Tentative de conciliation : 7 novembre 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 23/00346

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Tentative de conciliation : 7 novembre 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 23/00346
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07 NOVEMBRE 2023

Arrêt n°

ChR/NB/NS

Dossier N° RG 23/00346 – N° Portalis DBVU-V-B7H-F6YA

[J] [MP], Syndicat UD CGT 63 (UNION DÉPARTEMENTALE CGT DU PUY DE DÔME )

/

S.A.S. DACHSER FRANCE

ordonnance référé, origine conseil de prud’hommes – formation de départage de riom, décision attaquée en date du 22 février 2023, enregistrée sous le n° r 22/00022

Arrêt rendu ce SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

M. [J] [MP]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Comparant, assisté de Me Frédérik DUPLESSIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Syndicat UD CGT 63 (UNION DÉPARTEMENTALE CGT DU PUY DE DÔME ) représenté par son secrétaire en exercice domicilié es qualité au siège social.

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Frédérik DUPLESSIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTS

ET :

S.A.S. DACHSER FRANCE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE RIOM-CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Paul COEFFARD de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS, avocat plaidant

INTIMEE

Après avoir entendu M. RUIN, Président en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 04 Septembre 2023, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS DACHSER FRANCE (Président : [G] [T]), qui emploie habituellement plus de 10 salariés (environ 3000 sur une soixantaine de sites d’exploitation répartie sur le territoire français), dont le siège social est situé à CHANVERRIE (85), est une société de transport de marchandises.

Monsieur [J] [MP], né le 27 novembre 1971, a été embauché à compter du 7 juillet 2011 par la SAS DACHSER FRANCE, suivant un contrat de travail à durée indéterminée, à temps complet, en qualité d’agent de quai (poste de travail situé sur le site de [Localité 4] 63). La convention collective applicable à la relation contractuelle de travail est celle des transports routiers.

Par courrier daté du 21 octobre 2022, la SAS DACHSER FRANCE a convoqué Monsieur [J] [MP] à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire fixé au 4 novembre suivant.

Par courrier recommandé daté du 10 novembre 2022, la SAS DACHSER FRANCE a notifié à Monsieur [J] [MP] un licenciement pour motif disciplinaire.

Le courrier de notification du licenciement est ainsi libellé :

«… Nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute.

Cette sanction a été décidée à la suite des faits qui sont rappelés ci-dessous.

Vous occupez un poste d’agent de quai sur le site de l’Eurohub [Localité 3]. Dans le cadre de vos fonctions d’agent de quai, vous utilisez un engin de manutention classe 3 pour décharger les marchandises à quai et devez ainsi apporter une attention particulière à votre sécurité et celle vos collègues et dans ce cadre respecter et appliquer strictement les règles et consignes de sécurité en vigueur au sein de l’entreprise.

Nous vous reprochons le « Non-respect répété des consignes de sécurité ».

Le lundi 3 octobre 2022, vous étiez affecté au déchargement de la grande écluse des portes 130 à 139. Vers 8h30, vous n’avez pas respecté les règles de sécurité de l’entreprise en passant sous la barrière déroulante installée dans la continuité de la barrière jaune.

Cette barrière amovible a été mise en place, afin d’interdire le passage des salariés vers l’écluse de déchargement qui est une zone de travail dangereuse sur le quai. Vous n’êtes pourtant pas sans ignorer qu’il est strictement interdit de passer sous cette barrière, qui par ailleurs a été installé suite à votre proposition dans le souci de sécuriser d’avantage le quai.

En agissant de cette manière vous vous êtes exposé à un risque d’accident du travail où vous pourriez vous faire heurter par un engin de manutention puisqu’il s’agit d’une zone de déchargement avec le passage régulier de chariots élévateurs pesant plusieurs centaines de kilos.

Vous travaillez tous les jours dans cette zone et donc connaissez parfaitement les risques.

De plus, le jeudi 13 octobre 2022, vous étiez affecté au déchargement de la grande écluse de déchargement des portes 130 à 139.

Ce jour-là à 9h55, vous avez ouvert le rideau de la porte de quai 137 afin de saluer votre collègue, Monsieur [Z].

Les rideaux de quai ne doivent en aucun cas être ouverts avant qu’un moyen (remorque ou caisse mobile) ne soit à quai afin d’éviter les risques de chute de quai. D’ailleurs, dans le mode opératoire qui vous a été remis en date du 23 février 2021, il est clairement précisé que « L’ouverture de la porte se fait après accord du Responsable » ainsi vous n’aviez pas à ouvrir le rideau.

Cette action est un non-respect caractérisé des règles de sécurité dû à l’ouverture en grand du rideau alors qu’il n’y avait pas de camion stationné à cette porte donc aucune raison de le faire. Il y a, avec cette action, un risque de chute de hauteur.

Vous n’êtes pourtant pas sans ignorer qu’il existe des règles de sécurité strictes et que celles-ci doivent être impérativement respectées.

Vous vous êtes mis en défaut vis-à-vis de l’article 13 « Prévention et sécurité » du règlement intérieur de l’entreprise qui vous est applicable

« Article 13 ‘ Prévention et sécurité

« La prévention des risques d’accidents et de maladies professionnelles est impérative dans l’entreprise. Elle exige, en particulier, de chacun le respect de toutes les prescriptions applicables en matière d’hygiène et de sécurité.

Les salariés ont, en outre, l’obligation de respecter toutes les consignes particulières qui leur sont données par le personnel d’encadrement pour l’exécution de leur travail et notamment les consignes de sécurité spécifiques à cette exécution.» ;

Ainsi que l’alinéa 8 ‘ circulation

« Le personnel est tenu de circuler avec prudence sur les voies autorisées dans l’enceinte de l’entreprise. Toute personne est tenue de respecter les panneaux de circulation éventuellement existants ou, à défaut, les prescriptions …».

Nous vous rappelons que le respect des règles de sécurité fait partie de vos obligations envers votre employeur.

Lors de notre entretien du 4 novembre 2022, vous avez reconnu les faits reprochés.

Au regard des explications données, vous n’avez pas été en mesure de nous apporter des éléments nous permettant d’apprécier différemment la situation. Vous n’avez d’ailleurs pas semblé ni regretter vos actes ni même prendre conscience de la gravité de ceux-ci.

Les faits qui vous sont reprochés constituent une faute, ne nous permettant pas de poursuivre nos relations contractuelles. En conséquence, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute’.

Monsieur [J] [MP] a été dispensé d’effectuer son préavis (durée de 2 mois) par l’employeur, lequel préavis lui a été normalement rémunéré.

Par acte d’huissier de justice daté du 9 décembre 2022, Monsieur [J] [MP] et l’UNION DEPARTEMENTALE CGT du PUY-DE-DOME ont assigné la SAS DACHSER FRANCE devant la formation de référé du conseil de prud’hommes de RIOM aux fins de :

– annuler le licenciement qui a été notifié à Monsieur [J] [MP] par la société DACHSER FRANCE le 10 novembre 2022 ;

– ordonner la réintégration de Monsieur [J] [MP] sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

– condamner la société DACHSER FRANCE à payer par provision à Monsieur [J] [MP] le salaire postérieur au préavis ;

– condamner la société DACHSER FRANCE à payer à par provision une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société DACHSER FRANCE à payer à l’UNION DEPARTEMENTALE CGT DU PUY-DE-DOME une somme de 3.000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts ;

– condamner la société DACHSER FRANCE à payer à l’UNION DEPARTEMENTALE CGT DU PUY-DE-DOME une somme de 1.000 euros au titre sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance de départage rendue le 22 février 2023, la formation de référé du conseil de prud’hommes de RIOM (audience du 1er février 2023), a :

– dit n’y avoir lieu à référé ;

– débouté Monsieur [J] [MP] et L’UNION DEPARTEMENTALE CGT DU PUY-DE-DOME de leurs demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté la SAS DACHSER FRANCE de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Monsieur [J] [MP] et l’UNION DEPARTEMENTALE CGT DU PUY-DE-DOME aux dépens.

Le 24 février 2023, Monsieur [J] [MP] et l’Union Départementale des syndicats CGT du Puy-de-Dôme ont interjeté appel de cette ordonnance de référé en intimant la société DACHSER FRANCE. Cette procédure d’appel, enregistrée sous le numéro RG 23/00346 a été distribuée à la chambre sociale de la cour d’appel de Riom.

Le 24 février 2023, Monsieur [J] [MP] et l’Union Départementale des syndicats CGT du Puy-de-Dôme ont saisi Madame la première présidente de cour d’appel de Riom afin d’être autorisés à faire délivrer une assignation à jour fixe pour qu’il soit statué sur l’appel de la décision susvisée.

Par ordonnance du 14 mars 2023, le président de la chambre sociale (quatrième chambre civile) de la cour d’appel de Riom, sur délégation de Madame la première présidente de cette cour d’appel, a autorisé Monsieur [J] [MP] et l’Union Départementale des syndicats CGT du Puy-de-Dôme à assigner la société DACHSER FRANCE devant la chambre sociale de la cour d’appel de Riom en vue de l’audience du lundi 4 septembre 2023 à 13 heures 45 (assignation à jour fixe).

Par acte d’huissier de justice daté du 27 avril 2023, Monsieur [J] [MP] et l’Union Départementale des syndicats CGT du Puy-de-Dôme ont assigné la société DACHSER FRANCE devant la chambre sociale de la cour d’appel de Riom en vue de l’audience du lundi 4 septembre 2023 à 13 heures 45.

Le 1er août 2023, l’avocat de la société DACHSER FRANCE a notifié ses premières conclusions à la cour et à l’avocat des appelants.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 25 août 2023 par Monsieur [J] [MP] et l’Union Départementale des syndicats CGT du Puy-de-Dôme,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 1er septembre 2023 par la SAS DACHSER FRANCE.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières écritures, Monsieur [J] [MP] et l’Union Départementale des syndicats CGT du Puy-de-Dôme demandent à la cour de réformer l’ordonnance déférée et de :

– annuler le licenciement de Monsieur [J] [MP] par la société DACHSER, ou subsidiairement suspendre les effets du licenciement ;

– ordonner la réintégration de Monsieur [MP] à son poste sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

– condamner la société DACHSER au paiement du salaire postérieur au préavis par provision jusqu’à la réintégration du salarié, ou subsidiairement condamner la société DACHSER à payer à Monsieur [MP] une somme équivalente au salaire à titre de provision sur dommages et intérêts ;

– condamner la société DACHSER à payer à Monsieur [MP] la somme de 3.000 euros de provision sur dommages et intérêts sur le fondement de l’article L. 1222-1 du code du travail ;

– condamner la société DACHSER au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur [MP] ;

– condamner la société DACHSER au paiement de la somme de 3.000 euros de provision sur dommages et intérêts à l’UNION DEPARTEMENTALE CGT du PUY-DE-DOME ;

– condamner la société DACHSER au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’l’UNION DEPARTEMENTALE CGT du PUY-DE-DOME.

Monsieur [J] [MP] et l’UNION DEPARTEMENTALE CGT du PUY-DE-DOME font valoir qu’en l’espèce l’effet dévolutif s’est bien opéré selon la bonne procédure, celle prévue par les articles 83, 84 et 85 du code de procédure civile, la déclaration d’appel indiquant expressément que l’appel porte sur : ‘- en ce que le juge s’est déclaré incompétent en référé ; – et débouté Monsieur [MP] et l’UD CGT 63 de leurs demandes’, et que pour le surplus il est indifférent que la cour d’appel de Poitiers ait commis une erreur de droit dans un arrêt du 15 septembre 2022.

Les appelants soutiennent que la motivation de la formation de référé du conseil de prud’hommes pour se déclarer incompétente est insuffisante et erronée, alors que les faits de l’espèce ont trait à un licenciement dont les motifs ne sont pas sérieux et manifestement mués par la participation de Monsieur [MP] aux grèves ainsi qu’aux activités syndicales outre à l’engagement d’une procédure prud’homale.

Ils font valoir que selon l’article R.1455-6 du code du travail: « la formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite », et que selon une jurisprudence constante de la Chambre sociale de la Cour de cassation, le juge des référés du Conseil de prud’hommes est compétent pour suspendre des effets du licenciement motivé par des considérations discriminatoires, que le juge des référés doit réintégrer le salarié à son poste lorsque le licenciement est d’une part manifestement dénué de sérieux et d’autre part potentiellement fondé sur des motifs discriminant de grève ou d’exercice des droits syndicaux.

S’agissant ensuite des motifs mentionnés dans la lettre de licenciement, ils considèrent qu’ils ne sont pas matériellement établis par l’employeur, et relèvent leur caractère anodin (être passé sous une barrière et avoir ouvert le rideau de quai) et, en tout état de cause, l’absence de tout incident ou préjudice consécutifs.

Ils expliquent plus spécialement, concernant le premier grief de licenciement, que l’accès à la voie de sécurité n’était pas interdite le jour de l’incident litigieux, et que l’employeur a pu être par le passé davantage tolérant avec les cadres de l’entreprise lorsque ceux-ci enfreignaient les règles de sécurité, et relèvent en outre l’absence d’information ou de consultation de la CHSCT quant à l’existence de la barrière roulante, et ce alors même que la mise en place d’un nouveau plan de circulation doit, préalablement à sa prise d’effets, faire l’objet d’une communication à la CSSCT, ce qui n’a manifestement pas été le cas présentement. Ils en déduisent qu’en l’absence d’information de cette instance à la date du fait litigieux, l’information des salariés n’était pas assurée. Ils en déduisent que le nouveau plan de circulation était inopposable au salarié en sorte qu’aucun grief ne peut être adressé à Monsieur [J] [MP] s’agissant de son non respect éventuel.

Concernant le second grief de licenciement, à savoir l’ouverture d’une porte de quai sans qu’un véhicule ne soit au quai, Monsieur [J] [MP] et l’l’UNION DEPARTEMENTALE CGT du PUY-DE-DOME soutiennent que l’employeur s’abstient de produire de quelconques éléments objectifs de nature à étayer ses allégations et permettre la caractérisation matérielle de ce grief, notamment en démontrant, ce qu’il ne fait pas en l’espèce, qu’aucun véhicule n’aurait été à quai.

Ils objectent par ailleurs que l’employeur, en dépit des demandes des salariés, n’a pas fait droit à leur demande d’installation d’un système de sécurité du quai consistant à positionner des feux destinés à informer le chauffeur poids-lourd de qu’il peut quitter le quai. Ils en déduisent que la société intimée a commis une faute en s’abstenant de mettre en oeuvre les mesures de sécurité, pourtant requises, avant de prévenir tout risque d’accident à l’occasion des chargements et déchargements des véhicules.

Ils relèvent par ailleurs, à toutes fins utiles, que le salarié dispose d’une ancienneté de 10 années et qu’il ne compte aucun passif disciplinaire.

Ils soutiennent que le réel motif de licenciement réside dans la participation du salarié à deux mouvements de grève, à son engagement syndical, à sa participation à des procédures prud’homales visant à obtenir le paiement des jours de grève.

Ils concluent ainsi à l’illicéité du motif réel de licenciement et réclament l’annulation de la rupture du contrat de travail et la réintégration subséquente du salarié à son poste de travail et, subsidiairement, sollicitent la condamnation de l’employeur à payer une provision sur dommages et intérêts.

Dans ses dernières écritures, la société DACHSER FRANCE demande à la cour de :

A titre principal :

– prononcer la nullité de la déclaration d’appel de Monsieur [MP] et de l’UD CGT 63 ;

– constater l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel du 24 février 2023 de Monsieur [MP] et de l’UD CGT 63 ;

A titre subsidiaire :

– confirmer l’ordonnance de référé rendue en départage par le conseil de prud’hommes de RIOM en ce qu’elle dit n’y avoir lieu à statuer, et par conséquent :

* débouter Monsieur [MP] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

* débouter le syndicat CGT de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– infirmer l’ordonnance de référé l’ayant déboutée de sa demande de condamnation du salarié et de l’UD CGT 63 à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et, statuant à nouveau :

– condamner Monsieur [MP] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant de ses frais irrépétibles de première instance, outre 3.000 euros en cause d’appel ;

– condamner le syndicat CGT à lui verser la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant de ses frais irrépétibles de première instance, outre 1.000 euros en cause d’appel.

La société DACHSER FRANCE conclut à titre principal à l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel de Monsieur [J] [MP] et de l’UD CGT 63 au motif que celle-ci ne vise aucun chef de jugement qui serait critiqué dès lors qu’il est uniquement mentionné qu’un appel ‘limité aux chefs de jugement expressément critiqués, en ce que le juge s’est déclaré incompétent en référé et débouté Monsieur [MP] et l’UD CGT 63 de leurs demandes’, lesquelles sont ensuite listées.

Elle précise à cet égard que si l’appel est limité aux chefs de jugement expressément critiqués en ce que le juge s’est déclaré incompétent en référé, force est de constater que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur la compétence, qu’elle soit matérielle ou territoriale, de la formation de référé du conseil de prud’hommes, mais ont simplement conclu qu’il n’y avait pas lieu à référé. Elle en déduit que le premier juge, pour considérer qu’il n’y avait pas lieu à référé, s’est de la sorte fondé sur son défaut de pouvoir au cas d’espèce, et non sur sa compétence en son acception commune.

Elle relève enfin que le premier juge n’a pas débouté Monsieur [MP] de sa demande de réintégration et de ses demandes indemnitaires et salariales subséquentes, mais simplement dit qu’il n’y avait pas lieu à référé et débouté les demandeurs de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en sorte que les appelants ont interjeté appel de chefs de jugement inexistants, mais pas à l’encontre du chef de jugement ‘dit n’y avoir lieu à référé’.

A titre subsidiaire, elle rappelle que la formation de référé du conseil de prud’hommes est compétente, même en présence d’une contestation sérieuse, sous réserve toutefois de la démonstration d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser, cette dernière hypothèse étant celle visée par les appelants.

Elle fait valoir à cet égard que Monsieur [J] [MP] que l’existence d’un trouble manifestement illicite n’est pas rapportée par le salarié dès lors que l’illicéité dont il excipe n’apparaît pas avec l’évidence requise devant le juge des référés.

Elle objecte plus spécialement que le salarié n’a pas été licencié en raison de sa participation à une grève ou à raison de faits commis durant un tel mouvement, mais bien en raison de fautes commises dans l’exécution de son contrat de travail constitutives d’un manquement de Monsieur [J] [MP] à son obligation de sécurité.

Elle précise ainsi qu’il est fait grief au salarié d’être passé le 3 octobre 2022 sous une barrière déroulante délimitant une zone piétonne d’une zone de déchargement et interdisant le passage des salariés sous ladite barrière ainsi que d’avoir ouvert le rideau de la porte de quai 137 afin de saluer un collègue alors que les rideaux de quai ne doivent en aucun cas être ouverts sans l’accord du responsable.

Elle fait remarquer que le salarié était informé et dûment sensibilisé à ces règles de sécurité, peu importe qu’elles aient été ou non présentées en commission SSCT, cette circonstance n’étant pas requise à titre d’opposabilité au salarié.

Elle réfute enfin avoir été opposée à l’installation de feux bicolores et souligne l’installation effective du premier d’entre eux à la date du 11 février 2023 avec un équipement complet du reste des quais des écluses en février et mars de la même année.

Elle considère ainsi, en considération de la nature des fautes commises par le salarié, que le licenciement pour cause réelle et sérieuse constitue une sanction parfaitement proportionnée.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

– Sur la déclaration d’appel et l’effet dévolutif –

À titre principal, la société DACHSER FRANCE demande à la cour de :

– prononcer la nullité de la déclaration d’appel de Monsieur [MP] et de l’UD CGT 63 ;

– constater l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel du 24 février 2023 de Monsieur [MP] et de l’UD CGT 63.

‘ Aux termes de l’article 542 du code de procédure civile : ‘L’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.’

Aux termes de l’article 562 du code de procédure civile :

‘L’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.’

Aux termes de l’article 901 du code de procédure civile (version en vigueur depuis le 1er janvier 2021) :

‘La déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;

2° L’indication de la décision attaquée ;

3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.’

En vertu de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. Seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. Il en résulte que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas.

Par ailleurs, l’obligation prévue par l’article 901 4° du code de procédure civile, de mentionner, dans la déclaration d’appel, les chefs de jugement critiqués, dépourvue d’ambiguïté, encadre les conditions d’exercice du droit d’appel dans le but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l’efficacité de la procédure d’appel.
Il en résulte que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d’appel n’aurait pas été sollicitée par l’intimé.

Par ailleurs, la déclaration d’appel affectée d’une irrégularité, en ce qu’elle ne mentionne pas les chefs du jugement attaqués, peut être régularisée par une nouvelle déclaration d’appel, dans le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond conformément à l’article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.

Ces règles encadrant les conditions d’exercice du droit d’appel dans les procédures dans lesquelles l’appelant est représenté par un professionnel du droit, sont dépourvues d’ambiguïté et concourent à une bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique de cette procédure. Elles ne portent donc pas atteinte, en elles-mêmes, à la substance du droit d’accès au juge d’appel.

‘ Depuis le 1er septembre 2017, la procédure du ‘contredit’ a été remplacée dans le code de procédure civile par celle dite de ‘l’appel du jugement statuant exclusivement sur la compétence’ (articles 83 à 89 du code de procédure civile).

Aux termes de l’article 83 du code de procédure civile : ‘Lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe. La décision ne peut pareillement être attaquée du chef de la compétence que par voie d’appel lorsque le juge se prononce sur la compétence et ordonne une mesure d’instruction ou une mesure provisoire.’.

Aux termes de l’article 84 du code de procédure civile : ‘Le délai d’appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d’une procédure avec représentation obligatoire. En cas d’appel, l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel, saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire.’.

Aux termes de l’article 85 du code de procédure civile : ‘Outre les mentions prescrites selon le cas par les article 901 ou 933, la déclaration d’appel précise qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d’irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration. Nonobstant toute disposition contraire, l’appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l’appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d’appel imposent la constitution d’avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l’article 948.’.

Lorsque le premier juge ne se prononce pas sur le fond du litige mais seulement sur sa compétence, et éventuellement sur une question, même de fond, dont dépend sa compétence, le jugement ne peut être attaqué que par la voie de l’appel sur compétence (ancien contredit) relevant des dispositions des articles 83 à 89 du code de procédure civile.

S’agissant des nouvelles dispositions du code de procédure civile ayant remplacé le contredit, la Cour de cassation est d’avis, et juge, qu’il résulte des articles 83, 84 et 85 du code de procédure civile, que, nonobstant toute disposition contraire, l’appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige relève, lorsque les parties sont tenues de constituer un avocat, de la procédure à jour fixe et qu’en ce cas, l’appelant doit saisir, dans le délai d’appel et à peine de caducité de la déclaration d’appel, qui doit être relevée d’office, le premier président de la cour d’appel en vue d’être autorisé à assigner l’intimé à jour fixe.

La Cour de cassation relève que l’objectif de la suppression du contredit était de disposer d’une procédure unique et rapide pour l’appel de tous les jugements ou ordonnances statuant sur la compétence. Elle expose que, vu les dispositions instaurant une procédure spécifique de représentation obligatoire devant la cour d’appel statuant en matière prud’homale, il en résulte que l’appel d’un jugement statuant sur la compétence, rendu par une juridiction prud’homale, est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe.

Aux termes de l’article 905 du code de procédure civile en ses dispositions applicables à l’époque considérée :

‘Le président de la chambre saisie, d’office ou à la demande d’une partie, fixe les jours et heures auxquels l’affaire sera appelée à bref délai au jour indiqué, lorsque l’appel :

1° Semble présenter un caractère d’urgence ou être en état d’être jugé ;

2° Est relatif à une ordonnance de référé ;

3° Est relatif à un jugement rendu selon la procédure accélérée au fond ;

4° Est relatif à une des ordonnances du juge de la mise en état énumérées aux 1° à 4° de l’article 795 ;

5° Est relatif à un jugement statuant en cours de mise en état sur une question de fond et une fin de non-recevoir en application du neuvième alinéa de l’article 789 ;

Dans tous les cas, il est procédé selon les modalités prévues aux articles 778 et 779.’

Il ne peut être retenu que le paragraphe du code de procédure civile consacré à ‘l’appel du jugement statuant exclusivement sur la compétence’, composé des articles 83 à 89, n’aurait pas lieu de s’appliquer au motif qu’il y serait dérogé par les articles 905 et suivant du même code, notamment s’agissant de l’appel des ordonnances de référé. Le terme de jugement employé dans les articles 83 à 89 du code de procédure civile procède d’une acception générale comprenant non seulement les jugements proprement dits mais également les ordonnances. Ces articles 83 à 89 du code de procédure civile dérogent ainsi, de manière spéciale, au régime général de l’appel des ordonnances de référé prévu aux articles 905 et suivants.

Ainsi, les dispositions des articles 83 à 85 du code de procédure civile s’appliquent à l’appel des ordonnances par lesquelles le juge des référés ne statue que sur sa compétence.

L’avis susvisé de la Cour de cassation, selon lequel l’appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige relève, lorsque les parties sont tenues de constituer un avocat, de la procédure à jour fixe, concerne également les décisions ou ordonnances rendues par le juge des référés, le juge de la mise en état ou le juge de l’exécution.

‘ Le référé prud’homal est régi par les articles R. 1455-1 et suivants du code du travail.

Aux termes de l’article R. 1455-1 du code du travail : ‘Chaque conseil de prud’hommes comprend une formation de référé commune à l’ensemble des sections de ce conseil. Cette formation est composée d’un conseiller prud’homme salarié et d’un conseiller prud’homme employeur.’

La section II du chapitre V du code du travail consacré au référé prud’homal est intitulé ‘compétence de la formation de référé’ et comprend les articles R. 1455-5 à R. 1455-8.

Aux termes de l’article R. 1455-5 du code du travail : ‘Dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.’.

Aux termes de l’article R. 1455-6 du code du travail : ‘La formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.’.

Aux termes de l’article R. 1455-7 du code du travail : ‘Dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.’.

Aux termes de l’article R. 1455-8 du code du travail :

‘S’il lui apparaît que la demande formée devant elle excède ses pouvoirs, et lorsque cette demande présente une particulière urgence, la formation de référé peut, dans les conditions suivantes, renvoyer l’affaire devant le bureau de jugement :

1° L’accord de toutes les parties est nécessaire ;

2° La formation de référé doit avoir procédé à une tentative de conciliation en audience non publique et selon les règles fixées par l’article R. 1454-10.

La notification aux parties de l’ordonnance de référé mentionnant la date de l’audience du bureau de jugement vaut citation en justice.’.

La compétence de la formation de référé du conseil de prud’hommes, ou compétence du juge prud’homal des référés, s’organise ainsi autour des trois considérations suivantes :

– L’urgence : la formation de référé du conseil de prud’hommes peut, dans tous les cas d’urgence et dans la limite de sa compétence, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend (article R. 1455-5 du code du travail) ;

– Le trouble manifestement illicite et le dommage imminent : la formation de référé du conseil de prud’hommes peut toujours prescrire, même en présence d’une contestation sérieuse, les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite (article R. 1455-6 du code du travail) ;

– L’octroi d’une provision ou l’exécution de l’obligation en cas d’obligation non sérieusement contestable : si l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé du conseil de prud’hommes peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire (article R. 1455-7 du code du travail). L’octroi d’une provision ou l’exécution de l’obligation, dans le cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ne sont pas subordonnés à la constatation de l’urgence ou d’un trouble manifestement illicite.

Les mesures qu’appelle l’urgence impliquent l’absence de contestation sérieuse sur le fond du droit. En revanche, les mesures conservatoires ou de remise en état, en cas de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent, ne sont pas subordonnées à l’absence de contestation sérieuse sur le fond du droit. Enfin, l’octroi d’une provision ou l’exécution de l’obligation ne sont pas subordonnés à la constatation de l’urgence ou d’un trouble manifestement illicite, mais impliquent l’absence de contestation sérieuse sur le fond du droit.

Il y a contestation sérieuse lorsque l’examen de la demande appelle nécessairement une appréciation sur l’existence des droits invoqués.

Le juge des référés prud’homal a compétence, uniquement, pour ordonner des mesures provisoires qui ne peuvent préjudicier au principal. Les ordonnances de référé sont dépourvues d’autorité de chose jugée au principal. Les ordonnances de référé sont exécutoires par provision ou immédiatement exécutoires à titre provisoire puisqu’elles ne préjudicient pas au principal.

Le juge des référés n’a pas compétence pour condamner à des dommages-intérêts, mais il peut accorder une provision sur dommages-intérêts dans la mesure où il n’y a pas de contestation sérieuse sur le droit à réparation.

Le juge des référés peut statuer sur les dépens et le frais irrépétibles de l’instance en référé et condamner ainsi la partie qui succombe.

Le trouble manifestement illicite est établi en cas de violation manifeste de la loi ou d’atteinte manifeste à une liberté fondamentale ou à un droit protégé. Lorsque cette notion est invoquée par le demandeur au visa de l’article R. 1455-6 du code du travail, le juge prud’homal des référés doit statuer sur l’existence ou non d’un trouble manifestement illicite pour déterminer sa compétence, sans pouvoir relever ou opposer l’existence d’une contestation sérieuse.

‘ En l’espèce, par acte d’huissier de justice du 9 décembre 2022, Monsieur [J] [MP] et l’UNION DEPARTEMENTALE CGT du PUY-DE-DOME ont assigné la SAS DACHSER FRANCE devant la formation de référé du conseil de prud’hommes de RIOM, en visant l’article R. 1455-6 du code du travail, aux fins de voir le juge prud’homal des référés faire cesser un trouble manifestement illicite, soit un licenciement pour motif disciplinaire fondé, selon les requérants, sur la participation de Monsieur [J] [MP] à un mouvement de grève, l’activité ou l’engagement syndical du salarié, et/ou l’exercice d’une action prud’homale afin de voir payer ses jours de grève.

C’est bien la formation de référé du conseil de prud’hommes de RIOM, en sa composition de départage, qui a rendu une ordonnance le 22 février 2023 comprenant le dispositif suivant :

‘- dit n’y avoir lieu à référé ;

– déboute Monsieur [J] [MP] et L’UNION DEPARTEMENTALE CGT DU PUY-DE-DOME de leurs demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– déboute la SAS DACHSER FRANCE de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamne Monsieur [J] [MP] et l’UNION DEPARTEMENTALE CGT DU PUY-DE-DOME aux dépens.’

Pour dire n’y avoir lieu à référé, après avoir rappelé les dispositions des articles R. 1455-5 et R. 1455-6 du code du travail, le premier juge a rédigé la seule motivation suivante :

‘L’analyse de la lettre de licenciement à laquelle invite le demandeur afin de déterminer si, au-delà de la formulation ‘licenciement pour cause réelle et sérieuse’ utilisée par l’employeur, les motifs réels de licenciement se rattacheraient à sa participation aux deux mouvements de grève intervenue en 2021, ses activités syndicales et l’engagement d’une procédure prud’homale, excède les pouvoirs du juge des référés et relève de ceux du juge du fond. Au vu de cette contestation sérieuse, il n’y a pas lieu à référé.’

Sans se prétendre l’exégète de la décision du premier juge, la cour constate que la formation de référé du conseil de prud’hommes de RIOM a jugé que, alors que l’analyse de la lettre de licenciement excède les pouvoirs du juge des référés, vu l’existence d’une contestation sérieuse, la demande principale de Monsieur [J] [MP] et l’UNION DEPARTEMENTALE CGT du PUY-DE-DOME concernant l’analyse du licenciement du salarié relève des pouvoirs du juge du fond.

La déclaration d’appel du 24 février 2023 mentionne au titre de la rubrique objet/portée de l’appel :

‘Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués, en ce que le juge s’est déclaré incompétent en référé et débouté Monsieur [MP] et l’UD CGT 63 de leurs demandes :

– Annuler le licenciement de Monsieur [MP] par la société DACHSER ; subsidiairement, suspendre les effets du licenciement ;

– Ordonner la réintégration de Monsieur [MP] à son poste sous astreinte de 500€/jours de retard ;

– Condamner la société DACHSER au paiement du salaire postérieur au préavis par provision jusqu’à la réintégration ; subsidiairement, condamner DACHSER à payer à Monsieur [MP] une somme équivalente au salaire à titre de provision sur dommages intérêts ;

– Condamner la société DACHSER à payer à Monsieur [MP] la somme de 3.000€ à titre de provision sur dommages intérêts sur le fondement de L1222-1 du code du travail ;

– Condamner la société DACHSER au paiement de 1.500€ au titre de l’article 700 CPC au profit de Monsieur [MP].

– Condamner la société DACHSER au paiement de 3.000€ à titre de provision sur dommages intérêts au profit de l’UD CGT du Puy de Dôme.

– Condamner la société DACHSER au paiement de 1.500€ au titre de l’article 700 CPC au profit de l’UD CGT du puy de Dôme.’

L’intimée développe une argumentation commune sur l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel et sur la nullité de celle-ci.

La société DACHSER, en se référant essentiellement à un arrêt rendu en date du 15 septembre 2022 par la cour d’appel de Poitiers, expose qu’il ne faut pas confondre compétence d’une juridiction (matérielle et territoriale), conditions du référé et pouvoirs du juge des référés. Elle soutient qu’en l’espèce le premier juge n’a statué que sur ses pouvoirs en matière de référé et non sur la compétence de la formation de référé du conseil de prud’hommes. Elle en déduit qu’en visant et critiquant exclusivement dans leur déclaration d’appel une prétendue décision d’incompétence du juge des référés, et non une décision disant n’y avoir lieu à référé par défaut de pouvoirs, les appelants ont commis une erreur et n’ont pas régulièrement visé dans leur déclaration d’appel les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité au sens des articles 562 et 901 du code de procédure civile.

Nonobstant le passionnant débat intellectuel sur la distinction compétence-conditions-pouvoirs engagé par la société DACHSER, qui nous invite surtout à analyser, et si possible reporduire, un unique arrêt de la cour d’appel de Poitiers, cette cour constate qu’en l’espèce la formation de référé du conseil de prud’hommes de RIOM, dans son ordonnance du 22 février 2023, a clairement statué sur sa seule compétence, en matière de référé, notamment au sens des articles 83, 84 et 85 du code de procédure civile.

Monsieur [J] [MP] et l’UNION DEPARTEMENTALE CGT du PUY-DE-DOME ont saisi le juge prud’homal des référés en invoquant l’existence d’un trouble manifestement illicite qu’il conviendrait de faire cesser. Ce cas de figure est expressément prévu par l’article R. 1455-6 du code du travail inséré dans une section traitant de la ‘compétence de la formation de référé’.

La compétence du juge prud’homal des référés (ou les conditions du référé prud’homal si l’on préfère) s’apprécie dans ce cas par le constat préalable ou non d’un trouble manifestement illicite. En effet, il appartient au juge prud’homal des référés de déterminer s’il y a trouble manifestement illicite, y compris si cela nécessite l’analyse d’une lettre de licenciement et/ou d’une situation de fait. Lorsqu’un trouble manifestement illicite est allégué par le demandeur en référé, la formation de référé du conseil de prud’hommes ne saurait ‘dire n’y avoir lieu à référé’ en relevant seulement que l’analyse d’une lettre de licenciement excède ses pouvoirs de juge des référés et/ou constitue une contestation sérieuse.

Si le juge prud’homal des référés retient l’existence d’un trouble manifestement illicite, il caractérise sa compétence en matière de référé, et il dispose alors du pouvoir de prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite (article R. 1455-6 du code du travail).

En l’espèce, en tout état de cause, nonobstant une motivation lapidaire et inadaptée, la formation de référé du conseil de prud’hommes a jugé, tout en mélangeant apparemment les dispositions des articles R. 1455-5 et R. 1455-6 du code du travail, que les conditions du référé n’étaient pas remplies et qu’elle ne pouvait donc statuer sur les demandes des requérants en tant que juge prud’homal des référés. Il s’agit bien d’une décision statuant exclusivement sur la compétence relevant des dispositions des articles 83, 84 et 85 du code de procédure civile, et non de l’article 905 du même code.

Les appelants n’ont donc pas commis d’erreur de droit en considérant que la formation de référé du conseil de prud’hommes de RIOM s’était exclusivement déclarée incompétente pour statuer sur leurs demandes en référé et en sollicitant une autorisation d’assignation à jour fixe avec leur déclaration d’appel.

S’agissant de la déclaration d’appel, c’est également à bon droit que les appelants ont mentionné qu’ils critiquaient la décision de la formation de référé du conseil de prud’hommes de RIOM en ce que le premier juge s’est déclaré incompétent pour statuer sur leurs demandes en référé (‘en ce que le juge s’est déclaré incompétent en référé’). L’ajout par les appelants qu’ils critiquent également la décision de la formation de référé du conseil de prud’hommes en ce qu’ils ont été déboutés de toutes leurs demandes ne constitue ni une irrégularité susceptible d’entraîner la nullité de la déclaration d’appel ni un obstacle à l’effet dévolutif, vu notamment les difficultés d’appréhension ou d’analyse de la motivation du premier juge qu’ils ont pu rencontrer.

Les appelants ont bien mentionné dans leur déclaration d’appel les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, au sens des articles 562 et 901 du code de procédure civile, et l’effet dévolutif a opéré en ce que la formation de référé du conseil de prud’hommes de RIOM s’est déclarée incompétente pour statuer sur leurs demandes en référé.

La société DACHSER FRANCE sera donc déboutée de ses demandes aux fins de prononcer la nullité de la déclaration d’appel de Monsieur [MP] et de l’UD CGT 63, de constater l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel du 24 février 2023 de Monsieur [MP] et de l’UD CGT 63.

– Sur la compétence du juge prud’homal des référés –

Monsieur [J] [MP] et l’Union Départementale des syndicats CGT du Puy-de-Dôme présentent des demandes en référé qui sont de nature différente : annulation du licenciement ou subsidiairement suspension des effets du licenciement, réintégration de Monsieur [MP] à son poste sous astreinte, condamnation à un rappel de salaire par provision, condamnation à provision sur dommages et intérêts.

Toutefois, s’agissant de la compétence du juge prud’homal des référés, les appelants se réfèrent à une abondante jurisprudence sur le trouble manifestement illicite que constitue un licenciement nul (ou une sanction disciplinaire illicite) comme en lien avec l’exercice du droit de grève, du droit syndical ou du droit d’ester en justice.

La demande principale des requérants en référé porte donc sur l’annulation (ou subsidiairement la suspension) du licenciement de Monsieur [J] [MP] par la société DACHSER FRANCE et la réintégration du salarié. Sont demandés en accessoire, à titre de provision, un rappel de salaire et des dommages-intérêts.

‘ Les appelants soutiennent que la cause du licenciement de Monsieur [J] [MP] ne repose nullement sur les deux griefs mentionnés dans la lettre de licenciement, par ailleurs non établis et sans gravité suffisante (absence de cause réelle et sérieuse) selon eux, mais sur le fait que le salarié a participé à un mouvement de grève à l’encontre de son employeur, s’est engagé sur le plan syndical avec la CGT, a participé à des activités syndicales, a saisi le conseil de prud’hommes de RIOM en septembre 2022 pour obtenir le paiement de ses jours de grève par la société DACHSER FRANCE. Ils invoquent également l’atteinte à l’intérêt collectif de la profession, représentée par l’Union Départementale des syndicats CGT du Puy-de-Dôme, imputable à la société DACHSER FRANCE.

La société DACHSER FRANCE rétorque que le licenciement pour motif disciplinaire du salarié n’est nullement discriminatoire, car sans lien avec l’exercice du droit de grève, d’une activité syndicale ou du droit d’ester en justice, mais fondé sur les seules fautes commises par Monsieur [J] [MP] telles que mentionnées dans la lettre de licenciement.

En droit civil, on a coutume de dire que le juge des référés est le juge de l’évidence. Un tel axiome ou adage peut correspondre effectivement aux dispositions de l’article R. 1455-5 du code du travail (‘aucune contestation sérieuse’). Il correspond peut-être moins aux dispositions de l’article R. 1455-6 du code du travail, mais pour relever sa compétence dans ce cadre, le juge prud’homal des référés doit néanmoins préalablement faire le constat d’une situation manifeste de violation de la loi ou d’atteinte à une liberté fondamentale ou à un droit protégé, telle que l’atteinte au droit de grève, à la liberté syndicale, au droit d’ester en justice, au droit syndical.

Le juge des référés n’a en principe pas le pouvoir d’ordonner l’annulation d’une sanction disciplinaire irrégulière, notamment sur le seul fondement de l’urgence qui implique l’absence de contestation sérieuse (article R. 1455-5 du code du travail), mais il recouvre son pouvoir d’annulation à titre provisoire, pour rétablir le salarié dans ses droits, en cas de trouble manifestement illicite (article R. 1455-6 du code du travail).

La compétence du juge prud’homal des référés pour faire cesser le trouble manifestement illicite allégué implique que la cour apprécie si les agissements reprochés à l’employeur constituent une atteinte manifeste au droit de grève ou à l’exercice normal du droit de grève, à la liberté syndicale, au droit d’ester en justice, au droit syndical.

Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, il appartient au juge des référés, même en présence d’une contestation sérieuse, de mettre fin au trouble manifestement illicite que constitue toute sanction prononcée à l’encontre d’un salarié gréviste auquel une faute lourde ne peut être reprochée. La compétence du juge des référés pour mettre un terme à une sanction disciplinaire portant atteinte à l’exercice normal du droit de grève a été réaffirmée par l’assemblée plénière de la Cour de cassation. Dès lors que le juge des référés est compétent pour faire cesser le trouble manifestement illicite que constitue le licenciement ou la sanction d’un salarié gréviste en l’absence de faute lourde, il lui appartient de rechercher si le comportement imputé au salarié est ou non constitutif d’une faute lourde. La compétence du juge des référés pour faire cesser le trouble manifestement illicite que constitue la sanction disciplinaire prononcée à l’encontre d’un salarié gréviste en l’absence de faute lourde implique en conséquence qu’il apprécie si les agissements reprochés au salarié constituent ou non une faute lourde.

De façon plus générale, il appartient au juge des référés, même en présence d’une contestation sérieuse, de mettre fin au trouble manifestement illicite que constitue le licenciement d’un salarié en raison de ses activités syndicales, de l’exercice du droit de grève ou du droit d’ester en justice.

Le juge prud’homal des référés doit apprécier si les éléments qui lui sont soumis, laissent supposer l’existence d’une discrimination et notamment le prononcé d’un licenciement pour des motifs qui ne sont pas sérieux et dans l’affirmative, rechercher si l’employeur apporte des éléments objectifs de nature à justifier que ses décisions sont étrangères à toute discrimination.

En l’espèce, la procédure de licenciement pour motif disciplinaire a été engagée le 21 octobre 2022 à l’encontre de Monsieur [MP].

À la lecture de la lettre de licenciement du 10 novembre 2022, la cour constate que Monsieur [MP] aurait été licencié pour motif disciplinaire, c’est-à-dire pour faute.

Dans ce courrier, la société DACHSER FRANCE reproche au salarié d’avoir manqué à deux reprises à son obligation de sécurité et ce, en violant délibérément des consignes ou règles de sécurité dans les circonstances suivantes :

– le 3 octobre 2022, sur le site de [Localité 4], être passé, sans autorisation, sous une barrière déroulante qui sert à interdire le passage des salariés vers une zone dangereuse de travail située sur le quai de déchargement ;

– le 13 octobre 2022, sur le site de [Localité 4], avoir ouvert le rideau de la porte de quai 137, sans autorisation, afin de saluer un collègue (Monsieur [Z]), alors qu’aucun véhicule ou moyen n’était à quai afin d’éviter les risques de chute du quai.

Dans la lettre de licenciement, l’employeur invoque la violation par le salarié de l’article 13 (‘prévention et sécurité’), notamment en son alinéa 8 (‘circulation’), du règlement intérieur ainsi que du mode opératoire remis en date du 23 février 2021.

Il apparaît qu’à l’époque considérée, des tensions assez fortes existaient au sein du site de [Localité 4], qui employait environ 100 salariés dont 75 agents de quai, dans le cadre d’un conflit social opposant certains salariés et syndicat(s) à la direction.

Plusieurs salariés ([O]-[HA]-[W]-[I]- [P]…) évoquent dans des attestations, sans mentionner la situation particulière de Monsieur [MP], ce conflit social en rapport avec la dégradation des conditions de travail, des tensions et pressions imputables à la direction, des divergences sur des questions de sécurité.

En 2021-2022, la représentation collective du personnel avait évoqué des problèmes de sécurité au travail, notamment sur les quais, mais également des revendications en matière de rémunération.

Le lundi 22 septembre 2021, certains salariés de l’établissement de [Localité 4] de la SAS DACHSER FRANCE, dont Monsieur [MP], ont exercé leur droit de grève. Ils ont ensuite repris le travail le 16 novembre suivant. Monsieur [MP] n’a pas été rémunéré par l’employeur pendant cette période de grève.

Le 29 septembre 2022, certains salariés de l’établissement de [Localité 4] de la SAS DACHSER FRANCE, dont Monsieur [MP], ont de nouveau exercé leur droit de grève. Monsieur [MP] n’a pas été rémunéré par l’employeur pour la journée du 29 septembre 2022.

Vu les pièces versées aux débats, il apparaît que ces mouvements de grève n’étaient pas principalement liés à des questions de sécurité, notamment sur les quais, mais plutôt à des revendications salariales, avec dénonciation, en outre, de la dégradation des conditions de travail et des discriminations dont seraient victimes les élus et salariés CGT.

Monsieur [C], salarié de l’entreprise, atteste que Monsieur [MP] était très attentif aux questions de sécurité et très respectueux des consignes en la matière, alertant même sa hiérarchie lorsqu’il constatait un risque pour la sécurité. Le témoin considère que les deux griefs mentionnés dans la lettre de licenciement de Monsieur [MP] sont futiles et que les faits commis par ce dernier n’étaient pas de nature à créer un problème de sécurité sur le site. Il estime que l’employeur a usé d’un faux prétexte pour licencier Monsieur [MP].

Monsieur [X], salarié de l’entreprise, atteste que d’autres salariés passaient à l’époque sous la barrière déroulante sans être particulièrement sanctionnés. Il estime que l’employeur a usé d’un faux prétexte pour licencier Monsieur [MP] qui faisait partie de ceux qui dénonçaient de mauvaises conditions de travail.

Monsieur [Z], délégué syndical et élu du comité social et économique (commission sur la sécurité) de l’entreprise, atteste que tous les salariés grévistes ont subi des pressions de la part de la direction. Il considère que l’employeur a décidé de licencier certains salariés grévistes pour sanctionner leur participation à une action collective de dénonciation des mauvaises conditions de travail. Il estime que les faits reprochés à Monsieur [MP] ne sont pas sérieux et ne constituent qu’un faux prétexte de licenciement.

Madame [N] atteste avoir subi des pressions de la part de la direction du fait de sa participation au mouvement de grève pour finalement être licenciée pour ce seul motif réel. Toutefois, les pièces versées aux débats font apparaître que cette salariée a fait l’objet d’une procédure de licenciement pour motif disciplinaire en janvier 2022, soit à une époque antérieure, pour des griefs liés à la sécurité au travail mais également du fait de son comportement à l’égard de sa supérieure hiérarchique.

Les appelants communiquent une photo qui n’est pas en mesure d’éclairer la cour sur la question de la barrière, d’autant que la société DACHSER FRANCE conteste que le lieu photographié soit celui mentionné dans la lettre de licenciement et produit ses propres photographies.

L’employeur justifie avoir remis en main propre à Monsieur [MP] le 23 février 2021 des documents sur de nouvelles consignes de sécurité concernant la circulation sur le quai, notes contenant notamment des interdictions de traversée ainsi que le mode opératoire d’ouverture des portes et rideaux de quai.

Entre juin et juillet 2022, Monsieur [MP] a demandé et obtenu de l’employeur de s’absenter du travail pour participer à des formations organisées par la CGT en octobre et novembre 2022.

Monsieur [A], responsable production manutention de l’entreprise, atteste avoir constaté le 3 octobre 2022 que Monsieur [MP] a délibérément enfreint une consigne de sécurité en passant sous une barrière d’interdiction de passage au lieu de passer par une zone sécurisée.

La société DACHSER FRANCE produit de nombreux documents sur ses actions et consignes matière de sécurité sur le site ainsi que sur la négociation collective au sein de l’entreprise et de l’établissement.

La société DACHSER FRANCE justifie avoir licencié d’autres salariés qui, selon l’employeur, n’auraient pas tous participé aux mouvements de grève, pour des manquements à des consignes (Monsieur [B] en juin 2021 / Monsieur [K] en septembre 2021 / Monsieur [M] en octobre 2022). Elle justifie également des démissions, par courrier sans mention particulière, de Monsieur [HA] en décembre 2022, de Madame [BK] en juin 2022, de Monsieur [I] en octobre 2022, tous agents de quai.

Madame [P] [F] a été licenciée pour inaptitude le 5 octobre 2022.

Monsieur [X] a été licencié pour faute grave le 4 novembre 2022 et ce, pour avoir renversé et blessé une autre salariée en ne respectant pas des consignes de sécurité.

Monsieur [U] a été licencié le 16 novembre 2022 pour avoir endommagé des palettes et manqué à des consignes de sécurité.

Environ un an après le mouvement de grève précité de 2021 (pas de justification de la date précise de saisine mais les requérants mentionnent septembre 2022), plusieurs salariés de la société DACHSER FRANCE, dont Monsieur [MP] ([S]-[Y]-[C]-[R]-[L]-[E]-[Z]-[D]-[H]-[V]-[BK]-[HA]-[MP]), ont saisi le conseil de prud’hommes de RIOM aux fins de voir l’employeur condamner à leur verser des dommages-intérêts, notamment pour une mouvement de grève imputable aux fautes de l’employeur et entrave à l’exercice du droit de grève.

Toute sanction disciplinaire doit être régulière, fondée et proportionnée. Le licenciement pour motif disciplinaire d’un salarié doit être fondé sur une cause réelle et sérieuse. Aucun salarié ne peut être sanctionné pour un motif discriminatoire.

Monsieur [MP] a fait l’objet d’un licenciement pour faute dans le cadre d’une procédure disciplinaire apparemment classique. La lettre de licenciement mentionne deux griefs précis et circonstanciés concernant la violation de consignes de sécurité. Cette lettre ne fait aucune allusion au fait que le salarié ait pu participer à un mouvement de grève, pas plus qu’à l’engagement syndical de Monsieur [MP], ni au fait que ce dernier ait saisi, comme d’autres salariés de l’entreprise, le conseil de prud’hommes en septembre 2022 pour voir condamner la société DACHSER FRANCE. La cour ne trouve aucune trace de reproches ou griefs formulés, directement ou indirectement, par l’employeur, ou la hiérarchie du salarié, à l’encontre de Monsieur [MP] en raison de l’exercice du droit de grève, d’une activité syndicale ou du droit d’ester en justice.

Il convient donc d’étudier plus largement le contexte.

Monsieur [MP] ne conteste pas avoir commis les faits mentionnés dans la lettre de licenciement mais les appelants soutiennent que ces griefs sont futiles, en tout cas sans aucune gravité, et ne constituent qu’un faux prétexte.

Toutefois, il apparaît que l’employeur avait édicté des consignes de sécurité précises, en rapport avec les faits reprochés au salarié dans la lettre de licenciement, et que ces consignes avaient été portées préalablement à la connaissance de Monsieur [MP].

Les appelants mentionnent, à juste titre, que l’employeur ne fait état d’aucun passé disciplinaire concernant Monsieur [MP] et que des témoins ont indiqué que d’autres salariés avaient, sans autorisation expresse, franchi la barrière déroulante ou ouvert le rideau de la porte de quai, en violation de prétendues consignes de sécurité, sans pour autant être sanctionnés disciplinairement, en tout cas sans être licenciés pour ce seul motif.

Un fait fautif isolé peut justifier un licenciement sans avoir donné lieu à un avertissement préalable, sauf si une clause du règlement intérieur, lequel s’impose à l’employeur et au juge, prévoit expressément le contraire. Un licenciement pour motif disciplinaire peut donc être fondé sur une cause réelle et sérieuse sans que le salarié concerné n’ait nécessairement un passé (ou passif) disciplinaire.

L’employeur est, en principe, libre de choisir la sanction qui lui paraît adaptée au comportement fautif du salarié. Ainsi, sauf détournement de pouvoir ou discrimination, il peut, en vertu de son pouvoir d’individualisation des mesures disciplinaires, sanctionner différemment les salariés ayant commis ou participé à une même faute ou ne pas sanctionner l’un d’entre eux.

En l’espèce, sans contester que d’autres salariés aient pu commettre les mêmes faits, la société DACHSER FRANCE fait valoir qu’elle a sanctionné les salariés qui, comme Monsieur [MP] selon elle, ont délibérément, et non par simple inattention, enfreint les consignes de sécurité. L’employeur justifie avoir licencié pour motif disciplinaire plusieurs salariés à la même époque que Monsieur [MP] pour des manquements délibérés à des consignes de sécurité. La société DACHSER FRANCE soutient que certains de ces salariés licenciés n’avaient ni participé à un mouvement de grève ni manifesté d’activité syndicale particulière, ce que les appelants ne réfutent pas et que la cour n’est pas en mesure de vérifier vu les seules pièces versées aux débats.

S’agissant de la gravité ou non, voire de la futilité, des faits reprochés à Monsieur [MP] dans la lettre de licenciement, la cour peut seulement constater en l’état que des salariés et élus se plaignaient à l’époque considérée des risques pour la sécurité au sein de l’entreprise, notamment dans le secteur des quais, et que l’employeur a été conduit à renforcer les consignes de sécurité en la matière.

Monsieur [MP] a participé à deux mouvements de grève avant d’être licencié. Toutefois, le seul mouvement d’ampleur (le second n’a concerné qu’une journée) s’est déroulé de septembre à novembre 2021, alors que procédure disciplinaire n’a été engagée à l’encontre de Monsieur [MP] qu’en octobre 2022.

Il n’est pas contesté qu’à l’époque considérée, Monsieur [J] [MP] n’était pas un salarié protégé (ni élu ni délégué syndical) et n’avait pas de mandat syndical particulier. Les seules pièces produites ne permettent pas de caractériser pour Monsieur [J] [MP] un engagement syndical ou des activités syndicales intenses ou même notables, encore moins remarquables ou remarquées par l’employeur. Si Monsieur [J] [MP] a demandé en 2022 à participer à des formations organisées par le syndicat CGT, l’employeur n’a fait ni remarque ni objection ni réserve pour accepter , et ce avant l’engagement de la procédure disciplinaire, que le salarié s’absente de son travail dans ce cadre.

Si Monsieur [MP] a saisi en septembre 2022 le conseil de prud’hommes de RIOM afin de voir l’employeur condamner à lui verser des dommages-intérêts dans le cadre du mouvement de grève de septembre-novembre 2021, il n’était pas le seul et il n’apparaît pas en l’état que les autres salariés ayant saisi la justice prud’homale dans le même cadre, en tout cas une partie importante d’entre eux, auraient fait l’objet d’une procédure disciplinaire peu après.

En l’espèce, la cour, statuant en la matière des référés, ne relève ni que le licenciement pour motif disciplinaire de Monsieur [MP] serait manifestement sans cause réelle et sérieuse, ni que ce licenciement serait manifestement discriminatoire comme en rapport avec la participation du salarié à un mouvement de grève, ou en lien avec sa participation à des activités syndicales, ou en rapport avec la saisine par Monsieur [MP] du conseil de prud’hommes de RIOM en septembre 2022, ou comme visant à porter atteinte à l’intérêt collectif de la profession représentée par l’Union Départementale des syndicats CGT du Puy-de-Dôme.

Vu l’absence de constat d’un trouble manifestement illicite, la cour ne saurait statuer en matière de référé sur les demandes des appelants, notamment celles visant à annuler (ou suspendre) le licenciement de Monsieur [MP] et à ordonner sa réintégration, ces prétentions relevant de la compétence du juge du fond et non du juge prud’homal des référés.

‘ Les demandes de provision, sur rappel de salaire et dommages-intérêts, sont sollicitées par Monsieur [MP] et l’Union Départementale des syndicats CGT du Puy-de-Dôme sur le même fondement de l’existence d’un trouble manifestement illicite, ce que la cour n’a pas retenu.

‘ En tout état de cause, vu les attendus qui précèdent, les demandes de Monsieur [MP] et de l’Union Départementale des syndicats CGT du Puy-de-Dôme se heurteraient à l’existence d’une contestation sérieuse sur le fondement de l’article R. 1455-7 du code du travail ou de l’article R. 1455-5 du même code.

‘ En conséquence, l’ordonnancé déférée sera confirmée en ce que la formation de référé du conseil de prud’hommes de RIOM a dit n’y avoir lieu à référé.

– Sur les dépens et frais irrépétibles –

La décision déférée sera confirmée en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

Monsieur [MP] et l’Union Départementale des syndicats CGT du Puy-de-Dôme, qui succombent au principal en leur recours, seront condamnés aux entiers dépens d’appel.

En équité, il n’y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, en matière de référé, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

– Confirme l’ordonnance déférée ;

– Condamne Monsieur [MP] et l’Union Départementale des syndicats CGT du Puy-de-Dôme aux dépens d’appel ;

– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN

 


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