorerie ;

– l’obligation de délivrance des bailleurs a toujours été respectée dès lors qu’ils n’ont rien entrepris pour rendre impossible la location des lots et l’exercice par le preneur de son activité hôtelière, et ce, d’autant que les résidences de tourisme ne figuraient pas dans les listes des établissements ne pouvant plus accueillir du public, jusqu’au décret n° 2020-604 du 20 mai 2020 complétant l’article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 qui n’a concerné que la période allant du 21 mai au 1er juin 2020 inclus, de même que les articles 40 et 41 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 qui n’a concerné que la période allant du 1er novembre au 14 décembre 2020 inclus, sachant que la résidence est habituellement fermée en mars, novembre et décembre de chaque année ; ils soulignent également que la fermeture n’a pas concerné l’immeuble lui-même et que beaucoup de résidences ont continué à accueillir la clientèle d’affaires et médicales de longue durée :

– la fermeture d’un établissement ou son interdiction de recevoir du public temporairement ne peut pas s’analyser en une perte, même partielle, du bien loué dès lors qu’il n’a aucunement été détruit et que l’impossibilité d’exploitation ne peut être assimilée à une destruction.

Ils relèvent que les sommes réclamées ne se heurtent à aucune contestation sérieuse faisant observer que l’appelante elle-même produit un tableau récapitulatif des loyers dus, des loyers versés à chaque bailleur ainsi que des franchises de loyers acceptées par certains d’entre eux. Ils indiquent réclamer le paiement par provision de 100 % des loyers impayés dus au titre de l’année 2020 et pour lesquels aucune franchise n’a été consentie, à charge pour le preneur, le cas échéant, de déduire la participation forfaitaire aux charges des loyers qu’elle sera condamnée à payer.

S’agissant de leur demande de provision pour résistance abusive et à valoir sur les préjudices subis, ils insistent sur le fait que l’appelante a suspendu, alors qu’elle n’en avait aucunement le droit, le paiement des loyers, sachant qu’elle a été soutenue par les pouvoirs publics par des mesures d’aides financières afin justement de lui permettre de régler notamment les loyers et, qu’à l’inverse, les bailleurs n’ont bénéficié d’aucune aide et qu’il ne leur appartient pas de payer l’addition. Ils relèvent qu’en maintenant l’obligation de paiement des loyers, c’est l’équilibre économique entre les bailleurs et le preneur qu’il convenait à tout prix de conserver et que le fait pour l’appelante d’avoir rompu cet équilibre a été catastrophique pour eux, de même que son refus délibéré de communiquer les éléments demandés constitue une résistance abusive.

L’instruction de l’affaire a été clôturée au jour de l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les fins de non-recevoir

Sur la fin de non-recevoir tirée du non-respect des dispositions de l’article 750-1 du code de procédure civile

L’article 750-1 du code de procédure civile énonce, qu’à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R 211-3-4 et R 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire. Les parties sont dispensées de cette obligation dans le cas où :

– l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;

– lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ;

– si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime tendant soit à l’urgence manifeste, soit aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement, soit à l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ;

– si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation.

En vertu de l’article 35 du code de procédure civile, lorsque plusieurs prétentions fondées sur des faits différents et non connexes sont émises par un demandeur contre le même adversaire et réunies en une même instance, la compétence et le taux du ressort sont déterminés par la nature et la valeur de chaque prétention considérée isolément. Lorsque les prétentions réunies sont fondées sur les mêmes faits ou sont connexes, la compétence et le taux du ressort sont déterminés par la valeur totale de ces prétentions.

En l’espèce, il est acquis que les parties n’ont eu recours à aucun des modes de résolution amiable résultant de l’article 750-1 alinéa 1 susvisé alors même que la demande de provision à valoir sur l’arriéré locatif formulée par chacun des propriétaires-bailleurs n’excède pas 5 000 euros.

Il reste que, pour trois d’entre eux, à savoir M. [A], Mme [WK] et Mme [MG], leur demande de provision à valoir sur l’arriéré locatif, additionnée à leur demande de provision d’un montant de 2 000 euros à valoir sur les préjudices subis et pour résistance abusive, s’avère supérieur au seuil de 5 000 euros prévue par la loi. Leurs demandes de provisions se rapportant en effet aux mêmes faits, à savoir la suspension, par la société Odalys Résidences, du paiement des loyers du fait des mesures gouvernementales prises pour limiter la propagation de la pandémie de Covid-19 et de leur impact économique, ces prétentions, qui sont connexes, doivent être additionnées pour déterminer le montant à prendre en compte.

De plus, il convient de relever que l’ensemble des propriétaires-bailleurs sollicitent également la condamnation de la société Odalys Résidences à leur communiquer, sous astreinte, un certain nombre de documents. Or, cette dernière demande ayant un enjeu financier qui reste indéterminé, l’article susvisé n’est pas applicable en la cause.

Enfin, si la tentative de résolution amiable du litige n’est pas, par principe, exclue en matière de référé, l’urgence dans laquelle se trouvaient les propriétaires-bailleurs à obtenir l’allocation d’une provision à valoir sur des loyers impayés est manifeste, de sorte qu’ils justifient également d’un motif légitime les dispensant de leur obligation imposée par la loi de tenter de trouver une solution amiable préalablement à toute action judiciaire.

Pour toutes ces raisons, aucune fin de non-recevoir tirée du non-respect des dispositions de l’article 750-1 du code de procédure civile soulevée par la société Odalys Résidences ne saurait être accueillie.

Sur la fin de non-recevoir tirée des sommes réclamées

Il est acquis que les consorts [D], [U], [S], [V], [Z], Mme [C] et M. [VJ] ont accepté la franchise de 35 % du montant du loyer dû, appliquée par la société Odalys Résidences sur les loyers couvrant la période allant du 14 mars au 1er juin 2020.

Or, il s’avère que les prétentions formées par ces derniers, depuis le début de la procédure, tiennent compte de ces abattements, tels qu’ils ont été calculés par la société Odalys Résidences dans son tableau récapitulatif de l’état des loyers versés en 2020.

En tout état de cause, le droit d’agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l’action, de sorte que le montant non sérieusement contestable d’une provision sollicitée dans le cadre d’une procédure de référé n’est pas une condition de recevabilité de l’action mais du succès de celle-ci.

Dès lors, aucune fin de non-recevoir tirée des sommes réclamées ne saurait être accueillie.

Il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société Odalys Résidences.

Sur les demandes de provisions à valoir sur des loyers

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

C’est au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l’articulation de ce moyen.

En l’espèce, soutenant que son obligation de régler les loyers revendiqués par les intimés se heurte à des contestations sérieuses, la société Odalys Résidences se prévaut, pour en justifier le non-paiement, en tout ou partie, des conséquences des mesures prises par les pouvoirs publics pour limiter la propagation de la pandémie de Covid-19 sur son activité d’exploitation d’une résidence de tourisme.

Il est constant que la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, a déclaré l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national et instauré un confinement général de la population, prolongé jusqu’au 10 mai 2020. Un décret n°2020-293 du 23 mars 2020 a prescrit les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 et un décret n° 2020-423 du 14 avril 2020, ainsi que le précédent, ont interdit tout déplacement de personne hors de son domicile à l’exception des déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle et des achats de première nécessité. Ces décrets ainsi que les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé ont précisé que l’interdiction de recevoir du public s’applique aux commerces dont l’activité n’est pas indispensable à la vie de la Nation et dont l’offre de biens ou de services n’est pas de première nécessité.

Le I bis de l’article 10 du décret numéro 2020-548 du 11 mai 2020, a prévu que sauf lorsqu’ils constituent pour les personnes qui y vivent un domicile régulier, les résidences de tourisme ne peuvent accueillir de public.

Il convient de rappeler également que des dispositions ont été prises pendant la période d’urgence sanitaire afin de proroger des délais échus et adapter les procédures, et en particulier l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, portant sur les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, relative au paiement des loyers afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19 et l’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 réglementant les conséquences d’un défaut de paiement des loyers et charges par des entreprises éligibles à un dispositif et dont l’activité est affectée par une mesure de police administrative (réglementation de l’ouverture au public d’établissements recevant du public et des lieux de réunion, d’une part, fermeture provisoire de ces mêmes établissements et lieux, d’autre part).

Or, aucune de ces dispositions n’efface les loyers échus, ni n’interdit au bailleur de faire délivrer à son locataire un commandement de payer pendant la période juridiquement protégée. Elles suspendent uniquement les effets dudit acte pendant une durée qui sera différente selon que le locataire remplit ou non les conditions d’éligibilité et d’attribution des aides financières financées par le fonds de solidarité.

Ainsi, s’il apparaît que les loyers, qui n’ont pas été réglés par la société Odalys Résidences, portent, en partie, sur des périodes juridiquement protégées, les dispositions susvisées ne l’ont pas dispensée de son obligation première résultant des baux commerciaux, à savoir le paiement de ses loyers, pas plus qu’elles n’ont eu pour effet et/ou conséquence d’effacer les loyers échus pendant les périodes juridiquement protégées voire d’en suspendre le paiement.

Il reste que la société Odalys Résidences oppose plusieurs moyens pour justifier la suspension du paiement de ses loyers au cours des périodes litigieuses qu’il convient d’analyser tour à tour.

Sur le moyen tiré des dispositions conventionnelles

La SAS Odalys Résidences fait valoir qu’étant exclusivement une résidence de tourisme, elle a été contrainte de fermer sa résidence [Adresse 36], pendant les deux périodes dites de confinement, soit du 14 mars au 2 juin 2020, puis du 30 octobre au 15 décembre 2020, ne pouvant bénéficier de la dérogation des établissements de catégorie M selon les dispositions susvisées.

La SAS Odalys Résidences est effectivement une résidence de tourisme ainsi que sa classification APE 55.20Z, issue de sa situation au répertoire Sirene, le stipule. En vertu de l’article D 321-1 du code du tourisme, la résidence de tourisme est un établissement commercial d’hébergement classé, faisant l’objet d’une exploitation permanente ou saisonnière. Elle est constituée d’un ou plusieurs bâtiments d’habitation individuels ou collectifs regroupant, en un ensemble homogène, des locaux d’habitation meublés et des locaux à usage collectif. Les locaux d’habitation meublés sont proposés à une clientèle touristique qui n’y élit pas domicile, pour une occupation à la journée, à la semaine ou au mois. Elle est dotée d’un minimum d’équipements et de services communs. Elle est gérée dans tous les cas par une seule personne physique ou morale.

Les baux commerciaux stipulent à l’article 3 consacré à la destination des lieux loués que :

Le Preneur ne pourra utiliser les lieux loués, directement ou indirectement, qu’à usage commercial et pour l’exercice de l’activité d’exploitation d’une résidence de tourisme.

Les lots loués ne pourront être affectés, même temporairement, à un autre usage et il ne pourra y être exercé aucune autre activité que celle indiquée ci-dessus.

En vertu de ces éléments, la résidence [Adresse 36] gérée par la SAS Odalys Résidences n’avait pas vocation à accueillir une clientèle pouvant y élire un domicile régulier, de sorte qu’elle ne pouvait déroger aux mesures gouvernementales prises de fermeture pendant les deux périodes de confinement. Si le directeur général adjoint de la résidence atteste avoir été contraint de fermer l’établissement du 14 mars au 1er juin 2020 et du 30 octobre au 14 décembre 2020 en raison de ces mesures, les intimés relèvent à juste titre que l’extrait du site internet de la société Atout France produit par l’appelante elle-même mentionne comme périodes d’ouverture de la résidence [Adresse 36] du 1er avril au 30 octobre, ce que ne conteste d’ailleurs pas la société Odalys Résidences. Il n’en demeure pas moins que, compte tenu des pertes subies lors du premier confinement, la société Odalys Résidences aurait pu envisager de poursuivre les jours d’ouverture de la résidence au-delà du 30 octobre, ce qui ne lui était pas possible compte tenu du deuxième confinement qui est intervenu entre le 30 octobre et le 14 décembre 2020. Il en résulte la fermeture de l’établissement à l’automne 2020, comme au printemps 2020, n’apparaît pas être, avec l’évidence requise en référé, imputable à un choix d’exploitation propre à la société Odalys Résidences.

La SAS Odalys Résidences établit également une perte financière d’exploitation au titre de l’année 2020 tant à raison des périodes de fermeture imposées que des restrictions de circulation affectant l’ensemble de la population, et en particulier les déplacements pour motif touristique, qui sous-tendent une partie de l’activité de l’appelante.

Or, même si les mesures décidées par les pouvoirs publics de fermeture et de restrictions, et en particulier la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public et limitant la libre circulation des personnes, ont impacté l’exercice de l’activité d’exploitation de la résidence de tourisme [Adresse 36], il ne s’agit pas, de toute évidence, de circonstances contractuelles rendant sérieusement contestable l’obligation pour la société Odalys Résidences de régler ses loyers.

Aucune des clauses contractuelles ne s’appliquant, avec l’évidence requise en référé, aux conséquences résultant des mesures prises par les pouvoirs publics pour faire face à la pandémie liée à la Covid-19, le moyen tiré des stipulations des baux est inopérant en l’espèce et ne constitue donc pas une contestation sérieuse

Sur le moyen tiré de la révision du contrat pour imprévision

En vertu de l’article 1195 du code civil, si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe.

En l’espèce, la société Odalys Résidences demande une renégociation des modalités d’exécution découlant des baux commerciaux litigieux, faisant valoir que l’exécution de ses contrats est devenue excessivement onéreuse pour elle, en raison des conséquences économiques de la pandémie de covid-19. Elle se prévaut de l’attestation de son commissaire aux comptes qui atteste qu’elle n’a reçu aucune indemnisation au titre de sa perte d’exploitation entre le 1er octobre 2019 et le 31 mai 2021.

Une telle prétention qui revient à modifier l’économie du contrat souscrit entre les parties, et donc à en apprécier l’équilibre, excède manifestement les compétences du juge des référés, juge de l’évidence.

En tout état de cause, la révision du contrat ne peut être envisagée que pour l’avenir et n’a aucun effet rétroactif. En effet, cette renégociation du contrat ne vaudrait que pour les obligations à venir de la locataire et non sur celles passées.

Il en résulte que le moyen tiré du bouleversement de l’économie du contrat est inopérant en l’espèce et ne constitue donc pas une contestation sérieuse.

Sur le moyen tiré du manquement à l’obligation de bonne foi

S’agissant du moyen tiré de l’obligation d’exécuter de bonne foi les contrats en application de l’article 1104 du code civil, il est admis que les parties doivent rechercher si une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives est nécessaire en cas de circonstances particulières.

Il reste que le fait de demander à son cocontractant une modification de ses obligations contractuelles ne dispense pas la partie qui en a pris l’initiative de les exécuter tant que la négociation du contrat n’a pas abouti, et en particulier, pour un preneur, de continuer à régler ses loyers.

Or, en décidant de sa propre initiative de suspendre, en tout ou partie, le paiement des loyers du 14 mars 2020 au 28 juin 2021, et en imposant une franchise de loyers de 21,9 % pour la période allant du 14 mars au 1er juin 2020, par courrier en date du 12 juin 2020, et de 12,23 % pour la période allant du 31 octobre au 14 décembre 2020, par courrier en date du 20 janvier 2021, soit une franchise totale de 34,13 %, la société Odalys Résidences a, de toute évidence, entendu modifier unilatéralement les dispositions contractuellement prévues.

Si elle affirme avoir cherché à négocier avec les intimés, il convient de relever que ces démarches sont intervenues à un moment où les propriétaires-bailleurs subissaient, depuis plusieurs mois déjà, la suspension du règlement des loyers décidée d’autorité par l’appelante, au moyen de lettres circulaires adressées par le groupe, sans que cette dernière ne prenne la peine, au préalable, de justifier la réalité des difficultés financières alléguées concernant la résidence [Adresse 36] et, le cas échéant, les démarches mises en oeuvre pour y remédier.

De leur côté, les intimés justifient avoir laisser passer une saison estivale et s’écouler un an avant d’agir, afin de permettre à leur locataire de revenir à meilleur fortune.

Dans ces conditions, en imposant à ses bailleurs la suspension du paiement de ses loyers, sans solliciter du juge l’autorisation de ne pas respecter son obligation première consistant à régler ses loyers, la société Odalys Résidences ne peut sérieusement opposer aux intimés un manquement à leur obligation d’exécuter les contrats de bonne foi.

Le moyen tiré du manquement des intimés à leur obligation d’exécuter de bonne foi les contrats ne constitue donc pas une contestation sérieuse.

Sur le moyen tiré de l’exception d’inexécution liée au manquement du bailleur à son obligation de délivrance

Aux termes de l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée et de l’en faire jouir paisiblement pendant la durée du bail.

Par application de l’article 1219 du code civil, une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. L’article 1220 du même code poursuit en indiquant qu’une partie peut suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais.

En l’espèce, la société Odalys Résidences rappelle qu’aux termes des baux commerciaux signés entre les parties, les bailleurs avaient l’obligation de délivrer des locaux permettant l’exploitation de l’activité prévue au bail. Or, elle indique que les arrêtés du 14 mars 2020 et 15 mars 2020 ainsi que le décret du 28 octobre 2020 ont rendu impossible l’exploitation des biens donnés à bail conformément à leur destination commerciale, de sorte que ces fermetures administratives ont constitué un événement de force majeure rendant impossible l’exécution de son obligation de délivrance conforme par la bailleresse et justifiant qu’elle lui oppose une exception d’inexécution.

Or, l’effet des mesures générales et temporaires concernant la fermeture au public de certains établissements, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être imputable aux bailleurs, de sorte qu’il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance et de jouissance des lieux, ceux-ci ayant, pendant la crise sanitaire, continué à mettre les locaux loués à disposition de la locataire, satisfaisant ainsi à leur obligation de délivrance et de jouissance paisible de la chose louée pendant la durée du bail au sens de l’article 1719 du code civil, aucun manquement ne pouvant dès lors leur être imputé au regard des dispositions de l’article 1219 du code civil.

L’exception d’inexécution invoquée par la société Odalys Résidences pour s’opposer aux demandes des intimés n’est donc pas fondée, en l’absence de contestation sérieuse des obligations du preneur.

Sur le moyen tiré de la perte partielle de la chose louée

Il résulte de l’article 1722 du code civil, applicable aux baux commerciaux que, si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit. Si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement.

En application de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré sur l’ensemble du territoire national.

En application de l’article 3, I, 2 , du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 et du décret n° 2020-423 du 14 avril 2020 le complétant, jusqu’au 11 mai 2020, tout déplacement de personne hors de son domicile a été interdit à l’exception des déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle et des achats de première nécessité.

Edictée pour limiter la propagation du virus par une restriction des rapports interpersonnels, l’interdiction de recevoir du public, sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets précités, résulte du caractère non indispensable à la vie de la Nation et à l’absence de première nécessité des biens ou des services fournis.

Il en est de même du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant de nouvelles mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire qui, dans son article 41, I, 2, a interdit aux résidences de tourisme d’accueillir du public, sauf lorsqu’ils constituent pour les personnes qui y vivent un domicile régulier.

Il résulte de ce qui précède que les mesures décidées par les pouvoirs publics de fermeture et de restrictions, et en particulier la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public et limitant la libre circulation des personnes, ont impacté l’exercice de l’activité d’exploitation de la résidence de tourisme [Adresse 36].

Néanmoins, l’effet de ces mesures générales et temporaires, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, mais décidées, selon les catégories d’établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique, ne peut être assimilé, de toute évidence, à la perte de la chose. Ainsi quelle que soit la période concernée, le moyen tiré de la perte de la chose louée ne constitue donc pas une contestation sérieuse.

Sur le moyen tiré du montant des sommes réclamées

S’il s’avère que les provisions réclamées par les intimés tiennent compte des franchises acceptées par les consorts [D], [U], [S], [V], [Z], Mme [C] et M. [VJ], telles qu’elles résultent du tableau récapitulatif de l’état des loyers versés en 2020 dressé par l’appelante elle-même, elles ne tiennent pas compte de leur participation forfaitaire aux charges prévue à l’article 5-B des baux. Il convient donc de déduire des provisions réclamées cette participation, telle qu’elle résulte du tableau susvisé. En revanche, il n’y a pas lieu de déduire des sommes réclamées d’autres montants qui apparaissent dans le même tableau faute pour l’appelante d’apporter la preuve de la réalité de ces prétendus paiements.

Les montants non sérieusement contestables devant être alloués aux appelants s’élèvent aux sommes suivantes :

‘ 521,70 € à M. [SN] et Mme [OT] [D] ;

‘ 523,36 € à M. [YE] et Mme [KW] [U], après déduction de la somme de 147,95 euros de participation forfaitaire aux charges ;

‘ 180,25 € à Mme [B] [S] et M. [CF] [PU] ;

‘ 2 397,24 € à Mme [IT] [R] [J], après déduction de la somme de 239,80 euros de participation forfaitaire aux charges ;

‘ 3 202,65 € à M. [L] [A] ;

‘ 836,28 € à M. [OA] et Mme [F] [V] ;

‘ 2 348,15 € à M. [T] [N], après déduction de la somme de 237,06 euros de participation forfaitaire aux charges et dans la limite de la somme offerte ;

‘ 679,89 € à Mme [G] [C], après déduction de la somme de 146,11 euros de participation forfaitaire aux charges ;

‘ 2 394,42 € à M. [Y] et Mme [O] [I] ;

‘ 855,97 € à Mme [YN] et M. [M] [Z], après déduction de la somme de 243,29 euros de participation forfaitaire aux charges ;

‘ 2 345,45 € à M. [GZ] [WU], après déduction de la somme de 226,58 euros de participation forfaitaire aux charges ;

‘ 1 470,01 € à M. [K] [KM] ;

‘ 1 818,41 € à M. [MP] [RD] et M. [UR] [DL], après déduction de la somme de176,96 euros de participation forfaitaire aux charges ;

‘ 3 545,31 € à M. [X] [WK], après déduction des sommes de 146,10 euros et 176,53 euros de participation forfaitaire aux charges ;

‘ 1 458,83 € à Mme [W] [WK] ;

‘ 2 348,15 € à M. [EW] et Mme [AL] [FF], après déduction de la somme de 237,06 euros de participation forfaitaire aux charges ;

‘ 317,42 € à M. [DC] [VJ] ;

‘ 1 801,83 € à M. [P] et Mme [E] [GP] ;

‘ 3 099,29 € à Mme [H] [MG], après déduction de la somme de 344,81 euros de participation forfaitaire aux charges.

Il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qui concerne le montant des provisions allouées à M. [SN] et Mme [OT] [D], Mme [B] [S] et M. [CF] [PU], M. [L] [A], M. [OA] et Mme [F] [V], M. [Y] et Mme [O] [I], M. [K] [KM], Mme [W] [WK], M. [DC] [VJ] et M. [P] et Mme [E] [GP].

Elle sera en revanche infirmée en ce qui concerne le montant des provisions allouées à M. [YE] et Mme [KW] [U], Mme [IT] [R] [J], M. [T] [N], Mme [G] [C], Mme [YN] et M. [M] [Z], M. [GZ] [WU], M. [MP] [RD] et M. [UR] [DL], M. [X] [WK], M. [EW] et Mme [AL] [FF] ainsi que Mme [H] [MG].

Elle sera confirmée en ce qui concerne les intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2021.

Sur la demande de communication de pièces sous astreinte

Les intimés sollicitent deux types de pièces, les unes en application de l’article L 321-2 du code du tourisme, devant s’analyser comme une demande d’obligation de faire, et les autres, devant s’analyser comme une mesure d’instruction dans la perspective d’actions futures éventuelles au fond.

Sur l’obligation de faire

Le juge des référés peut, en application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Dans ce cas, c’est au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l’articulation de ce moyen.

Selon l’article L 321-2 du code de tourisme, l’exploitant d’une résidence de tourisme classée doit tenir des comptes d’exploitation distincts pour chaque résidence. Il est tenu de les communiquer aux propriétaires qui en font la demande. Une fois par an, il est tenu de communiquer à l’ensemble des propriétaires le bilan de l’année écoulée, précisant les taux de remplissage obtenus, les événements significatifs de l’année ainsi que le montant et l’évolution des principaux postes de dépenses et recettes de la résidence.

Ce texte impose donc la communication à l’ensemble des copropriétaires d’un bilan de l’année précisant les taux de remplissage par résidence, les événements significatifs, le montant et l’évolution des principaux postes de dépenses et recettes de la résidence.

En l’espèce, l’appelante verse aux débats, en pièce 6, 15 et 16, les comptes d’exploitation de la résidence [Adresse 36] faisant notamment apparaître, pour les années 2017/2018, 2018/2019, 2019/2020, 2020/2021 et 2021/2022, les bilans de ces années en précisant les taux de remplissage obtenus, le montant des principaux postes de dépenses (charges d’exploitation, charges de loyers, autres, frais centraux et de commercialisation) et recettes (chiffre d’affaires hébergement et autres) de la résidence, les résultats d’exploitation, les provisions PGE, les avoirs clients ainsi que les résultats d’exploitation intégrant les impacts exceptionnels liés au Covid.

Si les intimés estiment que les éléments communiqués ne satisfont pas à l’obligation légale pesant sur la société Odalys Résidences, un tel manquement n’est pas établi avec l’évidence requise en référé dès lors que les bilans communiqués précisent les taux de remplissage obtenus, le montant de l’évolution des principaux postes de dépenses et de recettes de la résidence ainsi que les évènements significatifs.

Il apparaît que les comptes d’exploitation de la résidence [Adresse 36] portant sur les exercices 2017/2018, 2018/2019 et 2019/2020 ont été communiqués par courrier en date du 4 mai 2021, soit avant la procédure initiée par les intimés le 10 mars 2022. En revanche, les comptes portant sur l’exercice 2020/2021 n’ont été communiqués que le 20 septembre 2022 en exécution de l’ordonnance entreprise, alors qu’ils ont été approuvés en mars 2022, tandis que ceux portant sur l’exercice 2021/2022, approuvés en mars 2023, ont été communiqués par courrier en date du 20 avril 2023.

C’est donc à juste titre que le premier juge a ordonné à la société Odalys Résidence de communiquer les bilans et comptes d’exploitation portant sur l’exercice 2020/2021. Il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance entreprise sur ce point, en ce compris le montant de l’astreinte ainsi que les modalités décidées par le premier juge.

Sur la mesure d’instruction

Il résulte de la combinaison des articles 11 du code civil et 145 du code de procédure civile qu’il peut être ordonné en référé la production forcée de pièces détenues par un tiers, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.

Selon les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête en référé.

Pour que le motif de l’action soit légitime, il faut et il suffit que la mesure soit pertinente et qu’elle ait pour but d’établir une preuve dont la production est susceptible d’influer sur la solution d’un litige futur ayant un objet et un fondement précis et non manifestement voué à l’échec.

Dès lors, le demandeur à la mesure doit justifier d’une action en justice future, sans avoir à établir l’existence d’une urgence. Il suffit que le demandeur justifie de la potentialité d’une action pouvant être conduite sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure soit possible. Il ne lui est pas demandé de faire connaître ses intentions procédurales futures. Il lui faut uniquement établir la pertinence de sa demande en démontrant que les faits invoqués doivent pouvoir l’être dans un litige éventuel susceptible de l’opposer au défendeur, étant rappelé qu’au stade d’un référé probatoire, il n’a pas à les établir de manière certaine.

Il existe un motif légitime dès lors qu’il n’est pas démontré que la mesure sollicitée serait manifestement insusceptible d’être utile lors d’un litige ou que l’action au fond n’apparaît manifestement pas vouée à l’échec.

Enfin, en matière de production de pièces, il n’est pas possible de condamner, sous astreinte, une partie ou un tiers à produire des pièces sans que leur existence soit, sinon établie avec certitude, du moins vraisemblable.

En l’espèce, si la cour a fait droit aux provisions sollicitées par les intimés, sans aucune diminution, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une part, par définition, d’une décision provisoire et, d’autre part, que ces derniers pourraient rechercher la responsabilité de la société Odalys Résidences devant la juridiction du fond pour manquement à son obligation d’exécuter les contrats de bonne foi aux fins notamment d’obtenir l’indemnisation des préjudices subis résultant de la non perception de leurs loyers.

C’est ainsi qu’ils ont sollicité la production par la société Odalys Résidences les justificatifs des PGE obtenus, des aides perçues au titre du fonds de solidarité et de l’aide complémentaire perçue au titre du décret du 24 mars 2020, de même que les justificatifs permettant d’établir de manière probante les périodes d’ouverture et de fermeture de la résidence, demandes à laquelle le premier juge a fait droit.

Il convient de relever que la société Odalys Résidences ne discute pas le motif légitime de la demande de production des pièces auxquelles elle a été condamnée, soutenant avoir exécuté l’ordonnance entreprise sur ce point. En effet, elle ne conteste que le motif légitime de la demande de production des autres pièces sollicitées auxquelles le premier juge n’a pas fait droit. Or, les intimés n’ont formé aucun appel incident sur ce point.

Concernant les seules pièces que la société Odalys Résidences a été condamnée à produire, sous astreinte, l’appelante soutient avoir exécuté l’ordonnance entreprise le 20 septembre 2022. Ce faisant, elle n’allègue ni ne démontre que ces pièces avaient été communiquées au moment où le premier juge a statué. Or, le fait que cette communication soit intervenue durant la procédure d’appel, en exécution de la condamnation prononcée par le premier juge, exécutoire par provision, ne suffit pas, en cause d’appel, à rendre cette obligation rétroactivement contestable. Au demeurant, il n’appartient pas à la cour, mais au juge de l’exécution, d’apprécier si la société Odalys Résidences a bien satisfait à son obligation de faire dans les délais impartis.

Il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance entreprise sur ce point, en ce compris le montant de l’astreinte ainsi que les modalités décidées par le premier juge.

Sur les demandes de provisions à valoir sur les préjudices subis et pour résistance abusive

Les intimés reprennent en appel la demande formée devant le premier juge à titre de dommages intérêts en réparation de leur préjudice résultant du caractère abusif des moyens de défense de la société Odalys Résidences, et de sa volonté manifeste de ne pas payer, constitutive d’une faute, celle-ci ayant, sans aucune décision de justice l’y autorisant, suspendu son obligation de paiement du loyer.

Or, la simple résistance à une action en justice ne peut constituer un abus de droit, qui requiert que des circonstances particulières soient démontrées.

De plus, l’appréciation d’une faute commise par la société Odalys Résidences excède les pouvoirs du juge des référés et relève de ceux du juge du fond.

L’ordonnance déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a rejeté les demandes de provisions à valoir sur les préjudices subis et pour résistance abusive formées par les intimés.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Dès lors que la société Odalys Résidences n’obtient pas gain de cause à hauteur d’appel concernant les sommes provisionnelles revendiquées, à titre principal, par les demandeurs, devenus intimés, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle l’a condamnée aux dépens de première instance. Elle sera également tenue aux dépens de la procédure d’appel.

En revanche, la décision déférée sera infirmée en ce qui concerne les frais irrépétibles qui ont été alloués pour les frais exposés en première instance. La société Odalys Résidences sera condamnée à verser à chaque groupe de bailleurs, ainsi que précisé dans le dispositif de la décision, la somme de 800 euros pour les frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens.

En revanche, en tant que partie perdante, elle sera déboutée de sa demande formulée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l’appel ;

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne, d’une part, le montant des provisions allouées à M. [YE] et Mme [KW] [U], Mme [IT] [R] [J], M. [T] [N], Mme [G] [C], Mme [YN] et M. [M] [Z], M. [GZ] [WU], M. [MP] [RD] et M. [UR] [DL], M. [X] [WK], M. [EW] et Mme [AL] [FF] ainsi que Mme [H] [MG] et, d’autre part, les frais irrépétibles qui ont été alloués ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Condamne la SAS Odalys Résidences à payer, à titre provisionnel, aux intimés les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2021 :

‘ 523,36 € à M. [YE] et Mme [KW] [U];

‘ 2 397,24 € à Mme [IT] [R] [J] ;

‘ 2 348,15 € à M. [T] [N] ;

‘ 679,89 € à Mme [G] [C] ;

‘ 855,97 € à Mme [YN] et M. [M] [Z] ;

‘ 2 345,45 € à M. [GZ] [WU] ;

‘ 1 818,41 € à M. [MP] [RD] et M. [UR] [DL] ;

‘ 3 545,31 € à M. [X] [WK] ;

‘ 2 348,15 € à M. [EW] et Mme [AL] [FF] ;

‘ 3 099,29 € à Mme [H] [MG] ;

Condamne la SAS Odalys Résidences à payer aux intimés les sommes suivantes au titre des frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens :

‘ 800 € à M. [SN] et Mme [OT] [D], ensemble ;

‘ 800 € à M. [YE] et Mme [KW] [U], ensemble ;

‘ 800 € à Mme [B] [S] et M. [CF] [PU], ensemble ;

‘ 800 € à Mme [IT] [R] [J] ;

‘ 800 € à M. [L] [A] ;

‘ 800 € à M. [OA] et Mme [F] [V], ensemble ;

‘ 800 € à M. [T] [N] ;

‘ 800 € à Mme [G] [C] ;

‘ 800 € à M. [Y] et Mme [O] [I], ensemble ;

‘ 800 € à Mme [YN] et M. [M] [Z], ensemble ;

‘ 800 € à M. [GZ] [WU] ;

‘ 800 € à M. [K] [KM] ;

‘ 800 € à M. [MP] [RD] et M. [UR] [DL], ensemble ;

‘ 800 € à M. [X] [WK] ;

‘ 800 € à Mme [W] [WK] ;

‘ 800 € à M. [EW] et Mme [AL] [FF], ensemble ;

‘ 800 € à M. [DC] [VJ] ;

‘ 800 € à M. [P] et Mme [E] [GP], ensemble ;

‘ 800 € à Mme [H] [MG] ;

Déboute la SAS Odalys Résidences de sa demande formée sur le même fondement ;

Condamne la SAS Odalys Résidences aux dépens de la procédure d’appel.

La greffière Le président

 


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