Tentative de conciliation : 2 novembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/04959

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Tentative de conciliation : 2 novembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/04959
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 02/11/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 22/04959 – N° Portalis DBVT-V-B7G-URTH

Ordonnance de référé (N° 22/00631)

rendue le 20 septembre 2022 par le président du tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

Madame [O] [G] épouse [E]

née le 21 février 1970 à [Localité 10]

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée par Me Caroline Kamkar, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉES

La SELARL Docteur [U] [P]

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 5]

La SELARL Docteur Valérie Lamare Pommelet

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 5]

La SARL Centre esthétique et lasers du Nouveau Siècle

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 8]

[Localité 5]

représentées par Me Jean-François Segard, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 05 juin 2023, tenue par Camille Colonna magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 novembre 2023 après prorogation du délibéré en date du 12 octobre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Céline Miller, conseiller en remplacement de Bruno Poupet, président empêché et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 mai 2023

****

Par contrat de location conclu le 1er juillet 2017, la SARL Centre d’esthétique et lasers du Nouveau Siècle, sise [Adresse 8] à [Localité 10], a mis à la disposition du Docteur [O] [E], médecin généraliste qualifiée en médecine esthétique, du matériel et des produits (appareils, lasers…) permettant l’exercice par celle-ci de son activité professionnelle, moyennant le paiement d’un loyer mensuel fixé à 50 % de ses honoraires.

Le 8 novembre 2018, le Docteur [E] a par ailleurs conclu des contrats de collaboration libérale avec les SELARL du Docteur [U] [P] et du Docteur [J] [S], aux termes desquels les Docteurs [P] et [S], exerçant toutes deux dans un cabinet sis [Adresse 2] à [Localité 10] et pour la seconde également au Centre d’esthétique et laser du Nouveau Siècle déjà mentionné, s’engageaient à mettre à sa disposition l’ensemble des moyens de leurs lieux d’exercice (salle d’attente, bureau de consultation, secrétariat, téléphone, télécopie, accès internet, moyens de conservation des dossiers médicaux, documentation…), moyennant le versement par le Docteur [E] d’une redevance de 50 % de la totalité des honoraires perçus correspondant aux frais professionnels pris en charge par chacune des sociétés contractantes.

A la suite d’un litige survenu entre ces praticiens, la SARL Centre d’esthétique et lasers du Nouveau Siècle et les deux SELARL ont décidé de mettre fin aux conventions les liant à Mme [E] le 28 octobre 2021.

Une tentative de conciliation a été organisée le 4 janvier 2022 par le Conseil départemental de l’Ordre des médecins.

Par actes d’huissier du 13 mai 2022, Mme [E] a fait assigner devant le président du tribunal judiciaire de Lille statuant en référé les SELARL du Docteur [U] [P] et du Docteur [J] [S] ainsi que la SARL Centre d’esthétique et lasers du Nouveau Siècle aux fins, notamment, de voir ordonner une expertise comptable au visa de l’article 145 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 20 septembre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a déclaré recevables les prétentions de Mme [E], a débouté celle-ci de sa demande de désignation d’un expert, dit sans objet la demande de mise hors de cause de la SARL Centre d’esthétique et lasers du Nouveau Siècle et condamné Mme [E], outre aux dépens, à payer à chacune des sociétés défenderesses la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles.

Mme [E] a interjeté appel de cette ordonnance et, aux termes de ses dernières conclusions remises le 14 avril 2023, demande à la cour, au visa des articles 145, 484 et 700 du code de procédure civile, de l’infirmer dans toutes ses dispositions et, par conséquent, d’ordonner une mesure d’expertise comptable avec pour mission celle décrite dans le corps des conclusions, d’ordonner que la SARL Centre d’esthétiques et lasers du Nouveau Siècle soit associée aux opérations d’expertise, d’annuler sa condamnation à payer aux intimés la somme de 1 200 euros, chacune, au titre des frais irrépétibles et de réserver les dépens.

Elle soutient principalement que sa demande d’expertise est légitime puisque si les contrats conclus avec les SELARL des Docteurs [P] et [S] sont clairs sur l’assiette de calcul de la redevance, ils laissent, toutefois, aux parties le soin d’en réévaluer le taux pour chaque exercice comptable. Or, malgré ses multiples demandes, aucun document comptable ne lui a été remis lui permettant de vérifier si le taux appliqué correspondait bien aux services rendus.

Elle ajoute que la transmission, par les deux SELARL, de leur projet de bilan pour l’année 2021 ne permet pas d’apprécier le taux de redevance appliqué, ni de définir avec exactitude les services rendus. Elle précise alors qu’en l’absence de ces documents comptables, il est impossible d’apprécier justement la clause lors d’un éventuel procès au fond.

Elle sollicite, en outre, l’association de la SARL Centre d’esthétique et lasers du Nouveau Siècle aux opérations d’expertise en ce que les bilans comptables prévisionnels transmis laissent apparaître que cette société représente le poste le plus important des charges des SELARL, lesquelles entretiennent un lien financier et comptable avec la SARL.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises le 13 janvier 2023, la SELARL du Docteur [P], la SELARL du Docteur [S] et la SARL Centre d’esthétique et lasers du Nouveau Siècle demandent à la cour, au visa de l’article 145 du code de procédure civile et de l’article 1240 du code civil, de confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner l’appelante au paiement, au profit de chacune d’elles, d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les frais et dépens.

Elles estiment, tout d’abord, que l’appelante ne démontre pas l’existence d’un motif légitime à sa demande d’expertise en ce qu’elle sollicite, en réalité, une remise en cause de l’économie des contrats les liant. De plus, elles soutiennent que l’appelante dispose de tous les documents comptables nécessaires à la compréhension de la clause ; que ni le chiffre d’affaires retenu et le calcul des redevances, ni la mise à disposition du matériel et son entretien ne sont contestés ; et que les bilans de la SARL Centre d’esthétique et lasers du Nouveau Siècle sont régulièrement publiés au registre du commerce et des sociétés. A ce titre, elles sollicitent la mise hors de cause de cette dernière aux motifs qu’elle tient compte, dans sa facturation, du temps machine utilisé.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il sera observé que la décision entreprise n’est pas contestée en ce qu’elle a déclaré recevables les prétentions de Mme [O] [E]. Cette disposition, définitive, ne sera donc pas abordée.

Sur la demande d’expertise

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

* S’agissant des deux SELARL

En l’espèce, les contrats de médecin collaborateur libéral conclus entre le Docteur [E] et les SELARL [P] et [S] stipulent chacun, dans des termes identiques, en leur article 6, que :

‘Le Docteur [O] [E] verse mensuellement à la SELARL du Docteur [U] [P] [ou : du Docteur [J] [C] [S]] une redevance de 50 % de la totalité des honoraires qu’il a perçus correspondant aux frais professionnels pris en charge par la SELARL du Docteur [U] [P] [ou : du Docteur [J] [C] [S]]. Ces frais sont justifiés par la présentation de documents comptables et le pourcentage de redevance est fixé sur la base des revenus prévisionnels attendus.

Cette redevance est soumise à un réexamen annuel’.

Il résulte ainsi expressément de la clause litigieuse que la redevance due par le Docteur [E] est soumise à un réexamen annuel, les frais professionnels pris en charge par les sociétés étant justifiés par la présentation de documents comptables et le pourcentage de redevance étant fixé sur la base des revenus prévisionnels attendus.

Le docteur [E] allègue sans être contredite utilement qu’elle n’a jamais reçu aucun document comptable justifiant des frais professionnels pris en charge par ces deux sociétés malgré les multiples demandes qu’elle a formulées dans les courriels versés aux débats, ainsi que la décision prise le 4 janvier 2022 par le Conseil départemental de l’Ordre des médecins figurant au dossier, intimant à celles-ci de lui transmettre les documents comptables justifiant de l’évaluation de la redevance.

C’est à juste titre qu’elle soutient que le seul bilan prévisionnel de l’exercice 2021 qui lui a été fourni par les sociétés intimées ne permet pas de justifier précisément du montant des charges qui lui sont imputables depuis le début de la collaboration et que, par conséquent, elle n’est pas en mesure d’évaluer réellement les frais engagés pour les services rendus par ces sociétés, ainsi que leur corrélation avec le taux de redevance stipulé aux contrats qui la lient à celles-ci.

Dès lors, et dans la mesure où elle démontre ne pas avoir reçu suffisamment d’éléments comptables pour vérifier si le taux de redevance appliqué était toujours pertinent, le Docteur [E] justifie d’un motif légitime à faire établir, de manière contradictoire et avant tout procès, des éléments chiffrés pour permettre, éventuellement, au juge du fond d’évaluer le montant des redevances dues par elle au regard de la clause litigieuse qu’il lui appartiendra le cas échéant d’interpréter.

* S’agissant de la SARL Centre d’esthétique et lasers du Nouveau Siècle

Le contrat de mise à disposition de matériel conclu entre la SARL Centre d’esthétique et lasers du Nouveau Siècle et le Docteur [E] le 1er juillet 2017 prévoit que :

‘La location est faite en temps partagés avec les autres médecins. Pour l’année 2017, le loyer mensuel du Docteur [O] [E] (sic) est fixé à 50% du total des honoraires en euros’.

Cette clause, telle qu’elle est rédigée, se réfère uniquement à l’année 2017.

Par ailleurs, il résulte des projets de bilan et compte de résultats des SELARL [P] et [S] pour l’année 2021 versés aux débats que parmi les charges d’exploitation de ces cabinets médicaux figure, pour un montant non négligeable, la mise à disposition du plateau technique de la SARL centre d’esthétique et lasers du Nouveau Siècle avec laquelle ces SELARL ont manifestement conclu un contrat similaire à celui conclu par le Docteur [E].

Dès lors, Mme [E] présente un intérêt légitime à voir déterminer le coût réel des prestations qui lui sont fournies par chacune de ces entités, étant précisé qu’il appartiendra au juge du fond d’interpréter les clauses relatives aux redevances formulées dans chacun des contrats.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise et d’ordonner une mesure d’expertise suivant les modalités précisées au dispositif.

Sur les autres demandes

Chaque partie conservera la charge de ses dépens et frais irrépétibles exposés tant en première instance, ainsi qu’avait statué le premier juge, qu’en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour

Infirme la décision entreprise en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu d’ordonner une expertise ;

La confirme pour le surplus ;

Et, statuant à nouveau,

Ordonne une mesure d’expertise judiciaire et désigne à cet effet :

Mme [T] [K]

domiciliée [Adresse 7] à

[Localité 3]

n° [XXXXXXXX01], Mèl : [Courriel 9]

pour y procéder laquelle aura pour mission, après avoir pris connaissance du dossier, s’être fait communiquer tous documents utiles et avoir entendu les parties, de :

– préciser quels ont été les moyens mis à disposition, les services et prestations assurés au bénéfice du Docteur [O] [E] par la SELARL Docteur [U] [P], la SELARL Docteur [X]-[S] [J] et la SARL Centre d’esthétique et lasers du Nouveau Siècle, afin que celle-ci puisse exercer son art dans les meilleurs conditions ;

– Sur la période du 8 novembre 2017 au 31 décembre 2021, évaluer le coût généré par les prestations fournies par la SELARL Docteur [U] [P] et la SELARL Docteur [X]-[S] [J], au seul Docteur [O] [E] ;

Dit que l’expert procédera à ces opérations en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées par lettre recommandée avec accusé réception et leurs conseils avisés ;

Rappelle que les parties devront remettre sans délai à l’expert tous les documents que celui-ci estime nécessaires à l’accomplissement de sa mission et qu’en cas de carence des parties, l’expert devra en informer le juge ;

Dit que les parties devront transmettre leur dossier complet directement à l’expert, et ce au plus tard le jour de la première réunion d’expertise ;

Rappelle que l’expert devra procéder personnellement aux opérations d’expertise mais qu’il pourra recueillir l’avis d’un autre technicien si nécessaire à condition que ce technicien soit d’une autre spécialité que la sienne et qu’en ce cas, l’avis du technicien sera joint au rapport d’expertise;

Dit que l’expert devra déposer au greffe du tribunal judiciaire de Lille un rapport détaillé des opérations et répondant de manière motivée aux questions ci-dessus posées dans un délai de six mois à compter de sa saisine, sauf prorogation demandée au juge par l’expert, et en adressera une copie complète à chacune des parties (y compris la demande de fixation de rémunération) conformément à l’article 173 du code de procédure civile;

Fixe à 1 600 euros la somme que le Docteur [O] [E] devra consigner entre les mains du régisseur du tribunal judiciaire de Lille avant le 11 décembre 2023, terme de rigueur, à titre de consignation à valoir sur la rémunération de l’expert ;

Rappelle aux parties qu’à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis, la désignation de l’expert est caduque, sauf motif légitime apprécié par le juge, et qu’il pourra être tiré toutes conséquences de l’abstention ou du refus de consigner ;

Désigne le magistrat chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Lille pour suivre la mesure d’instruction et statuer sur tous incidents ;

Dit qu’en cas d’empêchement de l’expert, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance, qui pourra être rendue d’office ;

Dit que les parties conserveront la charge de leurs propres dépens ;

Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

pour le président

Céline Miller

 


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