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ARRET N°
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15 Novembre 2023
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N° RG 21/00253 – N° Portalis DBVE-V-B7F-CCTP
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E.P.I.C. OFFICE DE L’ENVIRONNEMENT DE LA CORSE
C/
[V] [B]
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Décision déférée à la Cour du :
09 novembre 2021
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’Ajaccio
19/00164
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Copie exécutoire délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS
APPELANTE :
E.P.I.C. OFFICE DE L’ENVIRONNEMENT DE LA CORSE prise en la personne de son représentant, son Président, domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 391 596 079
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Antoine GIOVANNANGELI, avocat au barreau d’AJACCIO
Représentée par Me Liria PRIETTO, avocat au barreau d’AJACCIO
INTIMEE :
Madame [V] [B]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Joëlle GUIDERDONI, avocat au barreau d’AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 mai 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame JOUVE, Président de chambre,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur JOUVE, Président de chambre
Madame COLIN, Conseillère;
Monsieur BRUNET, Conseiller
GREFFIER :
Madame CARDONA, Greffière lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023
ARRET
– Contradictoire
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
– Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambrefaisant fonction de président et par Madame TEDESCO, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
Madame [V] [B] a été recrutée par l’office de l’environnement de la Corse en qualité d’agent pastoraliste, catégorie A 2, échelon 3, indice 131 à la date du 1er février 2011 sous contrat à durée indéterminée.
En date du 12 novembre 2012, l’ensemble des agents pastoralistes sans distinction de qualification d’ancienneté, été réajusté en catégorie A1 avec effet au 30 juin 2011 sur la base d’une décision prise à l’occasion de la commission de suivi des carrières 2010.
En janvier 2018 à la faveur d’une réorganisation de l’office de l’environnement de la Corse Madame [V] [B] a été affecté sur un poste de responsable de pôle thématique.
Elle n’a pas bénéficié d’une réévaluation d’indice.
Dans la perspective d’une nouvelle réunion de la commission de suivi des carrières de l’établissement et n’ayant connu aucune évolution depuis son embauche, l’intéressée a signalé sa situation auprès d’organisation syndicale.
Suite à la réaction de sa hiérarchie consécutive à cette saisine, Madame [V] [B] a été placé en arrêt de travail suite d’un accident de travail survenu le 12 septembre 2018. Elle a dans le même temps saisi l’inspection du travail.
Elle a saisi le conseil de prud’hommes d’Ajaccio le 5 septembre 2019.
Elle a repris son travail le 15 septembre 2020.
Après l’échec de la tentative de conciliation, l’affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement où elle a été retenue pour plaidoirie à l’audience du 6 juillet 2021.
Par jugement contradictoire en date du 9 novembre 2021, le conseil de prud’hommes d’Ajaccio :
– s’est déclaré matériellement compétent,
– jugé Madame [V] [P] victime d’une atteinte au principe à travail égal salaire égal,
– ordonné le reclassement de Madame [V] [P] sur la grille en A+1, échelon 7,
– condamné l’office de l’environnement de la Corse, pris en la personne son représentant légal, à payer à Madame [V] [B] le montant des sommes suivantes :
40’000 € au titre de dommages-intérêts en réparation de l’entier préjudice,
2 000 €sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté Madame [V] [P] de ses demande du surplus,
– débouté l’office de l’environnement de la Corse de ses demandes,
– condamné l’office de l’environnement de la Corse, la personne son représentant légal, aux entiers dépens +-
PROCÉDURE D’APPEL :
Par déclaration électronique de son conseil reçue à la cour le 7 décembre 2021, l’office de l’environnement de la Corse a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.
Il a notifié ses dernières conclusions par voie électronique le 3 août 2022.
Madame [V] [B] a notifié ses dernières écritures par voie électronique le 26 octobre 2022.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 14 mars 2023 à laquelle elle a été plaidée et mise en délibéré au 18 octobre 2023 prorogé au 15 novembre 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
L’office de l’environnement de la Corse qui conclut à l’infirmation du jugement déféré,
* à titre liminaire,
– sollicite l’infirmation du jugement du conseil de prud’hommes d’Ajaccio en ce qu’il s’est déclaré matériellement compétent et son annulation pour le surplus,
-conclut à l’incompétence matérielle au profit du tribunal administratif de Bastia,
– sollicite que les parties soient renvoyées à mieux se pourvoir,
* à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour se déclarerait compétente,
– l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a :
a jugé Madame [V] [P] victime d’une atteinte au principe à travail égal salaire égal,
a ordonné le reclassement de Madame [T] sur la grille en A+1, échelon 7,
l’a condamné à payer la somme de 40’000 €,
l’a condamné aux frais irrépétibles et aux dépens,
l’a débouté de ses demandes,
– la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a débouté Madame [V] [B] du surplus de ses demandes,
en conséquence,
– le rejet de l’ensemble des demandes adverses,
– la condamnation de l’intimée à lui payer la somme de 3 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Madame [V] [B] sollicite :
– l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il :
a alloué la somme de 40’000 € à titre de dommages-intérêts,
l’a déboutée du surplus de ses demandes,
– la confirmation du jugement déféré sur les autres points,
en conséquence :
* in limine litis
– que la cour se déclare matériellement compétente,
– le constat que la violation des dispositions conventionnelles n’est pas prescrite,
– le constat que la demande de reconnaissance de la discrimination n’est pas prescrite,
en conséquence,
– le rejet des demandes adverses
* dès lors sur le fond,
– qu’il soit dit et jugé qu’elle n’a bénéficié d’aucun réajustement ni avancement de carrière (hors avancement automatique de l’ancienneté) depuis son embauche au sein de L’office de l’environnement de la Corse,
en conséquence,
– qu’il soit dit qu’elle est victime d’une discrimination sur l’évolution de carrière,
en conséquence,
– la condamnation de l’office de l’environnement de la Corse à lui verser les sommes suivantes :
5 000 € en réparation du préjudice causé par la violation des dispositions conventionnelles,
158 316 € à titre de dommages-intérêts (équivalent à la perte de salaire et congés payés) sur le fondement de l’article L 1132-1 du code du travail à parfaire au jour de la décision à intervenir,
10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
– la condamnation de l’office de l’environnement de la Corse de lui délivrer des bulletins de salaire rectifiés à compter du mois de janvier 2018 portant la qualification de Responsable du pôle thématiques ‘SITES ET TERRITOIRES’ et ce, sous astreinte de 50 € par jour et par document
– la condamnation de l’office de l’environnement de la Corse à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamnation de l’office de l’environnement de la Corse aux dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l’appel et la validité des écritures de l’appelante:
Interjeté dans les formes et délai de la loi, l’appel de l’office de l’environnement de la Corse sera déclaré recevable.
Sur la compétence matérielle du juge judiciaire:
L’office de l’environnement de la Corse soulève l’incompétence matérielle de la juridiction judiciaire au motif que le juge a la possibilité de requalifier son statut en celui d’établissement public administratif dans la mesure où sa qualification en établissement public industriel et commercial n’est pas d’origine légale mais réglementaire sachant que la loi n°91-428 du 13 mai 1991 qui l’a créé ne le précisait pas, au motif ensuite que, ainsi que l’a jugé la cour administrative de Marseille dans deux arrêts des 2 avril et 2 juillet 2019 ainsi que la cour d’appel de Bastia dans un arrêt du 17 février 2021, sa mission, l’essentiel de ses ressources et le statut de son personnel le font considérer comme un établissement public administratif et au motif enfin que Madame [V] [B] dans ses fonctions participe à l’exécution du service public.
L’intimée qui conclut à la confirmation sur ce point du jugement déféré, fait valoir que la qualification textuelle (en établissement public industriel et commercial) l’emporte avant toute application d’un quelconque critère jurisprudentiel de qualification, que s’agissant d’un EPIC le juge administratif ne serait compétent que pour statuer sur des actes manifestant l’exercice de prérogatives de puissance publique dont ne relève pas l’embauche individuelle d’un salarié, que recrutée sous statut privé, elle n’a jamais été titularisée et qu’enfin elle a exercé tout d’abord des fonctions de pastoraliste puis à partir de janvier 2018 de responsable de pôle ou d’unité présentant un caractère commercial puis de prestation de services, et ensuite à partir de septembre 2021 des fonctions purement administratives de rédaction de notes de synthèse et de préparation d’arrêtés.
Aux fins de déterminer si le code du travail s’applique ou non aux contrats des agents d’un établissement public et partant la compétence du juge en cas de litige, la Cour de cassation (Soc. 24 juin 2014, n° 13-11.42) rappelle que, nonobstant la qualification donnée par les parties à la convention qui les lie, la juridiction saisie doit rechercher si l’établissement concerné doit être qualifié d’administratif (EPA) ou d’industriel et commercial (EPIC), la distinction entre les deux caractères devant s’apprécier au regard de son objet, de l’origine de ses ressources et de ses modalités de fonctionnement.
Ainsi en l’espèce, bien que les décisions des juridictions administratives n’aient pas, à l’instar de celles rendues par les juridictions judiciaires, d’autorité de chose jugée erga omnes, il convient d’apprécier si le raisonnement développé par le juge administratif peut recevoir application dans le cadre de la présente instance.
L’office de l’environnement de la Corse, tout en étant défini à l’article 1er de ses statuts comme un établissement public à caractère industriel et commercial, a été institué par la collectivité territoriale de Corse pour assurer, en matière d’environnement, ‘la protection, la mise en valeur, la gestion, l’animation et la promotion du patrimoine de la Corse’.
Ses missions, outre l’origine majoritairement publique des ressources de l’office, son aptitude à recevoir des délégations de maîtrise d’ouvrage et la proximité entre le statut de son personnel et celui de la fonction publique, ont conduit la cour administrative d’appel de [Localité 4] dans un arrêt rendu le 2 avril 2019 à qualifier cet organisme d’établissement public à caractère administratif.
Comme la cour d’appel de Bastia l’a déjà jugé dans un arrêt de la présente chambre sociale rendu le 17 février 2021, il convient, à nouveau, d’adopter cette pertinente analyse.
Reste alors à examiner la nature des fonctions exercées par Madame [V] [B] étant précisé préalablement que ne sont pas déterminants au regard de la compétence juridictionnelle ni la qualification donnée par les parties au contrat de travail si elle contrevient à des règles d’ordre public, ni le fait que l’intéressée n’ait pas été titularisée, le statut d’agent contractuel pouvant relever du droit public.
L’intéressée soutient à tort qu’à compter de son embauche en février 2011 jusqu’en juillet 2018, elle a rempli, dans le cadre de son poste de pastoraliste,
des missions commerciales.
En effet, les conseils et l’assistance technique qu’elle a apportés aux professionnels de l’agriculture et de l’élevage sont tout à fait en adéquation avec la mission de service public de protection, mise en valeur, gestion, animation et promotion du patrimoine de la Corse. Plus précisément, elle était chargée de missions techniques et scientifiques relatives à l’aménagement de l’espace rural dans le but de prévenir et de prévoir le risque incendie, et également d’instruire les mesures agroenvironnementales territorialisée dans les secteurs du Valinco, du Sartenais et du Taravo, missions de service public entrant le domaine d’intervention de l’office de l’environnement de la Corse qui comporte la protection des espaces et des équilibres naturels, la protection et la gestion des espèces animales et végétales insulaires et endémiques, la prévention contre l’incendie, la promotion de la qualité de vie (qualité de l’air, de l’eau, qualité des paysages, aménagement de l’espace). Nommée en 2017 au poste d’assistante principale du service pastoralisme, protection et valorisation des territoires sa mission était, dans la même optique, chargée de gérer, coordonner et enrichir la stratégie de protection des sites de l’établissement (inscrits, classés, grands sites) et d’apporter l’expertise environnementale de l’établissement à la mise en ‘uvre du PADDUC et des documents d’urbanisme.
Par ailleurs, il importe peu que ses interventions aient pu donner lieu à redevances dans la mesure où il est patent que l’essentiel des revenus de l’organisme employeur provient de subventions publiques.
Son activité à partir du mois de janvier 2018 en qualité de responsable de pôle ou d’unité ne modifie pas les données du problème, puisque chargée de missions d’expertises scientifiques et techniques quant aux éventuels impacts environnementaux des projets d’aménagement, elle participe par son assistance à l’action de l’Office dans la réalisation des buts qui lui sont assignés.
Il en est de même à partir de septembre 2021, par l’accomplissement de tâches consistant en la rédaction de notes de synthèse et de préparation de l’arrêté de renouvellement des membres du Conseil des sites, taches certes administratives mais toujours en lien direct avec les missions d’intérêt général relevant de la compétence de son employeur.
En conséquence, il convient d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, de constater que l’affaire relève de la compétence de la juridiction administrative et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Aucune considération d’équité n’impose qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Ayant mal orienté son recours, Madame [V] [B] supportera les dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe de la cour le 15 novembre 2023,
– accueille l’office de l’environnement de la Corse en son appel,
– infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
– constate que l’affaire relève de la compétence de la juridiction administrative,
– renvoie les parties à mieux se pourvoir,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne Madame [V] [B] aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT