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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 59A
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 NOVEMBRE 2023
N° RG 22/04894 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VKZD
AFFAIRE :
Mme [M] [Y] épouse [D]
C/
M. [W] [U]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Avril 2022 par le Tribunal de proximité de BOULOGNE BILLANCOURT
N° RG : 1121000701
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 07/11/23
à :
Me Stéphanie CHANOIR
Me François AJE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [M] [Y] épouse [D]
née le 17 Mai 1974 à [Localité 5] – MAROC
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Maître Stéphanie CHANOIR, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 143
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/005033 du 10/06/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)
APPELANTE
****************
Monsieur [W] [U]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Maître François AJE de l’AARPI ALL PARTNERS-AJE LENGLEN LAWYERS, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 413
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 Juin 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
M. [U] est un biographe professionnel inscrit au SIREN en qualité de profession libérale. Par un courrier électronique du 24 juillet 2017, M. [U] indique à Mme [D] :
« Le montant de ma prestation est de 1800 € payable en trois fois : 500 € au 4 ème rdv, 500 € au 8 ème rendez-vous, 800 euros au rendu du manuscrit. Je ne fournis u ne facture qu’à la fin du travail.
Je vous propose de vous recevoir à mon domicile par entretien de trois heures ‘ de façon à ne pas trop multiplier vos déplacements
Des frais d’impression sont à prévoir mais vous pouvez aussi utiliser la clef USB que je vous remettrai d’une autre façon’. »
Par acte de commissaire de justice délivré le 12 novembre 2021, Mme [D] a assigné M. [U] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt aux fins de:
prononcer la résolution du contrat formalisé par la facture du 5 mars 2019 et précisé par le mail du 24 juillet 2017 sur le fondement de l’article 1217 du code civil,
condamner M. [U] à lui rembourser la somme de 1 000 euros majorée des intérêts légaux à compter de la mise en demeure adressée le 13 janvier 2021 ou, à défaut, de la décision à intervenir,
condamner M. [U] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral,
condamner M. [U] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de la résistance abusive,
ordonner la capitalisation des intérêts,
condamner M. [U] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique,
condamner M. [U] aux entiers dépens.
Par jugement contradictoire du 7 avril 2022, le tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt a:
‘ débouté Mme [D] de sa demande en résolution du contrat la liant à M. [U],
débouté par voie de conséquence, Mme [D] de ses demandes en remboursement et de ses demandes indemnitaires,
‘ condamné Mme [D] aux entiers dépens de l’instance,
‘ condamné Mme [D] à payer à M. [U] une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
‘ rappelé que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Par déclaration reçue au greffe en date du 27 juillet 2022, Mme [D] a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 9 juin 2023, elle demande à la cour de :
recevoir Mme [D] en son appel et la déclarer bien fondée,
infirmer le jugement du tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt du 7 avril 2022 en ce qu’il a :
débouté Mme [D] de sa demande en résolution du contrat la liant à M. [U],
débouté par voie de conséquence Mme [D] de ses demandes en remboursement et de ses demandes indemnitaires,
condamné Mme [D] aux entiers dépens,
condamné Mme [D] à verser à M. [U] une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
prononcer la résolution du contrat formalisé par la facture du 5 mars 2019 et précisé par le mail du 24 juillet 2017 sur le fondement de l’article 1217 du code civil,
condamner M. [U] à lui rembourser la somme de 1 000 euros majorée des intérêts légaux à compter de la mise en demeure adressée le 13 janvier 2021 ou, à défaut, de la décision à intervenir,
condamner M. [U] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre du préjudice moral,
condamner M. [U] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de la résistance abusive,
condamner M. [U] à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice causé par les propos diffamatoires et insultants de son épouse qu’il produit et relaie en page 10 de ses écritures,
ordonner le retrait des écritures de M. [U] de la citation entre guillemets de l’attestation de son épouse (page 10), et de la phrase dans laquelle il prétend que l’appelante se livre à « de man’uvres procédurales ‘effectuées au bénéfice de l’aide juridictionnelle » (page 12),
ordonner la capitalisation des intérêts,
condamner M. [U] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique,
condamner M. [U] aux entiers dépens,
débouter M. [U] de toutes ses demandes fins et conclusions contraires.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 31 mai 2023, M. [U], intimé, demande à la cour de :
recevoir l’intégralité des moyens et prétentions formulés par M. [U],
En conséquence, à titre principal,
dire et juger n’y avoir lieu à restitution d’une quelconque somme au bénéfice de Mme [D], en raison du parfait accomplissement par M. [U] de ses engagements contractuels,
confirmer le jugement rendu par le Tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt le 7 avril 2022 en ce qu’il a :
débouté Mme [D] de sa demande en résolution du contrat la liant à M. [U],
débouté par voie de conséquence, Mme [D] de ses demandes en remboursement et de ses demandes indemnitaires,
condamné Mme [D] aux entiers dépens de l’instance,
condamné Mme [D] à payer à M. [U] une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
A titre subsidiaire,
juger n’y avoir lieu au paiement d’une quelconque somme au bénéfice de Mme [D] et ce à raison de la compensation des obligations de restitutions réciproques des parties.
En tout état de cause,
débouter Mme [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
condamner Mme [D] au paiement d’une somme de 3000 euros au titre de l’abus de droit d’agir en justice imputable à son endroit,
condamner Mme [D] au paiement d’une somme de 4000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,
condamner Mme [D] aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 1er juin 2023.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la résolution contractuelle
Sur les manquements contractuels
Mme [D], appelante, fait grief au premier juge de l’avoir déboutée de sa demande de résolution d’un contrat intervenu entre elle et M. [U], sur le fondement des dispositions des articles 1217 et suivants du Code civil.
Elle sollicite l’infirmation du jugement déféré et le remboursement de la somme de 1 000 euros versée à M. [U].
M. [U] soutient que l’appelante s’est rendue responsable d’une rupture abusive de la relation contractuelle les unissant.
Il indique que l’appelante a mis un terme à la relation contractuelle les unissant sans mise en demeure préalable, contrairement aux dispositions de l’article 1226 du Code civil
Il demande à la Cour de dire n’y avoir lieu à résolution judiciaire de la convention liant les parties, aucun manquement contractuel ne pouvant être caractérisé, ni lui être imputable.
Sur ce,
Il est établi que Mme [D] s’est en 2017 rapprochée de l’association NPI ” Nègres pour inconnus “, laquelle a pour objet de mettre en relation des biographes professionnels avec des particuliers désireux de voir écrire leur biographie.
Elle s’est alors mise en relation avec M. [W] [U], écrivain-biographe professionnel référencé par l’association NPI.
Les parties sont convenues du paiement d’une somme forfaitaire de 1 800 euros en contrepartie de la prestation réalisée par M. [U], correspondant à 20 entretiens d’une heure suivis de deux heures d’écriture, soit 60 heures de travail au taux horaire de 30 euros, tel que cela résulte d’un courriel adressé par M. [U] le 24 juillet 2017 à Mme [D].
Des difficultés sont par la suite apparues lors de l’envoi d’une version retravaillée de l’ouvrage rédigé par M. [U], au motif qu’il n’aurait pas respecté ses engagements.
Une tentative de conciliation a été menée par M. [P] [R], conciliateur de justice nommé par ordonnance du premier président de la cour d’appel de Paris. Ce dernier a constaté l’échec de sa tentative de conciliation le 12 octobre 2021.
Il ressort du procès-verbal de tentative de conciliation que M. [U] avait proposé dans le cadre d’un rapprochement la restitution d’une somme de 500 euros à Mme [D] et avait accepté de renoncer au paiement des sommes lui restant dues par l’appelante, aux termes d’une facture du 5 mars 2019, faisant apparaître un solde restant dû d’un montant de 631,91 euros.
Cette proposition faite par M. [U] de renoncer à la somme globale de 1 131,91 euros n’a pas été jugée satisfaisante par l’appelante.
L’article 1217 du Code civil dispose que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :
– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
– solliciter une réduction du prix ;
– provoquer la résolution du contrat ;
– demander réparation des conséquences de l’exécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.
Aux termes de l’article 1227 du Code civil : ” La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice. ”
Aux termes de l’article 1104 du Code civil : ” Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public. ”
Aux termes de l’article 1103 du Code civil : ” Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. ”
Les parties ont d’un commun accord validé le principe d’une prestation à réaliser par M. [U] pour un montant total de 1 800 euros, défini selon courrier du 24 juillet 2017
L’appelante s’est acquittée de la somme globale de 1000 euros.
Mme [D] allègue l’existence d’une obligation à la charge de M. [U], portant sur la rédaction d’un nombre de pages prédéfini qu’il n’aurait pas remplie pour ne pas s’acquitter du solde lui restant dû et pour solliciter le remboursement des sommes versées dans le cadre de la résolution du contrat qu’elle sollicite.
Il ressort des pièces versées que les obligations convenues consistaient en la réalisation de divers entretiens au domicile de M. [U], lequel devait effectuer un travail de reformulation, de correction, de mise en forme et de rédaction qui s’est accompagné de nombreux échanges téléphoniques et courriels ayant abouti à l’élaboration d’un recueil de 56 pages.
Ces prestations ont représenté un volume horaire de 38 heures non contesté par les parties.
Il est relevé que le courriel du 24 juillet 2027 matérialisant la relation contractuelle ne fait mention d’aucun objectif en termes de nombre de pages, ni même la facture établie par M. [U] le 5 mars 2019 qui ne mentionne que les heures considérées comme facturables par M. [U] et non le volume horaire effectivement consacré à cet ouvrage, lequel excède le volume de 38 heures retenu.
Il est établi que le tarif horaire moyen d’un biographe professionnel oscille entre 40 et 70 euros de l’heure, soit pour une volume de travail de 38 heures, une rémunération comprise entre 1 520 et 2 660 euros, très au-dessus des 1 000 euros seulement acquittés par Mme [D].
Il se déduit de ce qui précède que les échanges produits par Mme [D] ne sont pas de nature à établir un impératif contractuel consistant en la rédaction de 200 pages par comparaison avec le contenu du courriel du 21 juillet 2017 qui est seul de nature à permettre de déterminer les prestations attendues de part et d’autre.
Mme [D] ne peut se prévaloir des propositions faites dans le cadre d’une tentative de conciliation qu’elle a refusées, comme étant l’aveu d’un manquement de M. [U].
L’appelante reproche ensuite à l’intimé de n’avoir qu’imparfaitement retranscrit ses écrits et produit une pièce constituée des éléments rédigés par ses soins, puis adressés à M. [U].
Ces éléments transmis totalisent 69 pages dont il est justifié par les pièces produites qu’ils ont été profondément retravaillés et modifiés par M. [U] pour les valoriser en un document de 56 pages dont la prestation convenue consistait en un travail de reformulation, de correction et de mise en forme des éléments transmis Mme [D].
Il est relevé que ce travail a bien été réalisé, s’agissant du contenu des documents transmis par Mme [D] à M. [U].
Mme [D] reproche également à M. [U] de ne pas avoir retranscrit certains éléments de sa vie.
Outre qu’elle ne justifie pas en avoir fait la demande expresse à M. [U] alors que plusieurs échanges et rendez-vous ont eu lieu entre les deux parties, il est rappelé les termes du contrat selon lequel il devait apparaître un objectif de valorisation de sa personne, pouvant nécessiter que certains éléments de la vie de l’appelante ne fussent pas tous retranscrits.
Il ressort ainsi des échanges de courriels entre les parties que Mme [D] était régulièrement informée du travail réalisé, à l’occasion des rendez-vous réalisés au domicile de M. [U] et avait ainsi la faculté de lui demander de reprendre certains éléments si elle le souhaitait et estimait que l’objectif de valorisation confié n’était pas suffisamment rempli.
Ainsi, Mme [D] a été mise en mesure d’exprimer ses observations portant sur les prestations réalisées par M. [U], à l’occasion de cinq entretiens de trois heures chacun réalisés à son domicile les 6 septembre 2018, 4 octobre 2018, 30 octobre 2018, 13 décembre 2018, et 8 janvier 2019.
Il est, dès lors, retenu que les prestations réalisées par le M. [U] correspondent aux exigences des prestations proposées, ainsi qu’aux obligations convenues entre les parties et qu’aucune faute imputable à M. [U] n’est établie.
Sur l’imputabilité de la rupture contractuelle
M. [U] a indiqué dans un courriel du 2 mars 2019, ‘qu’il était nécessaire de ne pas alourdir inutilement la rédaction réalisée, tout en invitant l’appelante à lui indiquer les paragraphes complémentaires qu’elle souhaitait intégrer au projet transmis’.
En réponse à ce courriel, Mme [D] a mis unilatéralement un terme à sa relation avec M. [U] et n’est dès lors pas fondée à lui reprocher de n’avoir pas poursuivi son travail de rédaction, alors qu’elle est elle-même à l’origine de la rupture contractuelle, sans mise en demeure préalable et en l’absence de tout manquement avéré de M. [U].
En conséquence, c’est à juste titre que le premier juge a débouté Mme [D] de sa demande en résolution du contrat la liant à M. [U], et par voie de conséquence, de ses demandes en remboursement et de l’ensemble de ses demandes indemnitaires subséquentes. Le jugement déféré sera intégralement confirmé.
Sur l’indemnité procédurale et les dépens
Mme [D], qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens étant confirmées.
Il y a lieu en outre de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure et de la condamner à ce titre à payer à M. [U] la somme de 1500 euros sur le fondement de ces dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe de la première chambre B,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute Mme [M] [D] de la totalité de ses demandes,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne Mme [M] [D] à payer à M. [W] [U] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne Mme [M] [D] aux dépens d’appel lesquels seront recouvrés selon les dispositions concernant l’aide juridictionnelle.
– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,